La Plus Belle soirée de ma vie (Ettore Scola - 1972)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Cosmo Vitelli
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Message par Cosmo Vitelli »

rosebud a écrit :j'ai le souvenir de ce faux procés et de la performance d'Alberto Sordi ( mais peut-on parler de performance quand il s'agit d'un tel acteur ? )
Je ne résiste pas à la tentation de citer un passage du journal que Claude Dauphin a tenu pendant le tournage du film : "On voit la porte s'entrebailler lentement et, dans la sombre embrasure, les yeux de M. Rossi briller de convoitise. Il n'y aurait là rien de divertissant si ce n'était les yeux d'Alberto Sordi. A la fois suppliants, émerillonnés, humides, on y perçoit le désir d'approcher cette belle nymphe sans écailles et la crainte d'être surpris, toute la canaillerie et toute la couardise de M.Rossi, on y saisit dans l'éclat du regard, les pronfondeurs d'un caractère, la vérité d'un personnage. Un mimodrame de trente secondes, rien dans les mains , rien dans les poches, tout dans les yeux, mais si juste et si comique que les spectateurs éclatent de rire. Il n'ya que les grands bouffons qui, d'une grimace, obtiennent autant de leur audience que les grands tragédiens d'une tirade."
Claude Dauphin, Les Derniers Trombones, éditions Jean-claude Simoën.

Claude Dauphin a promis à ses amis "trombones" de ne pas se censurer (lire le bouleversant passage qui traite de la mort de Brasseur, en présence de Vanel et de Dauphin), de ne rien épargner de leurs manies comme de leurs bassesses. Il le fait sans méchanceté aucune. On sent poindre la tendresse même lorsqu'il s'attarde sur les caprices de Brasseur ou les incartades de Simon.

Et, pour revenir à la citation retenue, on sent véritablement une admiration de l'auteur pour le travail de Sordi qu'il célèbre, avec conviction et respect.

Complément idéal du film (à ne lire qu'après l'avoir visionné donc...pour éviter les spoilers notamment) l'ouvrage de Dauphin est, au-delà d'un récit autobiographique, un témoignage précieux sur le tournage d'un film et sur le "paradoxe du comédien".
"De toutes les sciences humaines, la pipeaulogie - à ne pas confondre avec la pipe au logis - ou art de faire croire qu'on sait de quoi on parle, est sans conteste celle qui compte le plus de diplômés !" Cosmo (diplômé en pipeaulogie)
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manuma
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Message par manuma »

M’a l’air tout à fait intéressant ce bouquin …

Je suis impressionné par les avis laissés sur DVDToile. Me basant sur la critique laconique et lacunaire de Télé 7 jours, la sortie en différé du film sur les écrans français et l’absence d’enthousiasme particulier à l’égard du film dans la paragraphe que consacre Jean Tulard à Ettore Scola, dans son dico des réalisateurs, je m’étais persuadé au fil du temps qu’il s’agissait d’une œuvre unanimement considérée comme un flop artistique pour Scola. Ca me fait plaisir de voir que je m’étais planté.
julien a écrit :Là tu me met sacrément l'eau à la bouche ! J'adore ce que fait Trovaioli sur les films de Scola. En particulier cette chanson grotesque que l'on entend dans Affreux sales et méchants. Ses thèmes musicaux, souvent légers et très rythmés sont souvent des pieds de nez contre les orchestrations empâtés que l'on rencontre un peu trop souvent dans la musique classique. Un peu comme chez Nino Rota d'ailleurs, mais chez Trovaioli c'est souvent plus sarcastique. Il a aussi été beaucoup influencé par le jazz. Il faut moi aussi que je voye ce film. :P
Tout comme toi je trouve passionnante l’association entre Trovaioli et Scola. Je ne connais pas encore tout de celle-ci mais outre La plus belle soirée de ma vie et Affreux, sales et méchants, musique malheureusement toujours inédite en CD, je citerais bien parmi les joyaux de leur collaboration la musique de Drame de la jalousie avec Vitti et Mastroianni qui poussent la chansonnette sur un magnifique thème à la Rota et la partition folk de Permette? Rocco Papaleo, encore un grand Scola (mon préféré de lui en fait, avec Affreux … et La plus belle soirée …). Il y a aussi de très belles chose à se mettre sous l'oreille dans le score de La Nuit de Varennes.
Cosmo Vitelli
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Message par Cosmo Vitelli »

manuma a écrit :Tout comme toi je trouve passionnante l’association entre Trovaioli et Scola. Je ne connais pas encore tout de celle-ci mais outre La plus belle soirée de ma vie et Affreux, sales et méchants, musique malheureusement toujours inédite en CD, je citerais bien parmi les joyaux de leur collaboration la musique de Drame de la jalousie avec Vitti et Mastroianni qui poussent la chansonnette sur un magnifique thème à la Rota et la partition folk de Permette? Rocco Papaleo, encore un grand Scola (mon préféré de lui en fait, avec Affreux … et La plus belle soirée …). Il y a aussi de très belles chose à se mettre sous l'oreille dans le score de La Nuit de Varennes.
Sans oublier la très belle partition de Nous nous sommes tant aimés
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manuma
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Message par manuma »

Cosmo Vitelli a écrit :Sans oublier la très belle partition de Nous nous sommes tant aimés
Etrangement j'accroche moins à cette musique, dont le thème nostalgique me parait un peu trop facile, évident ... Très beau film de Scola découvert lui aussi en prime time au cinéma du dimanche soir de TF1 et jamais revu depuis. J'adhère également plus difficilement à la partition jazz de Quelle heure est-il ? (alors que j'aime beaucoup le film).
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Re: La Plus Belle soirée de ma vie (Ettore Scola, 1972)

Message par Jill-Jênn »

Un peu d'archéologie, grâce à Jeremy Fox :)

J'ai vu ce film hier, et, comme j'ai dit sur un autre topic :
Ce qui m'a surpris, c'est que la salle était quasi-pleine, alors que pour Le Fouineur, il y avait encore beaucoup de places vides ^^ Peut-être parce que Pierre Brasseur jouait dedans (j'ai d'ailleurs lu qu'il est décédé sur le tournage).
Et je crois avoir compris la fin hier soir (est-ce que tu t'en souviens ?), mais juste après le film je me disais : « Mais qu'est-ce que c'est que ce film ? »

Sinon, je crois avoir repéré une petite gâterie scénaristique que s'est offerte Ettore Scola. Un moment, Claude Brasseur dit : « C'est vrai, les Italiens, ce sont les meilleurs ! »
Quant à la musique, je n'ai pas aimé du tout le timbre de l'instrument trop bizarre qu'on entend pendant qu'Alberto suit la belle domestique sur la route.

Edit : À ce sujet, j'ai l'impression de n'avoir jamais vu d'actrices aussi belles que celles qui tournent dans les films d'Ettore Scola. Mais je ne suis pas habitué à regarder des films antérieurs à 2000 (chacun son époque :P).

J'ai quand même une question :
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Est-ce que les juristes ont ordonné à la domestique de tuer Alberto ? C'est le fait que le greffier lui dise : « Si un code moral avait existé, je vous aurais condamné à mort » qui m'a fait penser ça.
Jean-François Houben
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Re: La Plus Belle soirée de ma vie (Ettore Scola, 1972)

Message par Jean-François Houben »

Quelques lignes pour évoquer la réception par la critique française de ce film rare, récemment diffusé sur Arte... 8)

A la sortie du film, André Cornand évoque "un violent et virulent réquisitoire (...) très librement adapté d'une nouvelle de Dürrenmatt... (...) un des grands films de l'année 1979 [dont] l'intérêt va bien au-delà du régal ému que nous procurent ses grands interprètes disparus"; dans Le Monde, Jean de Baroncelli vante "à mi-chemin de la fable et de la comédie (...) un film brillant, amusant, insolite"; nettement moins enthousiaste, Claude Michel Cluny parle d' "une grosse bouffonnerie (...) une ratatouille dont le comble est bien qu'elle n'attache même pas..."

Lors de la précédente diffusion TV (25 mars 1984), le critique et historien Jacques Siclier rédigeait pour Télérama un long commentaire critique dont j'isole quelques fragments: "Il fallut attendre qu'Alberto Sordi fut en mesure de participer, en français, à la post-synchronisation. Or, Pierre Brasseur était mort quelques jours avant la fin du tournage (...) d'où une impression de film d'outre-tombe accentuant l'atmosphère semi-fantastique et dramatique du sujet (...) Les voix des morts sont décalées et aux prises de son de Pierre Brasseur, il avait fallu ajouter des paroles dues à un imitateur. Ces petits défauts techniques gênent moins, d'ailleurs, que le malaise de la fable (...) pouvons-nous vraiment juger la valeur réelle de ce film? Nous y assistons comme à une cérémonie funèbre en regardant jouer ceux qui ne sont plus et derrière les visages desquels nous revoyons d'autres rôles que nous avons tant aimés."

Très cordialement :wink:

Jean-François Houben,
"Feux croisés sur la critique" et "1000 Compositeurs de cinéma"
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Demi-Lune
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Re: La Plus Belle soirée de ma vie (Ettore Scola, 1972)

Message par Demi-Lune »

Je n'ai pas aimé. :oops: L'entame n'était pas inintéressante avec sa course-poursuite à travers les routes suisses. C'est là que l'inquiétante étrangeté visée par Scola fait finalement le mieux son effet. Mais dès que Sordi se retrouve dans le château, ça s'engourdit sévèrement tandis que l'abattage ininterrompu du comédien commence à lasser. Par ailleurs les échanges avec les magistrats retraités sont lourds et fatigants, loin des vrais films de prétoire, et ôtent à la dimension kafkaïenne du film toute sa tension. Vanel et Brasseur ont particulièrement l'air à bout de souffle, ça fait mal. Les gros sabots de la fin (moins dans son idée que dans son exécution assez ratée) achèvent pour moi de dater ce film.
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