Akira Kurosawa (1910-1998)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par bruce randylan »

Quelques mots plus ou moins longs sur plusieurs Kurosawa revu à la cinémathèque cet été ( et en attendant mon dossier thématique pour 1kult que le rédac chef tarde à mettre en ligne)

Image
Dersou Ouzala est aussi bon que dans mon souvenirs. Peut-être même un peu mieux car l'attachement aux personnages est encore plus immédiat que lors du 1er visionnage. La poésie visuelle, le discours sur la nature, la beauté picturale en sorte également grandie.

En revanche comme dans mon souvenir, le premier tiers est réussi mais il faut tout de même vraiment attendre la scène fantastique de 2 hommes devant se construire un abris à partir de roseaux pour être pris par l'histoire.

Ce que j'aime particulièrement dans ce film, c'est qu'il n'y pas de vrai film narratif clair mais plus une succession de scènes mémorables qui sont autant de manière de filmer la nature pour Kurosawa qui offre ainsi à chaque séquences une identité visuelle et chromatique propre.

J'ai également eut l'impression que Kurosawa avait mis beaucoup de lui dans le personnage de Dersou ouzala.

Seul défaut, il est désormais bien dur de trouver une copie de bonne qualité, les DVD ont une image catastrophique et la copie d'époque la cinémathèque commence à avoir des couleurs un peu fades. j'ai cru comprendre que la pellicule d'origine est inaccessible pour des questions de droits.


Les 7 Samurais
Image
Je l'avais vu il y 10 ans sur une VHS et j'avoue que le film m'avait plu mais sans grand enthousiasme.

Revu ici sur grand écran et dans une copie digne de son nom (et encore perfectible celà dit), ce fut tout simplement une redécouverte extraordinaire pour ne pas dire une claque monumentale. :D

Que dire d'autres à part que les 7 samurais, c'est 187 minutes de pures cinéma du début à la fin.
En plus de cette puissance visuelle, d'une photographie magnifique, de cette science du cadre ou des mouvements de caméra simples mais qui subliment l'action avec précision, c'est également le premier vrai d'action "moderne" : ralentis, tournage à plusieurs caméras, personnages aux caractère différents qui doivent s'unir dans l'adversité, mélange humour/action/romance etc...

C'est un film épique qui n'a en fait pas vieilli le moindre du monde. Les séquence d'actions sont brillantes, intenses et virtuoses, les scènes plus calmes sont d'une beauté à couper le souffle et les personnages sont attachants et charismatiques en diable. Bien sûr les 7 samurais ne sont pas tous aussi bien mis en avant mais on peut qu'ils en imposent sacrément à l'image. Ils du panache, de la dignité, de l'irrévérence, de la poigne etc... Autant dire que tous les acteurs sont époustouflants quelque soient leurs registres.

Ce que j'avais surtout oublié, c'est la certaine noirceur de l'intrigue comme ce passage incroyable où une femme préfère périr dans les flammes plutôt que croiser le regard de son mari et bien-sûr cette fin extraordinaire où les survivants regardent les tombes de leur amis tandis que les villageois chantent égoïstement leur joie et se montrent presque méprisant envers ceux qui les ont sauver.

bref, les 7 samurais, c'est LE film des superlatifs. 8)
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
Rick Blaine
Charles Foster Kane
Messages : 24075
Inscription : 4 août 10, 13:53
Last.fm
Localisation : Paris

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par Rick Blaine »

bruce randylan a écrit : Les 7 Samurais
Image
Je l'avais vu il y 10 ans sur une VHS et j'avoue que le film m'avait plu mais sans grand enthousiasme.
Je l'avais découvert sur le DVD ici en photo, ça m'avais beaucoup plu, mais sans ce petit truc qui fait les très grand film. Je viens de me prendre le nouveau Criterion, j'espère pouvoir passer ce cap! Ton avis me laisse penser que ça devrait pouvoir être le cas.
makaveli
Doublure lumière
Messages : 442
Inscription : 13 mai 09, 10:21

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par makaveli »

toujours pas vu dersou ouzala ,j'adore kurosawa et j'adore la nature mais le prix combiné à la mauvaise qualité du dvd me donne envie d'attendre mais apparemment il n' y aura jamais de dvd de bonne qualité :( .
si il passe sur arte l'image sera de bonne qualité?
Amarcord
Assistant opérateur
Messages : 2854
Inscription : 30 oct. 06, 16:51
Localisation : 7bis, rue du Nadir-aux-Pommes

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par Amarcord »

bruce randylan a écrit :Seul défaut, il est désormais bien dur de trouver une copie de bonne qualité, les DVD ont une image catastrophique et la copie d'époque la cinémathèque commence à avoir des couleurs un peu fades. j'ai cru comprendre que la pellicule d'origine est inaccessible pour des questions de droits.
Si je comprends bien, j'ai donc tout intérêt à garder mon DVD édition Opening du début des années 2000 qui, sans être parfaite, enterre néanmoins largement la scandaleuse édition MK2.
S'il passe sur Arte, l'image ne pourra tout simplement pas être aussi atroce que celle du MK2 (impensable de passer ça en l'état, à la télé) : elle sera donc restaurée. Ou bien Arte ne le passera plus.
[Dick Laurent is dead.]
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par bruce randylan »

Je ne sais pas ce que vaut la copie du Opening mais il parait en effet que la copie diffusée sur Arté il y a près de 7-8 ans était de meilleur qualité que le MK2... j'ai toujours ma VHS.
Après je n'ai pas vu la copie diffusée il y a un 2-3 ans lors du passage 16/9...
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par bruce randylan »

Pour le diptyque Yolimbo / Sanjuro.
ImageImage

J'ai été un poil déçu par Yolimbo qui me semblait un peu plus nerveux et stylisé. Il reste bien sûr d'une virtuosité dans son cinémascope époustouflant mais l'ambiance pesante joue un peu sa défaveur. Il a aussi le défaut de commencer très fort et de ne pas tenir toutes ses promesses jusqu'au bout.

Il y a aussi eut la curieuse idée d'être projeter après sa suite qui elle m'a ravi au delà de toute espérance.

Pour le coup, le film est beaucoup plus rythmé et bien plus jubilatoire. Sanjuro n'a plus cette ambiance pessimiste et violente du premier et préfère au contraire jouer la carte de la décontraction, l'humour voire de l'auto-parodie. Le film est donc très frais, drôle, bourré de personnage secondaire amusant (le prisonnier, les deux femmes, les chefs adverses). En plus le film est tout autant virtuose que le précédent.

Un bonheur de presque tous les instants. Et puis Toshiro Mifune a une classe folle. 8)


Entre le ciel et l'enfer.
Image

J'en avais gardé un souvenir ébloui... et bien c'est là aussi, encore mieux ! :D

J'ai trouvé ça "juste" terrassant de maitrise.
Un scénario riche et dense qui n'oublie aucune portée morale, sociale ou politique. La structure du scénario est d'une rare audace commençant par un huit clos de 40 minutes époustouflant pour bifurquer dans une sorte d'"Experts" avant l'heure pour une heure à la limite du documentaire. Enfin, on part dans une dernière demi-heure haletante où l'on devient très proche de l'expressionnisme dans une ambiance poisseuse, torturée à la limite du fantastique. Avec ses lunettes de soleil, le "méchant" semble être une espèce d'insecte démoniaque, un prédateur

Dans tous les cas, la réalisation de Kurosawa force le respect et demeure passionnante de la première à la dernière minute. C'est réellement époustouflant d'autant encore une fois que le scénario est d'une profondeur inhabituelle avec des acteurs fabuleux et une photographie/cinémascope qui force le respect. A ce niveau c'est une véritable leçon de cadrage et d'éclairage : on ne compte plus les plans qui pourraient être de véritables tableaux.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
k-chan
squatteur
Messages : 14287
Inscription : 16 avr. 05, 05:22
Localisation : on the road again.

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par k-chan »

Rick Blaine a écrit :Je l'avais découvert sur le DVD ici en photo, ça m'avais beaucoup plu, mais sans ce petit truc qui fait les très grand film. Je viens de me prendre le nouveau Criterion, j'espère pouvoir passer ce cap! Ton avis me laisse penser que ça devrait pouvoir être le cas.
Il faut le revoir. :wink:
Les sept samouraïs fait partie de ses films à la réputation tellement énorme qu'on peut ne pas tout à fait comprendre la première fois qu'on le voit. Et il fait surtout partie des films qui ne cessent de se bonifier à chaque fois qu'on le revoit.
Dernière modification par k-chan le 27 oct. 10, 19:19, modifié 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
k-chan
squatteur
Messages : 14287
Inscription : 16 avr. 05, 05:22
Localisation : on the road again.

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par k-chan »

bruce randylan a écrit :Pour le diptyque Yolimbo / Sanjuro.

J'ai été un poil déçu par Yolimbo
Tient, je ne connais pas "Yolimbo". Mais essaye voir "Yojimbo", il est terrible celui là. :mrgreen: :P
Plus sérieusement, je préfère un poil Sanjuro moi aussi. Mais bon, Yojimbo, c'est génial aussi. Et ne serait-ce que pour la tronche de Daisuke Kato qui fait le mariole devant Mifune... :lol:
Après, est-il nécessaire de rappeler l'importance incroyable de ce dyptique..?
- naissance du western spaghetti avec le remake de Yojimbo : "Pour une poignée de dollar" (sans parler de l'influence des scores de Masaru Sato sur le travail Morricone)
- les bruitages de sabres, les bras coupés et les geysers, repris par tout ceux qui aborderont le genre du chambara par la suite.
- Masaki Kobayashi qui avoue avoir voulu rivaliser avec Kurosawa en réalisant son propre dyptique : Harakiri/Rébellion (avec au passage un hommage à "La légende du grand judo" dans "Harakiri")

Bref...
makaveli
Doublure lumière
Messages : 442
Inscription : 13 mai 09, 10:21

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par makaveli »

les 2 sont bons mais pour ma part je préfère le cote sombre de yojimbo.
sinon comme k chan je trouve que les 7 samouraïs est meilleur au fil des visions.c'est pour moi son meilleur film pour l'instant.
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par bruce randylan »

Rhapsodie en Aout
Image

Kurosawa interroge une nouvelle les conséquences de Hiroshima et Nagasaki après Vivre en enfer. Contrairement à ce dernier, ce film-ci est beaucoup plus apaisé, chaleureux et tout simplement "simple". On sent que le cinéaste a muri et qu’il porte un regard plus juste et lucide sur ces compatriotes. C’est d’ailleurs presque avant tout un film sur les japonais que sur la bombe même. En effet, les personnages les plus honnêtes sont des enfants et un japonais-américain (joué par Richard Gere). A l’inverse les adultes se perdent dans des considérations stériles, des stéréotypes à la vie dure avec une absence flagrante d’ouverture d’esprit.
Il faudra donc la venue d’un étranger pour qu’ils portent un nouveau regard sur la tragédie qui a marqué leur famille il y a désormais près de 40 ans.
Le point de vue du cinéaste est donc reporté sur les enfants, Richard Gere et la grand-mère dans une mise en scène sobre et dépouillée d’effets visuels si ce n’est quelques belles touches de poésie.
Le film possède une nouvelle fois la fibre écologique de son auteur où les éléments et la nature ont une grande importance : la nuit et la lune, les esprits de la forêt, les orages rythment le film dont la narration est posée.
Kurosawa laisse le temps s’installer pour mieux laisser l’émotion respirer. Cela ne crée aucune longueur mais au contraire donne la force au film : les longues séquences de recueillement sont ainsi de très belles séquences qui ne souffrent d’aucune leçon de morale ni d’aucun pathos appuyée (on est loin des enfants de Nagasaki).
C’est un film avant tout harmonieux.

Ca n’empêche pas une fin saisissante quand un orage rappelle à la grand-mère l’explosion de la bombe dans une séquence mémorable qui se termine un peu brutalement. C’est aussi la séquence la plus belle visuellement du film, que j’ai trouvé par ailleurs un peu fade au niveau de la photographie.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
homerwell
Assistant opérateur
Messages : 2502
Inscription : 12 mars 06, 09:57

Re: Akira Kurosawa

Message par homerwell »

bruce randylan a écrit :Rhapsodie en Aout
Ca n’empêche pas une fin saisissante quand un orage rappelle à la grand-mère l’explosion de la bombe dans une séquence mémorable qui se termine un peu brutalement. C’est aussi la séquence la plus belle visuellement du film, que j’ai trouvé par ailleurs un peu fade au niveau de la photographie.
Ha tiens, je n'avais pas le même point de vue sur cet aspect précis... :wink:
J'en profite pour reposter mes petites captures illustratives et mon avis sur la photo.
homerwell a écrit :Rhapsodie en Août – Akira Kurosawa (1991)
Image
Image

Image

Image


Le film est beau, les couleurs sont habilement utilisées dans des cadrages parfaits. Certains plans intérieurs m'ont fait l'effet d'un petit hommage à Ozu.


Image

Image
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par bruce randylan »

Je ne sais pas. Je la trouve un peu plate, sans trop de relief. Les films en couleur d'Ozu me paraissent bien plus chaleureux avec un gros travail sur le placement de la couleur (ces touches de rouges). Celle de Madadayo m'avait parut bien plus soignée.

Après, au niveau du cadre, c'est en effet très bien composé. :wink:
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
k-chan
squatteur
Messages : 14287
Inscription : 16 avr. 05, 05:22
Localisation : on the road again.

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par k-chan »

La photographie du film est signée Takao Saito, qui a également bossé sur Sanjuro, Barberousse, Dodes'kaden, Kagemusha, Ran, Rêves, et Madadayo. (épaulé par Masaharu Ueda à partir de Kagemusha).
Evidemment, je trouve son travail magnifique, y compris sur Rhapsodie en août.

Pour soutenir Homerwell avec d'autres captures :
avril 07, k-chan a écrit :Image
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par bruce randylan »

Bon, j'avoue que cà a un peu plus de gueule que la copie de la cinémathèque :mrgreen:

Vivre (1952)
Image

Comme Entre le ciel et l'enfer, c'est une film qui m'avait profondément marqué lors de sa découverte il y a 9 ans, même sur un DVD pourri (un vrai massacre) et sur un écran 52 cm. Dans de meilleure condition, c'est encore plus bouleversant avec toute l'essence de l'humanisme Kurosawien.

La aussi, le scénario est très osée optant dans sa deuxième moitié pour une construction par bribe où tous les proches de Takeshi Shimara évoquent leur souvenir chacun leur tour, opposant leurs points de vus et leurs hypothèses. Nous ne sommes pas très loin de Rashomon mais l'effet est ici plus naturel et donc moins artificiel.

Avec cette narration, Kurosawa évite tous les pièges et poncifs du mélodrame pour pointer ici quelque chose d'universel, une sorte d'absolu cinématographique et humain qui est absolument inoubliable, qui s'ancre aux plus profonds de la chair, de l'esprit et de l'âme.

L'art et le génie de Kurosawa vient autant de cette façon de raconter une action par des personnages étrangères que dans son utilisation de musique décalée par rapport à la situation (Shimura est bord des larmes mais on entend des étudiants chanter gaiement "joyeux anniversaire" hors-champ et un numéro endiablé de piano boogie est en contrepoint total de son état d'âme quelque scènes avant). Et puis là aussi, il y a une telle perfection dans sa mise en scène, son cadrage, son noir et blanc, ses mouvements de caméra ou son sens de l'espace que l'émotion est à chaque fois décuplé.

Et puis il y a bien-sûr Takeshi Shimura, l'un de mes acteurs préférés (seul film où il a le rôle principal sans Toshiro Mifune) qui est tout simplement magistrale dans ce film. il est impossible de ne pas avoir de frisson ou des larmes lors des deux moments où il chante d'une voix maladroite et déchirante une petite chanson.

La mise en scène de kurosawa fait donc le reste avec des plans mémorables qui sont autant de poèmes : le dernier plan (en réponse à un mouvement de grue ultérieur sur un coucher de soleil vu depuis un pont) est peut-être le plus beau plan de Kurosawa et donc du cinéma.

Un authentique chef d'oeuvre comme on croise peu.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
makaveli
Doublure lumière
Messages : 442
Inscription : 13 mai 09, 10:21

Re: Akira Kurosawa (1910-1998)

Message par makaveli »

tu me donnes vraiment envie de le voir bruce, mais impossible d'avoir un dvd correct en sous titre fr :(
Répondre