George Cukor (1899-1983)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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John T. Chance
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Message par John T. Chance »

Jeremy Fox a écrit :Ceux que j'aime tout particulièrement s'il fallait faire un top :

LE ROMAN DE MARGUERITE GAUTIER (Camille). Magnifique mélo

INDISCRÉTIONS (The Philadelphia Story). Sommet de la comédie américaine

MADEMOISELLE GAGNE-TOUT (Pat and Mike). Eloge de la futilité

THE ACTRESS Grand film oublié

UNE ÉTOILE EST NÉE (A Star is born). Chef d'oeuvre bouleversant

LA CROISÉE DES DESTINS (Bhowani Junction). Stewart Granger, Ava Gardner, l'inde, l'intelligence du propos...

LES GIRLS (Les Girls) Comédie musicale à son apogée

et j'ai été très agréablement surpris par Le Milliardaire
j'ajouterai Sylvia Scarlett, un film très curieux qui détonne dans les 30's américaines ( mais produit par la rko: ceci explique cela).
madame porte la culotte ( "adam'rib" en vo) est marrant mais un peu... j'sais pas, c'est vrai que pat and mike est meilleur.
je recommande "holiday" (1938) avec le grand cary
passe me voir du côté du rio grande, petite...
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AlexRow
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Message par AlexRow »

Et que vaut "Comment l'esprit vient aux femmes" ?
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bogart
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Message par bogart »

AlexRow a écrit :Et que vaut "Comment l'esprit vient aux femmes" ?

Excellente comédie de moeurs avec Judy Hollyday très drôle dans sa prestation de Billie aux côtés de William Holden et Broderick Crawford.
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Banane
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Message par Banane »

Cinéaste que j'aime beaucoup, bon je me fiche de la polémique de savoir si ce n'est qu'un habile artisan ou un vrai auteeeuuuuuuuureuh, j'ai toujours beaucoup de plaisir à voir la plupart de ses films (4 décennies de bonheur).

La 1ère fois que j'ai vu "Camille" je m'attendais à voir un film MGM académique, où j'admirerais les décors du mari de Del Rio, les costumes d'Adrian, etc, or j'ai été complètement emballée. Ne serait-ce que la scène d'exposition et les jeux de regards, Cukor mérite tout notre respect. De plus, c'est vraiment l'un des films de Garbo qui passe le mieux aujourd'hui.

"Sylvia Scarlett" est un sommet par son déroulement déroutant (Hepburn ne finit pas avec Grant), j'aime beacoup le fait que le personnage finit à avoir l'homme qu'elle aime en restant un "garçon" (à la fin, on se dit que Aherne la préfère en p'tit mec).

Autre joyau : "Holiday", cette complicité entre Grant et Hepburn, quand ils retombent en enfance dans la scène où ils font une acrobatie, c'est comme plus tard lorsqu'il filmera mieux que n'importe qui la complicité avec Tracy.

Pour sa période ultérieure, je vénère sa sainte trinité Judy Holliday (à quand "The marrying kind" d'ailleurs chez nous), surtout "Une femme qui s'affiche", et "Les girls" que n'aurait pas désavoué Manckiewicz.

J'ai jamais vu son "Othello" avec Colman et surtout "The actress" avec Simmons.

Banane
blaisdell
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Message par blaisdell »

Je voudrais faire deux remarques que je voulais mettre dans mon poste de départ:
1°Est-ce quelques uns d'entre vous ont vu certains films de sa fin de carrière tels "the chapman report" avec Kirk Douglas ou "Justine" avec Anouk Aimée qui ont la particularité d'être rares et d'avoir souvent été mutilés.
2° On ne peut que déplorer la rareté des essais qui lui sont consacrés par rapport à un Nicholas Ray ou à un Minnelli,si ce n'est un livre de Jean Domarchi et des ouvrages anglo-saxons.(Il est vrai que les ouvrages sur les grands cinéastes naphtas us sont rares actuellement hormis Hitchcock)
Ballin Mundson
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Message par Ballin Mundson »

bogart a écrit :
AlexRow a écrit :Et que vaut "Comment l'esprit vient aux femmes" ?

Excellente comédie de moeurs avec Judy Hollyday très drôle dans sa prestation de Billie aux côtés de William Holden et Broderick Crawford.
Je l'ai plutot trouvé lourdingue et ennuyeux (et puis le message patriotique m'a un peu agacé).
On est loin de la grande classe d'Indiscrétions.
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Ballin Mundson
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Message par Ballin Mundson »

Jeremy Fox a écrit :Ceux que j'aime tout particulièrement s'il fallait faire un top :


MADEMOISELLE GAGNE-TOUT (Pat and Mike). Eloge de la futilité
visionné à contre coeur il y a quelques semaines après m'être copieusement ennuyé devant Adam's Rib.
Une très heureuse découverte: Un film léger et tres sympathique.
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Solal
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Message par Solal »

blaisdell a écrit :Est-ce quelques uns d'entre vous ont vu certains films de sa fin de carrière tels "the chapman report" avec Kirk Douglas
Pas de Kirk Douglas dans mon souvenir. Juste un film laid et nauséeux, dont le principal intérêt tient à ce qu'il révèle de Cukor, dans une sorte de mise à nu frontale et déplaisante. Epoque oblige, mais également aboutissement d'une logique propre au cinéaste, le film appuie là où auparavant la simple suggestion aurait été de mise et succombe à la tentation de l'explicite. Ce qui n'apporte évidemment rien de bon en terme de cinéma. Epuisement également d'une figure qui lui est particulièrement chère, celle du dérèglement féminin (hystérie, frigidité) qui entraîne le film dans sa dépression.
Ballin Mundson a écrit :
bogart a écrit : Excellente comédie de moeurs avec Judy Hollyday très drôle dans sa prestation de Billie aux côtés de William Holden et Broderick Crawford.
Je l'ai plutot trouvé lourdingue et ennuyeux (et puis le message patriotique m'a un peu agacé).
On est loin de la grande classe d'Indiscrétions.
La comparaison n'a pas vraiment de sens. Il y a rupture chez Cukor - et sans doute plus largement dans la comédie américaine - dans les années 50. Ses films se révèlent beaucoup plus sombres, marquent un essoufflement et sont comme progressivement gagnés par une forme de torpeur ou envahis par un sentiment de vacuité. A tel point que cela devient le mouvement même de son cinéma. Désir sans objet, éteint ou tragiquement rompu. L'astuce - et l'on trouve ici les qualités d'écriture de Kanin - c'est que cela correspond à une forme de contrechamp politique. Profitant du changement de décennie, on passe du raffinement d'une élite sclérosée, gentiment bousculée par un élément populaire énergique, aux affres de la société de masse. Autrement dit, il n'y a pas une once de patriotisme dans ce film, mais juste cette vieille ambivalence du cinéma américain quant à la croyance démocratique.
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Message par Holly Golightly »

Je profite de ce topic pour poser une petite question. J'ai vu Camille il y a quelques années, et je n'arrive pas à me rappeler pourquoi le film porte ce titre. Les deux personnages principaux s'appellent Marguerite Gautier et Armand Duval, si je ne me trompe. D'où vient donc le "Camille" ? Est-ce le nom de courtisane de Marguerite ? Merci d'éclairer ma lanterne, car je ne sais plus du tout... :oops:
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Message par Bartlebooth »

Solal a écrit :
Ballin Mundson a écrit : Je l'ai plutot trouvé lourdingue et ennuyeux (et puis le message patriotique m'a un peu agacé).
On est loin de la grande classe d'Indiscrétions.
La comparaison n'a pas vraiment de sens. Il y a rupture chez Cukor - et sans doute plus largement dans la comédie américaine - dans les années 50. Ses films se révèlent beaucoup plus sombres, marquent un essoufflement et sont comme progressivement gagnés par une forme de torpeur ou envahis par un sentiment de vacuité. A tel point que cela devient le mouvement même de son cinéma. Désir sans objet, éteint ou tragiquement rompu. L'astuce - et l'on trouve ici les qualités d'écriture de Kanin - c'est que cela correspond à une forme de contrechamp politique. Profitant du changement de décennie, on passe du raffinement d'une élite sclérosée, gentiment bousculée par un élément populaire énergique, aux affres de la société de masse. Autrement dit, il n'y a pas une once de patriotisme dans ce film, mais juste cette vieille ambivalence du cinéma américain quant à la croyance démocratique.
PETIT SPOILER
Le film est avant tout un plaidoyer pour l'intelligence et l'ouverture au monde ; et si son vibrant éloge des idéaux jeffersoniens, contre la collusion mafieuse du gouvernement et du capital, se charge d'accents quelque peu naïfs, il n'en est pas pour autant dépourvu de finesse. J'adore la scène du Capitole où William Holden chante les louanges de la constitution américaine ("le pilier sur lequel repose notre pays" et tout ça) et que Judy Holliday en lit le premier article qui lui tombe sous les yeux, celui qui garantit à chaque citoyen le droit d'être armé ! Sans autre commentaire, il y a là un raccourci brillant sur les contradictions fondatrices de la nation américaine.
Cela dit, cette plaisante comédie souffre un peu de son origine théâtrale qui se traduit par un certain statisme, malgré le talent habituel de Cukor dans la direction d'acteurs et l'organisation de l'espace.
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Message par Holly Golightly »

LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARCH (Little Women).

Très joli film, très sensible, avec une merveilleuse Katharine Hepburn/Jo.

SYLVIA SCARLETT

Je n'avais pas du tout accroché. Il paraît que c'est un film maudit, sous-estimé à reconsidérer. Pour ma part, je ne suis pas très convaincue. Les acteurs, et notamment Cary Grant, cabotinent atrocément.

LE ROMAN DE MARGUERITE GAUTIER (Camille).

Peu de souvenirs. Un beau film, mais vraiment, Greta Garbo, même si elle est remarquable, n'est pas Marguerite Gautier pour moi.

VACANCES (Holiday)

J'adore. Le duo Grant/Hepburn est un pur délice. Le scénario est un peu simpliste, mais la folie douce dans laquelle baigne le film est totalement contagieuse. A noter aussi, la superbe interprétation de Lew Ayres.

FEMMES

Un délice. Quel bonheur, toutes ces divas en train de s'écharper à coup de bons mots et de tenues de rêve !

INDISCRÉTIONS (The Philadelphia Story).

La comédie la plus classe qui soit. Une pure merveille, avec des acteurs au sommet.

LA FEMME AUX DEUX VISAGES (Two-Faced Woman).

J'aime beaucoup, je trouve que c'est un très bon film, totalement illuminé par une Garbo déchaînée et très séduisante. Très drôle, rythmé, entraînant.

MADAME PORTE LA CULOTTE (Adam's Rib).

Jolie façon de traiter la guerre des sexes avec le duo magique Hepburn/Tracy. Ce n'est pas mon Cukor préféré, mais ça se regarde avec un plaisir immense.

UNE ÉTOILE EST NÉE (A Star is born).

Que dire ? Chef-d'oeuvre absolu. James Mason/Norman Maine et Judy Garland/Vicki Lester, immenses, sont dans mon coeur pour toujours.


LA CROISÉE DES DESTINS (Bhowani Junction).
LES GIRLS (Les Girls)

Je REVE de voir ces deux films. Mais ils sont totalement introuvables. C'est pas juste !!

LE MILLIARDAIRE (Let's make Love).

C'est vrai que le film n'est pas très réussi, mais je l'aime beaucoup tout de même. Marilyn est tellement craquante...

SOMETHING'S GOT TO GIVE (inachevé).

Cyd Charisse joue mal, Dean Martin a l'air d'un ahuri, et Marilyn surjoue un peu trop. Marilyn, assise, nue, sur le bord de la piscine ; sa chute de reins laisse bouche bée un pauvre bonhomme qui passe. C'est la seule image que je garde du film.

MY FAIR LADY (My Fair Lady).

J'adore Audrey Hepburn, j'aime beaucoup le film, mais je ne le trouve pas complètement réussi, et je ne saurais pas très bien dire pourquoi. Comme s'il manquait quelque chose...

L'OISEAU BLEU (The Blue Bird).

Un de mes films de gamine. Malgré Liz, Jane et Ava, le film n'est pas très bon. Le conte onirique et initiatique pour enfants n'appartient pas du tout à l'univers de George Cukor, et cela se ressent dans tout le film
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

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La Diablesse en collants roses (Heller in Pink Tights - 1960) de George Cukor
PARAMOUNT



Avec Anthony Quinn, Sophia Loren, Margaret O'Brien, Steve Forrest, Eileen Heckhart
Scénario : Dudley Nichols & Walter Bernstein d'après Louis L'Amour
Musique : Daniele Amfitheatrof
Photographie : Harold Lipstein (Technicolor 1.85)
Un film produit Marcelo Girosi & Carlo Ponti pour la Paramount


Sortie USA : 01 mars 1960


Après s’être enfuis avec les costumes du théâtre où ils se produisaient, les membres de la troupe itinérante de Tom Healy (Anthony Quinn) arrivent à passer au Nebraska avant que leur créancier et le shérif ne les rejoignent. Ce petit groupe de comédiens est composé de sa star, Angela Rossini (Sophia Loren), à qui Tom, son manager et amant, ne cesse en vain de lui demander sa main, de la fausse ingénue Della Southby (Margaret O’Brien) et de sa mère Lorna (Eileen Heckart), ainsi que du vieillissant acteur shakespearien Manfred Montague (Edwund Lowe). Ils s’installent dans un saloon de Cheyenne où ils souhaitent proposer aux habitants leur version de ‘La belle Hélène’. Seulement l’intrigue de la pièce basée sur l’adultère choque la pudibonderie des notables qui demandent à la troupe de changer de spectacle ; ce sera ‘Mazeppa’ avec le fameux personnage de la diablesse en collants roses. Dans le même temps, les habitants s’inquiètent de la présence en ville du tueur à gages Clint Mabry (Steve Forrest) à qui l’homme d’affaires véreux DeLeon (Ramon Novarro) a demandé de menacer les propriétaires des terrains qu’il souhaite s’approprier ; deux morts en ont déjà résulté. Lors d’une partie de poker, l’impulsive Angela n’ayant plus d’argent à jouer, propose son corps en gage ; elle perd au profit de Mabry et se retrouve 'débitrice' du tueur qui est tombée sous son charme. Mais la troupe est obligée de fuir à nouveau en douce, leur ancien créancier ayant réussi à obtenir un mandat d’arrêt. Les comédiens se retrouvent en pleine contrée indienne alors que les tribus sont sur le sentier de la guerre. Clint les rejoint et se propose de les aider à sortir indemne de ce dangereux territoire en les conduisant jusqu’à Bonanza, la ville voisine dans laquelle se trouve son patron corrompu…

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"When the great American frontier was resounding with the names of such gunman and outlaws as Wyatt Earp, Jesse James, Bat Masterson and Doc Holliday -a beautiful and flirtatious actress swept through the west with her theatrical troupe. A ‘hellion in pink tights,’ she was the toast of every settlement from Cheyenne to Virginia City – and became a legend of the old west. This is her story." Telle est l’histoire que nous invite à suivre l’unique western du grand cinéaste hollywoodien George Cukor, surtout célèbre et célébré pour ses comédies, parmi les plus intelligentes et les plus spirituelles du genre. L’intrigue de Heller in Pink Tights est basée sur des faits véridiques, sur la carrière légendaire de l’actrice Adah Isaacs Menken. Le titre qui interloque pas mal d’amateurs de western représente en fait le personnage que joue la comédienne dans la pièce adaptée du poème de Lord Byron, ‘Mazeppa’ (lui-même tiré d’une légende populaire), une femme condamnée pour adultère à être attachée complètement nue sur le dos d’un cheval sauvage l’emportant ainsi jusqu’à ce que mort s’ensuivre au fin fond des steppes ukrainiennes. Les collants roses représentent la couleur chair censée faire croire à la nudité du personnage : sexe et spectacle, deux des sujets les plus abondamment abordés par le cinéaste qui commença justement sa carrière comme metteur en scène de théâtre à Brodway avant de passer derrière la caméra au début du parlant. Il se spécialisa rapidement dans la comédie et fut surtout très vite réputé pour sa direction d’acteurs ; sous sa houlette, pas moins de 21 comédiens furent nominés aux Oscars. Parmi ses plus grandes réussites, on peut citer le romantique Camille (Le Roman de Marguerite Gauthier) avec Greta Garbo dans le rôle titre, l’inquiétant Hantise (Gaslight) avec Ingrid Bergman et Charles Boyer ou encore La Croisée des destins (Bohwani Junction) avec Ava Gardner et Stewart Granger. Mais c’est donc surtout dans la comédie qu’il s’illustra, qu’elle soit musicale (Les Girls ; Une étoile est née – A Star is Born) ou non (Femmes - The Women ; Indiscrétions - The Philadelphia Story ; Madame porte la culotte – Adam’s Rib ; Mademoiselle gagne tout – Pat and Mike ; The Actress…) Quelques uns de ces titres abordaient déjà le thème du spectacle, l’un des sujets favoris du cinéaste ; son unique western s’en empare donc à nouveau.

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Mais contrairement à ce que l’on aurait pu croire, si le film est vif et léger, s’il prend pour pôle d’attraction principal une troupe théâtrale et s’il comporte beaucoup d’éléments de comédie et de comédie romantique, il ne s’agit pas moins d’un western, certes atypique, traité avec sérieux et qui utilise également la plupart des composantes habituelles du genre (tueur à gages au service d’un tyran local, attaques d’indiens, parties de poker acharnées, bagarres à poings nus dans un saloon, course-poursuite en extérieurs, violence…) y compris une attention portée à un certain réalisme qui commençait à poindre de plus en plus en ce début de décennie : l’arrivée des deux carrioles dans les rues boueuses de Cheyenne en est un bel exemple. Adapté de ‘Heller with a Gun’, roman d’un des plus grands écrivains de l’Ouest, Louis l’Amour, et produit par Carlo Ponti pour mettre en valeur la beauté de son épouse Sophia Loren, on aurait pu craindre que le film soit phagocyté par l’actrice qui n’avait jamais encore vraiment convaincu de son talent dramatique depuis qu’elle était arrivé à Hollywood et qui avec ce film mettait fin à son contrat avec la Paramount. C’était sans compter sur le génie du cinéaste pour diriger ses comédiens et surtout ses comédiennes ; c’est ainsi que la star italienne apparait ici très à son aise, rayonnante et talentueuse, pleine de charme et d’esprit. Elle nous ferait même presque oublier que Marlène Dietrich et Anne Baxter avaient été pressenties avant que la production du film n’atterrisse dans les mains du producteur italien. Après que Zo Akins ait commencé à en écrire le script, il mourut et fut remplacé par Dudley Nichols (dans le domaine du western : Rawhide – L’Attaque de la malle-poste de Henry Hathaway ; La Captive aux yeux clairs – The Big Sky de Howard Hawks ; The Tin Star - Du sang dans le désert d'Anthony Mann…) et Walter Bernstein (L’Aventurier du Rio Grande – The Wonderful Country de Robert Parrish) qui s’attelèrent à peaufiner son travail, le reprenant presque depuis le début. Ce sera la dernière participation à un film du très grand Dudley Nichols qui décèdera à son tour cette année là.

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Un scénario pétillant et parfaitement bien écrit qui fait se décomposer l’intrigue à peu de choses près en trois parties d’égales durées. Avant que le film ne débute réellement nous assistons à une séquence pré-générique très enlevée de course-poursuite en roulottes et carrioles entre les comédiens fuyards et leurs créanciers. Une fois la frontière passée, les saltimbanques ne pouvant être pourchassés plus avant, un seul plan fait se dérouler verticalement le joli générique sur fond de dessins tournant autour de la thématique du spectacle et du théâtre. La troupe itinérante arrive en ville et y restera durant un bon tiers du film, Cukor prenant son temps pour nous décrire dans ce premier acte échevelé son petit groupe de seulement cinq membres ainsi que quelques savoureux seconds rôles tels le tenancier du saloon ou le tueur à gages, ce dernier prenant plus d’importance par la suite. Toute cette réjouissante partie est celle se rapprochant le plus de la comédie de par son rythme, sa fantaisie et les multiples sous entendus sexuels. Cukor en profite pour brocarder la pudibonderie de la société américaine choquée par l’évocation d’un adultère alors qu’elle se repait de la violence, l’exposition de deux cadavres en pleine rue attirant une foule qui s'en pourlèche les babines. Cependant les auteurs sont assez intelligents pour ne pas faire tomber leur histoire dans la bouffonnerie ou la gaudriole ; tout est amusant et enjoué mais jamais lourd. On comprend très vite que Tom et Angela sont amants mais que ça ne suffit pas au directeur de la troupe qui ne cesse de la demander en mariage ; sur quoi la jeune Della, que sa mère considère toujours comme une enfant malgré ses 20 ans, demande à cette dernière pourquoi ils devraient se marier alors qu’ils ont déjà… (la phrase s’arrête là, sa mère ayant voulu couper court, mais tout le monde a compris que ce qui suivait était "couché ensemble"). Le sous-texte sexuel est constant durant cette première partie, digne d’un Lubitsch au meilleur de sa forme. La description de la préparation, des répétitions et des représentations du spectacle est passionnante, Cukor ayant longuement étudié les ambiances et coulisses du théâtre américain au 19ème siècle. Quant à la séquence de poker au cours de laquelle le tueur à gage remporte l’enjeu qui n’est autre que sa partenaire elle-même n’ayant plus d’argent pour miser autre chose que son corps, elle est réjouissante autant grâce à son écriture, à son l’interprétation qu’au background esthétique des équipes techniques de la Paramount, décorateurs et costumiers en tête qui ont accompli des merveilles.

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Puis arrive le deuxième acte. Les baladins ayant été obligés à nouveau de quitter précipitamment la ville, ils se retrouvent en plein milieu des territoires indiens alors que des groupes de guerriers rodent alentour avec de mauvaises intentions. Ils seront rejoints par le tueur à gage qui proposera d’être leur garde du corps durant la traversée périlleuse de ces contrées dangereuses, leur faisant même escalader une montagne pour distancer leurs poursuivants. Alors qu’ils doivent se construire un abri de fortune au sommet, en plein milieu d’un glacial paysage de neige, Steve Forrest dit aux femmes qui sont chargés d’attiser le feu : "Il y a d'autres façons de se réchauffer mais rien de convenable". Toujours les mêmes allusions érotiques au sein d’une section médiane bien plus grave que la première, la seule que les amateurs de westerns purs et durs devraient apprécier, les différents protagonistes n’ayant plus à jouer la comédie puisqu’ils doivent désormais faire face aux conséquences dramatiques de leurs mensonges et fourberies. Si, avec les superbes paysages mis à leurs dispositions, des John Sturges, Anthony Mann, Delmer Daves ou John Ford auraient certainement rendu toutes ses séquences en extérieurs bien plus efficaces et puissantes, il faut bien admettre que George Cukor qui n’était pourtant pas un spécialiste de l’action ne s’en sort pas si mal que ça. Il peint avec vigueur la violence de ce Far-West, la prenant très au sérieux ; et à ce propos ses quelques gros plans sur les cadavres scalpés sont d’une grande force et d'une étonnante brutalité tandis que la fameuse séquence du saccage des chariots et de leur contenu par les indiens est un véritable morceau de bravoure délirant et moderniste : cadrages et montage sont ici très novateurs donnant à cette scène un mouvement démoniaque et une formidable ambiance baroque. Puis s’ensuivra le troisième et dernier acte, le western redevenant urbain pour faire se résoudre avec allégresse tous les enjeux dramatiques mis en place dans un mélange de fantaisie et de sérieux, de roublardise et de mouvement, vie et théâtre se confondant en une assez belle harmonie. Un cinéaste plus intéressé par la ronde des sentiments que par l’action mais qui réussit pourtant à allier les deux sans que ça ne semble jamais pesant ni factice.

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George Cukor est bien aidé par ses acteurs qu’il dirige d’ailleurs tous à merveille. Si j’ai déjà évoqué tout le bien que je pensais de la prestation de Sophia Loren, comment ne pas louer une fois encore celui qui avait déjà été son partenaire en 1954 dans Attila, fléau de Dieu de Pietro Francisci, Anthony Quinn, un acteur qui a décidément fait des choix de carrières absolument passionnants depuis le milieu des années 50. Rien qu’au sein du western, se trouver coup sur coup tête d’affiche de The Ride Back (La Chevauchée du retour) de Alle H. Miner, Warlock (L’Homme aux colts d’or) de Edward Dmytryk, Last train from Gun Hill (Le Dernier Train de Gun Hill) de John Sturges et de cette Diablesse en collants roses démontre une grande attention de sa part portée aux scripts qu'on lui proposait. Son interprétation toute en sobriété du directeur de troupe humain et roublard s’avère ici pleine de sensibilité ; il est même assez cocasse de voir cet acteur au tempérament de feu dans le rôle d’un protagoniste aussi posé, n’éprouvant aucune haine ni jalousie envers son rival en amour, lui vouant même au fur et à mesure de l'avancée du film une profonde amitié même s’il est témoin de la tromperie de sa maîtresse avec ce dernier ; un personnage expressément un peu en retrait mais néanmoins très touchant. Les hésitations sentimentales d’Angela entre Tom et Clint sont d’ailleurs captivantes, la bondissante jeune femme devant faire un choix cornélien entre la stabilité (Tom, son patron) et l’aventure (Clint, le Gunslinger). Le concurrent de Tom en amour, c’est Steve Forrest qui l’interprète et il ne démérite pas face à ses prestigieux partenaires ; tout comme les seconds rôles que tiennent la savoureuse Eileen Heckart ou la jeune Margaret O’Brien dont on n’aura pas oublié la mémorable interprétation de la petite fille de Meet me in St Louis (Le Chant du Missouri), l’un des plus purs chefs-d’œuvre de Vincente Minnelli, et qui minaude ici à la perfection. Nous avons également le plaisir de retrouver deux stars masculines du muet, Edmund Lowe et Ramon Novarro pour leurs derniers rôles au cinéma, le second interprétant ici avec talent le sale type de l’histoire.

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George Cukor avec La Diablesse en collants roses et un confortable budget de 3.5 millions de dollars vient donc combler un manque dans la peinture cinématographique de ce Far-West bariolé, une composante essentielle de l’histoire de cet Ouest énergique, les troupes de théâtre ambulantes. John Ford avait déjà abordé le sujet au travers du comédien shakespearien interprété par Alan Mowbray dans My Darling Clementine (La Poursuite infernale) et Wagonmaster (Le Convoi des braves) mais Cukor se recentre principalement sur ce milieu théâtral qu’il appréciait tant en rendant ici un vibrant hommage à ses saltimbanques américains de la fin du 19ème siècle. Il le fait avec une grande tendresse pour ces acteurs itinérants qu’il semble affectionner plus que tout, décrivant avec attention leurs vicissitudes et leur vie quotidienne. La splendeur de la direction artistique, le faste des décors, la richesse des costumes, la profusion de couleurs, le rythme alerte de l’écriture et l’agréable partition de Daniele Amfitheatrof finissent de contribuer à faire de ce western atypique une belle réussite pleine de souffle, de vitalité, de sensualité et de générosité, juxtaposant avec beaucoup d’intelligence et d’esprit l’artifice de la scène et la dure réalité de la vie dans l’Ouest. Il semblerait qu’après que Cukor ait passé cinq semaines à superviser le montage de son film, ce dernier ait été entièrement refait derrière son dos par les producteurs. Quoiqu’il en soit, en l’état ça ne se ressent pas et les critiques de l’époque furent assez élogieuses, le New York Times applaudissant à la performance de Sophia Loren écrivant que c’était la plus naturelle de sa carrière ; il n’avait pas tort. "Un film dominé par le sentiment de la beauté et l'amour de la vie" écrivait Jean-Louis Rieupeyrout, l’un des grands spécialistes du genre, dans sa grande histoire du western. Ce n'est pas moi qui le contredirais !

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Message par Holly Golightly »

Jeremy Fox a écrit :
Holly Golightly a écrit : LES GIRLS (Les Girls)

Je REVE de voir ces deux films. Mais ils sont totalement introuvables. C'est pas juste !!
Un très beau DVD existe pourtant
AAAAAAHHHH ? Où ça, quand ça, comment ça ? Où est-ce que je peux trouver cette merveille ? :D

PS : il n'y en aurait pas un pour La Croisée des Destins, non ? Même pas un petit prévu ? :(
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Message par Jeremy Fox »

Holly Golightly a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
Un très beau DVD existe pourtant
AAAAAAHHHH ? Où ça, quand ça, comment ça ? Où est-ce que je peux trouver cette merveille ? :D
Sur tous les sites canadiens et américains : c'est un all zone en plus
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Message par Solal »

Holly Golightly a écrit : D'où vient donc le "Camille" ?
Aucune idée. C'est le titre sous lequel le roman et la pièce de Dumas fils sont connus outre-atlantique. Un simple effet de consonance peut-être (Camélias/Camille) ?
Bartlebooth a écrit :Cela dit, cette plaisante comédie souffre un peu de son origine théâtrale qui se traduit par un certain statisme, malgré le talent habituel de Cukor dans la direction d'acteurs et l'organisation de l'espace.
C'est un peu confus dans mon souvenir (ma dernière vision remonte à plusieurs années) mais je crois qu'il y a une distribution assez astucieuse de l’espace, avec cette suite d'hôtel transformée en scène politique complexe, au moins duelle, où l’on converse sans se comprendre de fenêtre à fenêtre et où l’on circule de l’avant-scène aux coulisses en empruntant différents escaliers, des couloirs dérobés, sinueux, etc. Opposition redoublée dans la confrontation de ces intérieurs où se joue la conquête du pouvoir aux lieux publics où sont mis en scène les fondements de l’institution. Cukor se montre souvent « théâtral » mais je trouve qu’il le porte plutôt bien ici, d’autant qu’il est tout de même question de représentation(s) politique(s).
Holly Golightly a écrit :LA CROISÉE DES DESTINS (Bhowani Junction).
LES GIRLS (Les Girls)

Je REVE de voir ces deux films. Mais ils sont totalement introuvables. C'est pas juste !!
Le premier est diffusé et rediffusé depuis plusieurs années sur TCM, souvent pendant la période des fêtes. Tu devrais pouvoir en trouver une copie :wink:
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I would prefer not to
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