Nagisa Oshima (1932-2013)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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gnome
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Re: Nagisa Oshima

Message par gnome »

monk a écrit :Quand à la pendaison, vu à la même époque, les souvenirs sont beaucoup plus précis, parce que le film est bien meilleur je pense. Un des titres phares d'Oshima, indéniablement.
Bien meilleur, je ne sais pas. Beaucoup moins foutoir, beaucoup moins délirant et éclaté dans sa structure, certainement. Ce qui fait sa force aussi, c'est la clarté de son message, là où, il faut l'avouer Le journal d'un voleur de Shinjuku peut décontenancer.

Il est mort après la guerre est passionnant dans son jeu de faux semblants. Oshima était en grande forme et bénéficiait comme Wakamatsu et les autres d'une liberté artistique incroyable (parfois trop?) au sein de l'ATG.
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monk
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Re: Nagisa Oshima

Message par monk »

gnome a écrit : Il est mort après la guerre est passionnant dans son jeu de faux semblants. Oshima était en grande forme et bénéficiait comme Wakamatsu et les autres d'une liberté artistique incroyable (parfois trop?) au sein de l'ATG.
Pas vu :? Mais j'aimerais bien....
J'imagine qu'il n'existe aucune édition officielle (sous titrée) ?
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gnome
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Re: Nagisa Oshima

Message par gnome »

Je ne pense pas, non... :|
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Re: Nagisa Oshima

Message par Eigagogo »

bruce randylan a écrit :Le journal d'un voleur de Shinjiku (1969)

Dans le quartier de Shinjiku, un adolescent féru de littérature entame une relation avec une vendeuse de librairie qui l'a surprit en train de voler une œuvre de Jean Genet.
il faut absolument citer le nom du scénariste: Masao Adachi! ... Genet, le rituel du sang, le surréalisme .. des signes qui ne trompent pas quant à leur provenance ^^ Sa collaboration en triangle entre Wakamatsu et Oshima est vraiment très interressante à décortiquer, autant à l'aune de l'évolution/maturation de son univers que sur l'impact thématique qu'il aura sur ces réalisateurs.
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Re: Nagisa Oshima

Message par bruce randylan »

Eigagogo a écrit :
bruce randylan a écrit :Le journal d'un voleur de Shinjiku (1969)

Dans le quartier de Shinjiku, un adolescent féru de littérature entame une relation avec une vendeuse de librairie qui l'a surprit en train de voler une œuvre de Jean Genet.
il faut absolument citer le nom du scénariste: Masao Adachi! ... Genet, le rituel du sang, le surréalisme .. des signes qui ne trompent pas quant à leur provenance ^^ Sa collaboration en triangle entre Wakamatsu et Oshima est vraiment très interressante à décortiquer, autant à l'aune de l'évolution/maturation de son univers que sur l'impact thématique qu'il aura sur ces réalisateurs.
Oui, j'ai vu son nom au générique mais comme je le connais mal, je n'ai pas vu tout ça (je n'avais vu que 3 séances de ses réalisations lors de la rétro Wakamatsu).

Et sinon en effet Il est mort après la guerre (1970) est très bon.

Pas trop saisi où le cinéaste voulait en venir d'autant que la narration en miroir / boucle se devine rapidement mais il y règne un climat très étrange à la fois troublant, paranoïaque, anarchiste et kafkaien.
On devine un scénario personnel pour ne pas dire autobiographique dans ce portrait d'une génération de réalisateurs amateurs très militants pour qui le cinéma représente le moyen ultime d'expression (et de sensualité comme lorsque les images d'un projecteur glisse sur le corps dénudé d'une jeune fille). Mais Oshima a l'intelligence de prendre du recul pour regarder entre tendresse et moquerie les débats enflammés de cette troupe immature qui colle maladroitement une volonté du tout politique qui ne coïncide pas avec les dernières images filmés par un suicidaire ayant fait le gros saut depuis le toit d'un immeuble. D'où une fascination surréaliste pour l'un d'eux qui décide de nier jusqu'à l'existence de son ami décédé à cause de la pellicule imprimée qui ne contient rien des manifestations étudiantes. Il s'empresse alors de vouloir retrouver les lieux filmés pour se les accaparer. D'où une obsession qui le pousse en même temps dans les bras de la copine du mort. Ce parcours presque initiatique ne manque pas d'humour comme cette illustration littérale du cinéma guerilla :mrgreen:
Même chose pour le décalage de quelques dialogues comme la conversation avec le personnage central et ses amis dont celui qui devrait être mort ou encore le moment où les apprentis cinéastes parlent de leur influence : Masumura, Suzuki, Tai Kato (ça m'a surpris), Kiju Yoshida, Toshio Matsumoto, Imamura... et Oshima (le premier cité en fait :) )

Mais dans l'ensemble, le film est un joyau abstrait et hypnotique à la beauté époustouflante. Délaissant le scope pour le format carré des films amateurs, la photographie est une merveille absolue tandis que le sens du cadrage, des compositions de plans et le montage atteint des sommets. C'est vraiment ce choix des cadres qui transmet l'ambiance du film : espace vide, plongée inquiétante, très gros plan, caméra à l'épaule ou au contraire d'une fluidité parfaite, jeu sur les perspectives etc... Il y a clairement une volonté de retranscrire un univers mental qui fonctionne vraiment bien sans jouer la carte du baroque.

A part donc un propos opaque, c'est du tout bon (même si ça risque encore de faire grincer les dents de plusieurs.)
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Re: Nagisa Oshima

Message par gnome »

Content que tu aies aimé... C'est un film dont je ne me lasse pas... C'est plein de trouvailles. Puis, je trouve qu'il y en côté très ludique dans le scénario. J'ai bien envie de le revoir, là... :D
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Re: Nagisa Oshima

Message par bruce randylan »

Le journal de Yunbogi (1965)

Un court-métrage d'une vingtaine de minutes sous forme de "roman photo" (influence de la jetée ?) qui évoque la vie d'un jeune coréen après l'occupation japonaise de la seconde guerre mondiale.
Éminemment politique pour le genre de sujet que les japonais ont plutôt tendance à vouloir oublier, c'est un petit film que j'ai trouvé plus intéressant que réussi. Je trouve la narration assez maladroite avec un commentaire qui en rajoute trop dans le pathos, pour ne pas dire manipulation affective. De plus, le texte se voudrait assez poétique mais ne fonctionne pas.
L'autre problème vient que le film est construit à base de différentes photos qui n'ont pas été prises pour l'occasion. Il y a donc un côté bricolé pour faire émerger du sens qui la aussi ne fonctionne qu'à moitié.
Bref, si ce n'est l'aspect exercice de style, pas grand chose à garder. Dommage pour le sujet qui aurait mérité mieux.


A la tombée de la nuit (Akio Jissoji -1968)
Ce moyen métrage seulement écrit par Oshima est lui par contre une petite merveille.

C'est un huit clos se déroulant entièrement dans une chambre d'étudiant (soit une dizaine de m²) où 4 jeunes - 3 hommes et une fille - s'ennuient profondément dans la chaleur en attendant le crépuscule. Un mauvais geste provoque une fuite du gaz. Plutôt que de le réparer, ils proposent un jeu : le dernier à quitter la pièce gagne.

Une histoire prenant très bien écrite et structurée en 3 parties : l'ennui, le "jeu" et la révolte de la femme envers ses amis masculins qui prennent tout trop à la légère. Il y a une vraie tension qui ne fait que monter progressivement pour un sentiment de malaise palpable dans une ambiance poisseuse et vénéneuse. L'insouciance initiale laisse place à un mal-être qui explose dans la deuxième moitié pour une virulente satire d'une jeunesse qui ne croit en rien, ne se passionne pour rien et n'a plus plus aucun engagement quel qu'il soit.
La réalisation est en plus à la hauteur avec un des huit clos les plus maitrisé que j'ai pu voir. Le sens de l'espace et du cadrage est impressionnant d'invention avec des plans qui se font de plus en plus rapprochés au fur et à mesure que le jeu avance et que la chaleur se fait insoutenable. On ressent vraiment l'air suffocant et l'atmosphère pesante. Un travail d'orfèvre pour un jeune réalisateur qui avait travaillé jusque là pour la télévision.

En 45 minutes, Akio Jissoji offre un authentique chef d'œuvre virtuose, intense et intelligent qui est l'un des meilleurs vus pour le moment dans cette rétro ATG. Pas d'expérimentation ni d'avant garde mais une mise en scène implacable qui détourne habilement les contraintes du lieu qui pointe du doigt un problème générationnel.
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Re: Nagisa Oshima

Message par Eigagogo »

bruce randylan a écrit :A la tombée de la nuit (Akio Jissoji -1968)
J’avais été un peu déçu par celui là, la mise en scène est brillante mais j’attendais un truc plus experimental au vu de ses procédés scéniques et narratifs audacieux mis en œuvre dans ses films suivants (travelling rapides aux ras du sol, contre plongée tordues)(ma chronique). Curieux personnage que Jissoji qui tout au long de sa carrière à brassé à part égale, films d’auteur, films érotiques et films de super héros (voir même un opéra remakant la flute enchantée avec les personnages de ultraman). Un cauchemar pour nos amis des Cahiers :mrgreen:
Pour la retro ATG, ne pas manquer Orage Lointain et La ville en ruine, 2 films que j’ai vraiment bcp aimé. L’Homme est très interressant aussi (un peu trop long tout de même). L’empire des punks et Keiko sont très dispensables par contre.

Dédicace à la vieille en short de cycliste qui nous casse les couilles à allumer sa lumière toutes les 5 minutes pour prendre des notes. Et qui trouve le moyen de se plaindre aux vigiles que des spectateurs lui passe devant lors du générique final. :roll:
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Re: Nagisa Oshima

Message par bruce randylan »

C'est un peu Hideaki Anno donc ce Akio Jissoji :mrgreen:
D'ailleurs il y a cette semaine sur 1kult la critique de son marquis de sade (signé Sylvain)
http://www.1kult.com/2011/06/24/marquis ... o-jissoji/

Sinon, oui, l'homme est très bien (à part la fin - cf le topic Onibaba) ; orage lointain aussi (même si 2h15 n'était pas nécessaire) et en effet l'empire des punks c'est sans intérêt comme les disciples d'Hippocrate. Pas du tout accroché aussi à l'assassinat de Ryoma. Le tatoué, pourquoi pas
Les amoureux perdus et les aventures de Taro Kuroki sont plus recommandables par contre :D

Pas vu Keiko, j'ai préféré allé voir le Michael Curtiz à la cinémathèque. On dirait que j'ai bien fait. D'ailleurs si tout ce passe bien, ça sera le seul film que je devrais rater de cette rétro (en complétant avec quelques bootlegs :oops: )
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Re: Nagisa Oshima

Message par Alligator »

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http://alligatographe.blogspot.com/2011 ... -kiri.html

Nihon no yoru to kiri (Nuit et brouillard au Japon) (Nagisa Ôshima, 1960)

La jaquette vante les prouesses techniques de la mise en scène, avec ces longs plans séquences qui essaient de noyer le spectateur dans les débats politiques de ces étudiants communistes. C'est effectivement réussi : je ne suis pas sorti indemne, j'ai été très vite asphyxié par le flot continu du discours politique des nombreux personnages.

Sans aller jusqu'à réellement déconstruire le discours théorique et militant des communistes, comme s'y est attelé Wakamatsu récemment avec son "United Red Army", Nagisa Oshima tente d'explorer l'engagement politique et les facultés de chacun à varier ses positions et ses attitudes vis à vis de l'idéologie selon les circonstances.

Pour qui ne connait pas bien les évènements politiques japonais, les tenants et les aboutissants des mouvements progressistes des années soixante dans ce pays -ce qui est mon cas j'en ai bien peur- il devient difficile de voir clair dans tout l'imbroglio de l'intrigue. Et les longues discussions, ces longs plans séquences, ces nombreux et incessants changements d'intervenants ne facilitent pas du tout notre tâche. A la moitié du film, je commençais à croire que j'avais assisté jusque là à la mise en place d'un cluedo politique, mais il s'avère par la suite qu'il n'en est rien, que les intentions du film sont bien plus complexes que cela.

Autant vous dire que malgré tous mes efforts pour m'ouvrir à cette histoire, je me suis foutrement ennuyé. En temps et circonstances normaux, les débats idéologiques au sein de la mouvance marxiste me broutent considérablement, mais embrouillés dans ce dispositif scénique, j'ai eu toutes les peines du monde à ne pas m'endormir tout connement. Épreuve difficile que la direction d'acteurs fort correcte d'Oshima n'estompe en aucune façon malheureusement.
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Re: Nagisa Oshima

Message par Anorya »

L'obsédé en plein jour (Oshima - 1966).

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Le portrait d'un violeur (et dorénavant tueur en série) inquiétant qui pourtant un jour, s'introduit dans une maison mais, reconnaissant la servante, ne la tuera pas, au contraire de sa maîtresse. La jeune femme épargnée semble avoir un lien avec l'homme. D'ailleurs elle semble si bien le connaître que plutôt que de prévenir la police, elle écrit une longue lettre à la femme de celui-ci pour demander la permission de le dénoncer aux autorités.....


Ma connaissance du cinéma d'Oshima est encore des plus confuses pour pouvoir vraiment juger son oeuvre à sa juste valeur. Comme beaucoup, j'ai évidemment vu les oeuvres récentes ou les plus connues comme Furyo (que j'adore cela dit), Tabou et L'empire des sens. Mais son cinéma des années 60 me restait encore un continent à découvrir et c'est alléché par la promesse d'une virtuosité technique affolante (verso de la jaquette du dvd !) que je me suis jeté sur le film, tel cet obsédé dont on parle, mais avec une soif avide de connaissance dans mon cas (et non une pulsion sezuelle et de mort, hein). Bref, virtuose, oui, on va y venir, c'est même assez éblouissant, mais d'un point de vue narratif, qu'en est-il d'un autre côté ?

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Pour reprendre le petit ouvrage de Max Tessier consacré au cinéma japonais (*) :

"Ce qui est remarquable chez Oshima, c'est non seulement sa volonté de s'attaquer à tous les interdits de la société nippone actuelle, mais aussi l'étonnant éclectisme de son langage. Au nombre minimal de plans séquences dans Le piège (alias Une bête à nourrir, 1961), s'oppose le morcellement ahurissant de L'obsédé en plein jour, tourné en près de 2000 plans !"

Près de 2000 plans. Ah ouais. :shock:

Voilà qui laisse rêveur, d'autant plus que le travail est au final, admirable : jeu sur l'espace, sur la profondeur, échelle de plans entre le gros et le petit, aspect presque sensitif de certaines matières, morcellement de parties du corps comme dans les Godard les plus intéressants des 60's, tout fait d'autant plus sens que le montage alterne tout ça entre divers époques, entre flash-back renseignant sur les différents personnages qui appartenaient alors à une même communauté rurale d'un même village, au présent et ce que sont devenu ces mêmes personnages principaux (avec un qui s'est perdu... euh, pendu en route, plutôt). Jusqu'ici tout va bien et il est intéressant de constater qu'Oshima à l'intelligence de ne pas perdre son spectateur en cours de route, soucieux de constamment garder en tête les motivations de chacun afin de mieux prendre le spectateur à parti.

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Et pourtant on finit par un peu perdre le spectateur en cours de route, et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, comme apparemment dans tous les Oshima de l'époque, parce qu'il y a une forte charge sociale et politique qui recquiert des connaissances importantes sur le Japon des années 60. En soi, ayant dû aborder pour mon mémoire de cinéma certains aspects du Japon de cette décennie, je n'ai pas été trop perdu mais je pense que certains spectateurs pourraient être largués (et encore, c'est pas Nuit et brouillard au Japon (1960)). En même temps je trouve même que cet aspect n'est pas assez poussé.

Ensuite, et plus important, chacun des personnages m'était soit antipathique, soit pas des plus intéressants. Le violeur en question se révèle un je-m'en-foutiste égoïste, sans personnalité uniquement mû par l'instinct, nullement préoccupé de son prochain (bon en même temps vous me direz, c'est presqu'un peu normal, certes). La jeune servante est molle et parfois effacée. Le 4e protagoniste (celui qui s'est pendu), avait encore de l'honneur mais trop gentil et gagné par l'amertume envers ces contemporains, il préfère en finir. Sur ce point, j'ai apprécié qu'Oshima dresse un portrait sans concession de la jeunesse rurale telle qu'il la voit même si d'un autre côté je regrette que ce soit tailladé à la hache sans pouvoir modérer un peu envers d'autres jeunes du milieu. Oshima est trop pressé de démonter tous ses personnages dans son jeu de construction/déconstruction qu'il en oublie que la subtilité peut elle-même apporter de la force.

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Il y a pourtant ce personnage d'institutrice, elle-même épouse du violeur, sans doute le meilleur personnage, le plus complexe, en fait la femme d'Oshima à l'époque. Une femme qui va expliquer pourquoi elle reste avec cet homme. De l'amour ? De la compassion ? De la jalousie ? Au fur et à mesure de l'histoire et des flash-backs, les langues se délient. Mais comme je l'ai dit, impossible de s'attacher un tant soit peu à des personnages violemment pris dans une histoire d'amour sans doute trop torturée et personnelle pour nous. Il m'a semblé que dans la dernière demi-heure du film, le film piétinait, ne savait pas sur quel pied danser, que les avis des deux femmes dans le train s'accordaient tout en changeant constamment d'avis. Qui fait quoi ? Qui aime qui ? Fallacieuse impression de voir un cinéaste ayant mené sa barque du mieux qu'il pouvait et ne sachant comment vraiment finir son film, si ce n'est sur un énième coup d'éclat (que je ne révèlerai pas ici même si je peut dire qu'il m'a assez laissé dubitatif).

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Reste donc pour ma part un film assez incroyable techniquement et visuellement et dont la première partie est des plus intéressantes narrativement. Dommage donc que la fin s'emmêle pas mal les pinceaux... Je conseillerais néanmoins le film aux cinéphiles et aux cinéastes en herbe passionnés par l'esthétique de l'image. Il y a là de sacré leçons à tirer et l'on sent un bouillonnement constant durant tout le long-métrage. Y'a pas à dire, Oshima savait filmer comme un grand maître et sur ce point le film est bon ! Cela me donne envie de continuer la découverte de cette période du monsieur car apparemment, il y a des pépites sous la vase.

3/6.




===================


(*) Le cinéma Japonais - Max Tessier, éditions Armand Colin, collection 128, p.70.
Dernière modification par Anorya le 2 juil. 12, 00:43, modifié 1 fois.
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Re: Nagisa Oshima

Message par bruce randylan »

La pendaison (1968)

Une petite merveille, loin des manifestes avant-garde et expérimentaux que Oshima a pu faire avec ses autres production ATG.
Le titre possède tout de même un parti pris audacieux et théorique avec cette histoire surréaliste où un violeur assassin condamné à mort survit à sa pendaison mais ne se rappelle plus de son passé.
Les autorités présentes se posent donc toute une série de questions autant morales que religieuses ou encore judiciaires ? Faut-il exécuter un homme qui ne se souvient pas de son crime ? Si son âme est morte, faut-il s'acharner sur son corps ? Comment lui redonner la mémoire ? Une seule condamnation est-elle suffisante etc...

A ces propos existentialistes voire philosophiques, Oshima a la bonne idée d'opter pour une comédie grinçante pas si éloigné que ça de Kafka. Le cinéaste et ses scénaristes s'amusent donc de toutes les situations improbables, issues de ce cas à part : la police tente de reconstituer ses crimes, le prêtre s'enferme dans une position morale, le "miraculé" ne comprend rien à la situation, les dirigeants de la prison ne savent pas comment gérer le débat.

Souvent drôle, voire même très drôle, le scénario parvient admirablement à trouver de nouvelles directions et de nouvelles séquences pour apporter une regard toujours plus décalé. Le film garde ainsi un rythme soutenu qui ne s'essouffle pour ainsi dire jamais, rebondissant toujours là où on ne l'attends pas forcément avec un humour contestataire constitué de blagues potaches et d'un brûlot punk.
Prenant la forme d'un huit clos qui se déroule dans la maisonnette où le condamné passe ses derniers moments avant d'être pendu dans le sous-sol, le film s'égare justement en sortant de ce lieu pour une petite escapade en ville. C'est à ce moment là que le film faiblit en s'égarant dans un discours social sur les immigrés coréen un peu hors-sujet qui n'apporte rien au final (si ce n'est des références évidentes au journal de Yunboji). Cette aération était sans doute nécessaire pour les auteurs afin de trouver un nouveau terrain de jeu pour arriver au le dernier acte qui retourne dans la maison-cellule en trouvant un nouveau souffle. D'ailleurs pour voir que tout le film se déroule donc dans 2-3 pièces la mise en scène de Oshima est inventive et ne reproduit pas les mêmes plans. Il ne tombe pas dans un style virtuose et parfois froid comme peuvent le faire Kiju Yoshida ou Akio Jissoji mais trouve un bon compromis entre une rigueur exigeante et une spontanéité qui semble improvisé.

La pendaison s'impose ainsi comme l'un des meilleur film de son auteur, parvenant à faire vivre un postulat qui avait l'air "condamné" à n'être qu'un court-métrage. La force absurde et irrésistible de son discours lui donne aussi une lisibilité très accessible loin d'un élitisme intellectuelle en optant pour la farce intelligente et surréaliste.
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Re: Nagisa Oshima

Message par Best »

bruce randylan a écrit :La pendaison (1968)
Ton texte donne envie ! Il faut que je mette la main dessus :D
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Re: Nagisa Oshima

Message par bruce randylan »

Tu m'en diras des nouvelles !
Découvert l'an dernier à la rétro ATG de la MCJP :)
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Re: Nagisa Oshima

Message par gnome »

Il a été mon film du mois il y a un an ou deux. Un film formidable d'inventivité comme tous les Oshima de cette période d'ailleurs. Personnellement, je recommande chaudement Il est né après la guerre et Chronique d'un voleur de Shijuku.
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