Max Ophüls (1902-1957)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Zarathoustra
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Message par Zarathoustra »

Majordome a écrit : Sinon, quelles sont les réserves idéologiques que tu fais sur "Lettre d'une inconnue" ?
Merci pour tes précisions sur "Caught". En fait le jeu des acteurs m'importe peu (sauf cas exceptionnel où ils plombent le film). En revanche si le scénario est bancal, bof.

"Lettre d'une inconnue" reprend bien-sûr la nouvelle (ou roman) de S. Zweig pour en faire une adaptation trés moralisatrice (c'est difficilement contestable). Le destin de Lisa Bredle est trés touchant mais pourquoi(c'est sans doute le point de vue de Zweig également) cette volonté affichée d'une logique: Libertinage=Souffrance=Mort. Le commentaire audio fait par un universitaire n'autorise d'ailleurs aucune nuance à ce propos puisqu'il estime qu'à la fin Stefan Brand va vers son destin, c'est à dire la mort pour expier le mal fait à Lisa.
On peut accepter une telle conception des choses dans l'absolu. Ce qu'en revanche je m'explique mal c'est la raison pour laquelle Ophüls a réalisé ce film en 1948, soit trois ans après la seconde guerre mondiale, conflit dont l'origine repose aussi (pas seulement mais aussi) sur une volonté de "reprise en main" morale. Toute l'explosion romantique du XIXème siècle (d'où est directement issu le texte de Zweig) est un terreau fertile pour l'extrêmisme assoiffé de passion et de raison bridée.
Majordome
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Message par Majordome »

Zarathoustra a écrit :
Majordome a écrit : Sinon, quelles sont les réserves idéologiques que tu fais sur "Lettre d'une inconnue" ?
Merci pour tes précisions sur "Caught". En fait le jeu des acteurs m'importe peu (sauf cas exceptionnel où ils plombent le film). En revanche si le scénario est bancal, bof.

"Lettre d'une inconnue" reprend bien-sûr la nouvelle (ou roman) de S. Zweig pour en faire une adaptation trés moralisatrice (c'est difficilement contestable). Le destin de Lisa Bredle est trés touchant mais pourquoi(c'est sans doute le point de vue de Zweig également) cette volonté affichée d'une logique: Libertinage=Souffrance=Mort. Le commentaire audio fait par un universitaire n'autorise d'ailleurs aucune nuance à ce propos puisqu'il estime qu'à la fin Stefan Brand va vers son destin, c'est à dire la mort pour expier le mal fait à Lisa.
On peut accepter une telle conception des choses dans l'absolu. Ce qu'en revanche je m'explique mal c'est la raison pour laquelle Ophüls a réalisé ce film en 1948, soit trois ans après la seconde guerre mondiale, conflit dont l'origine repose aussi (pas seulement mais aussi) sur une volonté de "reprise en main" morale. Toute l'explosion romantique du XIXème siècle (d'où est directement issu le texte de Zweig) est un terreau fertile pour l'extrêmisme assoiffé de passion et de raison bridée.
A quel extrémisme penses-tu ?
Par principe la passion est rarement raisonnable :wink:
Zarathoustra
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Message par Zarathoustra »

Majordome a écrit : A quel extrémisme penses-tu ?
Par principe la passion est rarement raisonnable :wink:
Tous, de gauche comme de droite et en l'occurence pour la période en cause ici le national-socialisme et le communisme.
Majordome
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Message par Majordome »

Zarathoustra a écrit :
Majordome a écrit : A quel extrémisme penses-tu ?
Par principe la passion est rarement raisonnable :wink:
Tous, de gauche comme de droite et en l'occurence pour la période en cause ici le national-socialisme et le communisme.
Soit, mais que reproches-tu exactement, idéologiquement parlant, à "Lettre d'une inconnue" plus précisement... çà doit être l'heure... car le rapport m'échappe ;)
Solal
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Message par Solal »

Zarathoustra a écrit : "Lettre d'une inconnue" reprend bien-sûr la nouvelle (ou roman) de S. Zweig pour en faire une adaptation trés moralisatrice (c'est difficilement contestable). Le destin de Lisa Bredle est trés touchant mais pourquoi(c'est sans doute le point de vue de Zweig également) cette volonté affichée d'une logique: Libertinage=Souffrance=Mort. Le commentaire audio fait par un universitaire n'autorise d'ailleurs aucune nuance à ce propos puisqu'il estime qu'à la fin Stefan Brand va vers son destin, c'est à dire la mort pour expier le mal fait à Lisa.
On peut accepter une telle conception des choses dans l'absolu.
Il y a une morale de l'histoire et une morale de la mise en scène, ce n'est pas la même chose et tu as tendance à tout confondre. Dans Lettre d'une inconnue la mise en scène est déliée, fluide, baroque ; la touche Ophuls est déjà présente, avec son ballet de travellings, véritable valse de la caméra qui rend parfaitement hommage à la Vienne de la grande époque. Le cinéaste s'est intéressé plus que tout autre à la logique du plaisir - voir La ronde, adapté de Schnitzler ou Le plaisir, adapté de Maupassant. Son "moralisme" est assez proche de celui de ces auteurs - encore une fois, rien de moralisateur ici : Zweig et Schnitzler sont les purs produits du monde dont ils stigmatisent la déchéance, non pour une question de moeurs mais parce qu'elle annonce une ère nouvelle, l'émergence d'un monstre politique dont la Vienne antisémite est en quelque sorte le berceau.
Zarathoustra a écrit :Ce qu'en revanche je m'explique mal c'est la raison pour laquelle Ophuls a réalisé ce film en 1948, soit trois ans après la seconde guerre mondiale, conflit dont l'origine repose aussi (pas seulement mais aussi) sur une volonté de "reprise en main" morale.
De quoi parles-tu ??? Tu dis vraiment n'importe quoi parfois.
Zarathoustra a écrit :Toute l'explosion romantique du XIXème siècle (d'où est directement issu le texte de Zweig) est un terreau fertile pour l'extrêmisme assoiffé de passion et de raison bridée.
Non Zweig n'est pas du tout un romantique même s'il a été fasciné par les grandes figures du romantisme. Ophuls reprend très exactement la vision politique de Zweig (développée de manière explicite dans certains de ses essais). Très freudien, l'auteur voit poindre au coeur de la civilisation, un retour du refoulé - la "barbarie" - et cette "explosion romantique" constitue à la fois un pur produit de la culture et les prémisses de ces idéologies politiques esthétisantes - fascisme/nazisme - qui gagneront progressivement le continent. Le climat de Lettre d'une inconnue renvoie à la description d'un monde autant éclairé par la civilisation que travaillé par ses démons - une ambivalence parfaitement rendue par Ophüls (voir notamment l'usage de la lumière). Un monde qui sombrera avec le premier conflit mondial, annonciateur d'une nouvelle époque que stigmatisera la montée des totalitarismes. Malade de sa liberté, Vienne sera rongée par un mal monstrueux. Cela ne veut pas dire que la liberté est la cause de ce mal. Ne pas y voir, non plus, une sanction - car cela désole Zweig au plus haut point - mais plutôt un échec (qu'il analyse de la même façon que Freud dans Malaise dans la civilisation). Le film d'Ophuls ne dit rien d'autre.
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Solal
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Message par Solal »

Les désemparés (Ophuls, 1949). Une belle découverte que ce film noir tout en délicatesse et retenue. Quelques accents langiens (qui tiennent sans doute beaucoup à la présence de Joan Bennett), mais surtout la patte d'Ophuls, décidément inimitable. Sa légendaire fluidité épouse ici la fragilité des émotions, et donne à la relation incongrue qui s'instaure entre la mère de famille et le maître chanteur, une tonalité d'un romantisme inattendu. C'est étrange comme ces longs travellings virtuoses finissent par isoler les deux personnages, comme bloqués au milieu du gué, perdus entre deux rives - situation d'insulaires qui nourrit à la fois leur intimité et leur solitude. Un emploi également impressionant de la lumière, servi par une photo de très grande qualité : la luminosité tranchante du bord de mer hors saison ; les volutes poussiéreuses des bas quartiers de LA ; le doux éclairage d'un intérieur propret ; les scènes nocturnes structurées par des tâches de lumières - tout un spectre se dessine, posant l'hypothèse d'une continuité entre ces mondes apparemment contrastés.
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Lord Henry
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Message par Lord Henry »

The Exile (1947)

Moments privilégiés que ceux où je m'abandonne à l'ivresse que suscite si généreusement le raffinement virtuose de Max Ophüls.
L'âme rivée aux mouvements de caméra suprêmement élégants, je succombe au ravissement de ces plans ouvrés à ne plus savoir où donner du regard.

Cette agilité du style, j'en mesure d'autant mieux le prix que je devine derrière la légèreté le poids de la caméra, l'indispensable précision qui ne saurait souffrir nulle faille, la vision de l'artiste qui y préside.

Côté Fairbanks le fils n'était sans doute pas le père, mais ce portrait de Charles II en exil est dessiné avec sensibilité - Doug Junior, anglophile dans l'âme, en a cosigné le scénario et assuré la production.
Et quand vient le moment de reprendre le flambeau de l'acrobatique tradition familiale, il sait ne pas décevoir.
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vic
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Message par vic »

Lord Henry a écrit :The Exile (1947)

Moments privilégiés que ceux où je m'abandonne à l'ivresse que suscite si généreusement le raffinement virtuose de Max Ophüls.
L'âme rivée aux mouvements de caméra suprêmement élégants, je succombe au ravissement de ces plans ouvrés à ne plus savoir où donner du regard.

Cette agilité du style, j'en mesure d'autant mieux le prix que je devine derrière la légèreté le poids de la caméra, l'indispensable précision qui ne saurait souffrir nulle faille, la vision de l'artiste qui y préside.

Côté Fairbanks le fils n'était sans doute pas le père, mais ce portrait de Charles II en exil est dessiné avec sensibilité - Doug Junior, anglophile dans l'âme, en a cosigné le scénario et assuré la production.
Et quand vient le moment de reprendre le flambeau de l'acrobatique tradition familiale, il sait ne pas décevoir.
Grand moment d'élégance et de légèreté, en effet.
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Message par Flol »

Je viens encore de me bouffer un gros choc cinématographique, hier soir !! (24h après celui pour Spartacus)
Pourquoi donc, me direz-vous ?? Parce que j'ai regardé Lettre d'une Inconnue de Max Ophüls !!
Et ce film est magnifique, que dis-je....sublimissime !! :shock:
Tant sur le plan formel (avec la caméra constamment en mouvement) que sur le fond (cette histoire m'a bouleversé).
Joan Fontaine est merveilleuse, la musique (qui tient une place prépondérante dans le récit) est splendide et les 20 dernières minutes sont extrêmement émouvantes...

Bref....existe-il une édition dvd correcte de ce chef-d'oeuvre ??
Jordan White
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Message par Jordan White »

ratatouille a écrit :
Lord Henry a écrit :N'exagérons rien. Il n'était quand même pas le dernier à lever son verre.
Aaahhhh ce Lord Henry...je ne me lasserai jamais de ses bons mots. ;)

Sinon j'en ai marre : je viens encore de me bouffer un gros choc cinématographique, hier soir !! (24h après celui pour Spartacus)
Pourquoi donc, me direz-vous ?? Parce que j'ai regardé Lettre d'une Inconnue de Max Ophüls !!
Et ce film est magnifique, que dis-je....sublimissime !! :shock:
Tant sur le plan formel (avec la caméra constamment en mouvement) que sur le fond (cette histoire m'a bouleversé).
Joan Fontaine est merveilleuse, la musique (qui tient une place prépondérante dans le récit) est splendide et les 20 dernières minutes sont extrêmement émouvantes...

Bref....existe-il une édition dvd correcte de ce chef-d'oeuvre ??

Tu plaisantes ?
Blague à part, l'édition de Wild Side est très bonne, avec une image superbement constrastée. Tu peux te précipiter dessus les yeux fermés. Mais ouvre-les quand même à la dernière seconde histoire de ne pas te tromper de DVD et repartir avec celui de Le gendarme de Saint-Tropez.
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Jordan White a écrit :

Tu plaisantes ?
Blague à part, l'édition de Wild Side est très bonne, avec une image superbement constrastée. .
Très bonne, tu es encore bien sévère : splendide même :wink:
Majordome
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Message par Majordome »

Jeremy Fox a écrit :
Jordan White a écrit :

Tu plaisantes ?
Blague à part, l'édition de Wild Side est très bonne, avec une image superbement constrastée. .
Très bonne, tu es encore bien sévère : splendide même :wink:
Surement le meilleur dvd de chez Wild side, techniquement parlant.
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Flol
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Message par Flol »

Okay okay...donc faut que je l'achète, c'est ça ? :roll:
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Message par Flol »

Caught de Max Ophüls : c'est le 2ème film du bonhomme que je découvre cette semaine, et je reste ébahi en constatant à quel point sa mise en scène est maîtrisée : caméra constamment en mouvement, très fluide, suivant les personnages au plus près de leur évolution.
Et tout cela au service d'une histoire forte....en l'occurence, celle-ci m'a moins touché que celle de Lettre d'une Inconnue (ce qui est normal, étant donné que ce film-ci est plus tragique par essence) mais m'a malgré très intéressé.
Robert Ryan est parfait en "méchant" mari, James mason avait vraiment la classe (et une voix superbe) et Barbara Bel Geddes est très juste.

Bref les gars....quels autres films d'Ophüls me conseilleriez-vous ?? Parce que si toute sa filmo est du même tonneau, je sens qu'il va me plaire le bonhomme. ;)
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Beule
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Message par Beule »

ratatouille a écrit : Bref les gars....quels autres films d'Ophüls me conseilleriez-vous ?? Parce que si toute sa filmo est du même tonneau, je sens qu'il va me plaire le bonhomme. ;)
Tout!
D'Ophüls j'aime même les films français d'avant guerre généralement jugés les plus impersonnels et les plus méprisés, que ce soit un mélo archétypal comme Sans lendemain ou son digest des prémisses du premier conflit mondial à travers la destinée du couple impérial maudit Sophie Chotek et François-Ferdinand, De Mayerling à Sarajevo. Son adaptation de Goethe, Le roman de Werther ne serait pas loin d'offrir l'une des plus belles variation cinématographiques sur le thème romantique si l'interprétation de Richard-Wilm et d'Annie Vernay n'était pas aussi sèche et illustrative.
Si tu as le cable, il semble que soit diffusé depuis quelques temps un très beau récit d'aventures historiques (d'ailleurs recommandé par Roy Neary dans la section TV il y a quelque temps) sur l'exil de Charles II au pays des moulins, privilégiant évidemment les digressions tout en arabesques à l'action et au panache proprement dits.
Reste que c'est dans sa fameuse trilogie française du début des années cinquante (La ronde, Le plaisir, et Madame de...) que s'est le mieux affirmé son goût des constructions circulaires, son talent d'esthète baroque et raffiné, comme l'expression de sa qualité de jouisseur et de libre-penseur. Du point de vue de la stricte émotion sensuelle et de la perfection visuelle Madame de... constitue à mon avis le sommet absolu de son oeuvre, mais la quintessence absolue de cet art (aussi celui de la litote), esquissé déjà à ses débuts dans le célèbre et superbe Liebelei, est peut être offerte par le panneau central du Plaisir, La Maison Tellier.
Personnellement il n'y a que Lola Montes qui ne m'ait ni transporté ni même plastiquement impressionné. Il faut clairement que je lui redonne une chance.
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