Frenzy (1972)
Londres est terrorisé par une succession de meurtres dont l'auteur demeure inconnu. Des femmes meurent étranglées par une cravate que l'assassin laisse au cou de ses victimes...
A sa manière,
Frenzy a été un petit choc. Je ne m'attendais pas dans ses films tardifs à y voir encore autant d'énergie et surtout une aussi grande noirceur. On rit peu dans Frenzy, sauf d'une manière absurdement so british chez l'inspecteur de police confronté à son pire ennemi : sa propre femme qui tente de cuisiner comme les grands chefs français ! Ces passages permettent de respirer au sein d'une histoire pas très follichon où jusqu'à la dernière minute, tout semble s'acharner horriblement sur le personnage principal. On est certes un cran en dessous du malaise glacial qui s'empare du spectateur sur un film au sujet similaire sur un tueur en série,
L'étrangleur de Rillington place de Richard Fleisher, sorti un an plus tôt.
Il n'empêche qu'ici, Hitch' nous délivre un meurtre presqu'en temps réel où rien ne nous est épargné. Si l'on retrouve un montage en fragmentation comme dans
Psychose sur la scène principale de meurtre, ici, la durée de l'acte meurtrier en lui-même et le sadisme prolongé (l'assassin a sa victime en face de lui et retarde horriblement le moment fatidique) font mal et mettent très mal à l'aise. Pour le coup j'ai trouvé ça un peu insoutenable. Petite nature moi ? Peut-être bien, mais ça montre que le père Alfred pouvait nous bousculer jusqu'à la fin vu qu'il s'agit de son avant-dernier film.
D'ailleurs ici, il en a encore bien sous le capot.
J'en veux pour preuve cette ouverture à l'hélicoptère au dessus de la Tamise. Ou bien les plans-séquences liés aux scènes de meurtre : l'un fixe,
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- juste après que Blaney soit allé voir Brenda et qu'il part dans une autre ruelle au moment où l'assistante de Brenda arrive et découvre --par suggestion car la caméra est génialement et pudiquement (comme si un meurtre c'était déjà trop) restée dehors-- son corps à l'étage avant que ne retentisse un cri
; l'autre qui amorce la douloureuse fin d'un autre personnage féminin,
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- caméra mobile qui s'échappe par la rue après qu'une phrase qu'on devine déclencheuse du rituel monstrueux n'ait été prononcée
. Sans oublier cette scène où en amorçant un zoom, Hitch' coupe le son pour n'en faire ressortir 2 secondes plus tard qu'une phrase et faire apparaître presque comme par magie un personnage derrière celui qui avait été zoomé. Ohlàlà, des trucs de mise en scène comme ça, j'en mangerais tous les jours, quel bonheur, donnez m'en encore, j'en veux encore, bon sang !
Enfin, pincez moi si je me trompe mais n'est-ce pas la première fois que nous avons un nu féminin intégral chez le réalisateur ? Certes, c'est la doublure d'Anna Massey (Babs) mais elle fait son petit effet. La doublure nue de Massey, hein. Quoique Massey, je dis pas non alors, j'avais oublié qu'elle était aussi complètement craquante dans un certain
Voyeur de Powell. Pas étonnant que Hitch l'ait engagé par la suite, il y a comme une sorte de lien souterrain qui circule là.
Anna Massey chez Powell.
Complot de famille (1976)
La richissime Miss Rainbird engage Blanche, une jeune voyante, et son ami George, pour retrouver son neveu Edward, dont elle veut faire son héritier. Nos enquêteurs en herbe retrouvent la trace d'Edward, dont la principale activité n'est autre que le kidnapping...
Après l'excellent
Frenzy donc, passons à
Complot de famille (1976).
Celui-là non plus, je ne l'avais jamais vu... Eh bien là aussi une bonne surprise, contrairement à tout ce que j'avais pu en lire. Alors oui, certes, Hitch est en mode pépère à la mise en scène (enfin on va pas chipoter il assure quand même le service minimum (quelques gros plans pas piqués des vers pour un pot d'échappement qui fuit ou un diamant sur un lustre, voire un petit travelling à la grue sur une des premières apparitions de l'énigmatique "femme au chapeau"). De là à râler parce qu'il n'y a pas de prouesses techniques comme dans Frenzy, c'est un pas que je ne passerais pas étant donné que j'ai bien pris mon pied dessus) et le sujet est bien moins profond et noir que son prédécesseur.
Sans doute faut-il plus le voir comme une satire jubilatoire où notre bon gros Alfred met en scène 2 couples d'escrocs chacun en leur genre (en plus de se moquer gentiment des petites vieilles crédules adeptes de la voyance). Des couples d'ailleurs assez attachants à leur manière, même si on ne s'approcherait finalement pas trop d'Edward. En revanche Bruce Dern et Barbara Harris sont touchants en loosers magnifiques de la vie et l'on a même de plus en plus envie qu'il ne leur arrive rien au final, vu la perversité qu'emploient Karen Black et William Devanne. Bref un petit film sympathique et assumé comme tel qui ronronne tranquillement avec un clin d'oeil final finalement devenu testamentaire par la force des choses (vu qu'Hitch devait encore réaliser un film après ça mais que sa santé avait décliné de plus en plus les dernières années, ce ne fut donc pas possible).