Charles Chaplin (1889-1977)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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someone1600
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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par someone1600 »

Au fait allen John, as-tu regardé les fragments de Her friend the bandit toi aussi ? :?
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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par allen john »

someone1600 a écrit :Au fait allen John, as-tu regardé les fragments de Her friend the bandit toi aussi ? :?
Oui, mais je ne les ai pas trouvé très significatif, d'autant que le film a été trouvé entier. le choix de ne montretr que des extraits me fait supposer qu'il faut attendre... On le verra probablement dans d'autres occasions.
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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par someone1600 »

Le film a été retrouvé ? :?

Pas dans un cage a poule dans le desert d'Arizona j'espere... :roll: :fiou:
allen john
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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par allen john »

Pay day (Charles Chaplin, 1922)

Donc, en 1922, Chaplin veut profiter de la liberté qu'il entrevoit dans la possibilité de travailler pour la United Artists. Il ne peut se libérer, car il doit encore des films à la First National. Pay day, d'une certaine façon, fait partie de l'arrangement trouvé, un court métrage de deux bobines et un moyen métrage de quatre, afin de s'acquitter de ses obligations, et si on peut considérer l'autre film qui suivra, The pilgrim, comme un Chaplin majeur, ce n'est pas le cas de celui-ci. La structure est artificielle, et ressemble à un catalogue de situations. Chaplin étant Chaplin, il a soigné son film, mais il peut faire bien mieux...

Un ouvrier du bâtiment travaille, se fait payer, tente de vivre des moments d'intense camaraderie (Et de beuverie) avec ses copains, et doit répondre de ses actes à son épouse, abominable mégère... Par ailleurs, il est parmi les ouvriers le plus mal loti, exploité par un contremaitre brutal, et doit se débrouiller le midi sans nourriture. Enfin, il est amoureux de la fille du patron, jouée par Edna Purviance bien entendu.

Inégal, cette suite de situations prétextes à gags renvoie à l'évocation de nombreux courts métrages. Il ajoute une mise en scène très bien troussée, avec des effets spéciaux (Le lancer de briques, filmé à l'envers) et des gags mécaniques, basés sur les ascensions et descentes permanentes d'un monte-charge. Il filme l'après-beuverie, en gros plan, avec les yeux vitreux et la lenteur du geste, il se préoccupe surtout de montrer un mariage infernal... est-ce un hasard? Chaplin en est, à ce stade, à son premier divorce, et le regard de Mildred Harris sur les frasques extra-conjugales de Chaplin a sans doute pesé lourd dans la représentation (absolument déloyale, du reste) de l'épouse en dragon...

On ne peut qu'aimer le gag des briques, l'exposé de la camaraderie masculine, les frasques nocturnes des poivrots (Bergman, Sydney Chaplin, Loyal Underwood, etc...), le contremaitre joué par un Mack Swain inspiré. On constate que la situation finale rejoint un peu le type d'observation de One A. M., avec un ingrédient supplémentaire: chaplin ne vit pas seul, il rentre saoul mais doit en plus ne pas réveiller son épouse. Mais aussi soigné soit le film il n'apporte pas grand chose, il faut bien le dire... Si! un film de moins à tourner.

http://allenjohn.over-blog.com/article- ... 33631.html
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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par someone1600 »

Je l'avais bien aimé celui-la moi. :wink:
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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par someone1600 »

The Knockout (1914)

Ce n'est pas tant un film de Chaplin qui n'y parait que lors du mémorable combat de boxe (j'ai rie tout du long, ce n'est pas encore du niveau de City Lights, mais c'etait tout de meme tres drole...) qu'un film de Arbuckle qui en est clairement l'acteur principal. C'est la premiere fois je crois que je le vois, il m'a bien fait rire lors du combat... lol... le film est plutot drole meme le final tres long ou Arbuckle court avec une meute de policier attaché a lui...
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Message par allen john »

someone1600 a écrit :The Knockout (1914)

Ce n'est pas tant un film de Chaplin qui n'y parait que lors du mémorable combat de boxe (j'ai rie tout du long, ce n'est pas encore du niveau de City Lights, mais c'etait tout de meme tres drole...) qu'un film de Arbuckle qui en est clairement l'acteur principal. C'est la premiere fois je crois que je le vois, il m'a bien fait rire lors du combat... lol... le film est plutot drole meme le final tres long ou Arbuckle court avec une meute de policier attaché a lui...
Tu as raison, c'est bien un film d'Arbuckle, et c'est son style dans la période Keystone. Chaplin est clairement en retrait.
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Message par Watkinssien »

allen john a écrit :
someone1600 a écrit :The Knockout (1914)

Ce n'est pas tant un film de Chaplin qui n'y parait que lors du mémorable combat de boxe (j'ai rie tout du long, ce n'est pas encore du niveau de City Lights, mais c'etait tout de meme tres drole...) qu'un film de Arbuckle qui en est clairement l'acteur principal. C'est la premiere fois je crois que je le vois, il m'a bien fait rire lors du combat... lol... le film est plutot drole meme le final tres long ou Arbuckle court avec une meute de policier attaché a lui...
Tu as raison, c'est bien un film d'Arbuckle, et c'est son style dans la période Keystone. Chaplin est clairement en retrait.
Réalisé par Charles Avery, le film semble pourtant écrit par Charles Chaplin... Mais le style burlesque est bien celui d'Arbuckle !
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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par allen john »

Watkinssien a écrit :
allen john a écrit :
Tu as raison, c'est bien un film d'Arbuckle, et c'est son style dans la période Keystone. Chaplin est clairement en retrait.
Réalisé par Charles Avery, le film semble pourtant écrit par Charles Chaplin... Mais le style burlesque est bien celui d'Arbuckle !
Merci de cette précision, il convient d'ailleurs de saluer le travail de recherche effectué autour du coffret international, pour retrouver les réalisateurs, au-delà de la simple étiquette Keystone-Sennett: le studio n'avait pas pour habitude de créditer ses collaborateurs à leur juste place. Mais pour celui-ci, il est en effet dominé par le style "héneaurme" de Roscoe, auquel j'entends bien m'attaquer un jour!
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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par allen john »

The pilgrim (Charles Chaplin, 1922) Grâce à l'arrangement trouvé par Chaplin et la First National autour de ce film, il a pu enfin profiter de la United Artists, le dernier de ses fondateurs à tourner pour le distributeur. L'arrangement était simple: au lieu de deux courts métrages, Chaplin a proposé de livrer un film de quatre bobines, ce qui fait quand même une bonne comédie de luxe, qui peut générer des revenus. Comme en prime le film est très soigné, tout le monde a été content... Chaplin ne bâcle en aucune façon ce dernier film (relativement) court, et convoque une certaine quantité de thèmes et de figures déja évoquées. Il le fait avec son sens fabuleux de l'économie visuelle, et dans un cadre westernien, la seule et unique fois...

Un bagnard évadé a volé les vêtemnts d'un pasteur, et se retrouve à prendre sa place auprès d'une petite communauté du sud du Texas. Avant d'être repéré pour ce qu'il est, il a le temps de faire un office religieux, de participer à un thé auprès de certaines personnages du village, et de tomber amoureux d'une jeune fille (Edna Purviance); mais surtout il tombe par hasard sur un ancien 'camarade de l'université', un pickpocket (Chuck Reisner) qui comprend vite le parti qu'il peut tirer du costume et de la supercherie de son copain. Il va donc falloir l'empêcher d'escroquer toutes ces petites gens, sans se faire pincer...

Le costume sied bien à Chaplin, qui a toujours défendu l'idée qu'un habit ne fait pas le moine, mais que l'apparence est une illusion qui trompe forcément les autres. C'est ce qui arrive, avec cet étrange pasteur, et ce dès le début du film. Quatre plans suffisent à tout expliquer: 1 - Un gardien de prison colle une affiche à l'entrée de la bâtisse. 2 - Gros plan de cette affiche, un avis de recherche d'un bagnard évadé, il a une moustache, et un uniforme rayé. 3 - Un homme en maillot de bain sort d'une rivière, prend des vêtments, et constate qu'ils ne sont pas les siens: c'est un uniforme de bagnard. 4 - Notre héros, en habit de pasteur, et avec la mine compassée qui va avec, marche tranquillement vers une gare. Après, ça se gâte: un couple qui vient de fuir pour se marier lui demande de l'aide, et il est bien incapable de pourvoir leur prêter assistance, mais ça y est, aux yeux du spectateur, nous savons que cet homme est un bagnard, et le reste de l'humanité le prend pour un prêtre.

L'interprétation de ce film est marquée par les apparitions de fidèles acteurs, qui reviennent de ses derniers films. Henry Bergman, de moins en moins présent (Il avait un restaurant à gérer), apparait dans deux courtes scènes au début, Albert Austin n'est nulle part, ou je l'ai manqué; par contre, Edna Purviance joue pour la dernière fois à ses côtés, et on voit aussi Sydney Chaplin dans deux rôles, Loyal Underwood en doyen à barbe, Chuck Reisner en exccroc (Quelle trogne!), et surtout le grand Mack Swain. Chaplin employait ses acteurs comme des pantins parfois, les laissant réagir de façon neutre à son jeu, comme Edna Purviance va souvent devoir jouer le témoin inactif dans certaines scènes. Mais quand il reconnaissait un grand acteur, il pouvait lui donner une place importante, c'est ce qui arrive avec Swain ici, qui du reste reviendra dans The gold rush. Dans le rôle du chef spirituel de cette petite communauté, il est merveilleux: alcoolique, mais en secret, qui désapprouve des agissments pour le moins étranges de ce pasteur bizarre, mais qui sait si bien se parer du masque de l'impénétrabilité lorsqu'il y en a besoin. La scène qui les voit tous deux marcher de dos, l'un et l'autre persuadé que la bouteille d'alcool qui vient de se briser par terre provient de sa poche, est un grand moment de collaboration burlesque.

Parce que ce ne sont pas tant les corps constitués qui sont la cible de Chaplin. non, ce serait plutôt les comportements des individus qui les composent: ici, il nous montre l'intolérance des braves gens devant l'excentricité de ce jeune pasteur (le fameux sermon de David contre Goliath, qui donne lieu à une pantomime parfaite, sera applaudi par un gamin qui auparavant s'ennuyait à l'église, alors que tous les braves gens sont indignés), avec une justesse étonnante. Et puis il y a Sydney, et sa tête d'hypocrite, derrière sa grosse moustache. C'est étonnant aussi de voir à quel point il pouvait s'enlaidir: quand on le voit dans sa première apparition, il est un jeune homme assez corpulent, mais pas vilain, qui fuit avec une jeune femme pour se marier... Le même, trois bobines plus loin, est un morse à moustachhe, les cheveux luisants et bien peignés, qui reste bouche ouverte d'indignation devant le fait que les invités du thé alaient... manger son chapeau.

Non, le seul qui soit épargné, à part Edna et sa mère dans le film, c'est le shériff (Tom Murray), qui voit à la fois en Chaplin un bagnard évadé, et un brave homme qui s'est conduit avec honneur. Hésitant à faire son devoir, il le conduit à la frontière, ou Chaplin fera l'amère expérience du fait qu'il ne sera tranquille nulle part. le final, qui le voit cavaler symboliquement une jambe aux Eyays-Unis et l'autre au Mexique est après tout un reflet de toute sa vie. Une fois de plus, après The adventurer, Chaplin quitte un studio sur une fuite.

Le western est esquissé dans ce film, mais sans trop d'insistance. On constatera un hold up et une fusillade finale... On retrouve par contre une fois de plus (Après Police et The adventurer la dynamique de l'ancien prisonnier. Dans The adventurer, il était aux prises avec la société seule, mais dans Police et celui-ci, il est soumis çà la tentation de replonger par l'intermédiare d'un autre malfrat, un vrai! Lloyd Bacon et Chuck Reisner sont donc les méchantes fées de ces deux films, qui invitent Chaplin à s'interroger sur sa loyauté. Quand il s'agit de rester fidèle à Edna Purviance, le choix est vite fait...

Bref, un film riche, drôle, qui apporte encore du nouveau tout en recyclant avantageusement des idées qui marchent bien, et qui montre aussi au public, une fois de plus, qu'il n'y avait pas besoin de vagabond: les costumes dans ce film sont totalment éloignés des habitudes, et Chaplin se contente finalement de sa moustache, ses cheveux frisés toujours aussi indomptables, et de sa démarche pour affirmer la présence de son personnage... Peut-être dans ce qu'il croyait être la dernière fois.mais le sort et le public en ont décidé autrement. Au fait, ce film a eu un gros succès.

...Pas le suivant.

http://allenjohn.over-blog.com/article- ... 51991.html
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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par someone1600 »

Un excellent film en effet. :D
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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par allen john »

A submarine pirate (Charles Avery, Sydney Chaplin, 1915)

Sydney Chaplin pourrait très bien n'être que le grand frère de qui vous savez, ce ne serait déjà pas mal... gagman, acteur dans les films de son frère, parfois sans doute assistant écouté, comme Albert Austin, Henry Bergman ou Charles Reisner, et pour finir son agent... C'est lui qui a présenté Karno et Chaplin, c'est lui qui a fait l'homme dans une maison au père absent... Bref. Mais Sydney a aussi eu une carrière solo, passionnante parce que totalement oubliée, et franchement atypique.

Une fois Charles parti de chez Sennett, Sydney s'est retrouvé à le remplacer en quelque sorte, avec un personnage récurrent, Gussle, qui inaugure le look qu'aura Sydney dans quelques films de so, frère: une moustache envahissante, des cheveux raides, et une raie rectligne au milieu. Il a ensuite rejoint Charles vers 1916 à la Mutual, puis est devenu un acteur proéminent dans A dog's life, Shoulder arms!, The Bond, Pay day et The Pilgrim. Il a continué à s'occuper des affaires de son petit frère, tout en menant une carrière solo, moins burlesque, plus dans la comédie de moeurs. Le film Charley's aunt (1925), réalisé pour Christie, est un excellent exemple. Il a ensuite eu une petite carrière à la Warner, mais celle-ci s'est arrêtée net: un scandale en Grande-Bretagne lui a été fatal, comme Arbuckle. il s'est donc définitivement retiré derrière son frère...

A submarine pirate est le dernier film Sennett de Sydney Chaplin, son premier film à dépasser les deux bobines (dans sa version intégrale, il durait quatre bobines), et l'un de ses rares films survivants des années 10. C'est aussi un étrange objet, qui doit beaucoup à Charles Avery, collaborateur de Roscoe Arbuckle, dont le type d'humour tout en violence incontrôlée est ici très représenté, mais qui est aussi marqué par un choix délibéré de Sydney d'être le méchant: il est en effet un pirate, qui utilise un sous-marin pour terroriser les gens. ce qui explique peut-être qu'il ait été relégué si longtemps dans les poubelles de l'histoire, jusqu'à ce qu'un David Kalat enthousiaste l'édite dans le coffret American Slapstick.. Une curiosité, donc, mais suffisamment intrigante pour être revu de temps à autre, même dans une version sérieusement abrégée.
http://www.youtube.com/watch?v=doKtuYYDZKo

http://allenjohn.over-blog.com/article- ... 53161.html
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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par allen john »

A woman of Paris(Charles Chaplin, 1923)

Trois raisons pour Chaplin de ne pas jouer de rôle dans ce nouveau film, le premier pour la United Artists. Pour commencer, il essaie, on l'a vu, de se débarrasser de son personnage (The professor, Idle class), de le démythifier en le représentant marié (Pay day), avec des enfants (A day's pleasure), voire en se représentant tel qu'en lui-même, en insistant sur le fait que moustache et défroques sont bien factices (How to make movies). Bref, il souhaite contourner cette icône. De plus, il a le sentiment, pas faux à cette époque, qu'on l'assimile surtout à son personnage moustachu; or, Chaplin, souhaite être reconnu pour son rôle de metteur en scène, et aussi d'auteur de films. Enfin, il tourne depuis un certain temps autour d'une représentation complexe du monde à deux niveaux qu'il perçoit; The Kid, The idle class en ont déja montré les contours. Il se sent obligé de libérer son cinéma de son empreinte burlesque, ce qui veut dire que le moustachu n'y a plus sa place. Honnêtement, je ne sais pas si ce film représentait dans l'esprit de Chaplin un affranchissement total de son personnage a priori, ce qui aurait été ensuite contredit par le flop monumental, qui aurait conduit Chaplin à faire machine arrière, avec le succès que l'on sait, ou si le metteur en scène se contentait de faire ce film, et puis après revenir sagement de son propre chef. Quoiqu'il en soit, A woman of Paris est l'unique film muet dans lequel Chaplin n'apparait pas de façon significative, et c'est à peu près la seule information de la plupart des textes qui y sont désormais consacrés, je n'y reviendrai donc pas...

Chaplin est partout dans ce film: regardez les acteurs, leur façon de jouer, l'économie des gestes et des mimiques. Ce gigolo qui baille en levant mollement les yeux au ciel, combien de prises a-t-il fallu lui arracher avant qu'il ait le détachement nécessaire? Carl Miller, qui joue ici le petit ami d'Edna Purviance jouait déjà ce même personnage ou presque dans The Kid, et il est lui aussi entièrement vampirisé par chaplin... Quant à edna Purviance, ells est splendide, dans les mains de Chaplin, elle ne craint personne. Tant mieux, parce que le film repose entièrement sur ces attitudes, sur ces corps et sur les vêtements qu'ils portent, c'est l'un des traits les plus saisissants du film.

Marie et Jean s'aiment, mais leurs parents ne l'entendent pas de cette oreille. Alors qu'ils souhaitent fuir pour se marier, jean a un contretemps: son père meurt, et il n'a pas le temps de prévenir sa fiancée: elle fuit à paris seuls, croyant à une trahison. Elle y fait sa vie, et on la retrouve un an après, protégée du riche Pierre Revel; elle s'appelle désormais marie St-Clair, et lorsque jean débarque à Paris avec sa mère, Marie a du mal à abandonner sa nouvelle vie pour retourner vers son passé...

Carl Miller donne l'illusion d'être l'un des deux personnages principaux, mais ne soyons pas dupes: Chaplin dépeint ici un certain style de vie, une course à la réussite, qui passe par tout un tas de turpitudes qui ne sont qu'esquissées: a priori, la métamorphose de Marie en Marie St-Clair passe par tout ce qui est dans l'ellipse du début. La mère de Jean la considère d'ailleurs comme une trainée... Non, les deux personnages principaux sont bien Marie et Pierre (Adolphe Menjou). celui-ci, après tout, est tout sauf antipathique, à part lorsqu'il se sert des amies de Marie pour la manipuler. Mais il joue de son charme, et sait manifestement perdre... Il sait surtout que ce que veut Marie, cette fuite en avant du luxe et de la vanité, lui seul pourra le lui amener. De son coté, Jean est peintre (Comme le personnage de Carl Miller dans The Kid, du reste), et il va peindre un portrait du passé de Marie, contre le gré de celle-ci, portrait qui va sceller leur mésentente, leur différence, et portrait qui sera pris à témoin par la mère elle-même sur la dépouille de son fils. ce portrait, c'est la vraie Marie, lui seul l'a vue. Il faudra une catharsis tragique pour que Marie comprenne enfin...
La noirceur du film va de pair avec l'humour noir, notamment dans la description toujours sur la brêche de la vie des nantis (le restaurant, avec ses truffes, pour les cochons ou les gentlemen), et la méchanceté dans la peinture des manipulations des intrigantes: Malvina Polo, la jeune femme idiote de Foolish wives, tente de ravir la place de Edna Purviance auprès d'Adolphe Menjou...

L'habit, cette deuxième peau, est un motif qui court d'un bout à l'autre du film. On ne compte plus le nombre de scènes d'habillage, de déshabillage, de préparation du corps (Massage), e dénudage plus ou moins gratuit (Le strip-tease); toutes ces scènes renvoient à l'idée du mensonge, de la parure comme protection. Chaplin s'en sert aussi comme une indication de contemporanéité, comme DeMille le faisait avec divers accessoires (Les disques de chansons populaires, qu'on voyait tourner sur des phonographes luxueux dans ses comédies matrimoniales). Le grand nombre de scènes liées au service des domestiques, et la compartimentaion des apprtements riches de Marie et pierre Revel, aussi, renvoient à cette vie à tiroirs, dans laquelle les gens se barricadent derrière le décorum. BIen sur, les petites boîtes comuniquent entre elles, on se souvient du faux col masculin aperçu par Jean chez Mari. cette apprition d'un signe cinématographique est un autre aspect visible de la mise en scène riche de ce film: on note aussi l'utilisation d'un bandeau noir, signe de deuil. les personnages voient et déduisent en même temps que nous...

La mise en scène du film est d'une précision, d'une force extaordinaire. Chaque plan est composé de façon précise, Chaplin et Totheroh n'ont pas changé leurs habitudes. A des scènes de luxe effrêné répondent des images d'une austérité diabolique (on parle toujours de cette scène à la gare, ou le passage d'un train est représenté par ses lumières); un effet de rapprochement de la caméra, est répété trois fois dans le film (Deux fois dans la version actuelle, voir plus bas): La maison de Marie est vue en plan large, puis un peu plus près. un troisième plan resserre sur une fenêtre, ou s'esquisse le visage d'une femme dans la pénombre. Enfin le quatrième et dernier plan nous montre Edna Purviance à la fenêtre. A la fin du film, la maison ou sont réfugiées Marie et la mère de Jean pour leur nouvelle vie est saisie de la même façon. la troisième occurence est très cohérente, puisque c'est le portrait, entouré de crêpe noir, de la maman de Marie dans sa maison. Chaplin avait tenté d'établir une mise en scène fluide, détaillée, mais l'a comme chacun sait bousillée en 1976, 5 ans après avoir massacré le film The Kid. 34 ans après avoir anéanti The Gold rush: son idée, c'était de rendre A woman of Paris plus fluide, de le rendre "moins sentimental". faut-il le redire? Un metteur en scène lui-même n'a pas le droit d'altérer un film, à plus forte raison 53 ans après. Même Chaplin.

Pour le reste, ce film est un miracle de subtilité; les commentaires lus ça et là sur la stupidité du script ne valent pas tripette. Les gens qui parlent d'un insupportable mélo n'ont jamais vu de mélodrame de leur vie, et le film tient diaboliquement la route, à la source de tout un pan du cinéma Américain. Que Lubitsch l'ait vu et s'en soit inspiré, c'est une certitude. Que d'autres, qui y avaient été confrontés directement (Henry D'abbadie D'Arrast, Monta Bell), ou qui l'ont vu comme on reçoit une claque dans la figure (René Clair, de son propre aveu), s'en soient inspiré, c'est une évidence. Bref: il y a un avant et un après A woman of Paris. Pour Chaplin aussi, qui ne supportera pas de voir son 'enfant maudit' boudé par le public, et le retirera du circuit pendant donc 53 ans. Et plus j'y pense, plus je me dis qu'on a de la chance de l'avoir encore...

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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par someone1600 »

Un des seuls que je possede que je n'ai pas encore regardé justement parce qu'il n'a pas une tres bonne reputation... mais bon, je le regarderai dans mon cycle. :wink:
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Re: Charles Chaplin (1889-1977)

Message par allen john »

someone1600 a écrit :Un des seuls que je possede que je n'ai pas encore regardé justement parce qu'il n'a pas une tres bonne reputation... mais bon, je le regarderai dans mon cycle. :wink:
...découvert en 1989, revisité tous les ans depuis, mon Chaplin préféré. C'est bête, hein?

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