Marcel L'Herbier (1888-1979)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Ann Harding
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

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L'inhumaine (1923, Marcel L'Herbier) avec Georgette Leblanc, Jaque Catelain et Philippe Hériat

Image(Jaque Catelain)

La cantatrice Claire Lescot (G. Leblanc) fait des ravages dans les coeurs de nombreux hommes célèbres qui fréquentent ses soirèes. Parmi eux, Einar Norsen (J. Catelain) un jeune homme fou de vitesse qui ne supporte plus son désintérêt. Désespéré, il décide de se suicider en jetant sa voiture du haut d'un précipice. Il laisse un dernier message à Claire et part à tombeau ouvert...

Ce film légendaire de Marcel L'Herbier est une ode à l'Art Déco. Les décors sont certainement les acteurs principaux de ce film hyper-stylisé. Robert Mallet-Stevens et Fernand Léger ont oeuvré pour créer ces structures décoratives modernes et ouvragées. Dans le rôle de Claire Lescot, Georgette Leblanc semble jouer son propre rôle. Elle était dans la vie une cantatrice célèbre, la maîtresse de Maurice Maeterlink et la soeur de Maurice Leblanc. Elle a un physique assez proche de celui de Françoise Rosay, mais sans son talent d'actrice. Mais, les personnages du film ne sont guère que des archétypes manipulés par L'Herbier. Jaque Catelain, un jeune premier à la mode assez fade, est amoureux fou de Georgette Leblanc qui est également convoitée par un Maharadjah joué par Philippe Hériat. Mais, malgré ce scénario assez schématique, le film décolle grâce à la qualité du montage et l'habilité de L'Herbier pour rythmer les séquences. Le départ de Catelain à tombeau ouvert atteint son paroxysme avec les arbres qui défilent à toute allure et qui se déforment et la séquence est entrecoupée par la soirée de Leblanc où on lui tend le dernier billet de Catelain. De même, la séquence où Leblanc est mordue par un serpent posé par un Hériat fou de jalousie. La séquence est également rythmée d'une manière remarquable. La séquence finale où Leblanc revient à la vie dans le laboratoire de Catelain semble être le prototype du futur Metropolis (1927). Il faut aussi mentionner le superbe travail de Georges Specht (qui fut un grand collaborateur de Feuillade et Perret). Ce n'est pas mon L'Herbier préféré. Je préfère L'Argent (1929) et Feu Mathias Pascal (1925) qui ont des personnages bien plus intéressants, mais, j'ai passé un bon moment devant ce film qui aurait besoin d'une belle partition orchestrale.

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L'Homme du large (1920, Marcel L'Herbier) avec Jaque Catelain, Roger Karl, Marcelle Pradot et Charles Boyer
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Michel (J. Catelain) est le fils de Nolff (R. Karl) surnommé l'Homme du Large. Il profite de la bonté de son père pour s'enivrer dans les bouges, poussé par Guenn-la-Taupe (C. Boyer) un mauvais garçon. Pendant ce temps, sa soeur Djenna (M. Pradot) trime avec sa mère...

Marcel L'Herbier, toujours épris d'esthétisme Art Déco, a nommé ce film une marine. Il est en effet visuellement un tableau superbe de la Bretagne autour de Penmarch et de Sainte-Anne-d'Auray. Il fait un vrai travail pictural avec la lumière dans les scènes d'intérieurs intimes aussi bien que les splendides scènes d'extérieurs. Si l'intrigue reste très schématique et mélodramatique -le fils ingrat qui exploite la bonté aveugle de son père- le film atteint néanmoins un véritable lyrisme par son utilisation de la lumière, des paysages, ses teintages et même la décoration ouvragée de ses cartons d'intertitres. De ce point de vue, la restauration de la copie par la Gaumont et du CNC doit être saluée. C'est un véritable travail d'orfèvre. L'interprétation est dominée par Roger Karl dans le rôle titre, un marin bougon qui se fourvoie dans son amour parternel avant de vouloir la destruction de ce fils mal élévé et violent. Jaque Catelain, qui fût un des interprètes chéris de L'Herbier, est ici plus convaincant qu'à l'accoutumée en mauvais fils. Quant à Charles Boyer, c'est ici un débutant prometteur, la cigarette au bec, le béret sur l'oreille soufflant de mauvais conseils à un Jaque Catelain sans volonté. Marcelle Pradot -Mme L'Herbier à la ville- est une petite Bretonne fragile et innocente face à son mauvais frère. Le film est construit en flash-back et c'était une nouveauté en cette année 1920. D'ailleurs en terme narratif, le film est subtil et bien monté. Certes, L'Herbier ne cherche pas à construire une trame psychologique puissante ; mais, il se rattrape grace à son sens visuel. Le film est accompagnée par une partition orchestrale signée Antoine Duhamel qui souligne la violence sous-jacente des sentiments qui animent les personnages. Une restauration exemplaire d'un très beau film français.
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Ann Harding
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par Ann Harding »

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Le Bonheur
(1934, Marcel L'Herbier) avec Charles Boyer, Gaby Morlay, Paulette Dubost et Michel Simon

Philippe (C. Boyer) travaille comme caricaturiste dans un journal anarchiste. Un jour, il est envoyé pour couvrir l'arrivée d'une vedette de cinéma, Clara Stuart (G. Morlay). Il tire sur elle ; mais, elle n'est que blessée. Lors du procès, elle défend son agresseur...

Marcel L'Herbier semble affectionner particulièrement le mot bonheur. On le retrouve sur de multiples titres de ses films. Il y a la délicieuse Comédie du Bonheur (1941) avec un Michel Simon savoureux, Le Petit Bonheur (1946) une comédie complètement ratée avec D. Darrieux et enfin ce Bonheur de 1934 tirée d'une pièce d'Henry Bernstein. Le scénario à gros traits a tout du mélodrame le plus éculé et démodé. Mais, le film est interprété avec tant de talent par Charles Boyer et Gaby Morlay que l'on en oublie l'origine théâtrale de l'intrigue. Boyer trouve là un rôle à sa mesure en anarchiste dégouté par la société, mais dont les motivations sont plus complexes qu'il n'y paraît. Il a tiré sur Clara Stuart car il savait qu'en s'attaquant à une star de cinéma, il s'attirerait de la publicité. Mais, ses raisons réelles de tirer sur elle - comme il le lui révèle - sont aussi liées au sentiment d'attirance qu'il ressent malgré lui pour elle. J'ai trouvé Boyer absolument fascinant dans son rôle : il reste silencieux dans de nombreuses scènes, ne transmettant ses pensées que par son regard. Gaby Morlay, en star de cinéma, réussit elle aussi une composition parfaitement contrôlée. Elle est mariée à un aristocrate (on pense tout de suite à Gloria Swanson et à Pola Negri!) désargenté que joue finement un Jaque Catelain plus mûr que dans ses L'Herbier muets (voir plus haut). Michel Simon apporte sa dose d'humour en manager efféminé de la star. Il faut le voir se précipiter pour appeler les journaux pour annoncer l'attentat : la publicité et la marketing ne datent pas d'hier! :uhuh: Le travail sur la lumière est remarquable ; il faut dire que le directeur de la photo est le grand Harry Stradling. Malheureusement, la restauration du CNC est maintenant datée avec un manque de contrastes criant dans certaines scènes. Un très bon L'Herbier. Le film est disponible au Forum des Images pour les amateurs.
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Ann Harding
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par Ann Harding »

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Feu Mathias Pascal (1924, Marcel L'Herbier) avec Ivan Mosjoukine, Lois Moran, Marcelle Pradot, Michel Simon et Pauline Carton

Mathias Pascal (I. Mosjoukine) issu d'une famille riche -maintenant endettée- vit dans l'oisiveté. Son ami, le timide Pomino (M. Simon) lui demande de demander la main de Romilde (M. Pradot), une jeune fille dont il est amoureux. Mais, Romilde aime Mathias. Ils se marient, mais, la vie devient vite infernale pour Mathias entre une belle-mère acariâtre et son épouse qui le délaisse...

Cette adaptation de Pirandello est l'un des meilleurs films produit par Albatros et de Marcel L'Herbier. En 171 min, nous suivons la destinée de Mathias Pascal qui veut se réinventer une autre vie pour échapper à l'enfermement de la sienne. L'Herbier a à son service un acteur hors du commun dans le rôle titre: Ivan Mosjoukine. Il réalise là, ce qui est, à mon avis, une des plus belles performances d'un acteur du cinéma muet. Il est d'abord jeune homme timide qui vit dans la poussière de ses bouquins, puis un père aimant qui pouponne sa fille. Mais, la mort subite et simultanée de sa mère et de son enfant vont le plonger dans les affres d'une douleur indescriptible. Loin de sujouer la douleur, le visage de Mosjoukine reflète comme un rayon de folie qui l'envahit face à ce malheur qui l'anéantit. Soudain libéré de ses chaînes conjugales et de son odieuse belle-mère par cet événement, il part à l'aventure. Devenu riche en jouant au casino, il atterrit dans un meublé à Rome où il rencontre la douce Adrienne Paléari (L. Moran). La 'nichée' de la pension Paléari se révèle particulièrement cocasse: un faux chevalier, son frère maladif et une médium alcoolique. Mathias ayant été déclaré mort, il pense pouvoir se faire une autre vie. Mais, il a perdu son identité. Le film a été tourné à San Gimignano et à Rome et les extérieurs sont superbement utilisés par L'Herbier qui profite même des fêtes locales pour ajouter à l'ambiance du film. Le film est inclassable: ce n'est ni une comédie, ni un mélodrame. Il y a pourtant des moments de franche hilarité quand Mathias chasse les rats avec ses deux chats ou quand la tante de Mathias (P. Carton) 'entarte' à coup de pâte à pain le visage de l'odieuse belle-mère. De même, Mosjoukine passe facilement du rire aux larmes. Son corps agile rappelle Buster Keaton alors quil poursuit Lois Moran dans les escaliers de la Piazza di Spagna à Rome. On retrouve cette même verve débridée dans Les Ombres qui passent (1924, A. Volkoff) où Mosjoukine offre aussi cette image Keatonienne décalée. Mais, il y aussi ces pulsions de suicide qui envahissent un Mathias Pascal qui ne sait plus qui il est vraiment. L'Herbier utilise alors les doubles expositions où le nouveau Mathias se confronte à l'ancien. Il faut aussi mentionner la présence d'un jeune débutant nommé Michel Simon qui campe un Pomino fort amusant avec sa chevelure bouclée en bataille sous son canotier. Vu la complexité du film, il fallait une partition musicale à la hauteur. Et elle le fût. Le compositeur américain Timothy Brock a composé une partition orchestrale pour le Festival de Bologne en 2009, lors d'une projection spéciale au Teatro Comunale di Bologna (l'opéra de Bologne). La musicale a été enregistrée live et l'enregistrement a été diffusé hier soir à la cinémathèque. Il réussit brillamment à suivre les multiples changements de ton du film du comique débridé au drame le plus noir. La couleur orchestrale rappelle les musiciens baroques italiens, sans sombrer dans une couleur locale exagérée. C'est dansant, léger et suit le rythme des scènes. Pour les moments dramatiques, il se tourne vers un orchestre essentiellement à cordes qui rappelle les couleurs sombres d'un Bernard Herrmann. Revoir ce film -que j'avais vu muet auparavant- dans ces conditions fut un immense plaisir. La copie présentée était numérisée. Elle est composée de nombreux fragments de qualité diverses, mais dans l'ensemble, elle est tout à fait correcte (surtout les parties teintées). J'espère que la Cinémathèque va publier rapidement ce film magnifique en DVD. Ce doit être facile vu que la copie est déjà numérisée et la musique enregistrée!
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Tommy Udo
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par Tommy Udo »

Plusieurs films de Marcel L'herbier sont en cours de restauration pour une sortie en DVD chez LES DOCUMENTS CINEMATOGRAPHIQUES : VEILLE D'ARMES (récemment diffusé sur la chaîne HISTOIRE), ENTENTE CORDIALE, LA TRAGEDIE IMPERIALE, LA CITADELLE DU SILENCE et L'EPERVIER.
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Tommy Udo
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par Tommy Udo »

Pour compléter ce que disait Ann dans le topic "Raymond Bernard", il y aura, en plus du coffret DVD Albatros (Flicker Alley),
une sortie préalable de FEU MATHIAS PASCAL en blu-ray :D :D :

We'll be releasing The Late Mathias Pascal by Marcel L'Herbier on Blu-ray very soon. More to come soon!
(Flicker Alley, 5/11).
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Tommy Udo
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par Tommy Udo »

Sortie du blu-ray de FEU MATHIAS PASCAL chez Flicker Alley le 15 janvier 2013 :

Flicker Alley is proud to present the Blu-Ray edition of The Late Mathias Pascal, a film of great distinction and virtuoso style, adapted and directed by Marcel l'Herbier from a novel by Luigi Pirandello. The biggest French fantasy film of the 1920s, it is remarkably cast with some of the great actors of that era: Ivan Mosjoukine, (as Mathias Pascal) , Michel Simon, Lois Moran, Pierre Batcheff and Marcelle Pradot. The film also boasts famous stylized sets designed by Alberto Cavalcanti and Lazare Meerson, seen here to best advantage in a stunning tinted and toned print restored by the Cinematheque Française, and accompanied by a beautiful large-orchestra score composed and conducted by Timothy Brock. Mathias, an eccentric dreamer, is trapped in the undertakings of daily life as he suffers his days in a loveless marriage, a dead end job and tyrannized by his ungrateful mother-in-law. Grief-stricken by the death of his mother and infant daughter, Mathias flees to Monte Carlo, where a run of luck at roulette wins him a fortune. After his death is falsely reported, Mathias leaps at the chance of a second and adventurous life in Rome. Both tragedy and comedy, The Late Mathias Pascal explores the struggles and possibilities of a man in search of happiness in L'Herbier's most celebrated film. Critic David Melville wrote "The White Russian exile Ivan Mosjoukine was arguably the greatest male star of the silent screen. Imagine an actor who combined the matinee idol looks of John Barrymore with the smoldering sexual magnetism of Valentino, the deft physical comedy of Chaplin with the dark Gothic creepiness of Lon Chaney. It sounds impossible, of course - unless you've seen Mosjoukine in action." This is a co-production of L'Herbier's Cinegraphic company, and Alexandre Kamenka's Films Albatros, the Parisian home of the émigré Russian screen colony and maker of many of the most prestigious films of the decade. L'Herbier at this time was among cinema s leading avant-garde directors, the equal of Fritz Lang, Abel Gance and Erich von Stroheim, and The Late Mathias Pascal is considered one of his best films, full of picturesque tricks, "spiritual" angles, and dream sequences as it passes from rural chamber-film to burlesque fantasy, with an incursion into expressionist comedy of manners.
(Forum Criterion)

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bruce randylan
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par bruce randylan »

Hop ma critique de la vie de bohême :)

http://www.1kult.com/2013/01/25/la-vie- ... -lherbier/
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Tommy Udo
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par Tommy Udo »

Tommy Udo a écrit :Sortie du blu-ray de FEU MATHIAS PASCAL chez Flicker Alley le 15 janvier 2013
Est-ce que quelqu'un a eu l'occasion de visionner ce blu-ray, récemment sorti ?
allen john
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par allen john »

Tommy Udo a écrit :
Tommy Udo a écrit :Sortie du blu-ray de FEU MATHIAS PASCAL chez Flicker Alley le 15 janvier 2013
Est-ce que quelqu'un a eu l'occasion de visionner ce blu-ray, récemment sorti ?
Non, mais il est en route, et j'ai quand même un peu hâte...
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Tommy Udo
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par Tommy Udo »

allen john a écrit :Non, mais il est en route, et j'ai quand même un peu hâte...
J'imagine ! :mrgreen:
N'hésite pas à nous faire un petit topo sur la technique quand tu l'auras reçu et visionné :wink:
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Ann Harding
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par Ann Harding »

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Nuits de princes (1928, Marcel L'Herbier) avec Gina Manès, Jaque Catelain, Alice Tissot, Nestor Ariani et Jean Toulout

A Paris, la pension de Mlle Mesureux (A. Tissot) à Paris est le refuge de russes blancs réfugiés. Vassia (J. Catelain), gravement malade, est follement amoureux d'Hélène Vronsky (G. Manès). Or, un nouveau pensionnaire arrive, la prince Achkélian (N. Ariani). Il est immédiatement fasciné par Hélène...
Ce film de Marcel L'Herbier est un rescapé du muet. Tourné en 1928, il ne sort en salles qu'en 1930 dans une version 'sonorisée et chantante'. Le film a été projeté en version muette à la cinémathèque. Le film souffre d'un scénario mal construit où les intentions des personnages sont mal définies. Au centre de l'intrigue, on trouve Gina Manès, absolument magnifique de puissance émotionnelle, en Hélène Vronsky. Mais, la psychologie du personnage reste assez mystérieuse. Au début, on la découvre vivant avec sa soeur infirmière dans la pension Mesureux. Leur voisin, Vassia qui est presque mourant, est follement épris d'elle. Elle semble avoir surtout pitié du jeune homme et accepte de se fiancer avec lui pour repousser les avances du prince Achkélian. Mais, lorsque ce dernier se blesse lors d'une cascade à cheval, elle va se dévouer et lui permettre d'être soigné. Elle va même jusqu'à lui donner l'argent destiné à Vassia, pour lui permettre de partir au soleil. Elle va ensuite accepter de devenir entraîneuse dans une boîte de nuit russe pour payer son voyage. Hélène est un personnage torturé : elle ressent attirance et répulsion pour Achkélian. Puis, elle sombre dans la dépravation pour se punir de son égarement. Malheureusement, malgré les splendides éclairages du génial Léonce-Henri Burel, L'Herbier ne réussit pas à convaincre. Le film souffre de déséquilibres et de scènes mal conçues. La relation Hélène-Vassia ne convainc pas. L'Herbier ne semble plus savoir maîtriser sa caméra comme dans le génial L'Argent. Si il faut voir ce film, c'est essentiellement pour l'actrice principale: Gina Manès. Elle était au sommet de son art et de sa popularité. L'arrivée du parlant va marquer le déclin de sa carrière. Quelques années plus tard, elle ne jouera plus que des utilités...
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Demi-Lune
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par Demi-Lune »

L'inhumaine (1924)

La première partie n'est pas très éloignée du surréalisme donc c'est toujours difficile à appréhender. Entre domestiques aux masques inquiétants et convives mondains (intellectuels, fakir...) invités par une cantatrice dans sa villa futuriste pour dîner (on pense à L'Ange exterminateur), L'Herbier installe une atmosphère bizarre : les maquillages ou certains effets (surimpressions, flous, cartons, etc) entrouvrent la porte au rêve, tandis que la confusion des repères passe par l'insistance avec laquelle la mise en scène s'attarde sur le grand décor intérieur, assemblage de lignes cubistes et de design Art déco qui renforcent l'étrangeté plastique du film.
On commence à y voir un peu plus clair avec la seconde partie du film qui propose une démarche plus narrative même s'il subsiste encore quelques passages purement surréalistes. Le montage de L'Herbier continue à retenir l'attention pour ses audaces et surtout la gestion de la narration se montre astucieuse (flash-back, construction à "twist" si je puis dire). Il y a quelque chose d'assez langien en définitive dans L'inhumaine - et je ne pense pas seulement au laboratoire qui évoque par anticipation celui de Metropolis - dans cette manière de traiter par une esthétisation géométrique une histoire somme toute très marquée par un certain romanesque-feuilleton (disparition mystérieuse, fantôme, laboratoire secret avec technologies de pointe, fakir menaçant, empoisonnement...). L'entreprise de culpabilisation de Claire permet de s'attacher un peu plus à ce personnage qui offrait jusqu'ici peu de prises, mais l'ensemble reste cependant beaucoup trop long pour ce qu'il a à raconter. D'un point de vue rythmique, le montage de L'Herbier se montre assez complaisant et il y avait matière à raccourcir sans que l'intégrité du film n'en souffre.
Au final une œuvre instructive mais pas forcément totalement convaincante. Hâte de découvrir L'argent qui a l'air d'être du lourd.
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par Sybille »

L'inhumaine m'avait relativement déçue de par son histoire trop alambiquée. Finalement j'ai parfois du mal avec les codes narratifs de cette époque, le côte feuilletonesque comme tu dis (je ressens la même chose avec les "Mabuse" de Lang). L'argent souffre d'un trop-plein de longueurs également. L'intérêt porté à la mise en scène ou aux décors ne parviennent pas à totalement combler mon ennui. Enfin les films valent tout de même d'être découverts.
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par Music Man »

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LA COMEDIE DU BONHEUR de Marcel LHERBIER – 1940
Avec Ramon NOVARRO, Michel SIMON, Jacqueline DELUBAC, Micheline PRESLE, SYLVIE, Louis JOURDAN

Le banquier Jourdain, philanthrope invétéré, dilapide sa fortune pour semer le bonheur autour de lui. Sa famille, inquiète de cette prodigalité, s'arrange pour le faire interner dans un asile d'aliénés. Mais Jourdain réussit à s'échapper et se réfugie dans une pension de famille..

La comédie du bonheur est l’adaptation d’une pièce à succès de Nicolas Evreinoff, dans laquelle avait triomphé Charles Dullin. Le film connut de nombreux problèmes : compte tenu de la drôle de guerre, il fut tourné en Italie. Il n’était pas achevé quand toute l’équipe dut rentrer précipitamment en France en mai 40. Les pellicules d’abord perdues furent ensuite retrouvées et envoyées en France, où certaines bobines brulèrent dans un incendie. Lherbier fut contraint de tourner des scènes additionnelles pour lier ce qui restait, mais certains comédiens étaient morts entre temps ou partis à l’étranger ! Le nom de l’auteur (un russe, franc maçon de surcroit) fut supprimé du générique.
Donc, compte des circonstances particulières, le cinéaste s’en sort plutôt bien. Certes, c’est parfois un peu décousu, mais l’histoire est assez amusante et filmée de façon alerte, dans ce monde un peu irréel où les studios d’enregistrement sont tout blanc, où l’on déguste des disques à la pistache et où tout s’achève dans un immense carnaval.
Dans cette période particulièrement morose, on peut louer la volonté de Lherbier d’apporter comme Michel Simon dans le film, un peu de bonheur aux spectateurs : à la fin, les personnages préfèrent d’ailleurs rester dans l’illusion. L’interprétation est très disparate : Michel Simon et Micheline Presle sont excellents ; les autres beaucoup moins. Ramon Novarro, la star hollywoodienne du muet (Ben Hur) ressemble ici beaucoup à Luis Mariano (même jeu gauche et appuyé, même accent)mais chante très nettement moins bien.
Les dialogues sont de Jean Cocteau.
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Père Jules
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Re: Marcel L'Herbier (1890-1979)

Message par Père Jules »

Le titre de "purge du mois" revient pour l'instant au soporifique Parfum de la dame en noir.
Aucun rythme, adaptation ratée, acteurs ridicules (Roland Toutain est une des plus grosses têtes à claques de la décennie dans ce film)... Bref, je ne sauve rien dans ce film qui est le témoin privilégié de la difficulté qu'a connu le cinéma muet de s'adapter au parlant.

Un curiosité cependant, la présence de croix gammées dès 31:
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