Rio Bravo (Howard Hawks - 1959)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Momo la crevette
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Rio Bravo (Howard Hawks - 1959)

Message par Momo la crevette »

L'autre jour, à l'occasion d'une rediffusion de Rio Bravo sur TMC, je suis tombé sur une des scènes mettant aux prises John Wayne et Angie Dickinson.
Et bien, j'ai eu la même impression qu'à chaque fois que je vois le film : on dirait qu'ils ne jouent pas tout à fait sur le même registre !
Autant Wayne la joue "Hollywood intemporel", c'est à dire sobre (par exemple, lorsqu'elle parle, il reste totalement immobile), proche du non jeu, autant Angie Dickinson a un jeu que je trouve très moderne : voix (pas audible sur TMC avec la VF mais frappant sur la VP), regard, geste, façon de se tenir et de bouger. Tout laisse à penser que la même performance aujourd'hui dans un film des Frères Coen ou de Stone serait tout à fait juste (alors qu'imaginer Wayne chez Burton ou Allen...).
Du coup, à chaque fois, j'ai l'impression de voir un monstre sacré, un mythe monolitique, face à une actrice tout en finesse.
Et je ne suis pas sur que cela ne participe à l'incroyable qualité du film.

Momo (qui veut bien croire qu'il n'a pas été très clair mais bon...)
styx a écrit :Je comprends pas grand chose à vos salades, mais vous avez l'air bien sur de vous, donc zetes plus à même hein de parler, de sacrés rigolos que vous faites en fait, merde ça rime lourd là, je vais éditer. mdr
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

Je te rassure, tu as été clair comme de l'eau de roche (à crustacés). Même si parler de "non jeu" pour The Duke est un tantinet exagéré, voire complètement faux. John Wayne joue d'abord sur sa légende et son registre de cowboy expérimenté et paternaliste. Il a un point de vue supérieur sur ses condisciples et son entourage, d'où son jeu assez posé. Mais il sait faire passer discrètement son lot d'émotions, particulièrement devant la superbe Angie Dickinson devant laquelle il est réticent à avouer ses sentiments. Pour le reste, il remplit parfaitement son emploi de personnage mythique, dur et gouailleur à la fois.
Angie Dickinson en est à son 10ème film à peu près et c'est dans Rio Bravo qu'elle se révèle (elle et ses magnifiques gambettes :oops: ).
Je ne sais pas si son jeu est moderne, mais il faut savoir que chez Howard Hawks, les femmes ont du caractère et une forte personnalité. Elles se battent dans un univers masculin pour se faire entendre et exister.
Si tu vois Angie Dickinson à son aise dans les films d'aujourd'hui c'est parce que peut-être les monstres vivants comme John Wayne et leur statut mythique n'ont plus leur place dans le cinéma contemporain où les figures légendaires sont passées de mode. Le décalage se situerait plutôt de ce côté-là.
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Philip Marlowe
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Message par Philip Marlowe »

Bravo!
John T. Chance
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Message par John T. Chance »

John Wayne monolothique ? J'ai un peu de mal à le croire. la sobriété de l'underplay est-elle un défaut ? :wink:
passe me voir du côté du rio grande, petite...
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

John T. Chance a écrit :John Wayne monolothique ? J'ai un peu de mal à le croire. la sobriété de l'underplay est-elle un défaut ? :wink:
pareil ;-)
Fatalitas
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Message par Fatalitas »

John Wayne est excellent dans ce role, je ne vois pas ce qu'on peut lui reprocher :wink:
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

fatalitas a écrit :John Wayne est excellent dans ce role, je ne vois pas ce qu'on peut lui reprocher :wink:
et pas que dans ce rôle d'ailleurs : Le Duke est un très grand ;-)
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Message par Fatalitas »

affirmatif :wink:
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Momo la crevette
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Message par Momo la crevette »

Oauis, excusez-moi : John Wayne est le meilleur acteur de tous les temps ! Un modèle de finesse et de subtilité dans son jeu, notamment dans son regard si expressif...

Momo
styx a écrit :Je comprends pas grand chose à vos salades, mais vous avez l'air bien sur de vous, donc zetes plus à même hein de parler, de sacrés rigolos que vous faites en fait, merde ça rime lourd là, je vais éditer. mdr
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

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Rio Bravo (1959) de Howard Hawks
WARNER



Avec John Wayne, Dean Martin, Walter Brennan, Angie Dickinson, Rickie Nelson
Scénario : Jules Furthman & Leigh Brackett
Musique : Dimitri Tiomkin
Photographie : Russell Harlan (Technicolor 1.85)
Un film produit par Howard Hawks pour la Warner


Sortie USA : 18 mars 1959


Le shérif de Rio Bravo, John T. Chance (John Wayne), a assisté à la déchéance de son adjoint Dude (Dean Martin) qui a sombré dans l’alcoolisme suite à une déception amoureuse. L’arrestation de Joe Burdette, qui vient d’abattre un homme de sang froid, va permettre au shérif de donner à Dude l’occasion de se réhabiliter. En effet, Nathan Burdette, l’un des plus gros propriétaires terriens de la région, est bien décidé à délivrer son frère par tous les moyens ; il commence donc par encercler la ville pour empêcher le shérif de transférer son prisonnier dans une prison fédérale. N’ayant plus d’autres choix que d’attendre l’arrivée du Marshall, le shérif va avoir fort à faire pour défendre sa prison contre les agissements des ‘mercenaires’ loués par Burdette. Sans la réclamer, John T. Chance va obtenir l’aide de plusieurs autres personnes en plus de celle de Dude à qui il rend son étoile : Stumpy (Walter Brennan), le gardien de la geôle, vieil homme grincheux et infirme ; Colorado (Ricky Nelson), jeune tireur d’élite, garde du corps d’un chef de convoi lâchement assassiné par la bande à Burdette ; enfin Feathers (Angie Dickinson), joueuse de cartes professionnelle que le shérif soupçonne d’être malhonnête mais dont il va très vite tomber amoureux. A un moment donné, Nathan paye un groupe de musiciens afin qu’il joue sans discontinuer le ‘Deguello’ mexicain, indiquant ainsi qu’il ne fera pas de quartier lors du déclenchement de l’attaque...

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J'aurais très bien pû vous dévoiler sans vergogne toute l'histoire du film y compris son dénouement sans que ce ne soit gênant ; Hawks a d'ailleurs toujours affirmé s’être davantage intéressé aux relations entre les personnages qu’à la progression dramatique de cette intrigue proprement dite d’ailleurs assez conventionnelle (et sans spoilers particuliers). Ainsi, le film (comme bon nombre de westerns d’ailleurs, on a un peu trop tendance à l’oublier, les clichés ayant la vie dure) ne saurait se résumer à cette simple histoire de duel opposant le petit groupe conduit par le shérif contre les innombrables mercenaires. Bien d’autres thèmes seront abordés en cours de route dont le principal est un leitmotiv chez le réalisateur : la chaude amitié virile exaltée par la tâche qu’il y a à accomplir en commun, mais aussi les difficiles relations hommes/femmes, la vie d’une petite ville frontalière, le sauvetage moral de Dude, etc. Nous aurions donc très bien pû parler de tous les ‘coups de théâtre’ de l’intrigue sans que ça ne gâche en rien leur vision, comme pour un grand nombre des plus belles œuvres du réalisateur, celles surtout construites autour d’un groupe de personnages comme Seuls les anges ont des ailes, Air Force, La Captive aux yeux clairs ou Hatari.

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Rio Bravo. Rien qu’à voir apparaître ce nom géographique désormais mythique, des images remontent à la surface de notre mémoire comme celle de Dean Martin à genoux devant le crachoir, la bouille inénarrable et édentée de Walter Brennan, les collants noirs recouvrant les superbes jambes élancées de Angie Dickinson, etc. Et on imagine, sans risque de se tromper, des sourires affleurer sur les lèvres d’une immense majorité de cinéphiles et de cinéphages au seul fait de prononcer son titre. Pourquoi cette quasi-unanimité ? Quel autre western peut se targuer aujourd’hui d’être aussi fédérateur et de susciter autant de ferveur y compris chez les personnes pas spécialement attirées par le genre ? Combien de westerns ont attisé autant d’exégèses, des plus passionnées aux plus fumeuses, Hawks ayant été comparé à tout et n’importe qui, son film accablé sous des références pas obligatoirement liées au western, à la plus grande surprise du réalisateur d’ailleurs ? Pourquoi justement ce western de Hawks est-il aussi réputé ? Mérite-t-il cet engouement jamais démenti depuis ? La réponse est oui même si aujourd’hui je me permets de placer plus haut dans ma hiérarchie personnelle certains westerns d’autres géants du genre : certains de John Ford, Delmer Daves, Anthony Mann ou Budd Boetticher ! Rio Bravo est néanmoins le film qui m’a insufflé tout jeune le virus et la passion du cinéma ; ses innombrables visions n’ont pas entamé le ravissement de sa première découverte, ce qui laisse à penser qu’on peut aisément l’apprécier à tout âge en y découvrant à chaque fois de nouveaux éléments qui viennent enrichir encore cette grande réussite du genre. En y mettant toute ma bonne volonté et si j’avais eu la moindre ‘prétention’ d’aller à l’encontre de l’opinion majoritaire, il m’aurait pourtant été difficile de trouver beaucoup à redire à ce western. Et ceci est d’autant plus étonnant que jamais Hawks ne cherche, à l’instar des Aldrich, Fuller, Penn, Peckinpah ou Leone, à renouveler le genre ou à en subvertir les codes mais au contraire, s’inscrit en marge de tout renouveau. L’intrigue de son film n’a rien de bien originale, sa mise en scène pourrait paraître en apparence banale et l'ensemble demeure presque constamment harmonieux. Un Mystère Rio Bravo ?

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En fait de mystère, il s’agirait plutôt d’une alchimie parfaite de tous les éléments constitutifs du film, renforcée par l’ambiance chaleureuse ayant régné sur le tournage. Vous allez me rétorquer que des tournages orageux ont pu aboutir à des chefs d’œuvre et qu’à l’inverse, des tournages paradisiaques ont pu donner de mauvais films, certes oui ! Mais on ressent à la vision de Rio Bravo un bien-être qui est certainement dû à l’entente des comédiens, de l’équipe technique et du réalisateur durant ces deux mois et demi passés dans la petite ville de Old Tucson au Texas. Un groupe d’hommes hétéroclite et l’amitié régnante en son sein est l’un des thèmes principaux de toute l’œuvre ‘hawksienne’. Que ce soient les postiers du ciel de Only angels have wings, l’équipage d’un bombardier dans Air Force, celui d’un bateau remontant un fleuve inexploré dans The big sky, des cow-boys convoyant du bétail dans Red river ou encore un groupe de traqueurs de bêtes sauvages dans Hatari, Hawks et le spectateur se sentent bien au milieu de ces diverses entités d’hommes et de femmes qui apprécient visiblement la vie et son cortège ‘d’aventures’ palpitantes ou dramatiques. Au cours du visionnage de ces différents films et surtout de celui qui nous occupe, nous avons un peu l’impression d’avoir été invités à une soirée entre amis : nous passons simultanément avec euphorie du sérieux à l’éclat de rire, de la tristesse au sourire, nous mettant sans cesse dans la peau des différents personnages. Il nous est même assez désagréable de devoir les quitter au bout seulement d’un peu plus de deux heures. Si cette notion de groupe est si présente dans son œuvre, c’est que Hawks lui-même les aimait dans la vie privée et qu’il s’entourait souvent des mêmes personnes.

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A ce propos, pour Rio Bravo, il s’agit dès le début d’une affaire de ‘famille’. Hawks se sert d’une histoire conventionnelle écrite par sa propre fille comme point de départ de son scénario ; il fait appel à des scénaristes ayant déjà travaillé avec lui, Jules Furthman (Seuls les anges ont des ailes) et Charles Brackett (Le grand sommeil). Il retrouve aussi John Wayne avec qui il a connu le succès lors de sa première incursion dans le genre avec La rivière rouge et à qui d’ailleurs il fait porter un ceinturon sur lequel est inscrit ‘Red River’. C’est l’acteur lui-même qui propose la jeune Angie Dickinson au réalisateur… Bref, tout se passe en terrain connu. A l’instar du monstre sacré du western, John Ford, Hawks ne se soucie pas de renouveler le genre mais au contraire, prend ses aises à l’intérieur, utilisant tous les éléments connus et existants ayant émaillé une multitude d’autres westerns, se démarquant ainsi des ‘sur-westerns’ à tendance psychologique qui commencent à se faire de plus en plus nombreux. Point d’intellectualisation ni de profonde psychologie : Hawks est un classique, un bon vivant plus qu’un cérébral, et souhaite rester respectueux de toute la codification d’un genre qu’il a déjà abordé à deux reprises, toujours avec la même réussite. Là où il se démarque de ses confrères, c'est d'abord par la durée de son film : hormis des films de prestige comme Les Grands espaces (The Big Country) de William Wyler, rares avaient été durant les années 50 les westerns dépassant les 120 minutes, la grande majorité n'atteignant même pas les 90 minutes ; mais c’est aussi et surtout par la nonchalance, la décontraction et la désinvolture qu’il insuffle à un film dans lequel on aurait pu penser y trouver des chevauchées, de l’aventure, des coups de théâtre, du souffle épique et lyrique.

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Car contrairement à Red River et The big sky, contrairement à ce qu’aurait pu nous laisser croire le générique sur fond de bétail s’avançant au milieu de grands espaces, Hawks réalise cette fois un ‘western de chambre’ confiné dans le temps (trois jours) et dans l’espace (une prison, une rue, un hôtel et le saloon) et dont l’action est de ce fait volontairement figée. L’approche du récit est en fait assez théâtrale, les scénaristes ayant même été (et ce sera presque la seule faute de goût du film avec également un Dimtri Tiomkin assez inspiré mais qui continue à suivre de trop près les traces de David Buttolph au sein de cette même Warner, avec cette manie d'accentuer chaque action, chaque trait d'humour) jusqu’à faire réciter des apartés aux deux acteurs mexicains qui n’auraient pas dépareillé dans un mauvais vaudeville ; ces deux petits morceaux de scènes sont assez imbuvables mais heureusement il ne s’agit que de deux brèves répliques qui n’ont pas le temps de faire retomber l’euphorie. Nous ne leur en tiendrons pas rigueur car le reste de leur travail est proprement jubilatoire y compris lorsqu’ils écrivent d’autres soliloques théâtraux du même genre où l’on voit Angie Dickinson parler seule, ses pensées étant ainsi jetées en pâture au spectateur. Plus qu’une intrigue sortant de l’ordinaire, le splendide scénario plein d’humour des duettistes Furthman et Brackett se propose surtout d’offrir une attention soutenue aux personnages, à leur évolution individuelle et aux transformations de leur caractère au contact du groupe. Au vu de sa réputation, il faut le dire à nouveau afin d’éviter des désillusions, les personnages de ce film, tout comme l’intrigue (‘les bons contre les méchants’), ne sortent pas forcément de l’ordinaire et n’apportent rien de bien neuf au genre mais sont croqués et écrits avec tellement d’amour que cet état de fait ne porte absolument pas préjudice à l’œuvre. Force est de constater que Hawks transcende les éléments traditionnels pour en faire un western tout à fait personnel.

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Tous les éléments de l’histoire et la présentation des protagonistes sont effectués dès les dix premières minutes du film qui va désormais se dérouler, dans sa majeure partie, en intérieur. Cette claustration d’un genre souvent dévolu aux grands espaces et chevauchées ne pouvait donner un résultat passionnant que si les acteurs choisis entraient parfaitement dans la peau des personnages qu’ils avaient à jouer (et dont les noms possèdent tous une signification les décrivant) puisque leurs caractérisations et leurs dialogues devaient être ici plus importants que l’action, le décor et les paysages, quasi-absents. Le casting que tout le monde connaît faisant des étincelles, Hawks va pouvoir nous faire sa démonstration qu’une équipe soudée, comme celle formée par les protagonistes de son film, ne peut qu’aboutir à la réussite malgré toutes les chausse-trapes qui se dressent devant elle. Walter Brennan avait déjà testé ce rôle de vieil homme bourru, cabochard, grincheux et truculent mais au cœur ‘gros comme ça’ dans le miraculeux Je suis un aventurier (The Far Country) d'Anthony Mann. Les relations qu’il entretient avec John Wayne sont assez similaires à celles qu’il avait avec James Stewart dans ce film, Stumpy (‘hors d’usage’) ne demandant que la reconnaissance pour son travail et un geste ou une parole d’amitié de temps en temps pour se sentir exister au sein du groupe. Le shérif lui donnera cette preuve d’affection quand, après que le vieil infirme ait fait un ‘caprice’, il lui déposera un baiser sur son front dégarni. Ne s’y attendant pas et n’ayant surtout pas l’habitude de telles démonstrations, Stumpy décontenancé et gêné ne trouve pas d’autre réflexe que de le chasser à coup de pieds. Du sympathique Stumpy, personne n’a du non plus oublier les gloussements et onomatopées qui peuvent déclencher quelques éclats de rires.

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Dean Martin trouve ici l'un de ses plus beaux rôles (avec ceux du joueur professionnel dans Comme un torrent de Vincente Minnelli et du crooner dans Embrasse moi idiot de Billy Wilder), celui de Dude (‘la guenille’). C’est d’ailleurs à lui qu’est dévolue la première scène muette, étonnante et désormais culte, au cours de laquelle, hagard, sans un sou et mal rasé, à la recherche d’une goutte d’alcool, on le voit se faire humilier à aller ramasser une pièce qu’on lui jette dans un crachoir. Son ‘sauvetage moral’, sa réhabilitation qui l’amènera à retrouver sa fierté, est l’un des thèmes principaux du film. Le talent de l’acteur éclate aussi bien dans ses moments de détresse et de doute (émouvante scène de déprime après qu’il s’est fait bêtement assommer) que dans ceux où on le voit émerger de l’enfer dans lequel il s’était enfoncé. La scène où John T. Chance lui propose d’entrer dans le saloon par ‘la porte de devant’ alors qu’il avait l’habitude depuis quelque temps d’y entrer discrètement par derrière, pour ne pas faire trop remarquer son état lamentable d’alcoolique notoire, est remarquable : Dean martin nous émeut puisqu’à cet instant, nous sentons enfin poindre une étincelle dans ses yeux encore quelques peu embrumés. Angie Dickinson est Feathers (‘Plumes’, celles des costumes d’entraîneuses), l’un de ces rôles de femmes dont Hawks a le secret, forte et insolente, qui n’a pas de mal à s’imposer en jouant des coudes. Feathers prend sa place parmi les plus beaux personnages féminins du cinéma hawksien. Pour ses débuts à l’écran, Angie Dickinson éclate de talent et de sensualité. Son personnage qui tient la dragée haute à celui joué par John Wayne est à la fois celui d’une femme, au charme provocant, qui n’a pas froid aux yeux (c’est elle qui drague le shérif sans aucune inhibition et non le contraire), qui sait ce qu’elle veut mais qui possède, elle aussi, des qualités humaines véritables. N’oublions pas ce moment délicat et magique dans lequel le shérif, réveillé et descendant au saloon en pleine nuit, trouve Feathers endormi sur une chaise, le fusil sur ses genoux, et se rend compte à ce moment là qu’elle avait décidé de veiller sur lui. Avec une merveilleuse délicatesse, alors qu’il la prend dans ses bras pour la recoucher, celle-ci s’éveille et lui fait un sourire amoureusement tendre. La scène finale, nous la dévoilant en déshabillé noir, pourrait faire partie des anthologies de l’érotisme suggéré au cinéma. La réputation qu’a eu l’actrice de posséder les plus belles jambes du cinéma avec Cyd Charisse vient d’ailleurs de cette séquence proprement jouissive.

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Plaisant aussi de retrouver, sorti directement des westerns de John Ford, l’acteur Ward Bond dans la peau du convoyeur de bétail Pat Wheeler (‘Cheval de trait’) qui se fera assassiner après avoir proposé en aide au shérif, son garde du corps Colorado. Colorado, interprété lui aussi formidablement par un Ricky Nelson dont nous n’aurions au départ pas parié un sou sur son talent hormis pour le chant. Il joue ici le rôle d’un jeune freluquet sûr de lui et assez prétentieux mais qui nous est toujours sympathique puisqu’on sent que son assurance est tout à fait justifiée par un professionnalisme jamais pris en défaut et par un sérieux à toute épreuve qui ne peut prêter le flanc à la plaisanterie. C’est un tireur d’élite redoutable et plein de sang froid représentant l’image que l’on se fait du shérif John T Chance plus jeune et dont se sert Hawks pour faire comprendre son amour du travail bien fait et du professionnalisme, autre thème majeur de son cinéma. Enfin, John Wayne trouve ici l’un de ses très grands rôles, moins complexe et ambigu que celui de Ethan Edwards dans La prisonnière du désert, moins original que celui, haïssable une bonne partie du film, de Dunson dans La rivière rouge, moins émouvant que celui de Nathan Brittles dans La charge héroïque, mais aujourd’hui encore, le personnage qui restera et qui donne l’image la plus juste de ce que John Wayne aura voulu montrer tout au long de sa carrière : l’homme droit, valeureux, professionnel, d’apparence dure mais en réalité proche et affectueux avec ses hommes, maladroit et pataud avec les femmes, celui aussi qui par son charisme cimente un groupe. Dans Rio Bravo, il n’a pas peur de ternir son image car Feathers a toujours le dessus sur lui et finit toujours par avoir le dernier mot, Chance sortant toujours d’une discussion avec elle la tête basse et le dos voûté. Derrière son apparence, un être profondément humain puisqu’on se demande même constamment s’il ne va pas réitérer ‘l’erreur’ de Dude en se faisant piéger par la séductrice. Tout est parfait dans le jeu de John Wayne et ceci dans ses moindres faits, poses et gestes : sa façon de s’habiller, d’arpenter une rue, de tenir son fusil, de mettre son couvre chef, tout est une création de l’acteur. Une preuve supplémentaire s’il le fallait que le Duke était un très grand comédien.

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Pour finir, parlons de la mise en scène transparente de Hawks qui fait douter certains quant à ses qualités. Il est vrai qu’elle est moins immédiatement repérable et ne saute pas aux yeux de prime abord comme celle d’un John Ford passé maître dans l’art pictural et du cadrage, ou comme celle d’un Anthony Mann excellant dans son appréhension de l’espace. Mais Hawks est moins un peintre des extérieurs et des paysages qu’il ne cherche d’ailleurs jamais à magnifier, qu’un réalisateur au service de ses personnages. Hawks n’est pas un esthète ni un formaliste et c’est pour cette raison que nous nous rappelons moins souvent chez lui que chez les autres réalisateurs cités précédemment de plans époustouflants. Pourtant, en y regardant de plus près, Rio Bravo comporte, lui aussi, quelques scènes qui prouvent une nouvelle fois le génie, certes plus discret, de Hawks en la matière. Déjà la scène muette de départ, que nous avons déjà évoquée, n’a rien à envier par la force de suggestion de ses images aux meilleurs films muets justement. Une autre tout aussi célèbre, celle qui voit Dude retrouver sa fierté par son action d’éclat qui le fait dénicher et tuer l’assassin du convoyeur, mérite de rester dans les annales par son utilisation tout à fait extraordinaire d’une technique difficile à manier sans tomber dans la lourdeur, le zoom ; en l’occurrence un zoom fabuleux et entièrement justifié sur des gouttes de sang tombant du haut du saloon sur un verre de bière. Et enfin, pour les non convaincus, évoquons brièvement les sorties nocturnes du shérif et de son adjoint devant aller arpenter la rue pour voir si tout est calme. Hawks, mine de rien, tellement son appréhension des lieux grâce à la mise en scène et au montage est géniale, donne au spectateur l’agréable et grisante impression à la fin du film de connaître par cœur la topographie des lieux assez restreints dans lesquels il vient de passer deux bonnes heures.

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Comme chez John Ford, la violence n’a ici rien de spectaculaire, frisant au contraire l’abstraction tellement les scènes sont dures, violentes mais sèches et concises. La première apparition de John Wayne est d’une force peu commune, le voyant arriver en contre plongée pour relever Dude et immédiatement après, assommer Joe Burdette avec une violence inouïe à l’aide de la crosse de son fusil, frappant tellement fort qu’il effectue un tour sur lui-même emporté par l’élan de son coup. L’autre scène de tuerie, suite au lancement d’un pot de fleurs par la fenêtre pour détourner l’attention des ‘bad guys’, est, elle aussi, fugace mais foncièrement marquante par sa violence brutale et rapide, sans que jamais nos héros ne regrettent un instant leur geste. A propos des ‘méchants’, il faut souligner le fait que, contrairement à beaucoup de westerns, Hawks ne leur a pas donné beaucoup d’importance, leur présence à l’écran étant très limitée et aucun d’entre eux ne possédant un charisme susceptible de donner à un acteur un rôle truculent, pittoresque ou sadique comme c’est souvent le cas dans le genre où le ‘bad guy’ a souvent ‘de la gueule’. Un autre élément qui montre les déviations que fait prendre à son film le réalisateur à l’intérieur d’un classicisme et d’un manichéisme bien présent cependant.

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Et nous en arrivons aux scènes grâce auxquelles la modernité affleure le plus et celles qui ont dû se faire pâmer de plaisir ‘Les cahiers du cinéma’ et la Nouvelle Vague, les fameuses digressions ‘hawksiennes’, qui ne font aucunement avancer l’intrigue et qui ne servent en fait à rien mais sans lesquelles le film ne serait certainement pas aussi mémorable, celles qui nous donnent le plus l’impression d’avoir lié amitié avec les personnages. Si je vous dis ‘My pony, my rifle and me’, vous vous remémorerez soudain cette scène absolument magique qui nous met en apesanteur, celle de l’intermède musical dans la prison. Dean Martin, suivi de Ricky Nelson puis de Walter Brennan tout sourire, se mettent à pousser la chansonnette et le bonheur est ici, sous nos yeux : nous avons comme une impression d’avoir surpris les acteurs pendant une pause sur le tournage. Le génie de Hawks est là entre autre, dans ces moments inutiles mais illustres, tellement humains et proches de nous, ces instants de symbioses et de bien être entre les personnages et le spectateur. Situations classiques, évolution lente mais certaine de personnages à la caractérisation fortement typée, aucune prétention à renouveler un genre bien codifié, scénario bétonné, interprétation au diapason, le mélange de tous ces éléments nous donnant un western légendaire. Un film à la réputation méritée, symbole d’un cinéma dans le même temps classique et moderne, chef d’œuvre indémodable d’une liberté de ton qui procure un plaisir de presque tous les instants !

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Momo la crevette
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Message par Momo la crevette »

Jeremy Fox a écrit :
Momo la crevette a écrit :Oauis, excusez-moi : John Wayne est le meilleur acteur de tous les temps ! Un modèle de finesse et de subtilité dans son jeu, notamment dans son regard si expressif...

Momo
Oh le vilain ironique : Bouuuuuuuuuuuu ;-)
Mais noooon !

C'est juste que je veux bien reconnaitre combien Wayne est extraordinaire, en particulier dans Rio Bravo mais faut reconnaitre que cela tient plus à sa présence et à sa personnalité qu'à la subtilité de son jeu. C'est flagrant non seulement face à Angie Dickinson mais également face à Dean Martin....

Momo
styx a écrit :Je comprends pas grand chose à vos salades, mais vous avez l'air bien sur de vous, donc zetes plus à même hein de parler, de sacrés rigolos que vous faites en fait, merde ça rime lourd là, je vais éditer. mdr
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Mais pourtant le jeu de John Wayne a été très souvent subtil tout au long de sa carrière même si vers la fin et quelquefois, il s'est laissé aller au cabotinage. Je ne vois pas en Wayne un acteur monolithique, bien au contraire (voir "Les sacrifiés", "L'ange et le mauvais garçon", "Liberty Valance", "L'homme tranquille".......)
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Message par Momo la crevette »

C'est vrai. D'ailleurs, à une époque, son jeu était si sutil, que je le confondais sans arrêt avec Bette Davies ! Impossible de les différencier!

:wink:

Momo
styx a écrit :Je comprends pas grand chose à vos salades, mais vous avez l'air bien sur de vous, donc zetes plus à même hein de parler, de sacrés rigolos que vous faites en fait, merde ça rime lourd là, je vais éditer. mdr
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

J'en appelle aux modérateurs please : les propos de la crevette sont intolérables, je vote pour sa remise à la mer :lol:
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

De toute façon, quand on écrit Bette Davies, on n'a plus aucune crédibilité. :twisted:
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