Une des plus grosses claques de ma vie de cinéphile ce film !!!
Je ne m'en suis toujours pas remis comme de la vision de L'heure du Loup également.
Bergman est un vraie génie qui à ouvert la voie à nombre de cinéastes dont en particulier le grand David Lynch qui s'est abreuvé de façon plus qu'évidente chez Bergman avant de mettre sur pied son style et son univers si passionnant. La force de Lynch est de clairement s'inspirer (ça ma fait bizarre aprés avoir vu les deux films précités de m'apercevoir que Lynch n'est pas si original que cela, ce qui n'enlêve rien à ses qualités).
Les deux cinéastes jouent ainsi sur les mêmes cordes au cours de leurs oeuvres respectives, et l'ambiance générale éthérée de l'oeuvre de Lynch doit visiblement beaucoup aux travaux déja entamés par Bergman dans ce sens.
Les deux hommes étant chacuns de grands artistes dans leur genre, ces "emprunts" sont du coup parfaitement intégrés et s'apparentent plus à des inspirations générales qu'à des plagiats ou vols d'idées purs et simples.
Pour moi, Lynch va d'un côté ou de l'autre du miroir alors que Bergman nous montre les deux côtés simultanément (du moins dans Hour of the Wolf).
Sinon voici le texte que j'ai écrit pour la critique du dvd de Personna:
Ingmar Bergman réalise avec Persona l'un de ses films les plus radicaux et expérimentaux, ainsi que l'un des plus fascinants, aussi bien dans sa thématique que son traitement. On y suit l'actrice Elisabet Vogler (Liv Ullman) qui est tombée dans un mutisme et un immobilisme le plus complet, alors qu'elle est prise en charge par une jeune infirmière volontaire et dynamique, Alma (Bibi Andersson).
Alma se livrera beaucoup à Elisabet afin de combler l'affreux et pesant silence qui guide leur relation, et finira à force par se dévoiler complêtement à Elisabet. Celle-ci va absorber l'identité propre d'Alma et au fur et à mesure de la progression du film les deux femmes vont finir par se ressembler jusqu'à quasiment devenir indiscernables, aussi bien physiquement que psychologiquement.
La question est donc de de savoir qui est réellement la malade et qui est la soignante et principalement, qu'est-ce qui permet de définir l'identité propre d'une personne ?
Le scénario minimaliste au niveau de l'action se révèle d'un mystère et d'une profondeur presque insondables tant Bergman touche ici à un point essentiel de la naturé humaine, l'individualité de chacun, ce qui permet de définir une personne propre et qui fait que chacun d'entre nous est vraiment différent de son prochain. Cette-fois ci, la forme est aussi travaillée que le fond de façon à provoquer chez les spectateurs le vertige sensoriel nécessaire au succès de l'expérience introspective troublante à laquelle les convie Bergman.
Elisabet, par son absence apparente de personnalité (elle ne parle pas et manifeste peu de sentiments aussi bien sur son visage que corporellement), va intriguer et fasciner Alma. Cette dernière va se dévoiler presque entièrement pour combler le lourd silence qui rythme leur vie, mais aussi et très certainement pour raconter son histoire personnelle à une personne qui ne lui répondra pas. Alma pense sincèrement inciter Elisabet à retrouver la parole, en l'intégrant à ses discussions, à sa propre vie, espérant qu'elle aussi souhaitera livrer des secrets en retour.
Hors, le "vide" d'Elisabet va au contraire littérallement aspirer la personnalité d'Alma qui va plonger toute entière dans cette expérience et se mettre de façon très troublante à ressembler de plus en plus à sa patiente, le film les confondant même visuellement à plusieurs reprises. Cette vampirisation de l'âme (au sens de la personnalité) est un processus malheureusement assez courant dans la vie en société, les plus forts finissant toujours par abosorber les plus faibles, les vainqueurs n'étant pas toujours ceux auxquels on s'attend.
Cette fascination d'Alma étant assimilable à une certaine fascination du grand public pour le travail des artistes (ou plus souvent des manipulateurs de mots, d'image ou de sons). Bergman pose à nouveau de nombreuses questions existentielles qui hanteront tôt ou tard l'esprit de n'importe quel être humain, et les abordent frontalement, mêlant de façon astucieuse la sexualité féminine à d'autres questions plus philosophiques.
Sa mise en scène transcende son scénario et ses dialogues brillants par le biais d'images récurrentes vraiment marquantes et signifiantes, d'un montage très maîtrisé malgré son apparence cahotique, et d'une bande sonore absolument incroyable.
Le projet de réalisation de Persona est donc d'une modernité absolument sidérante en lui-même et d'autant plus si l'on considère l'influence primordiale qu'il a eu sur de nombreux réalisateurs actuels, ainsi que les voies qu'il a ouvertes au cinéma en général.
Ses expérimentations sur la nature même du matériau filmique sont absolument incroyables (ralentis, montage cut, pellicule qui brule, inserts marquants, contrastes poussés au maximum et blancs volontairement brûlés), par le fait qu'elles sont aussi déstabilisantes que significatrices. Le jeu de Liv Ullman et Bibi Andersson, associé à la photographie une fois de plus remarquable de Sven Nykvyst, est littérallement transcendé par la mise en images et en son ainsi que le montage de Bergman, qui nous offre ici son oeuvre la plus radicale et marquante avec l'Heure du Loup.
Le film ne s'adresse pas à tous les publics, de par sa forme et la complexité des questions qu'il pose, mais paradoxalement et comme à l'accoutumée chez Bergman les questions qu'il pose (sans y donner de réponses) s'adressent à tout être humain.
Une oeuvre donc vraiment marquante aussi bien au niveau intellectuel, visuel, sonore, conceptuel que philosophique, qui pourra dérouter par sa forme inhabituelle et très audacieuse mais surtout par l'absence de réponse aux questions posées. Néanmoins, si vous jouez le jeu de Bergman et que vous vous laissez entraîner (comme Alma dans le "vide" fascinant d'Elisabet) par ce film , il y a fort à parier que son mystère et l'état second dans lequel il vous plongera vous mênera tout droit à la fascination également et que vous reviendrez de façon regulière vers ce film exigeant mais tellement novateur et enthousiasmant.
Il s'agit d'une réaction à chaud dans laquelle je suis trés trés trés loin d'avoir appréhendé l'intégralité du film qui fera d'ailleurs l'objet d'une étude approfondie sur cinetudes.com lorsque j'aurai fini la digestion de ce monstre de film aprés en avoir repris plusieurs fois auparavant bien sur

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Par contre malgré sa qualité visuelle générale, je vous déconseille le DVD de la MGM en Zone 1 car il est recadré, de peu mais recadré quand même.
De plus je pense que ce DVD n'est pour l'instant disponible qu'en coffret et possède des suppléments vraiment passionnants.
Stefan