L'archive dans Hiroshima mon amour ne sert pas du tout à fournir à vil prix un effet de réel à une fiction. Elle intervient en premier lieu bel et bien comme témoignage documentaire du crime, ensuite pour témoigner de l'insuffisance de ce regard documentaire : le fameux leitmotiv "tu n'as rien vu à Hiroshima". La fiction du film n'y supplée pas, mais suggère que si Emmanuelle Riva ni un spectateur de cinéma ne sauraient voir Hiroshima, du moins peuvent-ils, autrement, entrer en relation avec sa mémoire ; en se tournant vers sa propre vérité intérieure pour la partager ("Nevers") et en opposant à l'ignominie criminelle une vérité de l'amour. En 1959 le monde entier est enfant de la guerre et de l'âge atomique, le monde entier vit non seulement dans le souvenir mais sous la menace de Hiroshima. Le film propose un espace commun, une construction fragile dont il ne prétend même pas garantir qu'elle tienne, où l'invisible Hiroshima est mis au centre, un point aveugle autour duquel gravitent toutes les mémoires du monde. Une vérité de Hiroshima commence à apparaître et sa mémoire commence d'être honorée si on peut faire le contraire de la bombe qui divise le monde et l'atome, si on peut faire des atomes crochus et faire dialoguer les histoires. C'est un film profondément éthique s'il en est.jhudson wrote: ↑28 Sep 21, 17:29À ma connaissance Hiroshima mon amour n'est pas un documentaire .Alexandre Angel wrote: ↑24 Sep 21, 14:54
Donc, c'est insupportable qu'il montre des images d'archive dans Nuit et Brouillard ?
On ne mêle pas les 2 sur un sujet pareil, éthiquement parlant c'est critiquable il me semble!
Avec tous les mérites de Pluie noire, sa reconstitution du "pikadon" du 6 août ne vaut pas tripette à côté - il y échoue comme le film Hiroshima de 1954 ou le dessin animé Gen d'Hiroshima ; on n'y voit rien - et la valeur du film d'Imamura vient plutôt du récit de l'après. À mon goût le film n'est pas à la hauteur du génie de son auteur, celui qu'on trouve dans ses films des années 1960 ou même La Vengeance est à moi. Pour l'anecdote, le roman Pluie noire avait suscité de vives contreverses, mais ce fut le cas pour toute la "littérature de la bombe" au Japon, même celle de première génération, celle des auteurs-témoins survivants du bombardement, qui subirent quelques attaques indignes.