Tess (Roman Polanski - 1979)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Major Tom
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Re: Tess (Roman Polanski - 1979)

Message par Major Tom »

Merci beaucoup. ;)

J'ai retiré au cours de l'écriture un passage sur le parallèle entre le film et la philosophie bouddhique que je n'arrivais pas à développer (ça partait d'un article que j'avais lu qui évoquait ça), car je connais peu le bouddhisme et en même temps je ne sais pas si c'est intéressant finalement. En tout cas, il y a dans Tess d'abord l'impermanence des choses, illustrée par les progrès techniques et l'alternance des saisons. Les riches deviennent pauvres et inversement, aucune situation ne dure. Il y a le thème de la vacuité. Il doit forcément y avoir quelque chose à dire aussi sur les paysages changeants définissant mieux les personnages (routes boueuses en courbe, mare qui bloque le passage) qui expriment mieux les sentiments des personnages que les mots, et enfin, surtout, tout est le fruit d'évènements et de rencontres dus au hasard et ça, ça évoque le karma. Tout cela se retrouve néanmoins ailleurs que dans Tess dans la filmo de Polanski...
Wagner
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Re: Tess (Roman Polanski - 1979)

Message par Wagner »

Le lien entre bouddhisme et Tess est largement évoqué dans le bouquin de Dominique Avron sur Polanski. Réflexion faite, je n'irais pas aussi loin que lui. Je ne pense pas que Polanski soit parti du bouddhisme mais plutôt qu'on peut partir du bouddhisme pour arriver à Tess. Décrypter l'esthétique occidentale à partir de cette philosophie orientale est d'ailleurs le parti pris que j'ai choisi d'adopter dans mon étude sur le paysage.
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jacques 2
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Re: Tess (Roman Polanski - 1979)

Message par jacques 2 »

Pour les admirateurs (dont je suis) de ce Polanski grand cru, le blu - qui devrait s'avérer somptueux, est annoncé pour le 12 décembre !! :D

Grande fin d'année aussi pour les fans de Nastassia Kinski : en effet, rappelons que le "Coup de coeur" de Coppola nous revient également en blu en novembre ... :D
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Jack Carter
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Re: Tess (Roman Polanski - 1979)

Message par Jack Carter »

vu Tess sur grand ecran dimanche, restauration absolument magnifique.

quand aux Coppola prevus en novembre, ils sont normalement repoussés sans date...
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jacques 2
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Re: Tess (Roman Polanski - 1979)

Message par jacques 2 »

Jack Carter a écrit :
quand aux Coppola prevus en novembre, ils sont normalement repoussés sans date...
Si l'info est confirmée, merde ... :(
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Jack Carter
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Re: Tess (Roman Polanski - 1979)

Message par Jack Carter »

jacques 2 a écrit :
Jack Carter a écrit :
quand aux Coppola prevus en novembre, ils sont normalement repoussés sans date...
Si l'info est confirmée, merde ... :(
fnac.com et dvdfr. com l'ont enlevé de leur planning, seul Amazon l'indique encore en sortie..

et desolé pour le HS.
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Jeremy Fox
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Re: Tess (Roman Polanski - 1979)

Message par Jeremy Fox »

A l'exception de Le Pianiste, la découverte de Tess hier soir me confirme que Polanski n'est définitivement pas un cinéaste pour moi ; et pourtant ce film avait tout pour me plaire. S'il est bien évidemment plastiquement sublime, il ne m'a pas touché une seule seconde, n'arrivant pas à m'intéresser ni aux personnages ni à ce qu'il leur arrivait, n'ayant jamais non plus ressenti le souffle du romantisme attendu. Pas vraiment d'ennui non plus mais une totale indifférence à ce qui se déroulait à l'écran.
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Demi-Lune
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Re: Tess (Roman Polanski - 1979)

Message par Demi-Lune »

Jeremy Fox a écrit :A l'exception de Le Pianiste, la découverte de Tess hier soir me confirme que Polanski n'est définitivement pas un cinéaste pour moi ; et pourtant ce film avait tout pour me plaire. S'il est bien évidemment plastiquement sublime, il ne m'a pas touché une seule seconde, n'arrivant pas à m'intéresser ni aux personnages ni à ce qu'il leur arrivait, n'ayant jamais non plus ressenti le souffle du romantisme attendu. Pas vraiment d'ennui non plus mais une totale indifférence à ce qui se déroulait à l'écran.
J'idolâtre Polanski mais comme toi, dans une moindre mesure tout de même, j'ai trouvé qu'il manquait quelque chose à Tess pour en faire un très grand film. Un défaut d'incarnation et d'empathie effectivement qui provient peut-être du classicisme froid (malgré une maîtrise et un emballage esthétique irréprochables) de la mise en scène, là où celui d'un Chinatown possède ce supplément d'âme typiquement polanskien. Difficile à expliquer.
Les éléments romanesques sont là, la gestion narrative est fluide comme toujours avec le cinéaste, mais le film manque un peu de coffre ou de puissance dramatique et les deux prétendants de la superbe Nastassja Kinski, de charisme. L'exercice reste de très belle tenue mais je ne place pas dans mon panthéon polanskien.
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Profondo Rosso
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Re: Tess (Roman Polanski - 1979)

Message par Profondo Rosso »

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Dans le Dorset rural de la période victorienne, le pasteur Tringham, un historien local, déclare à un fermier de la région, John Durbeyfield, qu'il a découvert lors de ses recherches que les Durbeyfields descendaient des D'Urberville, une famille de haut lignage. Obnubilé par l'idée d'obtenir de l'argent grâce à cette noblesse perdue, Durbeyfield envoie sa fille Tess rencontrer une famille D'Urberville, qui habite un joli manoir proche. Alec D'Urberville, charmé par la beauté de sa « délicieuse cousine », accepte de l'employer pour s'occuper des poules de sa mère. Alec tombe bientôt amoureux de Tess, tente de la séduire et finit par la violer.

Peu avant sa mort dans le fait divers que l’on sait, l’actrice Sharon State s’était enthousiasmée à la lecture du classique de Thomas Hardy Tess d’Urberville (recommandé judicieusement par des amis la voyant bien dans le rôle-titre) et avant d’aller accoucher à Los Angeles avait laissé un exemplaire à son époux Roman Polanski avec une note lui disant que cela ferait un bon film. Polanski encore endeuillé ne daignera lire l’ouvrage que quelques années plus tard et captivé à son tour cherchera à en tirer une adaptation. Exilé en France suite à son affaire de mœurs au Etats-Unis, son ambition se croise à celle du producteur français Claude Berri cherchant à sortir une grande production internationale signée Polanski. Débute alors une grande aventure humaine où la maniaquerie de Polanski et les divers dépassements de budget mettront à mal les finances de son mécène Berri, ce dernier laissant pourtant une totale liberté artistique à l’artiste polonais et n’intervenant jamais sur le tournage.

Les paysages du Dorset dépeint par Hardy n’existant plus dans une Angleterre dont l’espace rural s’est modernisé (et les soucis judiciaires de Polanski empêchant un tournage en Grande-Bretagne d’où il risque l’extradition), le tournage se fera en France entre la Normandie et la Bretagne où le cadre correspond encore à ce que devait être la campagne anglaise du XIXe (moyennant quelques ajustements de l’équipe technique). Tous ses efforts, la sensibilité de Polanski et la trouvaille miraculeuse de la Tess idéale en la personne de Nastassja Kinski (dix-sept ans à peine à l’époque) n’aboutiront certes pas à l’adaptation parfaite (une première muette datant de 1922) mais donneront néanmoins un bien beau film.

Tess d’Urberville est souvent considéré comme le chef d’œuvre de Thomas Hardy, celui où s’entrecroisent le mieux l’imagerie, l’atmosphère et les thèmes qui caractérisent ses ouvrages. On retrouve ainsi cet attachement et minutie dans la description du monde rural et des différents travaux y étant rattachés (Les Forestiers, Loin de la Foule déchaînée…), tout comme ce pouvoir et omniscience de la Nature annonçant, soulignant ou accompagnant le drame en marche. La noirceur et le pessimisme typique de l’auteur y est également des plus prononcés à travers ce destin si funeste pour Tess et le poids moral de cette Angleterre Victorienne ainsi que l’opposition constante entre Nature et Morale (Jude l’Obscur évidemment) a rarement été mieux exposée.

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Obéissant à son style narratif consistant à ne pratiquement jamais décrocher du point de vue de son personnage principal et happé par le magnétisme de son interprète féminine, Polanski tutoie souvent la puissance dramatique d’Hardy tout au long du film. Dès la scène d’ouverture, la tragédie de Tess Durbeyfield (Nastassja Kinski) est tracée sur ce symbolique chemin croisé qu’elle emprunte avec ses jeunes camarades en blanches robes d’été. Dans la direction adjacente arrive son père qui pour son malheur va apprendre par un pasteur sa parenté avec l’illustre et disparue famille d’Urberville. Courant après ce prestige disparu, ses parents ignorants l’envoient se réclamer auprès de supposé parents richissime du même et par la même occasion dans les griffes du séducteur Alec D’Urberville (Leigh Lawson). Peu avant lors d’une magnifique scène de danse au crépuscule Tess aura manqué sa rencontre celui qui aurait pu alors la sauver et épargner bien des malheurs, Angel (Peter Firth) ne la choisit pas comme cavalière parmi ses camarades mais se rendant compte de son erreur est incapable de la quitter du regard. Mais c’est trop tard, à l’image de la destinée de notre héroïne où tout se jouera à chaque fois de peu, pour son malheur le plus souvent. La beauté crépusculaire qui anime cette somptueuse entrée en matière (le gros plan de Tess avec le soleil couchant en arrière-plan est absolument stupéfiant) semble d’ailleurs annoncer les heures sombres à venir par cet acte manqué.

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Nastassja Kinski EST Tess et le lecteur de Thomas Hardy aura véritablement l’impression de voir s’incarner le personnage du roman dans le moindre détail. Cet éclatant teint de pêche, cette bouche aux moues boudeuses dont les lèvres charnue enflamment les sens et ce regard doux et ardent exprimant autant le stupre que l’innocence, tout est là. Tess ne sait pourtant que faire de ces atouts et subjuguera les deux hommes de sa vie (ange et démon, revers d’une même pièce) pour de mauvaises raisons, sans qu’aucun d’eux n’aient su la comprendre et la voir vraiment telle qu’elle est. Chacun y voit le reflet de ses propres désirs, déçus dans ses attentes et provoquant la déchéance progressive de Tess. Pour Alec D’Urberville c'est une promesse de sensualité et la résistance de cette paysanne à la beauté soufflante ne s’explique pas dans une société où ces rapprochements charnels entre maître et serviteur est naturel. Les réticences de Tess ne sont donc qu’autant d’appels du pied involontaire, à l’image de cette scène troublante où Alec insiste pour lui faire manger une fraise et où le trouble et la gêne se lisent sur son visage. Ce moment annonce la terrible scène de viol aux premières lueurs de l'aube.

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Tess y cède dans un premier temps plus par reconnaissance que par désir à son bienfaiteur le temps d’un baiser et dès son premier mouvement de recul D’Urberville use de la violence pour abuser d’elle (appuyé par le thème musical tourmenté de Philippe Sarde et la belle idée du nuage de poussière masquant l'horreur). Une nouvelle la fois, c’est l’attrait involontaire de Tess agit comme une fatalité et de manière plus directe que dans le roman où D’Urberville profite d’une Tess endormie pour arriver à ses fins. Tout passe également par le miroir déformant offert par notre héroïne dans sa relation avec Angel Clare. Le personnage en quête de perfection et ayant fui les préceptes religieux stricts de sa famille sera éblouit par la beauté immaculée et la pureté dégagée par Tess. Polanski à travers le regard de l’amoureux transi fige Tess dans de splendides tableaux d’été où elle figure une image idéalisée de la paysanne innocente à travers les divers travaux fermiers (cette scène où elle traie les vaches en plein dans un beau plan d’ensemble sur le pâturage).

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Là aussi Angel court après une image qu’il se fait de Tess, renforçant la culpabilité de celle-ci que le réalisateur appuie par le rôle des éléments naturels, que ce soit le rayon de soleil inondant l’image lorsque Tess découvrira que son aveu écrit n’a pas été lu ou l’ambiance hivernale de la dernière partie en guise de pénitence. Tout comme Alec lorsque son aimée ne se confondra plus avec l’idée qu’il s’en est fait lors de la pénible scène d’aveu (où il se fermera pour actes qu’il a lui-même commis mais n’accepte pas pour une femme), sa réaction sera profondément injuste et intolérante contrairement à l’ouverture que dégageait le personnage. Cette option de Polanski est réussie et donne une vraie force dramatique au film mais à tout exprimer par le seul prisme de Tess et de la prestation de Nastassja Kinski, le lecteur ne manquera pas de trouver une certaine simplification par rapport au livre. Angel et Alec sont pour Polanski deux archétypes, le bon et le mauvais, le fort et le faible, le débauché et le vertueux, mais finalement manque des nuances que leurs donnait Thomas Hardy.

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Alec dans le livre est finalement réellement amoureux de Tess mais la morale et les refus de l’héroïne font ressortir tous ses mauvais penchants qui l’amènent à abuser d’elle. Quant à Clare, il n’est que sous-entendu par Polanski la façon dont il se détourne de son éducation stricte, Hardy soulignait l’ouverture d’esprit, la facette libertaire guidée par sa morale propre et le choc face à son incapacité à mettre en pratique ses préceptes lors de l’aveu de Tess n’en était que plus fort. De l’amour d’Alec surgissait le désir dans son expression la plus violente et de la passion d’Angel apparaissait toute la morale de l’Angleterre Victorienne dans toute sa splendeur. Tess apparaissait via ses deux prétendants comme déchirée entre nature et morale, entre son milieu peu regardant (ses parents poussant à cette séduction notamment sa mère) et son caractère plus instruit, entre les préceptes paganistes d’Angel et le poids de la morale de l’époque. Tout cela Polanski ne fait que l’effleurer par quelques allusions (le langage plus soutenu de Tess par rapport à ses parents et le fait qu’elle ait voulue être maîtresse) et situations (la tirade de Tess sur l’âme quittant le corps en voyant une étoile filante révélant son caractère plus mystique son insistance à baptiser son fils mourant exprimant lui sa piété) mais globalement étouffée par la simplification des deux protagonistes masculins qui mettaient en valeur ces traits de caractères.

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Dénué de cette hauteur de regard et de ses thématiques, la dernière partie du film en forme de chemin de croix douloureux donne un peu le sentiment d’une suite de malheurs ininterrompues et sans liant narratif consistant (et un peu trop appliqué à la manière de son Oliver Twist ne soutenant pas la comparaison par rapport à la version David Lean, un Lean qui aurait été le candidat idéal aussi pour adapter Tess). Tess n’en reste pas moins un grand mélodrame qui retrouve toute sa force dans un final aussi intense que le livre, l’héroïne définitivement brisée et souillée par les déconvenues (la robe rouge opposée aux tenues plus claires qui soulignait son innocence) trouvant dans un bref abandon le bonheur qui lui a été si longtemps refusé.

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La conclusion à Stonehenge trouve enfin de cet élan mystique (que le score de Philippe Sarde entre romanesque et élans traditionnels celtiques saisi parfaitement tout au long du film) tout en bouleversant quant au drame humain d’une Tess condamnée, le Dieu ou les Dieux ne s’étant définitivement pas préoccupés de son destin. On peut supposer que la postproduction houleuse (Claude Berri pris à la gorge financièrement faisant tout pour raccourcir le film qui fera tout de même près de 3h) ait contraint Polanski à simplifier et à en rester au mélodrame Victorien plus terre à terre, cela étant de toute façon logique avec son oeuvre ou même lorsqu'il aborde le fantastique, il l'atténue et le désamorce par une l'ambiguïté (Rosemary's Baby) ou l'ironie (La Neuvième Porte). Ca n’en reste pas moins un superbe film, pour le regard de Nastassja Kinski, pour sa réussite plastique et les émotions intenses qu’il procure. 5/6

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Banane
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Re: Tess (Roman Polanski - 1979)

Message par Banane »

Je rejoins un peu Demi-Lune sur le sentiment d'inachevé de Tess qui a pourtant énormément de qualités formelles et une Nastassja Kinski au sommet.
L'actrice m'a impressionnée, elle apporte une grâce au personnage d'autant plus remarquable qu'elle était fort jeune lors du tournage (16/17 ans il me semble), qu'elle parlait mal l'anglais, et qu'elle a un rôle difficile (passer d'une paysanne innocente à une meurtrière, tout en restant crédible, c'était une gageure).

Le problème vient pour moi essentiellement de Peter Firth et Leign Lawson qui incarnent respectivement Angel et Alec. Le film m'a donné envie de lire le roman de Hardy, et effectivement, comme tu dis Profondo Rosso, les personnages masculins y sont bien plus intéressants et nuancés que dans le film. Je ne suis pas défavorable au stéréotype (ici l'ange et le démon) pourvu qu'il soit traité avec panache, mais la simplification des rôles nuit grandement à l'empathie qu'on éprouve pour Tess. Pour Angel, on finit par se demander pourquoi elle l'a tellement dans la peau, non seulement il y a la manière dont il la répudie après qu'elle lui ait confessé le viol dont elle avait été victime, mais surtout l'éternel air d'ahuri qu'affiche Peter Firth durant toutes ses apparitions. On ne croit pas d'ailleurs un instant au Angel réformé, éprouvé et revenu d'Amérique du Sud, à cause de la prestation catastrophique de l'acteur. Lawson est un poil meilleur, mais il a tendance à faire de Alec un dandy guindé, et non le roué sensuel odieux certes, mais sincèrement amoureux de Tess.
Je ne sais pas si ce casting masculin peu inspiré vient de Polanski (trop fasciné par la Kinski pour s'intéresser aux rôles masculins) ou si ce sont les seuls acteurs qu'il a pu avoir à cause des problèmes de la production et de ses problèmes juridiques, mais c'est vraiment dommage, car il a frôlé le chef d'oeuvre absolu.

Je ne reviendrais pas sur la beauté formelle du film très bien expliquée par Profondo. Certaines séquences m'ont quasi hypnotisées (la danse champêtre,les fraises, le final sous les "menhirs"), la scène de l'agression de Tess dans le brouillard participe également à ce côté quasi-fantasmagorique.

Le film thématiquement est extrêmement riche : il commence par une recherche de reconnaissance d'identité (les D'Uberville) pour se finir dans la tombe de cette famille au nom autrefois aisée et respectée. Il se place dans la période de la fin du sevrage et le début du capitalisme moderne avec la modernisation de l'agriculture. Toutes les scènes des ouvrières de campagne sont remarquables. Le prestige social ne viendra plus d'un nom mais du pouvoir économique (d'ailleurs Alec fait plus figure d'entrepreneur).
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Profondo Rosso
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Re: Tess (Roman Polanski - 1979)

Message par Profondo Rosso »

Banane a écrit : Le film thématiquement est extrêmement riche : il commence par une recherche de reconnaissance d'identité (les D'Uberville) pour se finir dans la tombe de cette famille au nom autrefois aisée et respectée. Il se place dans la période de la fin du sevrage et le début du capitalisme moderne avec la modernisation de l'agriculture. Toutes les scènes des ouvrières de campagne sont remarquables. Le prestige social ne viendra plus d'un nom mais du pouvoir économique (d'ailleurs Alec fait plus figure d'entrepreneur).
Oui d'ailleurs dans le livre (je ne me souviens pas que ce soit dit dans le film on sait juste qu'il y a une autre branche sous un autre nom) on apprend qu'en fait la famille d'Alec D'Urbeville a réussie dans l'industrie et pour avoir un nom plus conforme à son statut de nouveau riche a acheté celui d'une famille noble éteinte pour l'endosser. Sinon on est d'accord sur le principal défaut du film, quand on a pas lu le livre ça donne un sentiment un peu froid et schématique dans la déchéance que rattrape la beauté formelle et la prestation de Nastassja Kinski et quand on l'a lu on comprend que le problème vient de la simplification des protagonistes masculins. C'est effectivement criant avec Peter Firth en Angel, son personnage étant le plus complexe dans le livre, bien plus riche que son incarnation mièvre par Polanski. Tout le côté mystique de l'histoire est censée être amené par lui et les idées nouvelles qu'il inculque à Tess (et l'incapacité à les appliquer quand il apprend son passé), c'est dommage que ça soit évacué comme cela. Alec D'Urbeville en souffre un peu moins car mieux interprété par Lawson même s'il manque quelque chose aussi.
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Roilo Pintu
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Re: Tess (Roman Polanski - 1979)

Message par Roilo Pintu »

Découverte totale de ce classique, et très belle surprise.

Malgré une difficulté pour entrer dans l'histoire au début, avec un film au rythme lent, c'est la beauté du film et celle toute naturelle de Nastassja Kinski qui a maintenu mon attention. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un film aussi beau, magnifiquement mis en lumière. Difficile de recenser les plans qui peuvent figurer en tableau, ils sont trop nombreux. Chaque scène apporte son lot, et laisse songeur, que ce soit les portraits, les intérieurs, les paysages de campagnes, ou les scènes de la vie quotidienne... rien à rejeter. Au bout d'un moment, j'en suis presque arrivé à me dire que le rythme lent du film était au bon niveau pour apprécier l'histoire, ses peintures, son drame.

Beau, magnifique mais aussi assez noire avec le parcours que va suivre Tess et les caprices du destin qu'elle subira. Nastassja Kinski est hypnotisante par sa beauté, sa grâce, son innocence, difficile d'y rester insensible, jusque dans ces derniers instants.
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