Akira Kurosawa (1910-1998)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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allen john
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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par allen john »

Grosse claque pour ma part aussi, il faut que je le revoie.
Julien Léonard
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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par Julien Léonard »

Demi-Lune a écrit :
Rick Blaine a écrit :le rythme lent du film
Lent, Chien enragé ? Les rebondissements n'arrêtent pas pendant deux heures.
Oui, mais davantage sur un rythme de balade. Ce n'est pas une expression péjorative ici, mais un ressenti sur le déroulement de l'intrigue. :)
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Rick Blaine
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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par Rick Blaine »

Julien Léonard a écrit :
Demi-Lune a écrit :
Lent, Chien enragé ? Les rebondissements n'arrêtent pas pendant deux heures.
Oui, mais davantage sur un rythme de balade. Ce n'est pas une expression péjorative ici, mais un ressenti sur le déroulement de l'intrigue. :)
C'est exactement ce que j'entendais par là. :wink: Et c'est une grande qualité du film.
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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par someone1600 »

Un excellent film de Kurosawa sans aucun doute. Une bonne claque et un film du mois pour ma part. :wink:
allen john
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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par allen john »

Un merveilleux dimanche (Akira Kurosawa, 1947)

Avec son sixième film, Kurosawa ne peut qu'étonner ceux qui sont habitués à son style épique et flamboyant, mais il convient aussi de rappelelr que celui qui triompha avec des films aussi riches en action et en mouvement que Les sept samouraïs ou Yojimbo avait à coeur, à la fin des années 40, de montrer le Japon dans toute la mesure de son désarroi, que Kurosawa d'autre part a toujours alterné, tournant films noirs (Chien enragé, 1949), films médiévaux (Rashomon, 1950), ou drames intimistes (Ikiru, 1952); enfin, son prix gagné en 1950 avec Rashomon lui a toujours fait dire qu'il regrettait de ne pas collecter de récompenses avec des films qui reflétaient l'état du Japon, et il citait Vittorio de Sica comme un modèle à cet égard. Il y a justement un parfum de néo-réalisme qui se dégage de ce petit film attachant, mais il y a aussi des aspects embarrassants...

Un merveilleux dimanche? une antiphrase, plutôt: Yuso et sa fiancée Masako n'ont que quelques Yen pour passer la journée ensemble, dans un Japon encore marqué par la tourmente. Ils se disputent un peu aussi, frustrés de ne pas pouvoir encore se marier, et ont des déconvenues; ils visitent une maison en vue de l'avenir, mais cela les met devant l'évidence: ils ne sont près ni de se marier, ni d'avoir les moyens de se loger décemment; ils veulent manger ou se distraire, mais tout coute trop cher. Enfin, ils n'ont d'autre ressource pour clôre la journée que de mobiliser leur imaginaire en improvisant un concert virtuel dans un amphithéâtre vide...

Austère et dépouillé, le film suit patiemment les personnages dans leurs pérégrinations. Il faut s'accrocher tant les autres n'existent pas dans ce film qui est principalement un dialogue entre l'homme et la femme, une confrontation finalement assez inattendue chez Kurosawa, qui n'a jamais été le peintre de l'amour. Si le film renvoie principalement au modèle du néo-Réalisme Italien, il est néanmoins très proche d'un thème qui restera important chez lui, jusqu'à la fin, avec Rêves (1989): la façon dont Masako exhorte Yume de se laisser aller à imaginer qu'il dirige un orchestre renvoie à la poésie de l'imagination telle que le cinéaste vieillissant la montrera en action dans les curieux sketches de ce film tardif. Mais la scène est selon moi rendue lourde par le recours à un truc (déja essayé par Herbert Brenon dans son Peter Pan de 1924), lorsque les deux amoureux sont saisis par le désespoir, et que Yuso ne cherche même plus à essayer de faire semblant, Masako tente longuement de pousser le public en s'adressant à la caméra et pendant deux minutes, nous pousse à applaudir. Le public, en 1947, restait impassible devant la séquence...

Le film, comme tous les autres films des débuts de Kurosawa, est surprenant, et un peu décevant aussi. Au moins échappe-t-on à l'impression gênante de la propagande de Le plus beau, par exemple. Ce film est d'une honnêteté totale, jusqu'à l'embarras comme on l'a vu. Toutefois, Kurosawa avait sans doute besoin de'autres ingrédients pour ses films, et ses films noirs à venir (L'ange ivre et Chien enragé sont deux des trois films suivants du metteur en scène) vont lui permettre de trouver la dose nécessaire de baroque pour son cinéma, ainsi qu'un interprète exceptionnel...

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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par Federico »

allen john a écrit :Grosse claque pour ma part aussi, il faut que je le revoie.
Pareil. Je ne l'ai pas revu depuis une ressortie en salles art & essai il y a... euh... bien longtemps mais il m'avait impressionné. Accessoirement, ce fut l'une des premières affiches que je me suis offert et ai toujours (format 80*120). Et c'est pas la plus moche. :wink:
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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par allen john »

Rashomon (Akira Kurosawa, 1950)

Voici le film qui a permis au cinéma Japonais d'exister internationalement, en raflant des prix un peu partout en 1951. Kurosawa, alors illustre inconnu en Occident, venait tout juste d'entamer une longue et fascinante relation avec le moyen-âge qui allait être sa période de prédilection... Trois hommes coincés sous une ruine pendant une pluie battante s'échangent quelques points de vue sur un drame dont deux d'entre eux ont été partiellement les témoins, et la vérité se dérobe: qui a tué un homme? Et une femme a-t-elle vraiment été violée, ou était-elle consentante? Quelle était l'arme du crime, et quelle fut la part du bandit Tajomaru (Toshiro Mifune) dans le crime?

Mine de rien, ce film bouscule toutes les conventions alors en place, en montrant des images qui mentent, qui ne sont que le reflet de la subjectivité des protagionstes d'un drame, tel qu'il a été jugé. on ne verra d'ailleurs jamais les juges, puisque les témoins s'adressent directement à nous. Mais c'est un piège: deux spectateurs côte à côte de ce film n'auront pas nécessairement la même idée sur la vérité à la fin...

Voici à peu près les faits: Le bandit Tajomaru, après avoir vu la belle femme (Machiko Kyo) à cheval et accompagnée de son mari, le samouraï (Masayuki Mori), leur tend un piège, ligote l'homme et se saisit de la femme. on retrouvera ensuite le mari mort. Selon Tajomaru, qui se dit prèt à mourir, et donc prèt à avouer tous ses crimes, il a tué le samouraï au cours d'un combat singulier qui a été suggéré par la femme. Celle-ci, objet de toutes les convoitises, prétend que le bandit est parti après l'avoir violée, mais qu'elle a libéré son mari, et l'a sommé de la tuer. elle s'est ensuite évanouie, son poignard dans la main; lorsqu'elle s'est réveillée, le mari était mort. Le fantôme du mari raconte au contraire qu'il s'est tué, après que le bandit l'ait libéré, alors que la femme était partie, l'ayant tout simplement renié. une quatrième histoire vient ajouter des précisions moins héroïques à chacune des trois précédentes, contée par un des trois hommes présent sous la ruine (Takashi Shimura), et qui était caché dans le bois au moment des faits...

Aucune des histoires n'est vraie, et Kurosawa prend un malin plaisir à brouiller les cartes en ne reprenant jamais deux fois le même plan. Il s'amuse beaucoup aussi à s'autoparodier, en particulier en montrant à deux reprises les mêmes deux hommes se battre, d'abord avec héroïsme, puis n'importe comment en se prenant les pieds dans leurs épées. L'humour de l'entreprise est évident, d'autant qu'il s'exprime largement aux dépens du spectateur. Celui-ci, donc, est dans la position du juge, certes, mais à aucun moment ce n'est un avantage: débrouillez-vous, spectateur... On a beaucoup reproché à Hitchcock, la même année, d'avoir fait mentir un flashback de Stage fright, mais ce n'est rien aux cotés de la transgression effectuée par ce film. Après Rashomon, on ne peut plus dire: je l'ai vu, c'est donc un fait... mais à coté de cette transgression, Kurosawa, par le biais du personnage d'un moine au bout du rouleau, pose la question: ou est la morale? Si tout le monde ment, comment retrouver foi en l'homme? une réponse vous sera fournie dans le film.

http://allenjohn.over-blog.com/article- ... 44184.html
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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par Père Jules »

Authentique chef-d'œuvre, dans mon Top 3 personnel. Un film qui ne ressemble à aucun autre et d'une grande profondeur en effet quant à la question de la vérité et/ou du mensonge. Plastiquement sublime il est également porté par une interprétation absolument magistrale !

Manque plus que le BR chez Criterion :D
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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par Strum »

Et puis, cette mise en scène et ce découpage, qui, organisés en triades, dynamisent le récit et surtout multiplient justement les points de vue à l'intérieur de chaque séquence...

Pour les amateurs, Hubert Niogret parle très bien de la mise en scène de Rashomon dans ce petit livre :

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Sinon, la manière dont Kurosawa obtint son lion d'or à Venise avec ce film (un coup du hasard, le film ne devait normalement pas concourir), qu'il raconte dans son autobiographie, est très amusante.

PS : Est-ce moi allen john ou tu n'as pas posté dans ce topic ta critique des Sept Samouraïs que je viens de lire sur ton blog ? N'hésite pas. :wink:
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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par allen john »

Strum a écrit : PS : Est-ce moi allen john ou tu n'as pas posté dans ce topic ta critique des Sept Samouraïs que je viens de lire sur ton blog ? N'hésite pas. :wink:
je l'ai mise ailleurs, du coté des remakes, je crois bien. mais on va y remédier.
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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par allen john »

(repost)

Les sept Samouraïs (Akira Kurosawa, 1954) / The magnificent Seven (John sturges, 1960)

Des paysans harcelés par une bande de voleurs qui les pillent régulièrement décident de demander à des samouraïs de les épauler; ils se rendent en ville, et trouvent Kambei, un Ronin qui va les aider à recruter quelques hommes. Kambei trouve 4 autres hommes expérimentés, un jeune aspirant de bonne famille (Katsushiro), et se retrouve flanqué d'un simili samouraï, Kikuchiyo, qui est un clown, mais qui va vite s'avêrer un atout de poids. Les sept hommes viennent chez les paysans, et s'installent avec eux pour préparer la défense du village.

Epique, le film de Kurosawa semble tellement classique qu'on en oublie à quel point il est révolutionnaire, tout en incarnat un fascinant confluent des genres du cinéma Japonais. A la tradition des films de Samouraïs et des films de sabre, aux ballets rêglés et ultra-esthétiques, Kurosawa substitue insidieusement des combats qui vont devenir de plus en plus brutaux et de plus en plus réalistes au fur et à mesure de la progression de l'action... Il utilise aussi une de ses bottes secrètes, en installant le village dans lequel l'action des deux derniers tiers se situe sous un déluge, qui provoque une boue particulièrement tenace, qui rend les combats, et, j'imagine, le tournage, difficiles... il demande à ses acteurs de faire leurs propres cascades et le résultat, c'est qu'il s'agit de vrais humains qui doivent régir physiquement à de vraies difficultés. A ce titre, la dernière bataille est d'une violence incroyable...

Mais le film, situé dans une période d'incertitude chère à Kurosawa, pointe du doigt une réalité historique en même temps que des données sociales qui ont beaucoup contribué à consolider cet esprit de classe si particulier au Japon: A une époque durant laquelle aucun pouvoir central n'émergeait, le pays était en proie aux querelles permanentes entre clans, et les combattants faisaient la loi. Un paysan, dans ces conditions, n'était pas grand chose, et la survie entrainait parfois de sombres pratiques: c'est le sens de la découverte par les samouraïs chez l'un des paysans de'uniformes de combattants, tués par les paysans afin de se faire un peu d'argent... De fait, si les paysans et les mercenaires qu'ils ont engagés fraternisent le temps du combat, la fin laisse les samouraïs, tous indépendants et ne pouvant prétendre retourner dans aucun clan, sur le carreau, alors que les paysans reprennent leur travail comme si le fait d'avoir défendu enfin leur village contre les bandits n'avait été qu'une anecdote, et en effet, les samouraïs survivants partent dans l'indifférence générale. Donc, si le monde dépent par Kurosawa est un monde injuste à l'égard des paysans, il jette un regard extrêmement sévère sur eux, qu'il accuse finalement de profiter de tout, y compris de leur classement social indigne...

Le film n'est pas que ce puissant spectacle des combats, et cet ironique commmentaire sur le japon ancestral: Les sept samouraïs est comme chacun sait une fête esthétique, de par le sens incroyable de la composition qui se manifeste en permanence, l'utilisation admirable de la profondeur de champ tout du long, des interprétations à couper le souffle, pas forcément dicrètes et subtiles, mais le sujet et les personnages le permettent... La mise en scène est un modèle de ce qu'on peurt faire en matière d'accumulation intelligente de personnages; la scène d'introduction de Kambei, par exemple, montre le samouraï en action, et va aussi installer dans le champ les deux personnages de Katsushiro, et de Kikuchiyo. pas un dialogue ne sert à caractériser les uns et les autres, mais Kurosawa nous montre le leader dans ses oeuvres (Il doit se déguiser pour récupérer un enfant kidnappé), l'apprenti déja armé et habillé, mais pour qui tout reste à faire, et le vilain petit canard qui regarde la scène du coin de l'oeil avec son épée trop grande pour lui...

Oui, ce film est un miracle permanent, qui renvoie au western autant qu'à Shakespeare. Donc, le western a réagi, et 6 ans plus tard, John Sturges a fait un remake, très simplifié, du film, avec Eli Wallach en chef des bandits, et un assortiment de personnage westerniens qui sont très tributaires de certains clichés (Yul Brinner, Steve McQueen, Robert Vaughn, James Coburn...). on lit parfois ça et là chez certains commentateurs que Sturges a fait mieux que Kurosawa en matière de personnages, puisqu'ils sont tous caractérisés dans le western, alors que seuls trois surnagent dans le film japonais: c'est un délire, qui tend à prouver que certains critiques ne voient pas les films dont ils parlent! De plus, Horst Buchholz, qui a la tâche de reprendre les rôles de Kikuchiyo ET Katsushiro, est ridicule, jouant plus mal que mal. Mais de toute façon, avec ses décors sublimes, son scope, sa musique, le film est un monument de fun! un grand film, plus qu'un grand remake...

C'est intéressant de constater que ce sujet revienne au western en voyant combien l'influence des films du genre a pu être importante sur Kurosawa, les Ford en particulier; les scènes de préparation militaire, avec Toshiro Mifune en "sergent instructeur" de fortune, renvoient pour moi à ces scènes dominées par McLaglen en sergent Irlandais dans les films de cavalerie de John Ford... ca a du amuser Kurosawa, et ce n'était, comme chacun sait, pas la dernière fois que ce curieux retour allait s'opérer.

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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par Eigagogo »

photo de tournage: rencontre Nobuhiko Obayashi / Akira Kurosawa
http://obshouse.blogspot.com/2011/06/ob ... osawa.html

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Kurosawa était un grand fan de Obayashi (faudrait en parler aux Cahiers, avant qu'ils se réveillent dans 20 ans) qui a fait le making-off de Reves (ça doit être bigrement sympatoche vu le regard de cinéma du bonhomme, dommage que ça ait jamais été inclus dans des sorties hors-japon)
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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par someone1600 »

Rashomon est tout un chef d'oeuvre, mais on est habitué avec Kurosawa... :wink:

Ceci dit, ce n'est pas mon préféré dans les 5 que j'ai vu, mais il est le 2e. Apres les sept samourai. :wink:
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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par allen john »

Scandale (Akira Kurosawa, 1950)

Réalisé avant Rashomon, et bien sur beaucoup moins connu, ce film reprend le fil des préoccupations liées à la vie au japon après la défaite, dans la droite ligne de ses films de l"immédiate après-guerre et de ses films noirs (L'ange ivre, Chien enragé). Avec sa situation qui met aux prises deux personnes face à un scandale ourdi par les méias, qui dégénère en affaire de corruption, le réalisateur dresse un portrait révolté de la situation morale du pays...

Ichiro Aoye, un peintre (Toshiro Mifune), a rencontré par hasard lors d'un voyage Miyako Saijo (Yoshiko Ōtaka), une jeune chanteuse à succès, poursuivie par la presse. Il propose de la ramener à son hôtel sur sa moto, déclenchant ainsi malgré lui un crise médiatique sans précédent; en rentrant en ville, il constate que la presse s'emballe, et se lance dans une lutte contre le journal, portant plainte pour harcèlement. il demande de l'aide à Hiruta (Takashi Kimura), un avocat miteux qui l'a contacté parce qu'il était sincèrement désolé pour lui, et scandalisé par les attques de la presse. Mais Hiruta, affaibli par la maladie de sa fille Masako (Yoko Katsuragi) va vite céder aux sirènes de la corruption lorsque les plaignants deviendront une menace trop forte pour le journal incriminé...

L'ombre de Capra plane sur ce beau film engagé. Engagé, parce que Kurosawa n'a pas fait de Mifune un peintre pour rien, la métaphore est évidente; si le film n'est pas une allusion à Kurosawa ou son histoire, le réalisateur met suffisamment de lui-même dans le film pour qu'on sache sur quel pied il danse. Et le procès, fait de coups de théâtres savamment orchestrés, le voient prendre parti pour la justice, aux côtés de Aoye... Le film dénonce donc la turpitude morale du japon, incarnée dans une presse qui n'en fait qu'à sa tête. Il ne s'git pas de conservatisme de la part de Aoye/Kurosawa, mais bien de vérité. Il n'a rien à se reprocher, et n'aime pas surtout qu'on s'intéresse à lui pour de mauvaises raisons. Le personnage n'est pas à propement parler traditionnel, avec sa moto et son franc-parler, mais il a une fibre morale solide; c'est une belle interprétation toute en subtilité de Mifune. A ses côté, la vedette féminine (Qui tournera l'année suivante pour Vidor, dans Japanese war bride) incarne un rôle ambigu de vedette qui veille à sa propre publicité, mais dont il est clair qu'elle garde de sa rencontre avec le peintre un excellent souvenir... De nombreuses allusions à un tableau (Représentant une montagne) effectué durant ce périple tendent à nous faire penser que le peintre lui-même n'a pas été indifférent à la jeune femme; cela dit, Kurosawa étant Kurosawa, il ne s'étend pas sur cette idylle, préférant montrer les relations des deux artistes avec leur étonnant avocat.

Takashi Shimura, dont le nomre de collaborations avec Kurosawa en font aux cotés de Mifune un autre acteur fétiche, n'a rien ici de la montagne de force qu'est le samourai Kambei qu'il incarnera trois ans plus tard; c'est un homme que la vie n'a pas ménagé, pauvre, raté, qui ne sort de sa logique de perdant (Courses, paris, etc...) que pour se proposer de prendre la défense des deux plaignants, avant qu'ils ne le lui aient demandé; c'est sans doute la raison qui pousse Aoye à le faire, d'autant qu'il a vu la misère dans laquelle le vieil home vit, et sa fille malade. Mais l'avocat va incarner durant le film non seulement la misère sociale mais aussi la misère morale de l'époque en se laissant corrompre trop facilement. Tragiquement, la mort de sa fille Masako sera pour lui le signnal de la fin de cette mascarade, et il sauvera la mise de ses clients en dénonçant la corruption dont il a été l'objet, et à laquelle il a pris part. Cette mort, inévitablement pressentie et annoncée, empêche le film d'être une comédie, et prolonge d'une certaine noirceur l'humanisme volontariste à la Capra dont le metteur en scène a fait preuve pour ce film.

Scandale est un étrange objet, dont le rythme est généralement soutenu, ne s'arrêtant que pour laisser s'exprimer la douleur de Hiruta (dans trois scènes, en particulier celle ou il confesse sa duplicité à sa fille). le metteur en scène a aussi donné une certaine cohésion à l'ensemble en montrant le procès annoncé et repris par la presse, mais aussi par le cinéma; il fait ainsi le portrait d'un pays en pleine mutation, en pleine avancée, aussi, dont la célébration de Noël est l'un des traits: les gens y chantent, en Japonais, tous les chants de circonstances, avant de se souhaiter Merry Christmas! en Anglais dans le texte... Toutes les mutations ne sont pas mauvaises, semble nous dire Kurosawa, dont le personnage-reflet roule en moto, et s'habille (Comme Miyako du reste) à l'occidentale et se plaint de ce que ses compatriotes n'ont pas l'esprit ouvert à l'art lors d'une discussion sur le nu avec son modèle. De même, le metteur en scène laisse la musique de Fumio Hayasaka s'inspirer de la musique ocidentale, tout comme sa musique pour Rashomon sera inspirée dans sa forme par le Boléro de Ravel (Ce qui est d'ailleurs tout à fait approprié). Filmé dans un Japon citadin aussi protéiforme que celui de Chien enragé, c'est un film de Kurosawa à découvrir de toute urgence

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Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

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