Zarathoustra a écrit : "Lettre d'une inconnue" reprend bien-sûr la nouvelle (ou roman) de S. Zweig pour en faire une adaptation trés moralisatrice (c'est difficilement contestable). Le destin de Lisa Bredle est trés touchant mais pourquoi(c'est sans doute le point de vue de Zweig également) cette volonté affichée d'une logique: Libertinage=Souffrance=Mort. Le commentaire audio fait par un universitaire n'autorise d'ailleurs aucune nuance à ce propos puisqu'il estime qu'à la fin Stefan Brand va vers son destin, c'est à dire la mort pour expier le mal fait à Lisa.
On peut accepter une telle conception des choses dans l'absolu.
Il y a une morale de l'histoire et une morale de la mise en scène, ce n'est pas la même chose et tu as tendance à tout confondre. Dans
Lettre d'une inconnue la mise en scène est déliée, fluide, baroque ; la touche Ophuls est déjà présente, avec son ballet de travellings, véritable valse de la caméra qui rend parfaitement hommage à la Vienne de la grande époque. Le cinéaste s'est intéressé plus que tout autre à la logique du plaisir - voir
La ronde, adapté de Schnitzler ou
Le plaisir, adapté de Maupassant. Son "moralisme" est assez proche de celui de ces auteurs - encore une fois, rien de moralisateur ici : Zweig et Schnitzler sont les purs produits du monde dont ils stigmatisent la déchéance, non pour une question de moeurs mais parce qu'elle annonce une ère nouvelle, l'émergence d'un monstre politique dont la Vienne antisémite est en quelque sorte le berceau.
Zarathoustra a écrit :Ce qu'en revanche je m'explique mal c'est la raison pour laquelle Ophuls a réalisé ce film en 1948, soit trois ans après la seconde guerre mondiale, conflit dont l'origine repose aussi (pas seulement mais aussi) sur une volonté de "reprise en main" morale.
De quoi parles-tu ??? Tu dis vraiment n'importe quoi parfois.
Zarathoustra a écrit :Toute l'explosion romantique du XIXème siècle (d'où est directement issu le texte de Zweig) est un terreau fertile pour l'extrêmisme assoiffé de passion et de raison bridée.
Non Zweig n'est pas du tout un romantique même s'il a été fasciné par les grandes figures du romantisme. Ophuls reprend très exactement la vision politique de Zweig (développée de manière explicite dans certains de ses essais). Très freudien, l'auteur voit poindre au coeur de la civilisation, un retour du refoulé - la "barbarie" - et cette "explosion romantique" constitue à la fois un pur produit de la culture et les prémisses de ces idéologies politiques esthétisantes - fascisme/nazisme - qui gagneront progressivement le continent. Le climat de
Lettre d'une inconnue renvoie à la description d'un monde autant éclairé par la civilisation que travaillé par ses démons - une ambivalence parfaitement rendue par Ophüls (voir notamment l'usage de la lumière). Un monde qui sombrera avec le premier conflit mondial, annonciateur d'une nouvelle époque que stigmatisera la montée des totalitarismes. Malade de sa liberté, Vienne sera rongée par un mal monstrueux. Cela ne veut pas dire que la liberté est la cause de ce mal. Ne pas y voir, non plus, une sanction - car cela désole Zweig au plus haut point - mais plutôt un échec (qu'il analyse de la même façon que Freud dans
Malaise dans la civilisation). Le film d'Ophuls ne dit rien d'autre.