Le Ciel est à vous (Jean Grémillon - 1944)
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Le Ciel est à vous (Jean Grémillon - 1944)
Un naturel sensitif féminin est récupéré par une virilité masculine. La machine volante offre une voie de sortie à la pire des scléroses, l’ennui existentiel d’un couple combattu et vaincu par les attraits du ciel.
Le mari entre azur bleuté et terre contraignante laisse sa femme se ronger les sangs sur le plancher des vaches. Suite à une révélation le concept tout en restant identique s’inverse, le mari cloué au sol fait connaissance à son tour avec les affres de l’inquiétude pendant que Madame s’offre un intérêt et une indépendance dans les airs.
Le couple Gauthier éteint par une petite vie se dynamise à tour de rôle en craignant pour la vie de l’autre.
« Le ciel est à vous » est avant tout le cadeau offert à une Mère éjectée de ses fourneaux ayant la possibilité de vivre une passion découverte suite à une illumination. Une femme en bleu de travail rivée aux manettes dans les airs apprend la ténacité et l’ambition menant vers l’élaboration d’une identité teintée d’égoïsme surtout envers une progéniture rêvant également d’une autre vie mais dans une autre discipline.
On pense que pour soi en délaissant les devoirs ménagers et les besoins de ceux que l’on distingue de moins en moins. Un mécanisme d’auto détermination s’établit sur un monceau de préjugés et de contraintes. Les incertitudes d’un vol sont plus salutaires qu’une vie familiale sans surprises.
Thérèse Gauthier redécouvre ce que d’autres ont offertes à la résignation, une peur et une inconscience livrée à une mécanique incertaine mais garante de sensations, un contexte d’homme conquis brillamment par une femme ne subissant plus de choix imposés par la distribution des rôles dans la société.
Pierre Gauthier devient féminin, cloisonné dans un espace réduit, harcelé de reproches, rongé par l’anxiété, un transfert logique suite à l’acquisition d’un nouveau statut sédentaire.
La mère n’est plus la, elle est dans les nuages et porte le nom de femme. "
Le mari entre azur bleuté et terre contraignante laisse sa femme se ronger les sangs sur le plancher des vaches. Suite à une révélation le concept tout en restant identique s’inverse, le mari cloué au sol fait connaissance à son tour avec les affres de l’inquiétude pendant que Madame s’offre un intérêt et une indépendance dans les airs.
Le couple Gauthier éteint par une petite vie se dynamise à tour de rôle en craignant pour la vie de l’autre.
« Le ciel est à vous » est avant tout le cadeau offert à une Mère éjectée de ses fourneaux ayant la possibilité de vivre une passion découverte suite à une illumination. Une femme en bleu de travail rivée aux manettes dans les airs apprend la ténacité et l’ambition menant vers l’élaboration d’une identité teintée d’égoïsme surtout envers une progéniture rêvant également d’une autre vie mais dans une autre discipline.
On pense que pour soi en délaissant les devoirs ménagers et les besoins de ceux que l’on distingue de moins en moins. Un mécanisme d’auto détermination s’établit sur un monceau de préjugés et de contraintes. Les incertitudes d’un vol sont plus salutaires qu’une vie familiale sans surprises.
Thérèse Gauthier redécouvre ce que d’autres ont offertes à la résignation, une peur et une inconscience livrée à une mécanique incertaine mais garante de sensations, un contexte d’homme conquis brillamment par une femme ne subissant plus de choix imposés par la distribution des rôles dans la société.
Pierre Gauthier devient féminin, cloisonné dans un espace réduit, harcelé de reproches, rongé par l’anxiété, un transfert logique suite à l’acquisition d’un nouveau statut sédentaire.
La mère n’est plus la, elle est dans les nuages et porte le nom de femme. "
- Watkinssien
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Une oeuvre excellente et touchante !
Grémillon signe un film à la fois en amont en en aval d'une période contextuelle précise et morbide, tout en faisant apparaître en filigrane d'un message plus subtil, toutes les étapes du dépassement de soi !
C'est pour ces éléments que le film avait été encensé à la fois par les pétainistes et les résistants.
Grémillon, avec ce chef-d'oeuvre absolu, témoigne d'un sens malin pour séduire tout le monde mais également une grande humilité pour raconter une histoire qui aurait pu sombrer dans le ridicule, sans cesse évité ici !
Grémillon signe un film à la fois en amont en en aval d'une période contextuelle précise et morbide, tout en faisant apparaître en filigrane d'un message plus subtil, toutes les étapes du dépassement de soi !
C'est pour ces éléments que le film avait été encensé à la fois par les pétainistes et les résistants.
Grémillon, avec ce chef-d'oeuvre absolu, témoigne d'un sens malin pour séduire tout le monde mais également une grande humilité pour raconter une histoire qui aurait pu sombrer dans le ridicule, sans cesse évité ici !
Dernière modification par Watkinssien le 2 avr. 12, 09:35, modifié 1 fois.
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Re: Le Ciel est à vous (Jean Gremillon, 1943)
D'abord, pas content du traitement de France 2 qui a programmé le film avec un décalage de presque 30mn qui m'a fait rater la fin. Mon enregistrement se termine à la gare quand Vanel discute avec ses enfants de Madeleine Robinson Dont on n'a pas encore eu de nouvelles.
Bref, pas content (je me doute de la fin, mais je ne la verrai pas tout de suite...). J'ai malgré tout beaucoup aimé.
J'ai particulièrement aimé la première heure. Cela vient essentiellement de l'ambiance, des personnages, des dialogues, de l'attitude positive de ce couple et de leur aventure passionnée. Car cet exemple de passion addictive qui enlace finalement ce couple est très contagieux. C'est un couple qui s'en va rêver, finalement, échapper effectivement au quotidien (pas forcément négatif, d'ailleurs, puisque le personnage de Charles Vanel m'a paru suffisamment joyeux). Mais il est évident que cela leur apporte une seconde vie, un peu comme l'arrivée d'un enfant (d'ailleurs Vanel souligne à un moment qu'il est encore plus heureux que le jour de la naissance de son enfant).
Il est intéressant de voir que ce couple, "piégé" par son obstination, délaisse beaucoup de choses ayant un rapport au monde réel, à leur vie sociale, pour assouvir le rêve: dépense des économies, rejet de la carrière musicale de leur fille, etc. Au coeur d'une histoire positive censée donner de l'élan au spectacteur, vantant les mérites du don de soi et des possibilités individuelles, on trouve ainsi des éléments psychologiques crédibles qui donnent de l'épaisseur à l'histoire.
Je ne suis pas très inspiré sur ce coup-là mais je suis très content de l'avoir découvert.
Bref, pas content (je me doute de la fin, mais je ne la verrai pas tout de suite...). J'ai malgré tout beaucoup aimé.
J'ai particulièrement aimé la première heure. Cela vient essentiellement de l'ambiance, des personnages, des dialogues, de l'attitude positive de ce couple et de leur aventure passionnée. Car cet exemple de passion addictive qui enlace finalement ce couple est très contagieux. C'est un couple qui s'en va rêver, finalement, échapper effectivement au quotidien (pas forcément négatif, d'ailleurs, puisque le personnage de Charles Vanel m'a paru suffisamment joyeux). Mais il est évident que cela leur apporte une seconde vie, un peu comme l'arrivée d'un enfant (d'ailleurs Vanel souligne à un moment qu'il est encore plus heureux que le jour de la naissance de son enfant).
Il est intéressant de voir que ce couple, "piégé" par son obstination, délaisse beaucoup de choses ayant un rapport au monde réel, à leur vie sociale, pour assouvir le rêve: dépense des économies, rejet de la carrière musicale de leur fille, etc. Au coeur d'une histoire positive censée donner de l'élan au spectacteur, vantant les mérites du don de soi et des possibilités individuelles, on trouve ainsi des éléments psychologiques crédibles qui donnent de l'épaisseur à l'histoire.
Je ne suis pas très inspiré sur ce coup-là mais je suis très content de l'avoir découvert.
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
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Re:
J'en sors, et je préfère garder l'image d'un beau film d'amour (réplique poignante de Vanel qui ne sait pas si c'est oui ou non qui dira le plus à sa femme combien il l'aime), mais pour tout le reste je m'en défierai. Dépassement de soi : non. Une course à pieds sur 100 mètres ou un marathon, c'est du dépassement de soi. Fabriquer le meilleur zingue pour battre un record, c'est d'abord un exploit technique, et le film insiste d'ailleurs sur les moyens financiers que cela exige. Je ne dis pas qu'il n'y ait pas d'effort à résister à bord pendant autant de temps pour atteindre la distance la plus longue, ce que je dis, c'est que c'est un effort assisté par la technologie, et on sait aujourd'hui tout ce que coûte ce pari du toujours plus fort en termes de ressources, et pas seulement financières. Et donc avec mes yeux de contemporain, je ne peux pas regarder le film avec des yeux naïfs, sachant que déjà à l'époque, cela ne faisait pas l'unanimité, sauf justement parmi les pétainistes et les résistants. D'ailleurs, propos qui pourra sembler lointain mais qui fait sens dans mon raisonnement, scénaristiquement, je trouve dommage que l'histoire ne donne pas une résolution à la sous-intrigue de la jeune fille à qui ses parents interdisent de jouer du piano pour pouvoir faire de l'avion... J'y vois donc une espèce de film de propagande pour le développement, enrobé dans de beaux sentiments, y compris féministes... Je retourne lire mon petit Charbonneau...Watkinssien a écrit : ↑18 févr. 08, 10:38 Une oeuvre excellente et touchante !
Grémillon signe un film à la fois en amont en en aval d'une période contextuelle précise et morbide, tout en faisant apparaître en filigrane d'un message plus subtil, toutes les étapes du dépassement de soi !
C'est pour ces éléments que le film avait été encensé à la fois par les pétainistes et les résistants.
Grémillon, avec ce chef-d'oeuvre absolu, témoigne d'un sens malin pour séduire tout le monde mais également une grande humilité pour raconter une histoire qui aurait pu sombrer dans le ridicule, sans cesse évité ici !