Joseph Losey (1909-1984)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Phnom&Penh
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Phnom&Penh »

homerwell a écrit :Avec sa vie de patachon, Charley finira bien par avoir son "accident" lui aussi.
Je pense qu'il l'a bien eu dans ce film. Chacun réagit à sa manière, mais l'accident est pour tout le monde. Son absence d'échec, ou de retour en arrière, vient de ce que Charley est un individu de ce nouveau monde, contrairement à Stephen.
homerwell a écrit :Alors que Stephen a retrouvé son paisible quotidien au milieu de ses enfants
Je peux me tromper, chacun interprète à sa manière, mais à mon avis, il n'est pas globalement satisfait.
homerwell a écrit :Mais crois-tu que Losey ait voulu pousser le cynisme aussi loin, sans laisser le moindre horizon dégagé aux spectateurs quant au futur de Stephen
Je crois au contraire que c'est moi qui en ait une vision encore très "gentille". Je n'aime pas la vision qu'on a généralement d'un Losey "pervers" alors que je le trouve simplement très réaliste, mais pour ce qui est du cynisme, je pense être plutôt en dessous de la barre :mrgreen:

A mon avis, Losey est assez artiste épanoui pour qu'il soit dommage d'en avoir une vision trop pessimiste et aigrie, mais en revanche, je pense qu'il ne faut pas non plus en avoir une vision trop consensuelle. Il n'aimait vraiment pas notre monde :wink:
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par homerwell »

Oui mais moi je suis un grand optimiste un peu naïf sur les bords... :mrgreen: alors je cherche toujours un petit rayon de soleil.
Il faut que je revoie le film, je m'étais fait à l'idée d'un Stephen contrepoint de Charley. L'ascension professionnelle de celui-ci n'a d'égale que la vacuité de sa vie sociale.
Mais c'était peut être un peu trop simpliste. :wink:
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Strum »

homerwell a écrit :Oui mais moi je suis un grand optimiste un peu naïf sur les bords... :mrgreen: alors je cherche toujours un petit rayon de soleil.
:o Et dans Au hasard Balthazar ? :mrgreen:

C'est drôle, parce que moi qui me considère comme optimiste, j'ai d'Accident la lecture la plus pessimiste de nous trois.
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par homerwell »

Strum a écrit :
homerwell a écrit :Oui mais moi je suis un grand optimiste un peu naïf sur les bords... :mrgreen: alors je cherche toujours un petit rayon de soleil.
:o Et dans Au hasard Balthazar ? :mrgreen:

C'est drôle, parce que moi qui me considère comme optimiste, j'ai d'Accident la lecture la plus pessimiste de nous trois.
Mon optimisme n'est pas consensuel, il est juste un peu naïf. Bresson ne me trompe pas dans son récit et j'imagine la même chose de la part de Losey. J'ai tendance à prendre pour argent comptant ce dernier plan d'une maison bourgeoise avec une petite voiture d'enfant devant comme une image du bonheur.
Mais je ne singerai pas l'autruche si vous arrivez à me démontrer l'autre versant du récit, celui du Stephen raté.
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Strum »

homerwell a écrit :Mon optimisme n'est pas consensuel, il est juste un peu naïf. Bresson ne me trompe pas dans son récit et j'imagine la même chose de la part de Losey. J'ai tendance à prendre pour argent comptant ce dernier plan d'une maison bourgeoise avec une petite voiture d'enfant devant comme une image du bonheur.
Mais je ne singerai pas l'autruche si vous arrivez à me démontrer l'autre versant du récit, celui du Stephen raté.
Cela ne fait guère de doute pour moi et je rejoins la belle analyse de Phnom, sauf que je trouve le personnage de Stephen moins attachant que lui, car la faiblesse et l'attentisme du personnage (qui en outre ne vaut pas beaucoup mieux que les autres par certains côtés) m'avaient déplu. Le film tend à montrer l'existence d'une espèce de plafond de verre social, contre lequel les espoirs professionnels et sentimentaux de Stephen viennent se briser, car il ne fait pas partie de la haute société, ni par sa naissance, ni par son comportement et sa sensibilité. Il est renvoyé à ses chères études, voire même à la petite voiture d'enfant du dernier plan. Je pense que Stephen concevra de l'amertume et des regrets de tout cela, et que sa vie ne donnera l'image du bonheur qu'en surface. Sur ce point, Losey ne nous trompe pas, et les thèmes de son film sont cohérents de bout en bout.
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Phnom&Penh
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Phnom&Penh »

Strum a écrit :Je pense que Stephen concevra de l'amertume et des regrets de tout cela, et que sa vie ne donnera l'image du bonheur qu'en surface. Sur ce point, Losey ne nous trompe pas, et les thèmes de son film sont cohérents de bout en bout.
Je le vois plus désillusionné que raté, mais effectivement, je pense que Losey cherche plus à peindre une société qu'à chercher à nous faire envisager l'avenir de Stephen et la voiture d'enfant me semble être plus là pour souligner le côté dérisoire de ses ambitions momentanées, que pour nous faire rêver à son bonheur domestique, ce qui n'est pas vraiment un thème central chez ce cinéaste. Cela dit, étant passif, Stephen est aussi préservé. Malgré ses tentatives maladroites, il reste en dehors de ce qui s'est joué autour de lui.
Dans ses dialogues avec Michel Ciment, Joseph Losey soulignait combien le personnage de Stephen était proche de Dirk Bogarde, qu'il décrivait comme un acteur intellectuel et artiste faisant preuve de maladresse dans toutes les activités physiques autres que le jardinage. Quoiqu'il puisse lui arriver à la fin, Charley / Stanley Baker est mieux adapté à un monde de rivalités.
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Re: Notez les films naphtas - Juillet 2010

Message par Profondo Rosso »

Le Messager de Joseph Losey (1970)

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Un garçon issu d'une famille modeste est invité par son camarade de classe dans une famille de l'aristocratie britannique. Il deviendra ainsi le messager de la jeune fille de la maison vivant des amours interdites.


Cette adaptation de Leslie Poles Hartley constitue un des tout meilleurs films de Losey. Mélange de romance et de récit initiatique enfantin, le récit nous dépeint les mésaventures d'un jeune garçon amené à servir de messager à un couple que tout oppose. Elle (Julie Christie) est issue de l'aristocratie et promise à un riche Lord tandis que lui (Alan Bates) n'est qu'un modeste fermier du voisinage. Losey ne décroche jamais du point de vue du jeune Leo (Dominique Guard belle révélation), les différentes thématiques (l'opposition des classes, le cloisonnement des jeunes filles...) se faisant par sa découverte des travers du monde des adultes. L'intrigue se développe ainsi de manière lente et limpide, Léo se rapprochant de Marian suite à la maladie de son camarade jeu et ne découvrant que de loin dans un premier temps les liens des deux amants. Porté par la musique tour à tour légère et pesante à la fois de Michel Legrand (dont un des thèmes au piano sert de générique à "Fait entrer l'accusé" !) les échanges épistolaires entre les amoureux sont traité de manière ludique dans un premier temps, exprimant l'enthousiasme du messager juvénile ravi de faire plaisir à Lady Marian dont il est amoureux. Rattrapé par la responsabilité énorme qui lui incombe,le jeu tourne court pour le héros qui découvre tout les freins sociaux qui rendent ses vas et vient cruciaux. C'est ce trajet à effectuer qui symbolise finalement le fossé social rendant l'union impossible, Losey évitant le cliché de l'antagonisme frontal entre pauvre et riche pour une approche plus subtile. Loin de donner dans la grande envolées romanesque (alors que le côté film en costume le laisse présager) Losey filme le tout dans un style feutré, presque froid.L'ambiance rurale, estivale et oisive n'est que poudre aux yeux masquant ce qui est une authentique prison dorée pour Julie Christie sous le confort. L'intensité des sentiments se ressent donc au détour de l'ouverture fébrile des courrier, des courses de Léo entre le manoir et la ferme de Bates. Sinon la passion doit se faire mesurée et distante même lorsqu'on est proche physiquement (remarquable séquence musicale) tandis que la seule séquence charnelle sera interrompue de la manière la plus tragique qui soit. La magnifique photo de Gerry Fisher renforce le côté nostalgique exprimant le regrets de ses moments perdus, renforcé par les retour au présent fragmenté sous forme de voix off puis de cadre moderne où notre messager devenu adulte sera une ultime fois sollicité. Le style feutré de Losey fait merveille tout du long, et le scénario de Pinter (un grand auteur pour en adapter un autre formule gagnante) est remarquablement équilibré. Palme d'or bien méritée en 1971 et The Go Between marquera le retour en grâce de Losey confirmé par ces excellents films suivants. 5/6
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Profondo Rosso »

Tiens je n'avais pas vu le topic je remet ici

Le Messager (1970)

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Un garçon issu d'une famille modeste est invité par son camarade de classe dans une famille de l'aristocratie britannique. Il deviendra ainsi le messager de la jeune fille de la maison vivant des amours interdites.


Cette adaptation de Leslie Poles Hartley constitue un des tout meilleurs films de Losey. Mélange de romance et de récit initiatique enfantin, le récit nous dépeint les mésaventures d'un jeune garçon amené à servir de messager à un couple que tout oppose. Elle (Julie Christie) est issue de l'aristocratie et promise à un riche Lord tandis que lui (Alan Bates) n'est qu'un modeste fermier du voisinage. Losey ne décroche jamais du point de vue du jeune Leo (Dominique Guard belle révélation), les différentes thématiques (l'opposition des classes, le cloisonnement des jeunes filles...) se faisant par sa découverte des travers du monde des adultes. L'intrigue se développe ainsi de manière lente et limpide, Léo se rapprochant de Marian suite à la maladie de son camarade jeu et ne découvrant que de loin dans un premier temps les liens des deux amants. Porté par la musique tour à tour légère et pesante à la fois de Michel Legrand (dont un des thèmes au piano sert de générique à "Fait entrer l'accusé" !) les échanges épistolaires entre les amoureux sont traité de manière ludique dans un premier temps, exprimant l'enthousiasme du messager juvénile ravi de faire plaisir à Lady Marian dont il est amoureux. Rattrapé par la responsabilité énorme qui lui incombe,le jeu tourne court pour le héros qui découvre tout les freins sociaux qui rendent ses vas et vient cruciaux. C'est ce trajet à effectuer qui symbolise finalement le fossé social rendant l'union impossible, Losey évitant le cliché de l'antagonisme frontal entre pauvre et riche pour une approche plus subtile. Loin de donner dans la grande envolées romanesque (alors que le côté film en costume le laisse présager) Losey filme le tout dans un style feutré, presque froid.L'ambiance rurale, estivale et oisive n'est que poudre aux yeux masquant ce qui est une authentique prison dorée pour Julie Christie sous le confort. L'intensité des sentiments se ressent donc au détour de l'ouverture fébrile des courrier, des courses de Léo entre le manoir et la ferme de Bates. Sinon la passion doit se faire mesurée et distante même lorsqu'on est proche physiquement (remarquable séquence musicale) tandis que la seule séquence charnelle sera interrompue de la manière la plus tragique qui soit. La magnifique photo de Gerry Fisher renforce le côté nostalgique exprimant le regrets de ses moments perdus, renforcé par les retour au présent fragmenté sous forme de voix off puis de cadre moderne où notre messager devenu adulte sera une ultime fois sollicité. Le style feutré de Losey fait merveille tout du long, et le scénario de Pinter (un grand auteur pour en adapter un autre formule gagnante) est remarquablement équilibré. Palme d'or bien méritée en 1971 et The Go Between marquera le retour en grâce de Losey confirmé par ces excellents films suivants. 5/6
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Re: Notez les films naphtas - Juillet 2010

Message par Anorya »

Je ne connais de ce film que le thème principal de Michel Legrand, que j'adore (hop, bonus en m4a pour Itunes ;) ). Mais là j'ai de plus en plus envie de le découvrir. Merci pour ta chro' Profondo. :)
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Re: Notez les films naphtas - Juillet 2010

Message par Profondo Rosso »

Anorya a écrit :Je ne connais de ce film que le thème principal de Michel Legrand, que j'adore (hop, bonus en m4a pour Itunes ;) ). Mais là j'ai de plus en plus envie de le découvrir. Merci pour ta chro' Profondo. :)
De rien par contre il faut se débrouiller en anglais avec celui, seulement une édition zone 2 UK sans sous titres ! Mais bon c'est tout à fait compréhensible, persos aristocratique qui s'exprime distinctement ça passe on évite les accent ruraux ou cockney qui rongent le cerveau :mrgreen:
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Re: Notez les films naphtas - Juillet 2010

Message par Wagner »

Le disque de Michel Legrand propose une espèce de réinterprétation assez différente de ce qu'on entend dans le film, malheureusement.
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Phnom&Penh »

Boom (1968)
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"The best failed art film ever" John Waters
  • "There was, but it was a desperate irony because I was so badly in need of work and under such extreme pressure. This can be dangerous, because Tennessee Williams, for instance, had been told by all sorts of people who are not qualified to comment—people with whom I've never worked and who therefore don't know how I work—that I'm death on writers, that I cut ruthlessly, that I have no respect for a script. This couldn't be more untrue. Of course if I get a script which is a piece of nonsense, I will say that I'll do it only if it is rewritten; of course if I get a script from a writer I've previously worked with successfully, and the script isn't right, I will start all over again with another script. But once there is a script, one I believe I can do and is right, I never make a change without consulting the writer. And when I say consulting, if he's available, he makes the change himself. I don't make cuts or even line changes, and this can be testified to by the two writers I have worked with most, Evan Jones and Pinter. The only line changed in Accident was changed by Pinter's wife, Vivien Merchant, with his consent and my approval—a very slight change. I believe in the writer's contribution and I foster it. It annoys me, these judgments passed by people who are presumably colleagues and who have no basis for making them; it's like all the people who said Charles Laughton is impossibly difficult, Wilfrid Lawson is hopelessly irresponsible; absolutely untrue in both cases, though maybe true in other circumstances. Like the man who said to me last night, 'I've dealt with people who are terribly difficult, almost as difficult as you'—and he'd met me fifteen minutes before, didn't know a damn thing about whether I'm difficult or not. I'm not difficult. I'm obstinate; I'm insistent on quality; and I fight like hell for it. And of course this is very inconvenient for some people."
    Thus spoke Joseph Losey to Tom Milne, for the interview book Losey on Losey, just as he was embarking on Boom!, which his new collaborator Tennessee Williams was adapting from his failed stage play The Milk Train Doesn't Stop Here Anymore.
Cette citation de Joseph Losey qui, pour une fois, n’est pas tirée de ses entretiens avec Michel Ciment, résume assez bien le problème de ce film.
Loin d’être, comme on le dit souvent, un film baroque et outrancier sorti de l’imaginaire de Losey, Boom est avant tout un film fidèle au scénario créé par Tennessee Williams à partir de sa pièce de théâtre "The Milk Train doesn’t stop here anymore". Les pièces de Tennessee Williams sont à l’origine d’un certain nombre de grandes œuvres cinématographiques : La ménagerie de verre, Un tramway nommé désir, La chatte sur un toit brûlant, Soudain l’été dernier, La nuit de l’iguane, auxquels on peut ajouter Baby Doll avec un scénario original. The Milk Train, écrite en 1963, était la dernière pièce de l’auteur et avait été un échec lors de sa sortie à New York, avec seulement 69 représentations. Mais la réputation de l’auteur était restée au sommet.
En spoiler, la critique du NY Times de l’époque:
Spoiler (cliquez pour afficher)
January 15, 1963

Theater: Tennessee Williams's 'Milk Train'
By HOWARD TAUBMAN
On one level Tennessee Williams is writing with unexampled mastery in "The Milk Train Doesn't Stop Here Anymore." On another and higher level, which few contemporary playwrights dare to attempt, Mr. Williams's new play fails.

Mr. Williams's main character is so scrupulously and humorously observed, so painted to the life with all her vitality and crotchets and pain that one feels this portrait could be hung with the old masters.

Flora Goforth is a dying woman with a flamboyant past and a bruising tongue. She sits on a mountain top on the coast of Italy with her three villas wired for sound so that she will not lose an instant when the impulse seizes her to continue dictating her memoirs.

She is coarse and coy, wise and foolish, vulnerable and tyrannical. She is full of pretense, yet has reached the point of no more pretense. She recalls her first five husbands with a pungent, sardonic objectivity, and for a moment she almost croons over the recollection of Alex the sixth, last and only attractive one.

Hermione Baddeley plays this crude yet uncommon woman with dazzling variety. Her voice has more compass and nuance than the subtlest of singers. She can be droll in the clownish way Mr. Williams means her to be, and she can be as lazily forthright as the sun that beats down on the Italian sea.

Preparing for dinner an interrupting her dressing with bursts of dictation into one of the ubiquitous mikes, she puts on a Kabuki gown and a black wig with delightfully raffish humor. Her recollection that one of her husbands bought the outfit for her on a reconciliation trip to Japan is recounted with a barbed raillery that makes you chuckle at the same time you admire her gallant bluntness. And Miss Baddeley's bits of posturing like a Kabuki actress (she had lessons, you know) is capital fooling.

Mr. Williams evidently has an endless gallery of the wonderfully amusing and pathetic elderly woman. But in the end Flora lacks the size to support the burden the playwright would impose on her- to serve, as he says in a program note, as a protagonist who is not a human being but a universal condition of human beings: The apparently incomprehensible but surely somehow significant adventure of being alive that we all must pass through for a time."

In its effort to disclose how Flora finally reaches for the comfort and grace that will make dying bearable, the play is wanting. For the character who passes this miracle for her is one of those handsome, pallid young men with a dead heart, who has become a fashionable symbol for some of our playwrights. Although Paul Robeling plays the young man earnestly enough, the figure is utterly inconvincing. As a result, the play's denouement leaves one oddly untouched.

Mildred Dunnock, as a sharp-tongued old witch like Flora herself, floats in wearing gauzy brown and looking like a superannuated ballerina prima assoluta. She and Miss Baddeley have a marvelously comic scene which they do a turn. Ann Williams is sympathetic as a put- upon, intelligent secretary.

Herbert Machiz has staged the piece at the Morosco, where it opened Wednesday, with consistently droll invention that always suggests the hidden fear. Jo Mielziner's flexible sets have the brightness and color of the Italian landscape. The costumes by Peter Hall and Fred Zoelpel and the music by Paul Bowles contributes to the atmosphere of sumptuousness and decay.

A terrified comic ferocity courses through "Milk Train" but the play generates little pity. By the standards of other lesser playwrights this is impressive work. By Mr. Williams's criteria it is disappointing because its resolution is hard to credit.
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Si une adaptation de cette pièce faisait effectivement partie des projets de Losey, c’est le producteur John Heyman, qui débutait alors dans la production de films, qui choisit la pièce de Tennessee Williams pour sa première collaboration avec Losey, avant Cérémonie Secrète et Le Messager. John Heyman avait fondé auparavant l’International Artists Agency, qui représentait notamment Elizabeth Taylor et Richard Burton, et c’est ainsi que les deux stars sont arrivés sur le projet après que Sean Connery et Simone Signoret aient été pressentis. Noël Coward rejoindra la distribution du film, avec peu d’enthousiasme d’après Joseph Losey, mais il apportera un humour caustique à un film qui aurait pu être assez pesant sans cela. On peut aussi noter la présence de Romolo Valli en pleutre médeçin, dans un second rôle qui convient comme un gant à celui qui incarne aussi le père Pirrone dans Le Guépard ou le Dr Villega dans Il était une fois la révolution.
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Une citation d’Isabelle Huppert à propos du Tramway, qu’elle interprétait l’an dernier au théâtre, résume bien l’imaginaire de Tennessee Williams et ce qu’il pouvait avoir de séduisant pour Losey : " … j'avais oublié à quel point Blanche est une figure tragique dans une œuvre qui puise aux sources les plus archaïques du sentiment. Tennessee Williams est un auteur tragique, il s'inspire de l'Antique, du mythologique. En cela, ce travail s'inscrit parfaitement dans la logique d'(A)pollonia. Ce qu'il faut parvenir à incarner, c'est l'errance mentale de Blanche, sans démonstration parce que l'écriture de Tennessee Williams est justement dans la tension, le silence, ce qui ne s'exprime pas par les mots…" Ici, Blanche s’appelle Sissy Goforth et le film est centré sur cette femme mûre, coquette et refusant de vieillir, personnage récurrent dans l’œuvre du dramaturge.

L’essentiel du film se déroule sur une île de Sardaigne, appartenant à une richissime américaine, et gardée par une meute de chiens féroces sous les ordres d’un nain en uniforme paramilitaire, l’acteur Michael Dunn. Assez gravement malade, elle est soignée par un médecin particulier, et passe une bonne part de ses journées à dicter ses mémoires à une jeune secrétaire / dame de compagnie, Blackie (Joanna Shimkus). Elle reçoit deux visites au début du film. La première est celle de Chris Flanders (Richard Burton) qui pénètre sur l’île en prétextant d’une ancienne invitation de Sissy Goforth qu’il aurait croisée dans le passé. Après qu’il ait été attaqué par les chiens, il est soigné et finalement hébergé. La seconde visite, attendue et souhaitée celle-ci, est celle d’un vieil ami de Sissy, que tout le monde appelle "le sorcier de Capri". La solitude devant la mort, le peu d’importance de la richesse matérielle devant la jeunesse et la beauté qui s’enfuient semblent être les thèmes de ce film. Le décor, c'est-à-dire la villa méditerranéenne où se déroule le film, est impressionnante mais n’a pas la beauté de la Villa Malaparte du Mépris de Godard.
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Les extravagances sont nombreuses, Burton est très vite affublé d’un kimono noir et d’un sabre japonais, tandis qu’Elizabeth Taylor alterne robes et coiffures plus étonnantes les unes que les autres sans jamais pour autant sombrer dans le ridicule. Du fait de ces extravagances, Boom a la réputation d’être un film baroque, voire boursouflé, sur un script délirant. J’avoue que je l’ai surtout trouvé froid et, honnêtement, assez ennuyeux.

Il reste cependant des réussites assez notables pour que le film ne soit pas oublié des admirateurs de Joseph Losey ou des principaux acteurs (Taylor, Burton, Coward). La mise en scène n’est pas une des plus inspirée de Losey mais elle reste très honorable. Losey est entouré de techniciens proches avec Douglas Slocombe à la photo et Richard Mac Donald aux décors. Il y a de beaux mouvements de caméra et quelques belles scènes dont particulièrement l’agonie de Sissy Goforth et le rituel observé par Chris Flanders après sa mort, très poétique. Losey sait mettre en valeur Elizabeth Taylor de façon très intense durant la quasi-totalité du métrage et, au final, on peut juste regretter que ce réalisateur et ces trois excellents acteurs soient au service d’un script plutôt pauvre. Durant la même année, Joseph Losey tournera à nouveau avec Elizabeth Taylor un Cérémonie Secrète à mon avis beaucoup plus inspiré, notamment à l’aide d’un scénario d’une autre ampleur.
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Outre le provocateur John Waters, le film a encore ses aficionados. Ici une intéressante critique de l’américain Peter Henne :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Boom (1968)


I re-watched this film on cable over the weekend. I have a decent DVD
letterboxed burn off of an IFC broadcast from a few months back, and
the film runs fairly regularly on that U.S. cable station. I'm drawn
back to the film over and over. I honestly don't get why this film is
written off as a camp classic. To my knowledge, when people write or
say it's appallingly bad they don't spell out why it is and perhaps
don't think they need to. Maybe they are star struck and can't or
won't get past that level of involvement with the film. Losey comes
across as a self-critical man in the Michel Ciment interview book but
he nevertherless stands by this film. It seems like a finely tuned
Losey film to me and makes a contribution to his great 1967-1970
period equal to the other three films.

What I love about "Boom!" is how it allows the baroque—ornamentation,
incongruity, over-the-top emotion—into a minimalist container made of
silence, the sea, empty spaces, white walls, the wind, a hovering
unity where the baroque is threshed, sorted, made clean. Only it
cannot be destroyed and is respected as a chaos energizing life and
creation, such as the enduring presence of Burton's jagged wind
chime. Commentators on the film mainly key into the brazen flourishes
(such as the Easter Island-like statues on a hill in the far
background) and Taylor's emotional outbursts but overlook the wide
quiet and nothingness surrounding the proceedings and set design and
which is managed by Losey with amazing and abundant skill: these
severe elements are plainly commentative upon the shrill and
outlandish ones, making an aesthetic critique, hedging in loudness
and uproar while demarcating the limit of their own efficacy to
abolish all the lunacy. Losey demonstrates the wisdom that the arch-
Romantic can be protested, but not altogether tamed.

The key to Losey's '60s style is introducing excess then limiting it
by some greater bearer of clarity, such as a stable, sober camera,
parody, or some other emotionally flattening device. "Eva," "King and
Country," and "Modesty Blaise" erupt their frenzy or indignation over
the container wall, overtaking the cautionary restrictions (satire of
ripe art-film clichés, narration-interrupting divisions of the story
structure, precision-tuned color) that Losey designs and running
riot. I find these three films unwatchable. But there is a string of
greatness starting from "The Servant" and going from "Accident"
through "Figures in a Landscape" in which Losey strikes the right
combination of overheated emotion and boundary, where the latter wins
but not crushes and at a necessary price too of foregoing joyfulness
for the characters. I feel Losey is right to do so, yet the solution
isn't and can't be wholly satisfying as life can't be. In Losey's
films contentment remains forever out of reach.

Peter Henne
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Strum »

Tu me fais penser que j'ai vu M. Klein récemment. C'est très bien. C'est le premier Losey que je vois que j'aime sans réserves. L'atmosphère du film est très particulière, comme dans tous les Losey que j'ai vus, mais cette fois le contexte historique et l'histoire du film se prêtent remarquablement bien à cette atmosphère.
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Phnom&Penh »

Strum a écrit :Tu me fais penser que j'ai vu M. Klein récemment. C'est très bien. C'est le premier Losey que je vois que j'aime sans réserves. L'atmosphère du film est très particulière, comme dans tous les Losey que j'ai vus, mais cette fois le contexte historique et l'histoire du film se prêtent remarquablement bien à cette atmosphère.
:D Faut dire que M. Klein, c'est vraiment un de ses meilleurs films, et c'est vrai que c'est un film au contexte historique pas si fréquent chez Losey (avec L'assassinat de Trotsky, loin d'être si bon).
On peut noter d'ailleurs qu'à l'origine de M. Klein, il y a un scénario du solide Franco Solinas, scénariste attitré de Pontecorvo et ayant travaillé pour Costa-Gavras. C'est Costa-Gavras qui devait faire le film à l'origine (non, je ne dirai rien :mrgreen: ). Enfin, sans dire du mal de qui que ce soit, on a avec M. Klein une bonne histoire sublimée par un grand artiste, avec l'aide d'une fabuleuse paire technique à la photo (Gerry Fisher et Pierre-William Glenn au cadrage).
Ici, un travail qui s'arrête sur l'histoire du scénario de M. Klein: Senses of Cinema, M. Klein, Christopher Weedman. C'est effectivement un film avec un contexte particulier dans sa filmo.
Dernière modification par Phnom&Penh le 29 mai 16, 21:19, modifié 1 fois.
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par homerwell »

Du coup, je me le suis repassé hier soir... :mrgreen:

C'est assurément un grand film. Alain Delon y est impérial. Un autre nom a retenu mon attention, un nom capable de relier des réalisateurs aussi prestigieux que Carné, Hawks, Wilder, Zinnemann, Litvak, Huston, Tavernier, Rappeneau et donc Losey. La liste des films est impressionnante, c'était le pote de Prévert, je veux parler de Alexandre Trauner qui s'est occupé de la création des décors. Ce type dont j'ai découvert le travail grâce aux suppléments du dvd Les enfants du paradis a fait une carrière incroyable.

Cependant ce deuxième visionnage me souligne un aspect que je subodorais la première fois. Je trouve qu'il y a un petit problème de rythme. L'entêtement de Monsieur Klein finit par nous engourdir aussi.
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C'est comme une lente descente en enfer, Robert Klein n'attrape pas les branches qui pourraient lui permettre de stopper sa chute. Il se dit tout le long du film, "Non, ça ne peut pas m'arriver à moi, on ne peut pas me confondre avec... pas moi ! La préfecture ne peut pas faire une erreur pareille..." Mais comme on se fout royalement de ce qui peut arriver à Robert Klein (la première scène du film semble là pour ça), cela ne provoque pas la moindre angoisse, à peine une interrogation sur le destin de ce personnage.
L'atmosphère du film soulignée par Strum même si elle est un parfait écrin à l'histoire, me fait assister au destin de klein avec deux pas de recul.
Bref, je vais surement sortir un grand film de mon top 100 ! :mrgreen:
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