Une passion (1969)
Andreas Winkelman vit seul sur l'île de Farö, où il rencontre Anna, une jeune veuve, et un couple, Elis et Eva. Délaissée par son mari, celle-ci se rapproche d'Andreas. Les tensions montent, Andreas se sent attiré par les deux femmes...
J'en avais déjà
parlé par ici mais comme je l'ai maintenant en dvd, je me suis dit que ça valait le coup de le revoir pour le réévaluer et j'ai bien fait.
Du point de vue visuel ça reste le film le plus beau de Bergman, ces couleurs magnifiquement photographiées par Sven Nykvist, c'est toujours aussi fantastique. Mais je me rends compte aussi d'une maîtrise des cadrages et gros plans typiques du maître que je n'avais pas vue auparavant. Cette fois-ci j'ai plus apprécié les ellipses énormes et l'aspect très documentaire (voix off, acteurs interviewés qui donnent des informations supplémentaires sur leurs personnages que ne donneront pas le film... qui se déroule en même temps qui plus est !

) qui survole le film et lui donne ce ton distancié. C'est bien un documentaire sur la Passion que donne le réalisateur, chose nouvelle au sein de son oeuvre.
Jusqu'ici, il analysait les rapports de couple au sein de ses histoires (mais pas que, ce serait trop réducteur de dire que Bergman est un simple dramaturge de plus, il n'y a qu'a voir les autres films ou lire mes avis en topic bergman

), ici il se concentre par le biais de son personnage principal (Max Von Sydow en Andreas, la quarentaine solitaire, très juste) sur la femme frustrée qu'est Anna (Liv Ullman). Anna est croyante, elle dit même avoir vécu une vraie révélation mais dans sa foi elle n'hésite pas a enjoliver pour que ce soit plus beau, plus vrai, quitte à mentir carrément. Elle regrettera son ancien mari (qui s'appelait Andreas, comme le héros...) soi-disant mort dans un accident de voiture (raconté brutalement et bien crûment au sein d'un plan séquence fixe trèèèèès long (et assez impressionnant : le visage change imperceptiblement avec le temps, les joues se gonflent de rouge, l'oeil commence a devenir un peu rouge sur les côtés...

) mais on finira par s'apercevoir lentement que c'est elle qui l'a presque tué à la fin du film...
(Liv Ullman i love you :fan:
)
Il y a d'ailleurs une violence presque malsaine qui rôde, latente dans tout le film et se traduit par des meurtres d'animaux dans toute l'île. On ne saura jamais qui est vraiment le meurtrier (même si un coupable est désigné par des villageois haineux qui feront justice eux-même...

) mais cette violence sauvage sur les animaux n'est que la métaphore des troubles mentaux qu'Anna porte en elle depuis l'accident et qui rejaillissent sur le couple. Certains détails montrent bien la personnalité trouble et inquiétante d'Anna qui rôde dans l'obscurité de sa personnalité (l'échiquier envoyé d'un coup, la tentative d'étrangler Andreas, les cauchemars en pleine nuit...), finissant de ronger et détruire son couple.
Finalement un grand film qui demande beaucoup de recul et de mâturité. Le Bergman le plus dur d'accès pour moi jusqu'a maintenant. J'y vois même un rapprochement avec certains détails de ma vie personnelle c'est étrange.
5/6 et la chronique de DVDClassik est très bien aussi.
Etrangement "le sacrifice" de Tarkovski entretient certains points avec ce film je trouve.
