Sacha Guitry (1885-1957)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

BONNE CHANCE un film de Sacha Guitry réalisé par Fernand Rivers (1935)

Passé un style cinématographique daté et paresseux, on ne peut que savourer cette fantaisie improbable parsemée de répliques et de bons mots délicieux. Dommage que le scénario sente trop l'excuse pour être tout à fait convaincant. Car, au contraire du ROMAN D'UN TRICHEUR pour citer un exemple dans le haut du panier où l'histoire est aussi captivante que ses dialogues, dans BONNE CHANCE j'aurais plutôt tendance à m'ennuyer pendant le tiers central s'il n'y avait régulièrement quelques phrases irrésistibles pour faire oublier ces carences. Ca ressemble, en tout cas, à un sorte de long sketch dans une écriture proche du théatre (le jeu daté de certains comédiens ajoute à cette impression).

Hautement sympathique, donc, d'autant que le dvd René Chateau est tout à fait honorable: connaissant l'âge du film on est surpris de la relative qualité de l'image et de l'excellent rendu du son.
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
Nestor Almendros
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MON PERE AVAIT RAISON (1936)

Impression mitigée sur le scénario dans son ensemble. On y reconnait plusieurs thématiques, souvent pertinentes (l'amour de la vie, la filiation, etc.), mais le lien général m'a paru peu efficace à cause peut-être d'un travail un peu mince. Ainsi, je n'ai pas réussi à accrocher à l'intrigue du film qui est à la fois sous-exploitée et sous-travaillée, je trouve.

Par contre, pour compenser les faiblesses d'une intrigue qui, j'en ai l'impression, a une importance relative même pour son auteur, Guitry habille son film (sa pièce) de mini-scènes qui valent le coup d'oeil (et d'oreille) à elles-seules: quand il s'agit de scènes ou de monologues en particulier, l'évidence du travail sur le texte, son contenu, son jeu, sa légèreté, son humour (parfois cinglant, à propos des femmes notamment), et sa liberté font mouche à chaque fois. Il se passe ici ce qu'il m'arrive dans tous les films où apparait Guitry: une attirance hypnotique pour l'acteur et pour ses mots. En un mot: un régal ici épisodique mais suffisamment jouissif pour excuser un fil narratif beaucoup plus faible. Le contraste (de "qualité") se fait assez sentir sur ce film, et cela renforce encore plus ces impressions.

J'adore Guitry, son jeu, sa voix, ses gestes élégants et maniérés. Son jeu me fait penser à un Cary Grant dans la 2e moitié de sa carrière: il est à l'écran moins son personnage que lui-même. Guitry, dans ses films, incarne un rôle mais reste Guitry. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire...
Parmi le casting, je note celui qui joue son père, au jeu particulier: si le texte déclamé trahit, dans le phrasé, l'acteur professionnel, je trouve que Gaston Dubosc garde en permanence une sorte de naturel dans sa voix, un son légèrement décalé qui ajoute une impression d'improvisation et de réalisme dans l'ahurissement gai de son personnage. Son texte, dont son fameux monologue ajoutent au plaisir.
Par contre, je n'aime pas du tout le jeu guindé et presque outrancier de celui qui joue le fils.

Petite remarque sur le master. J'ai eu un peu de mal avec le son, nasillard et mal équilibré selon les plans. Ainsi, par exemple, dans les champs/contre-champs, la prise de son n'est pas la même: on priviliégie l'acteur qui parle à l'image plutôt que celui qui parle en off. C'est une faiblesse technique typique de l'époque, parfois contournée selon les éditions dvd et selon les qualités de conservation. Ici, le confort n'est pas complet, dommage.
Niveau image, une petite partie est correcte. Mais le gros du film souffre de tâches omniprésentes à l'image. Visiblement, c'est dû à la copie chimique utilisée (d'époque) qui a été fabriquée en filmant un écran pas tout à fait propre. Il aurait peut-être fallu trouver un négatif original, mais existe-t-il toujours? Pas sûr...
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Message par Strum »

Nestor Almendros a écrit :MON PERE AVAIT RAISON (1936)

Impression mitigée sur le scénario dans son ensemble. On y reconnait plusieurs thématiques, souvent pertinentes (l'amour de la vie, la filiation, etc.), mais le lien général m'a paru peu efficace à cause peut-être d'un travail un peu mince. Ainsi, je n'ai pas réussi à accrocher à l'intrigue du film qui est à la fois sous-exploitée et sous-travaillée, je trouve.

Par contre, pour compenser les faiblesses d'une intrigue qui, j'en ai l'impression, a une importance relative même pour son auteur, Guitry habille son film (sa pièce) de mini-scènes qui valent le coup d'oeil (et d'oreille) à elles-seules: quand il s'agit de scènes ou de monologues en particulier, l'évidence du travail sur le texte, son contenu, son jeu, sa légèreté, son humour (parfois cinglant, à propos des femmes notamment), et sa liberté font mouche à chaque fois. Il se passe ici ce qu'il m'arrive dans tous les films où apparait Guitry: une attirance hypnotique pour l'acteur et pour ses mots. En un mot: un régal ici épisodique mais suffisamment jouissif pour excuser un fil narratif beaucoup plus faible. Le contraste (de "qualité") se fait assez sentir sur ce film, et cela renforce encore plus ces impressions.
Je trouve que c'est un des films les mieux écrits de Guitry et l'un des plus beaux.

On devine certes que Guitry a apporté bien peu de changement à sa pièce d'origine et qu'il l'a filmée à peu près telle qu'elle était, sans procéder à un travail d'adaptation qui lui aurait permis exploiter au mieux certaines possibilités du cinéma. L'unité de lieu du film (le bureau du père) et les scènes où le père téléphone à sa femme (que l'on ne voit pas) trahissent maintes fois l'ascendance théatrale du film.

Mais cela ne m'a pas gêné. J'étais tout entier subjugué par la beauté des monologues du père au fils. C'est un film sur l'amour filial fait de dévotion et d'admiration qu'un fils porte à son père, une lettre d'amour de Guitry à son père (d'ailleurs, Guitry et son père avaient joué la pièce ensemble), peut-être même à tous les pères. Cet amour est idéalisé par le film, qui le montre prenant son plein essor dès lors que la mère quitte le foyer. La figure du père y apparait comme pleine de fantaisie, aspirant à la liberté, dont l'existence est brimé quand la mère est là. Comme nombre de films de Guitry, c'est un film extrêmement misogyne. Mais la tendresse permanente qui semble unir le père et le fils dans le film, la perfection de la langue, la joie de vivre que Guitry et Dubosc apportent à leur personnage font pardonner à Guitry le traitement qu'il réserve aux mères et font aimer les pères du film.
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Re: Sacha Guitry (1885-1957)

Message par bruce randylan »

Si Versaille m'était conté ( 1954 )

Cette superproduction en couleur est loin de ce Guitry a pu faire de mieux mais ce n'est pas non plus le navet décrié ( à moins que je confonde avec Si Paris... )

Le problème de Versaille c'est que Guitry aime bien trop son sujet et manque de recul pour cerner ce qui est important à l'intrigue et ce qui ne l'est pas. On se retrouve donc devant un film de 2h40 très inégales avec des passages très agréables et d'autres parfaitement ennuyeux. Dans l'ensemble, les succession de courtes scènes sont les plus longues puisqu'on passe perpetuellement d'un personnage à un autre, d'une anecdote à un détail de l'histoire dont l'intérêt nous échappe. Il faut vraiment connaitre l'histoire de France sur le bout des doigts pour profiter de l'érudition de Guitry. Ca permet en tout cas d'apprendre plein de détails insoupçonnées qui ont eut pourtant une importance majeur dans la royauté française.

A l'inverse, les scènes ou les personnages racontées plus en profondeur sont déjà plus prenant puisqu'on a le temps de rentrer dans l'intrigue et se familiariser avec les intervenants. Comme Guitry a encore quelques bons restes au niveaux des dialogues et qu'il assume le rôle de narrateur, ça se regarde sans trop de déplaisir si ce n'est donc de nombreuses baisses de régime. Il me semble d'ailleurs que la 2ème époque est plus réussie que la première à ce niveau mis ça n'atteint pas le niveau de remontons les champ Elysées .

Dans les bons points, je rajouterais quand même un casting incroyable ( Guitry, Bourvil, Jean marais, Claudette Colbert, Daniel Gélin, Jean-Pierre Aumont, Jean-louis Barrault, Gaby Morlay, Edith Piaf, Tino Rossi, Orson Welles, Charles vanel, Gérard Philipe, Micheline Presle... :o ). Bon certains ne sont là que quelques secondes mais c'est toujours sympa.
Sinon, les couleurs, les costumes, la reconstitution son magnifiques et Guitry se montre parfois bien inspiré dans sa réalisation qui n'a une nouvelle fois rien de théatrale. Certains scènes dialogues n'ont pas du être oublier par les cinéastes de la nouvelle vague par un refus du découpage en champ contre-champ ( la caméra panote d'un acteur à l'autre par exemple ).

LE DVD René chateau est correct. Les couleurs sont vraiment magnifiques mais une fois de plus il est très rageant de voir les plans encadrant des fondus enchainés de n'être pas restaurés avec une énorme baisse de qualité. Et puis l'image est régulièrement parasité par des taches jaunâtres qui balayent l'image ( moisissure ? ). Ca doit être assez dérangeant sur un grand écran.
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Re: Sacha Guitry (1885-1957)

Message par Nestor Almendros »

bruce randylan a écrit :une fois de plus il est très rageant de voir les plans encadrant des fondus enchainés de n'être pas restaurés avec une énorme baisse de qualité.
L'un des pires cas est, pour moi, dans MANEGES d'Allegret (dvd StudioCanal) car on y utilise beaucoup les fondus et, dans ce cas, c'est le plan sur toute la durée qui s'en trouve déterioré - pas seulement les quelques secondes d'effet: imaginez le résultat quand l'effet arrive à la fin d'un plan séquence... Donc, pour le constater très régulièrement, je pense que c'est une déterioration qui est provoquée lors de la fabrication de l'effet (trucage optique, utilisation de copies de scènes de nouveau dupliquées, déterioration de l'image au final), donc impossible à restaurer (puisque le négatif de l'effet propose déjà une image salie).
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Message par Nestor Almendros »

DESIRE (1937)

Beaucoup aimé. Le film est rempli de répliques savoureuses mêlées à un scénario amusant et finalement assez simple (en apparence). Guitry brasse ici différents thèmes comme les différences de classe, la domesticité, le désir, le "théatre de la bourgeoisie" (comme le nomme Assayas dans sa très intéressante interview en bonus). C'est souvent coquin, parfois audacieux dans la crudité de certaines situations (racontées) mais ça passe comme une lettre à la poste. C'est de toutes façons toujours très drôle. Je me répète mais le texte est ici brillant, comme d'habitude chez Guitry. J'ai savouré les nombreux jeux de mots ("aimer sa maitresse sans pouvoir devenir son amant", par exemple dans l'excellent dernier monologue de l'auteur).

Beau master. Restauration chimique principalement, puis anti-scratch numérique certainement. L'image est assez stable, propre, bien étalonnée, bien définie. Quelques rares moments demeurent assez abimés (pellicule endommagée) mais c'est très furtif, à 2 ou 3 reprises.
En bonus, interview passionnante de François Truffaut.
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Message par AtCloseRange »

Nestor Almendros a écrit :BONNE CHANCE un film de Sacha Guitry réalisé par Fernand Rivers (1935)

Passé un style cinématographique daté et paresseux, on ne peut que savourer cette fantaisie improbable parsemée de répliques et de bons mots délicieux. Dommage que le scénario sente trop l'excuse pour être tout à fait convaincant. Car, au contraire du ROMAN D'UN TRICHEUR pour citer un exemple dans le haut du panier où l'histoire est aussi captivante que ses dialogues, dans BONNE CHANCE j'aurais plutôt tendance à m'ennuyer pendant le tiers central s'il n'y avait régulièrement quelques phrases irrésistibles pour faire oublier ces carences. Ca ressemble, en tout cas, à un sorte de long sketch dans une écriture proche du théatre (le jeu daté de certains comédiens ajoute à cette impression).
Je pense à peu près la même chose.
ça fait un peu brouillon du Roman d'un Tricheur et beaucoup moins inspiré au niveau de la forme.
Mais de toute façon, entendre Guitry jouer ses textes, c'est toujours un plaisir immense.
Nestor Almendros
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Re: Sacha Guitry (1885-1957)

Message par Nestor Almendros »

QUADRILLE

Comme Bruce, page précédente, le début laborieux m'a sensiblement démotivé. Le hasard a voulu que je vois le film en deux parties et que la césure se situe au début de la scène des retrouvailles du couple dans la chambre d'hotel après que Gaby Morlay ait trompé son mari avec l'acteur américain. Et c'est, en fait, le vrai début du film, là où le récit démarre et où les dialogues, jusque-là parcimonieux et moins éclatants, vont justement partir dans tous les sens.

Bref ce rattrapage imprévu m'a pas mal sauvé de la mauvaise impression que j'avais du film (ou plutôt de ce que j'en avais vu). A partir de la fin de cette première demi-heure, le récit s'envole. Il reste toutefois, comme dans beaucoup de Guitry, attaché à une intrigue sinon banale en tout cas assez convenue dont les dialogues et les mots sont les instruments et les éléments primordiaux de l'entreprise. Car, malgré une histoire truculente, gentiment amorale, mais modeste dans ses grandes lignes (dont on sent d'ailleurs la source théatrale), les textes, eux, se chargent de développer les thématiques, les bons mots, l'humour, le cynisme (etc.) qui sauveront le film du jugement "mineur".

Guitry se lâche ici pas mal sur les femmes et l'impossible fidélité dans le couple. L'institution du mariage, élément primordial de la société, est ici complètement ridiculisé, désacralisé, en même temps que les mots vachards fusent contre le sexe dit "faible". Ces joutes démesurées mais si délicieuses ont suffisamment de charme pour m'avoir quand même conquis dans ce film. Pas ce que j'ai vu de mieux chez Guitry mais le texte en vaut la chandelle.
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Re: Sacha Guitry (1885-1957)

Message par Nestor Almendros »

LE NOUVEAU TESTAMENT (1936)

J'entame ici la partie du coffret dont je ne connais pas les films, contrairement aux autres plus célèbres. Ce NOUVEAU TESTAMENT est peut-être ce que j'ai vu de plus boulevardier chez Guitry. On baigne toujours dans une impression de théatre filmé sauf qu'ici, dans certains passages, il ne manque vraiment que le public, les rires, les applaudissements. Je n'avais jamais eu à ce point l'impression d'être au théatre. Ce n'est certainement seulement pas l'emploi de la caméra qui fait ça, puique des plans séquences fixes étaient déjà monnaie courante dans d'autres Guitry sans forcément avoir cet forte connotation théatrale, mais il y a certainement plus à voir avec le travail d'écriture et la façon que les personnages ont de se parler entre eux et de prendre la parole. Il y a quelques chose de factice, de mécanique, dans certaines scènes où les personnages dialoguent entre eux, où les brèves interventions de l'auteur (d'un mot, souvent) soulignent et ponctuent la conversation par l'humour.

L'impression de théatre de boulevard est également maintenue par un scénario au contenu très léger. On reste tout le temps dans une superficialité de traitement. Au contraire de certains autres de ses films, je n'ai pas senti de vrai élan dramatique ici. L'important est dans l'humour et, comme souvent, dans certaines piques contre les femmes et le statut marital. Mais l'impression de "légèreté" constante renforce l'appartenance à un théatre boulevardier, dans ce cas inoffensif.
Reste que Guitry, sans être complètement inspiré, est très en verve au niveau des dialogues. C'est toujours un vrai plaisir de l'entendre. Dommage, donc, que l'ensemble paraisse un peu mineur au niveau du contenu car les dialogues font souvent mouche et l'on ressent une vraie complicité entre les comédiens (qui ont créé la pièce au théatre).
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Re: Sacha Guitry (1885-1957)

Message par bruce randylan »

Le roman d'un tricheur ( 1936 )

Enfin vu ce film atypique dans la carrière de Guitry. Non seulement, c'est l'un de ses rares ( le seul ? ) scénarios non tirés d'une de ses pièces de théâtre mais surtout la voix-off compose 90 à 95% du film !

Guitry joue donc le rôle d'un tricheur-menteur qui aimerait bine vivre une vie honnête mais que le destin condamne à tricher :lol:
Il écrit sa biographie à une terrasse et des flash-backs nous raconte son destin qu'il commente.

Vu le parti pris, on avait de quoi craindre le pire mais le texte et l'originalité de la mise en scène en font une comédie très ludique. Guitry s'amuse avec le montage, les volets de transition, les dialogues ( qu'il refait en off donc ), la continuité, les jump cuts... C'est vraiment une écriture filmique très moderne loin du théâtre filmé qui constitue la grande majorité de son œuvre ( seul le trésor de Cantenac suivra cette voie mais avec moins de réussite ). On ne trouve d'ailleurs aucune vraie scène de séduction mais c'est remplie en revanche de digression ( la présentation de Monaco ), de parenthèse ( une reflexion très drôle sur les économes ), de moments presque surréalistes ( le coup des champignons au début ).

Et puis bien sur, il y a toujours la voix et le texte de Guitry qui s'il n'est pas toujours aussi inspiré qu'il a pu l'être donne quelques répliques géniales ( "il est amusant de constater que dès l'époque des romains, on perdait déjà de l'argent à Monaco" ) et des situations très originales : la montre que donnait une femme du monde à ses différents amants, Guitry épousant une joueuse de casino, les champignons, la tentative d'assassinat de Nicholas II etc...



Et pour rester chez Guitry, France 2 a diffusé "Un type dans le genre de Napoléon", une représentation théatrale qui regroupe 4 pièce d'un acte écrite par l'auteur et joué par Martin Lamotte, Chloé Lambert et Florence Pernel. Le problème c'est que dans l'ensemble c'est joué comme du vulgaire comique de boulevard avec ses grimaces, ses cabotinages agaçants et ses dialogues trop appuyés et récités sans trop de naturel.

Un type dans le genre de Napoléon
Un homme va retrouve son ancienne femme qui l'a trompée à de nombreuses reprises. Le problème c'est qu'il vient de découvrir qu'il y a un amant qu'elle lui avait caché.
C'est la plus faible j'ai trouvé, l'intérêt est minime, la situations ne décolle jamais et les dialogues manquent de croustillant. L'interprétation bien lourde n'aide pas à se passionner. Quelques bons mots sauvent tout de même l'ensemble.

Un lettre bien tapée
Un homme d'affaire profite la dictée d'un courrier pour séduire la dactylo fourni par l'hôtel.
Là, c'est beaucoup plus drôle, le tempo est bien mené, les répliques font parfois très vite et Chloé Lambert est très drôle avec ses gestes lascifs. La deuxième partie de la pièce qui montre Lamotte plus offensive dans ses sous-entendus est un régal d'écriture gaché par le jeu de l'acteur et d'une réalisation bien trop plan-plan.

La gifle
Un homme tente de séduire une femme mariée. Un gifle va emmener sur un quiproquo faisant intervenir le mari.
Celle-là est géniale. C'est un des sommets de Guitry dans les dialogues. L'arrivée du mari conduit la situation dans une direction jubilatoire démente. C'est vraiment du grand art.
Je préfère tout de même largement la version qu'on trouvait dans la vie à deux ( de Clément Duhour, tiré aussi de différentes pièces de Guitry ) dont le casting était vraiment plus réjouissant ( Danièle Darrieux et Pierre Mondy ) avec un ré-ecriture plus subtil très bien faite.

L'Ecole du mensonge
Un auteur de théatre fait passer deux auditions à 2 femmes sans qu'elle le sache alors justement qu'elle voulait passer une audition pour lui.
L'idée est vraiment excellente mais malgré la tentative de Lamotte de coller au phrasé et à la gestuelle de Guitry, l'interprétation tombe à plat à cause des 2 actrices qui en font beaucoup trop. C'est dommage car l'intrigue est vraiment très bien trouvé et aurait surement mérité plus qu'une comédie d'un acte. Ca demeure un peu frustrant au final.

Bon, dans l'ensemble, ca restait une bonne découverte qui m'a permis de voir 3 pièces très sympa ( dont 2 sont franchement bien trouvées. )
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Re: Sacha Guitry (1885-1957)

Message par Nestor Almendros »

LE MOT DE CAMBRONNE

Délicieuse récréation où le maître, prétextant une histoire mince comme du papier à cigarette, en profite pour aligner jeux de mots et tournures décalées dans des dialogues, en vers, très drôles. Ca ne se prend pas au sérieux, mais c'est diablement réjouissant. Un court-métrage à conseiller!
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Re: Sacha Guitry (1885-1957)

Message par Nestor Almendros »

LES PERLES DE LA COURONNE de Guitry & Christian-Jaque

Ce film fait partie des nombreuses histoires historiques que Guitry a mis en scène dans sa carrière. Je n'ai jamais trop accroché à ces tableaux costumés, pas forcément très intéressé par les reconstitutions avec personnages célèbres. C'est probablement pour cela que ce film m'a finalement peu touché. Non qu'il soit mauvais, au contraire il est rythmé et fort sympathique, mais cette succession de scénettes pendant 1h40 a tendance à me lasser, d'autant que les mots de Guitry semblent moins présents, pris dans une sorte de tourbillon temporel et narratif qui laissent moins de place aux dialogues. Il y en a, il y a de bonnes répliques, c'est parfois assez drôle, mais au-delà du concept à succès, ce n'est pas ce que je viens chercher chez Guitry.
On note qu'il a bénéficié d'un énorme budget, beaucoup de décors, un casting de fou, etc., pour un film qui se veut à grand spectacle.

Pas désagréable mais j'en préfère d'autres. :wink:
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Re: Sacha Guitry (1885-1957)

Message par Nestor Almendros »

REMONTONS LES CHAMPS-ELYSEES (1938)

N'ayant jamais entendu parler de ce film, et n'étant pas non plus un inconditionnel des fresques historiques que l'auteur réalisera dans les années 50, j'ai mis du temps à emprunter ce REMONTONS LES CHAMPS-ELYSEES alors qu'il s'agit d'un des films les plus agréables et sympathiques inclus dans le coffret édité par Gaumont.
Je me suis encore laissé charmer par Guitry sauf que, contrairement à mon habitude, le texte n'est pas l'atout primordial de l'entreprise. Il s'agit d'un film comme il en fera pas mal dans sa carrière (comme il l'a fait avec LE ROMAN D'UN TRICHEUR) à savoir presque entièrement raconté en voix off par lui-même. Plaisir évident pour ceux qui, comme moi, sont quelque part fascinés par cette voix si particulière. Mais, comme je l'ai dit, je n'ai pas été pris ici par la magie du texte qui n'est pas vraiment mis en avant. Précisons que ce texte a évidemment son importance, que les bons mots sont généreux, mais pour moi ce REMONTONS LES CHAMPS-ELYSEES est avant tout une sorte de valse enjouée (prenons cet exemple puisqu'il y en a dans le film), un tourbillon d'anecdotes, une promenade légère et rythmée à travers la grande Histoire et la petite histoire. Ce sont une multitude de petits segments accumulés avec un sens du tempo souvent très juste (quelques longeurs sur la fin, peut-être), où Guitry relate des évènements historiques par le petit bout de la lorgnette. Il raconte notamment les fialiations de ce professeur d'école (descendant de Louis XV et de Napoléon) qui sonnent si étonnamment justes qu'on peut se demander s'il ne s'est pas inspiré de faits réels. Et si ce n'est pas le cas, ce mélange de faits historiques et de fiction est diablement habile.
Bonne surprise.

EDIT: Je conseille le bonus du dvd, un épisode de la série "Cinéaste de notre temps "(1965), un portrait passionnant de Guitry par ceux qui l'ont cotoyé: techniciens, producteurs, acteurs (Michel Simon...), réalisateurs (Christian-Jaque).
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Re: Sacha Guitry (1885-1957)

Message par Anorya »

bruce randylan a écrit :Le roman d'un tricheur ( 1936 )

Enfin vu ce film atypique dans la carrière de Guitry. Non seulement, c'est l'un de ses rares ( le seul ? ) scénarios non tirés d'une de ses pièces de théâtre mais surtout la voix-off compose 90 à 95% du film !

Guitry joue donc le rôle d'un tricheur-menteur qui aimerait bine vivre une vie honnête mais que le destin condamne à tricher :lol:
Il écrit sa biographie à une terrasse et des flash-backs nous raconte son destin qu'il commente.

Vu le parti pris, on avait de quoi craindre le pire mais le texte et l'originalité de la mise en scène en font une comédie très ludique. Guitry s'amuse avec le montage, les volets de transition, les dialogues ( qu'il refait en off donc ), la continuité, les jump cuts... C'est vraiment une écriture filmique très moderne loin du théâtre filmé qui constitue la grande majorité de son œuvre ( seul le trésor de Cantenac suivra cette voie mais avec moins de réussite ). On ne trouve d'ailleurs aucune vraie scène de séduction mais c'est remplie en revanche de digression ( la présentation de Monaco ), de parenthèse ( une reflexion très drôle sur les économes ), de moments presque surréalistes ( le coup des champignons au début ).

Et puis bien sur, il y a toujours la voix et le texte de Guitry qui s'il n'est pas toujours aussi inspiré qu'il a pu l'être donne quelques répliques géniales ( "il est amusant de constater que dès l'époque des romains, on perdait déjà de l'argent à Monaco" ) et des situations très originales : la montre que donnait une femme du monde à ses différents amants, Guitry épousant une joueuse de casino, les champignons, la tentative d'assassinat de Nicholas II etc...

Beau texte qui illustre bien l'enchantement de cette découverte matinale (et pourtant pour reprendre quelqu'un : "Quand je suis matinal, j'ai mal." :mrgreen: ). Je n'avais auparavant vu de ce film que le début (avec le générique et les champignons) et le peu vu me faisait souvent saliver. J'ai passé le pas ce matin avec plaisir. Guitry guide tout, omniprésent et avec un contrôle total. Et ce qui aurait pu se révéler agaçant devient en fait totalement jouissif. Les dialogues brillant fusent, mais parfois trop vite pour qu'on puisse tout noter et le film se regarde avec un plaisir évident du début à la fin.
Très chouette Guitry, hâte d'en voir d'autres du monsieur.
5/6
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villag
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Re: Sacha Guitry (1885-1957)

Message par villag »

Nestor Almendros a écrit :REMONTONS LES CHAMPS-ELYSEES (1938)

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Une sequence tres belle: lorsque Napoleon se promenant sur les champs croise la route de Bonaparte, et le dialogue qui s'en suit......! Onirique et superbe !
F d F ( Fan de Ford )
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