Masahiro Shinoda

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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El Dadal
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Re: Masahiro Shinoda

Message par El Dadal »

Un petit mot sur L'étang du démon (1979), que Carlotta sort en vidéo après un passage en salle.
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On sent avec ce film qu'on entre dans une période étrange du cinéma japonais, à mi-chemin entre les poussées télévisuelles d'une industrie qui opère sa mue à vitesse grand V, et le besoin de se ressourcer dans des thématiques et récits traditionnels.
Stylistiquement, le film de Shinoda est bien aux confluents de ces deux vecteurs créatifs, mais le cinéaste est malin et approche son récit assez subtilement, avançant par petites touches distinctes plus ou moins perceptibles. Ce qui donne une œuvre en 3 actes (ou plutôt un long prologue suivi de deux actes) qui se répondent et se complètent assez bien. Cela dit, j'ai un peu tiqué sur la fin, qui prend un tour plus spectaculaire qui m'aura un peu gardé à distance. C'est dommage car l'introduction d'un certain naturalisme pour ouvrir le film, suivi d'une partie intimiste très trouble et hautement stylisée avaient tout pour me plaire. Mais les tardives scènes de foule (assez mal canalisées, et relevant d'une théâtralisation outrancière qui ne leur sied pas autant qu'aux séquences fantastiques, réellement magnifiques, elles) et les effets spéciaux censés marquer la rétine mais irrémédiablement datés (gardant certes un vague charme, mais n'opérant plus leur qualité émotionnelle première) donnent à regretter l'élégance d'une mise en place sophistiquée et inventive. Le passage avec la carpe et le crabe, et la transition qui s'opère à ce moment là dans le film, introduit un point de rupture avec une séquence géniale dont il vaut mieux ne rien savoir. Passée cette dernière par contre, les thématiques (ignorance, intolérance et critique d'un esprit nationaliste simpliste, venant s'entrechoquer avec un questionnement moral et une forme d'individualisme plus modernes) doivent désormais être traitées une à une, avec moins de panache.
L'ensemble reste toutefois d'assez belle tenue, envoûtant et souvent imprévisible, grâce à une partition pastichant savamment certains thèmes classiques, une photo onctueuse et un trio de comédiens portant la charge dramatique avec un bel équilibre.

Au passage, la restauration 4K est exemplaire.
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Duane Jones
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Re: Masahiro Shinoda

Message par Duane Jones »

Je commence à découvrir le Shinoda des années 70 avec son Silence. N'ayant pas vu la version de Scorsese, je ne peux pas comparer. Quoiqu'il en soit le film me semble surtout politique et peu mystique. Shinoda aborde la souffrance du petit peuple japonais face à 2 visions obtuses du monde, le père Rodrigues et le gouverneur. Shinoda pose un regard distancié (trop peut-être) sur ces personnages. Le père Rodrigues m'a semblé particulièrement antipathique, se prenant pour Jesus, faisant la leçon puis abdiquant finalement assez rapidement (en tout cas plus que certains chrétiens japonais). La réalisation austère est particulièrement étouffante avec son 1.37 semblant signifier l'absence d'espoir, de perspective, l'enfermement des personnages dans leur propre manichéisme. Si le propos est passionnant, la vision du film fut paradoxalement assez pénible. Comme dit plus haut, le regard de Shinoda sur ses personnages m'a semblé trop distancié, presque froid. Finalement, j'ai été peu touché par les sévices subies par les personnages. Mais l'énorme point faible reste l'interprétation catastrophique de l'acteur jouant le père Rodrigues. Il fait ce qu'il peut mais le personnage est bien trop complexe pour son niveau d'interprétation. De ce côté, je suis sûr que le Scorsese fait mieux. Avant de visionner cette dernière version, je lirai le roman de Shūsaku Endō dont sont tirés les 2 films.
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Duane Jones
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Re: Masahiro Shinoda

Message par Duane Jones »

Kaseki no mori/The Petrified Forest (1973)
Après le 1.33 (et non 1.37) de Silence, Masahiro Shinoda revient au cinémascope et au Japon contemporain, abandonné depuis quelques films. Si les personnages ne sont plus enfermés dans l'étroitesse du cadre, ils sont toutefois enfermés dans l'architecture contemporaine. Ce Japon des années 70 n'a rien à envier à celui du 17è siècle. Shinoda décrit un pays froid où l'empathie est mal vue. Ainsi le personnage principal, jeune interne en médecine, se voit vertement rappeler à l'ordre par son supérieur quand il prend en pitié une mère et son enfant malade. Et pourtant ce même personnage est incapable de ressentir de l'émotion pour sa mère car elle a commis une "faute". Je ne vais pas plus loin afin de ne pas spoiler. Tout au long du film, Shinoda va donc montrer des personnages incapables de se comprendre et pourtant, quand l'émotion (voire l'empathie) arrive, elle est excessive et peut devenir même dangereuse. Comme si dans une société extrêmement rigide, froide où seul les rapports de classes et la réussite sociale importent, quand l'émotion émerge elle devient incontrôlable car méconnue. Cette forêt pétrifiée semble être ce peuple japonais incapable de sortir du carcan de cette société rigide.
Peut-être l'un des meilleurs Shinoda, d'une grande maîtrise formelle et thématique.
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gnome
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J'avais bien aimé ce Petrified Forest. Tu m'as donné envie de le revoir. Pour l'instant, le seul Shinoda qui m'ait vraiment déçu, c'est Silence.
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Arn
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Re: Masahiro Shinoda

Message par Arn »

Duane Jones a écrit : 21 mars 22, 17:56 Je commence à découvrir le Shinoda des années 70 avec son Silence. N'ayant pas vu la version de Scorsese, je ne peux pas comparer. Quoiqu'il en soit le film me semble surtout politique et peu mystique. Shinoda aborde la souffrance du petit peuple japonais face à 2 visions obtuses du monde, le père Rodrigues et le gouverneur. Shinoda pose un regard distancié (trop peut-être) sur ces personnages. Le père Rodrigues m'a semblé particulièrement antipathique, se prenant pour Jesus, faisant la leçon puis abdiquant finalement assez rapidement (en tout cas plus que certains chrétiens japonais). La réalisation austère est particulièrement étouffante avec son 1.37 semblant signifier l'absence d'espoir, de perspective, l'enfermement des personnages dans leur propre manichéisme. Si le propos est passionnant, la vision du film fut paradoxalement assez pénible. Comme dit plus haut, le regard de Shinoda sur ses personnages m'a semblé trop distancié, presque froid. Finalement, j'ai été peu touché par les sévices subies par les personnages. Mais l'énorme point faible reste l'interprétation catastrophique de l'acteur jouant le père Rodrigues. Il fait ce qu'il peut mais le personnage est bien trop complexe pour son niveau d'interprétation. De ce côté, je suis sûr que le Scorsese fait mieux. Avant de visionner cette dernière version, je lirai le roman de Shūsaku Endō dont sont tirés les 2 films.
Vu hier et je te rejoins tout à fait, tant sur les forces du film, que sur ces faiblesses.
Même si j'avais bien aimé le Scorsese, l'aspect finalement assez politique du Shinoda, ainsi qu'un certains nombres de très beaux plans, devraient me marquer plus durablement.
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Duane Jones
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Re: Masahiro Shinoda

Message par Duane Jones »

gnome a écrit : 29 mars 22, 13:08 J'avais bien aimé ce Petrified Forest. Tu m'as donné envie de le revoir. Pour l'instant, le seul Shinoda qui m'ait vraiment déçu, c'est Silence.
Ce film m'a fasciné surtout après la déconvenue Silence. J'en ai vu une quinzaine pour le moment, en dehors de ce dernier, les moins intéressants (à mon humble avis) sont 2 films de 1965 : Tristesse et Beauté et La Guerre des espions, auquel je n'ai rien compris.
Arn a écrit : 29 mars 22, 13:59 Vu hier et je te rejoins tout à fait, tant sur les forces du film, que sur ces faiblesses.
Même si j'avais bien aimé le Scorsese, l'aspect finalement assez politique du Shinoda, ainsi qu'un certains nombres de très beaux plans, devraient me marquer plus durablement.
Le Scorsese ne me donne pas envie, ses films où il aborde ouvertement la religion ne m'ont jamais emballé. Mais voir Tsukamoto dans un Scorsese ça me titille un peu. Et il est vrai que les films de Shinoda sont plastiquement superbes, même les moins bons ont une réalisation de très haut niveau. Pour en revenir à Silence, je trouve la confrontation entre ces 2 cultures, complètement différentes (le Japon et le Portugal du 17è), un peu esquivée. J'ai trouvé ça dommage.
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Beule
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Re: Masahiro Shinoda

Message par Beule »

Duane Jones a écrit : 29 mars 22, 12:53 Peut-être l'un des meilleurs Shinoda, d'une grande maîtrise formelle et thématique.
Revu il y a quelques jours et c'est aussi mon sentiment.
Duane Jones a écrit : 29 mars 22, 12:53Kaseki no mori/The Petrified Forest (1973)
Shinoda décrit un pays froid où l'empathie est mal vue. Ainsi le personnage principal, jeune interne en médecine, se voit vertement rappeler à l'ordre par son supérieur quand il prend en pitié une mère et son enfant malade. Et pourtant ce même personnage est incapable de ressentir de l'émotion pour sa mère car elle a commis une "faute".
En est-il vraiment incapable ? J'y vois plutôt un masque, une posture qui se lézarde d'ailleurs chaque fois que sa mère transgresse l'interdit en venant profaner le très perméable sanctuaire où il s’est réfugié. Face à elle, Haruo ne reste sous contrôle de ses émotions que lorsqu'il a planifié l'interaction. Je trouve ce constat plus approprié au personnage de la sœur aînée qui se lave les mains du fardeau maternel et prétend s’étonner de ce que la blessure née de la faute originelle reste encore si vivace chez son cadet. Chez elle il n’y a pas de blessure, mais une oblitération pure et simple pour manque de respect à la règle comportementale. La morgue tranquille et presque narquoise dont Shima Iwashita pare son personnage le temps d’une unique séquence s'avère au demeurant absolument glaçante de conformisme non feint et de patente déshumanisation sociale.
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Re: Masahiro Shinoda

Message par Duane Jones »

Beule a écrit : 29 mars 22, 16:34 En est-il vraiment incapable ? J'y vois plutôt un masque, une posture qui se lézarde d'ailleurs chaque fois que sa mère transgresse l'interdit en venant profaner le très perméable sanctuaire où il s’est réfugié. Face à elle, Haruo ne reste sous contrôle de ses émotions que lorsqu'il a planifié l'interaction. Je trouve ce constat plus approprié au personnage de la sœur aînée qui se lave les mains du fardeau maternel et prétend s’étonner de ce que la blessure née de la faute originelle reste encore si vivace chez son cadet. Chez elle il n’y a pas de blessure, mais une oblitération pure et simple pour manque de respect à la règle comportementale. La morgue tranquille et presque narquoise dont Shima Iwashita pare son personnage le temps d’une unique séquence s'avère au demeurant absolument glaçante de conformisme non feint et de patente déshumanisation sociale.
Tu n'as pas tort, le personnage principal tente de se conformer, d'être distant avec ses patients (entre autres) mais en est incapable. D'où le rapprochement avec la mère de l'enfant malade qu'on peut percevoir comme des doubles du personnage principal et de sa mère adultère. Notons d'ailleurs que cet enfant est sourd puis aveugle, il perd ses sens, son rapport au monde, ce qui le terrifie. En effet, c'est la sœur qui est incapable de ressentir de l'émotion. Shima Iwashita est magnétique et superbe dans cette séquence, cette actrice me fascine de plus en plus.
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Re: Masahiro Shinoda

Message par Duane Jones »

Himiko (1974)
Une œuvre assez hermétique sur une reine japonaise légendaire ayant, peut-être, vécu au début de notre ère. Peut-être n'avais-je pas le bagage culturel pour apprécier pleinement ce Himiko ? Je ne sais pas. Quoiqu'il en soit, la mise en scène (en 1.37) théâtrale n'atteint jamais le sublime de Double suicide à Amijima. Ça reste du Shinoda, la mise en scène est largement au dessus du lot avec son jeu de couleurs entre le rouge et la blanc, son artificialité poussée, ses décors austères. Une dualité s'opère entre les nouvelles et les anciennes croyances. Il semble avoir voulu réaliser un film didactique sur la 1ère trace d'unification du Japon. Shima Iwashita en Himiko, fascinante comme toujours, est largement au-dessus du casting aux vêtements très (trop) propres, aux perruques voyantes. En même temps, nous avons des sortes de shaman s'apparentant à des créatures horrifiques pasionnantes. Le Japon du 20ème siècle paraît imaginer un passé fantasmatique, irréaliste, je m'égare peut-être. J'aimerais lire des analyses de ce film car tout cela reste très énigmatique. A noter un plan final fascinant ramenant ce passé légendaire au 20ème siècle.

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Re: Masahiro Shinoda

Message par Duane Jones »

Sous les cerisiers en fleurs (1975)
Ce film forme un diptyque avec le précédent Himiko. Là où ce dernier termine, le 20ème siècle, celui-ci commence. Donc, des cerisiers en fleurs pour commencer et les tokyoïtes venus fêter l'évènement, hanami. Une voix off explique que ces fameux cerisiers en fleurs ne furent pas toujours fêtés. Il fut un temps où une légende racontait qu'on devenait fou en passant sous ses arbres à ce moment de l'année. Après cette courte intro, le récit nous amène à l'ère Edo à la même saison. Dans un massif montagneux, un homme, particulièrement viril, enlève une belle jeune femme après avoir assassiné son mari et leur serviteur. S'ensuit une étrange histoire d'amour entre ces 2 êtres que tout oppose. L'homme bourru (Tomisaburo Wakayama) semble venir d'un autre temps, peut-être celui d'avant la civilisation. Il s'habille avec des peaux de bêtes, a 6 femmes. S'il vit dans une maison, celle-ci est abandonnée et il est évident qu'il ne l'a pas construite. La valeur de l'argent lui est inconnue. Son physique massif, chevelu et poilu rappelle celui de l'ethnie Aïnous au Japon, les 1er habitants de l'archipel. A l'inverse, la femme (Shima Iwashita) est un être raffiné, au faîte de la mode citadine. Personnage énigmatique et fascinant, est-elle un songe ? A-t-elle une consistance réelle ? Peut-être est-elle un esprit de la montage oublié des hommes. Quoiqu'il en soit, elle prend l'ascendant dans le couple. Obsédé par cette femme, l'homme obéit à toutes ses demandes jusqu'à partir à la capitale et couper les têtes des patriciens de la ville. Obsédée par ces têtes décapitées, la femme joue avec sous forme de jeux de rôle et ne cesse d'en demander plus. Elle semble se moquer de cette nouvelle société et de ses valeurs. La fin n'apportera pas de réponses mais restera longuement en tête.
Un film en forme d'énigme, moins théâtrale que le précédent, plus facile d'accès.

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Demi-Lune
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Re: Masahiro Shinoda

Message par Demi-Lune »

Sous les cerisiers en fleurs m'avait semblé accuser quelques maladresses formelles par-ci par-là, ainsi qu'un ventre mou avant son inoubliable et très esthétique conclusion. En gros, trop de têtes coupées en latex pour un huis-clos en forme de cauchemar dont on ne parvient pas à s'extraire, un mariage un peu déroutant entre un certain classicisme et des élans bis, de sorte que j'en étais sorti moins enthousiasmé que j'aurais souhaité. Plus anecdotiquement, j'avais été étonné aussi par le format 1.33, encore que cela contribuait bien à l'étouffement. Mais force est de reconnaître que le film n'a cessé de me poursuivre en mémoire et de déployer à rebours son pouvoir vénéneux, grâce à ses images marquantes et son ambiance à la croisée de la tradition et de la modernité. Il faut dire que je ne savais rien du film quand je l'ai lancé et que son titre poétique ne préparait en rien la tournure glauque et étouffante de son récit... Une mention particulière pour l'actrice Shima Iwashita, égérie et épouse de Shinoda, qui est ici inoubliable de raffinement dans la cruauté et dont le rictus et les petits rires glacent le sang. Ce serait bien que Carlotta s'intéresse à ce film, sans doute plus "petit" en termes d'ambition que L'étang du démon pour rester dans les opus fantastiques du cinéaste, mais rappelant la face sombre et violente de Shinoda, dont je peux recommander tout ce que j'ai vu jusqu'à présent.

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Comment as-tu vu Himiko ?
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Re: Masahiro Shinoda

Message par Duane Jones »

Demi-Lune a écrit : 3 avr. 22, 13:37 j'avais été étonné aussi par le format 1.33
J'ai vu le film en 1.66, c'est le format indiqué par ailleurs sur Imdb. Bon en même temps, ils s'étaient gourés pour Himiko, indiqué en 2.35 alors que c'est du 1.37.
Oui le film a pas mal de maladresses mais comme toi je me suis surpris à réfléchir dessus toute la matinée, d'où mon texte. Même dans les films mineurs de Shinoda, il y a des séquences surprenantes, pouvant toucher au sublime.
Shima Iwashita est une actrice fascinante, belle, énigmatique, sensuelle. Je crois que je tombe amoureux... Mon actrice japonaise préférée avec Hideko Takamine. Superbe gif !
Pour Himiko, je l'ai vu sur Criterion Channel.
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Re: Masahiro Shinoda

Message par vic »

Duane Jones a écrit : 3 avr. 22, 16:15 Shima Iwashita est une actrice fascinante, belle, énigmatique, sensuelle. Je crois que je tombe amoureux... Mon actrice japonaise préférée avec Hideko Takamine.
Bienvenue au club, Duane ! :D

Pas grand-chose à ajouter à vos avis. Malgré le ventre-mou, malgré les rails sur lesquels avance sans surprise le récit, des images et des séquences du film continuent de me hanter des mois après sa découverte. C'est rare.
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Duane Jones
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Re: Masahiro Shinoda

Message par Duane Jones »

Orin la proscrite (1977)
Petite déception que ce Shinoda. Après Silence, il s'adjoint à nouveau les services du chef-opérateur Kazuo Miyagawa, qui travailla sur de nombreux Mizoguchi. Sur certains points ce film peut rappeler des œuvres du grand cinéaste avec ce destin tragique d'un personnage féminin. Aveugle de naissance, l'héroïne du film est une goze (une joueuse de shamisen et une chanteuse). Chassée de sa troupe d'origine car elle a couché avec un homme, chose interdite pour une goze, elle traverse le Japon du début du 20ème siècle en gagnant sa vie en jouant et chantant. Au fil de ses déplacements, elle a des aventures avec différents hommes jusqu'à sa rencontre avec un vagabond se refusant à elle. Ce dernier va alors l'accompagner dans son errance. Comme souvent, Shinoda décrit une société rigide, impitoyable envers les plus faibles. Un personne exprime la "chance" des aveugles de ne pas voir l'horreur du monde. Justement, si l'héroïne ne voit pas l'horreur du monde, il en subit doublement l'horreur de par son handicap et les règles strictes imposées aux gozes. D'ailleurs l'absence de sexualité, de ses collègues, peut être perçue comme un nouvel handicap. Shima Iwashita joue magnifiquement de son sourire énigmatique, indifférente au monde elle va pourtant s'attacher au vagabond et aura l'espoir d'une vie meilleure. La fin abrupte, voire précipitée, m'a un peu gâché le film. Si on pense plusieurs fois à Mizoguchi, on est cependant loin d'être terrassé comme à la fin de La Vie d'O'Haru femme galante. Je crois que j'attendais un peu trop du film, je le reverrai dans quelques temps sans attentes particulières.

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Re: Masahiro Shinoda

Message par Duane Jones »

L'Étang du démon (1979)
Un drôle de film dont je m'étonne de la sortie récente chez Carlotta alors que Shinoda a fait bien mieux dans les années 70. Après la sortie de Silence chez le même éditeur, les français ne sont définitivement pas gâtés. Comme toujours, le propos est complexe, de multiples pistes d'interprétation s'ouvrent. Une cloche doit être sonnée 3 fois par jour afin d'éviter que l'eau d'un étang (où réside l'esprit d'un dragon) inonde un village en contre-bas. Une sécheresse empêchant toute récolte met en doute cette légende. Toujours aussi pessimiste, Shinoda montre la perte des valeurs, l'oubli des traditions dans le Japon moderne. L’esthétique très travaillée du film passe d'une superbe 1ère partie naturaliste, à une seconde très artificielle carrément kitsch remplie de yokai proche des monstres des séries tv japonaises de mon enfance, la 3ème partie revient au naturalisme tout en gardant des aspects artificiels, notamment dans le déluge final aux effets datés mais fonctionnant parfaitement dans ce film. Comme souvent dans son œuvre, Shinoda travaille la théâtralité du cinéma avec notamment la présence à l'écran de l'acteur de kabuki Bando Tamasaburo. Pour la 1ère fois depuis de nombreux films, la musique n'est pas signée Toru Takemitsu mais Isao Tomita. Sa composition synthétique se marie parfaitement avec les images. Si ce film ne fut d'un visionnage facile, il n'en reste pas moins une date dans l’œuvre de Shinoda en concluant d'une étrange façon les années 70. Une décennie où il ne choisira jamais la facilité avec des œuvres sombres, complexes, portant un regard acéré sur la société japonaise passée et présente.

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