Merci pour le lien. Un parfait complément au documentaire.cinéfile a écrit : ↑30 juil. 21, 12:59Le réalisateur du documentaire (excellent, en effet) en parle ci-dessous :cineberry a écrit : ↑18 juil. 21, 21:24 Le drôle de drame de Marcel Carné, très beau documentaire à revoir sur arte.tv jusqu'au 2 septembre :
https://www.arte.tv/fr/videos/098127-00 ... cel-carne/
Marcel Carné (1906-1996)
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
Le film Les assassins de l'ordre est disponible sur Arte.TV.
https://www.arte.tv/fr/videos/102488-00 ... e-l-ordre/
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
Vu.cineberry a écrit : ↑18 juil. 21, 21:24 Le drôle de drame de Marcel Carné, très beau documentaire à revoir sur arte.tv jusqu'au 2 septembre :
https://www.arte.tv/fr/videos/098127-00 ... cel-carne/
Passionnant!
Pour ma part, découverte du projet avorté du film polémique Les Évadés de l'an 4000 & du film malheureusement disparu (et inachevé) La Fleur de l'âge.
A noter aussi un passage assez génant du documentaire (dont j'ai peine a comprendre si le commentaire du réalisateur est justifié ) où le narrateur déclare que Truffaut aurait eu des propos homophobes envers Carné à travers une critique cinématographique ...
(d'autant plus étrange qu'on voit le "réconciliation" le 14 avril 1984 a Romilly)
Article de Telerama sur le document :
https://www.telerama.fr/ecrans/marcel-c ... 917528.php
Idem pour Drôle de drame.Cedric Gibbons a écrit : ↑13 août 21, 05:12 Le film Les assassins de l'ordre est disponible sur Arte.TV.
https://www.arte.tv/fr/videos/102488-00 ... e-l-ordre/
Si vous n'avez pas encore vu ce chef d'oeuvre, foncez!
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
J'aime beaucoup Carné mais celui-là je n'y arrive pas.
Le greffe avec le contexte anglais ne prend pas pour moi.
Dernière modification par AtCloseRange le 23 août 21, 16:31, modifié 1 fois.
Meilleur topic de l'univers
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
Pareil : un film qui n'est jamais parvenu à me faire décocher un sourire. Les Assassins de l'ordre en revanche a été une récente très bonne surprise.AtCloseRange a écrit : ↑23 août 21, 16:24J'aime beaucoup Carné mais celui-là je n'y arrive pas.
Le greffe avec le contexte anglais ne prends pas pour moi.
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
Je ne parlerai pas de chef d'oeuvre, mais sa découverte récente sur Arte.fr fut un vrai bon moment.
Le côté débridé, bizarre (c'est le cas de le dire), notamment dans sa tentative casse-gueule d'assimilation au contexte britannique et le quasi non-sens de l'intrigue - devenant assez jouissive par ses échainements imprévisibles - emporte le morceau. Mention spéciale à l'apparition de Jouvet en kilt, que je ne suis pas prêt d'oublier.
A la réflexion, je me dis que de nos jours, ce côté WTF pourrait finalement bien plaire à un public de jeunes adultes. Bien plus que beaucoup de films de cette époque, qui malheureusement ne trouvent pas énormément d'écho il me semble chez les jeunes cinéphiles.
Ça + les autres films dispo sur Arte + l'excellent doc m'auront en tout cas permis de m'intéresser plus sérieusement à Carné. En particulier à ses films mal-aimés post-1945, ceux que la Nouvelle Vague avaient démolis comme Trois Chambres à Manhattan ou les Tricheurs.
Le côté débridé, bizarre (c'est le cas de le dire), notamment dans sa tentative casse-gueule d'assimilation au contexte britannique et le quasi non-sens de l'intrigue - devenant assez jouissive par ses échainements imprévisibles - emporte le morceau. Mention spéciale à l'apparition de Jouvet en kilt, que je ne suis pas prêt d'oublier.
A la réflexion, je me dis que de nos jours, ce côté WTF pourrait finalement bien plaire à un public de jeunes adultes. Bien plus que beaucoup de films de cette époque, qui malheureusement ne trouvent pas énormément d'écho il me semble chez les jeunes cinéphiles.
Ça + les autres films dispo sur Arte + l'excellent doc m'auront en tout cas permis de m'intéresser plus sérieusement à Carné. En particulier à ses films mal-aimés post-1945, ceux que la Nouvelle Vague avaient démolis comme Trois Chambres à Manhattan ou les Tricheurs.
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
J’ai adoré DdD!
Je peux concevoir que l’on ne soit pas client de cet humour... mais prétendre qu’on « ne sourie a aucun moment », ca me dépasse !
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
Oui, moi aussi !
"Mais j'aurais voulu qu'on m'aime !"
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
L'air de Paris : Je ne m'attendais vraiment pas à une aussi belle réussite pour ce film que je n'avais jamais vu. Le couple Gabin/Arletty fonctionne à la perfection, la mise en scène, la direction artistique, la photo, les décors et l'écriture... tout est superbe. Ainsi que tous les comédiens (belle découverte que Marie Daëms notamment). Décennie 50 vraiment faste pour Gabin, celle que j'apprécie le plus. Hâte de pouvoir revoir un jour La Marie du Port
Sur OCS en ce moment et vient de sortir en Bluray chez Coin de Mire. Restauration magnifique.
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
Merci pour ton avis. Je n'avais il me semble jamais entendu parler de ce film mais ça donne envie
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
Belle découverte effectivement que ce film profondément humaniste et chaleureux, mais pas dénué de mélancolie. Arletty est formidable en épouse délaissée . Je regrette juste un certain. conformisme (Arletty râle mais n'agit pas) et déterminisme social (la conclusion) mais il est vrai que nous sommes dans les années 50...Jeremy Fox a écrit : ↑30 oct. 22, 20:12 L'air de Paris : Je ne m'attendais vraiment pas à une aussi belle réussite pour ce film que je n'avais jamais vu. Le couple Gabin/Arletty fonctionne à la perfection, la mise en scène, la direction artistique, la photo, les décors et l'écriture... tout est superbe. Ainsi que tous les comédiens (belle découverte que Marie Daëms notamment). Décennie 50 vraiment faste pour Gabin, celle que j'apprécie le plus. Hâte de pouvoir revoir un jour La Marie du Port
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
Jenny
L’inauguration réussie du tandem Carné-Prévert, dont la complicité se distingue par un équilibre tenu entre la faconde tantôt lyrique tantôt comique du dialoguiste et la vision tempérée du cinéaste. Leur univers est en place, avec déjà un destin qui se manifeste sous l’apparence d’un clochard, l’amour fou, la liberté des marginaux et le canal Saint-Martin, le Pont-Tournant, vrai soleil des quais : la promenade des amoureux dans la grisaille du petit matin fait ainsi basculer brièvement le film dans la poésie du réel. La faune des crapules, des damnés, des doux rêveurs ronge l’architecture conventionnelle d’un mélodrame qui, par son pathétisme désenchanté, son sens de la fatalité ou du bonheur précaire, son goût du portrait que fait vivre une solide et talentueuse distribution, emporte une franche adhésion. 4/6
Drôle de drame
Film de patrimoine. La formulation en souligne autant l’attrait historique (qui permet au spectateur de tilter sur ce qu’il connait d’emblée de réputation) que le périmètre d’un comique de boulevard assez décati. On conserve toujours quelque amusement devant cette mécanique ubuesque, transposition plutôt originale (recontextualisée dans son époque) du loufoque anglo-saxon, et l’inventaire de situations marinées à l’humour noir, de répliques absurdes et de personnages farfelus pris dans d’inextricables quiproquos, prête gentiment à sourire. Par ailleurs il est toujours plaisant que le cinéma se perde sur les chemins de l’extravagance et de l’anticonformisme. Reste qu’il ne vaut mieux pas comparer ce remue-ménage faubourien à ce qu’un Hawks, pour ne citer que lui, proposait à la même époque. 3/6
Le quai des brumes
Le Vigan peint les choses cachées derrière les choses, Michel Simon estime qu’il veut mieux avoir sa tête de Barbe-bleue que pas de tête du tout, et Michèle Morgan a de beaux yeux (on sait). Héritier du fatalisme atmosphérique d’un Lang ou d’un Murnau, peintre d’un ville-prison (Le Havre, très cinégénique) aux pavés mouillés, aux paysages pleurant d’être réduits par les brouillards, la pluie, le travaux des hommes, aux docks opaques qui voient partir les bateaux vers une vie meilleure en laissant les héros à quai, Carné déréalise le monde, le dissout dans une poétique de rêve et d’espoir illusoire où même les pires crapules sont pathétiques, où le suicide elliptique du peintre scelle la perte du déserteur, et où l’originalité fantasque des innocents et des salauds renvoient à une même solitude désespérée. 4/6
Hôtel du nord
Œuvre jumelle de la précédente, dont elle exporte le réel reconstitué aux quais populaires de Paris. L’univers de Carné se déploie à la faveur de deux artifices caractéristiques : celui expressionniste de la mise en scène, celui poétique du scénario. Mais cette fois tous les horizons ne sont pas barrés, diffusant une lumière pâle à laquelle se nourrir, quand bien même les illusions des prolétaires et des déclassés se noieront dans la joie amère d’un bal du 14 juillet. Le meilleur de ce cinéma pittoresque, insurgé, protestataire, nihiliste, parfait baromètre de son époque, est à trouver dans ses personnages-emblèmes, bons ou mauvais diables, meurtris par l’amour : plus que la pourtant centrale Annabella, on retient le cynisme désabusé de Jouvet et l’atmosphérique Arletty en tapineuse à grande gueule. 4/6
Le jour se lève
L’aube se lève, donc, sur un petit immeuble de banlieue. Une porte palière au-delà de laquelle retentit un coup de feu. Un corps qui déboule et tombe dans l’escalier. Alors s’enclenche la narration de ce drame social aux contours clairs, limpides, construit sur d’habiles allers-retours temporels et sur une direction artistique quintessentielle du réalisme poétique – lumière crépusculaire, ambiance légèrement onirique, décor parisien d’avant-guerre. Deux ans avant Citizen Kane, Carné agence un cinéma de la mémoire dans une structure éclatée qui réalise l’irrévocabilité du destin même, puisque les faits sont déjà accomplis et les dés déjà jetés. Gabin, Arletty, Berry y composent une galerie de personnages assez manichéens, aux prises avec un destin fatal que l’auteur élève au rang de tragédie populaire. 4/6
Les visiteurs du soir
Mis à l’index par Vichy et replié en zone libre, le cinéaste se réfugie dans l’imaginaire intemporel d’un fantastique moyenâgeux. La "désincarnation" de son univers ne va pas sans un surcroît de métaphores politiques implicites ni un coupable épanchement de gongorisme cher au scénariste-dialoguiste. Car l’ensemble a bien mal vieilli. Passe encore la guimauve ultra fleur-bleue de Prévert, ses aphorismes un peu teubés rabâchant à longueur de bobines que l’amour est plus fort que tout et que les cœurs purs l’emportent toujours sur la séduction du mal. Mais supporter les développements tartes d’une intrigue aux artifices ultra-naphtalinés, cette poésie en toc qui confond lyrisme et mièvrerie et (cerise sur le gâteau) les affectations ridicules du jeu d’Alain Cuny, tout cela ressemble à une épreuve. 2/6
Les enfants du paradis
1840, sur le fameux Boulevard du Crime où se presse une foule bigarrée venue applaudir le mime Deburau et l’acteur Frédéric Lemaître, tous deux amoureux de l’inaccessible Garance et entraînés dans le tourbillon d’une comédie italienne entre burlesque et tragique. Le théâtre est partout, dans la rue, sur les estrades des bateleurs et la scène des funambules, dans les loges, une modeste chambre d’hôtel, un bain turc ou les salons bourgeois. Hymne à la gloire du spectacle donc, mais surtout fresque-fleuve gorgée de situations mélodramatiques et de personnages pittoresques (brigands, artistes et aristos), de masques et de mots d’esprit, de costumes et de décors, de rivalités et de passions. Qu’on y soit sensible ou non, pas difficile de comprendre le statut de ce célébrissime classique du cinéma français. 4/6
Thérèse Raquin
Les oripeaux et les symboles fatigués du réalisme poétique qui a fait la gloire de l’auteur sont ici intégrés, investis, sans dommage pour l’authenticité, dans un contexte socio-historique réactualisé. Carné transpose en effet le roman de Zola au sein de la petite bourgeoisie lyonnaise des années cinquante, et bien qu’il enlève au crime des amants son caractère de préméditation et y greffe un peu artificiellement l’éternel émissaire du fatum, le tableau de l’aliénation provinciale atteint une vérité dans le détail fidèle au naturalisme de l’écrivain. Ces qualités sont à porter au crédit d’un film prêtant par ailleurs le flanc aux reproches traditionnellement adressés à la "qualité française" : rigide dans sa facture, un peu ampoulé dans sa direction d’acteurs, d’une efficacité dramatique éprouvée mais sans surprise. 4/6
Mon top :
1. Les enfants du paradis (1945)
2. Le quai des brumes (1938)
3. Le jour se lève (1939)
4. Jenny (1936)
5. Hôtel du nord (1938)
L’artiste est extrêmement célèbre, considéré comme l’un des plus grands cinéastes hexagonaux d’avant-guerre. Il a incarné l’accomplissement du fameux réalisme poétique, formule consacrée entre toutes, adaptant les rigueurs du Kammerspiel au populisme à la française. Mais aussi vaste et diffuse que fut son influence (depuis le post-expressionnisme de Carol Reed jusqu’aux premiers films de Bergman, Visconti ou Demy), peut-être s’est-il en quelque sorte enfermé dans le paradis qu’il a si amoureusement reconstruit.
L’inauguration réussie du tandem Carné-Prévert, dont la complicité se distingue par un équilibre tenu entre la faconde tantôt lyrique tantôt comique du dialoguiste et la vision tempérée du cinéaste. Leur univers est en place, avec déjà un destin qui se manifeste sous l’apparence d’un clochard, l’amour fou, la liberté des marginaux et le canal Saint-Martin, le Pont-Tournant, vrai soleil des quais : la promenade des amoureux dans la grisaille du petit matin fait ainsi basculer brièvement le film dans la poésie du réel. La faune des crapules, des damnés, des doux rêveurs ronge l’architecture conventionnelle d’un mélodrame qui, par son pathétisme désenchanté, son sens de la fatalité ou du bonheur précaire, son goût du portrait que fait vivre une solide et talentueuse distribution, emporte une franche adhésion. 4/6
Drôle de drame
Film de patrimoine. La formulation en souligne autant l’attrait historique (qui permet au spectateur de tilter sur ce qu’il connait d’emblée de réputation) que le périmètre d’un comique de boulevard assez décati. On conserve toujours quelque amusement devant cette mécanique ubuesque, transposition plutôt originale (recontextualisée dans son époque) du loufoque anglo-saxon, et l’inventaire de situations marinées à l’humour noir, de répliques absurdes et de personnages farfelus pris dans d’inextricables quiproquos, prête gentiment à sourire. Par ailleurs il est toujours plaisant que le cinéma se perde sur les chemins de l’extravagance et de l’anticonformisme. Reste qu’il ne vaut mieux pas comparer ce remue-ménage faubourien à ce qu’un Hawks, pour ne citer que lui, proposait à la même époque. 3/6
Le quai des brumes
Le Vigan peint les choses cachées derrière les choses, Michel Simon estime qu’il veut mieux avoir sa tête de Barbe-bleue que pas de tête du tout, et Michèle Morgan a de beaux yeux (on sait). Héritier du fatalisme atmosphérique d’un Lang ou d’un Murnau, peintre d’un ville-prison (Le Havre, très cinégénique) aux pavés mouillés, aux paysages pleurant d’être réduits par les brouillards, la pluie, le travaux des hommes, aux docks opaques qui voient partir les bateaux vers une vie meilleure en laissant les héros à quai, Carné déréalise le monde, le dissout dans une poétique de rêve et d’espoir illusoire où même les pires crapules sont pathétiques, où le suicide elliptique du peintre scelle la perte du déserteur, et où l’originalité fantasque des innocents et des salauds renvoient à une même solitude désespérée. 4/6
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Œuvre jumelle de la précédente, dont elle exporte le réel reconstitué aux quais populaires de Paris. L’univers de Carné se déploie à la faveur de deux artifices caractéristiques : celui expressionniste de la mise en scène, celui poétique du scénario. Mais cette fois tous les horizons ne sont pas barrés, diffusant une lumière pâle à laquelle se nourrir, quand bien même les illusions des prolétaires et des déclassés se noieront dans la joie amère d’un bal du 14 juillet. Le meilleur de ce cinéma pittoresque, insurgé, protestataire, nihiliste, parfait baromètre de son époque, est à trouver dans ses personnages-emblèmes, bons ou mauvais diables, meurtris par l’amour : plus que la pourtant centrale Annabella, on retient le cynisme désabusé de Jouvet et l’atmosphérique Arletty en tapineuse à grande gueule. 4/6
Le jour se lève
L’aube se lève, donc, sur un petit immeuble de banlieue. Une porte palière au-delà de laquelle retentit un coup de feu. Un corps qui déboule et tombe dans l’escalier. Alors s’enclenche la narration de ce drame social aux contours clairs, limpides, construit sur d’habiles allers-retours temporels et sur une direction artistique quintessentielle du réalisme poétique – lumière crépusculaire, ambiance légèrement onirique, décor parisien d’avant-guerre. Deux ans avant Citizen Kane, Carné agence un cinéma de la mémoire dans une structure éclatée qui réalise l’irrévocabilité du destin même, puisque les faits sont déjà accomplis et les dés déjà jetés. Gabin, Arletty, Berry y composent une galerie de personnages assez manichéens, aux prises avec un destin fatal que l’auteur élève au rang de tragédie populaire. 4/6
Les visiteurs du soir
Mis à l’index par Vichy et replié en zone libre, le cinéaste se réfugie dans l’imaginaire intemporel d’un fantastique moyenâgeux. La "désincarnation" de son univers ne va pas sans un surcroît de métaphores politiques implicites ni un coupable épanchement de gongorisme cher au scénariste-dialoguiste. Car l’ensemble a bien mal vieilli. Passe encore la guimauve ultra fleur-bleue de Prévert, ses aphorismes un peu teubés rabâchant à longueur de bobines que l’amour est plus fort que tout et que les cœurs purs l’emportent toujours sur la séduction du mal. Mais supporter les développements tartes d’une intrigue aux artifices ultra-naphtalinés, cette poésie en toc qui confond lyrisme et mièvrerie et (cerise sur le gâteau) les affectations ridicules du jeu d’Alain Cuny, tout cela ressemble à une épreuve. 2/6
Les enfants du paradis
1840, sur le fameux Boulevard du Crime où se presse une foule bigarrée venue applaudir le mime Deburau et l’acteur Frédéric Lemaître, tous deux amoureux de l’inaccessible Garance et entraînés dans le tourbillon d’une comédie italienne entre burlesque et tragique. Le théâtre est partout, dans la rue, sur les estrades des bateleurs et la scène des funambules, dans les loges, une modeste chambre d’hôtel, un bain turc ou les salons bourgeois. Hymne à la gloire du spectacle donc, mais surtout fresque-fleuve gorgée de situations mélodramatiques et de personnages pittoresques (brigands, artistes et aristos), de masques et de mots d’esprit, de costumes et de décors, de rivalités et de passions. Qu’on y soit sensible ou non, pas difficile de comprendre le statut de ce célébrissime classique du cinéma français. 4/6
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1. Les enfants du paradis (1945)
2. Le quai des brumes (1938)
3. Le jour se lève (1939)
4. Jenny (1936)
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Re: Marcel Carné (1906-1996)
Perso, c’est vraiment un cineaste qui ne m’accroche pas, face une concurrence autrement plus passionnante (Gremillon, Duvivier, Renoir, Guitry, voir meme Raymond Bernard)
Ps : Merci Thaddeus pour tes contributions, en mode 1 oeuvre ou 1 cineaste
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