The Eye Of Doom a écrit : ↑18 mai 22, 13:02
En fait, je crois que ce qui m’a gêné est la prédominance de ces numéros d’acrobaties et le côté comédie qui ici vas avec. Alors que le film (et l’ambiance visuelle de Tourneur) distille une ambiance assez dramatique :
Ce côté assez noir et plutôt original est je trouve perdu dans un autre film tenant du registre de la comedie.
Je crois que j’aurais nettement préféré un ton serieux, style Ivanhoe par exemple.
Il ne faut pas exagérer le côté noir (oui, ça y est, je l'ai revu
) qui existe déjà dans
Les Aventures de Robin des Bois . Ce n'est pas si original que ça même si je comprends ce que tu veux dire.
Je dirais plutôt que Tourneur apporte à l'exercice du film de cape et d'épée hollywoodien rutilant des années 40-50 une tonalité visuelle, aidé par Ernest Haller, portée sur les gris, les ocres et les verts, comme automnale. Ce qui tranche en effet avec le chatoiement des costumes de troubadours à la fin. Esthétiquement, cela me ravit +++.
Beule a écrit : ↑18 mai 22, 14:30
Oui, je trouve aussi qu'ici quelque chose coince aux entournures. Quelque chose qui a sans doute à voir avec la vitalité exubérante de son acteur/producteur. Trop frontale, elle ne me parait pas soluble dans les apprêts mouvants de la mimèsis
tourneurienne. Comme conscient de cette incompatibilité de nature, Tourneur joue à fond la carte d'une scénographie héritée du théâtre antique, visant sans doute à renforcer - ou atténuer c'est selon - les artifices de la représentation. Et il s'en remet à quelques idées de pure mise en scène, certes jubilatoires mais trop rares, qui sont comme un pied de nez aux fans de l'acteur acrobate. Mais c'est au mieux un compromis. La greffe ne prend pas complètement, elle reste voyante. Le sentiment de paternité bicéphale s'en trouve même peut-être accru. Sur le
Corsaire rouge, Siodmak saura lui s'effacer comme auteur pour servir la persona de Lancaster, et à mon sens livrer un spectacle à la mécanique mieux huilée.
Pas d'accord. Là, tu décris un film qui serait neutralisé, entre exubérance histrionique et scénographie plus littéraire. Je ne trouve pas que le film ressemble à ça. L'équilibre me semble parfait, homogène, entre la fantaisie acrobatique et le ton visuel que je décris plus haut, porté par un rythme infaillible (on ne s'ennuie pas une seconde).
Les appétences de la star pour les acrobaties sont justifiées par le scénario de Waldo Salt (
Macadam Cowboy,
Le Jour du Fléau,
Serpico..s'il vous plaît) qui table sur un côté
commedia dell'arte que permet le contexte de l'italianité du sujet. Italianité qui s'exprime avec subtilité sur plusieurs étages. La musique de Max Steiner et sa ritournelle de mandoline mais aussi les baladins à la fin qui renvoient à une certaine tradition (cf
Le Carrosse d'Or). Elle s'exprime surtout à mon sens, et plus finement encore, par des renvois au tragi-comique d'inspiration italienne chez Shakespeare, qu'Hollywood (et Broadway) a pu parfois répercuter, notamment dans la comédie musicale
Kiss me Kate, inspirée de
La Mégère apprivoisée. Il n'est pas jusqu'aux dialogues, vifs, musicaux, qui ne trouvent par moment d'accents shakespeariens (certes à dose homéopathique et c'est sans doute tant mieux) comme cette scène où le baladin de service , dans le repère des brigands, observe un tanneur qui bosse littéralement avec ses pieds:
Le Baladin :
" C'est pas plus facile de faire ça avec les mains ?"
Le Tanneur :
"Il est plus facile de vivre comme un animal, de se promener nu, de se laisser pousser les cheveux. Et même vous, il vous serait plus facile de parler sans faire de rimes. Mais la civilisation fait des choses naturelles de façon peu naturelles."
Le Baladin :
"Je salue en vous un collègue-artiste".
Je persiste et signe : un divertissement magnifique.