Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Phnom&Penh
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Phnom&Penh »

On a affaire à un personnage en fuite, qui se cache sous des identités d'emprunt, et qui est psychologiquement bloquée dans son enfance. L'ambiguité du personnage, car il y en a evidemment une, vient, je pense, de ce qu'elle se marie comme pour trouver un père d'emprunt: sécurité financière et matérielle. Elle n'est pas non plus une enfant et sait ce qui l'attend en se mariant, d'ailleurs, elle se déshabille dans la salle de bain, et réapparaît bien nue sous son peignoir.
Mais quand Connery veut la prendre dans ses bras, elle réalise ce qui l'attend, et se braque en redevenant la femme frigide qu'elle n'a pas cessé d'être. Comme elle n'est pas encore guérie, le fait d'être dévoilée, nue devant un homme qui n'assure plus sa sécurité, mais, au contraire, devient violent, suffit, à mon avis, à justifier sa tentative de suicide. Elle a perdu toutes les défenses qu'elle s'était construites. D'ailleurs Connery l'avait plus ou moins forcée à l'épouser en la dévoilant déjà une première fois, la piégeant en train de voler, la mettant ainsi une première fois "à nu".

Si Connery l'avait violée, elle ne serait pas seulement désemparée, mais profondément brisée. Et, en admettant qu'elle parvienne à se guérir, je ne pense pas que ce serait crédible que cela soit en sa compagnie. Au contraire, on voit le "père sécurisant" revenir, la conduire à la guérison, et du coup, la conquérir pour de bon.

Je reconnais que je ne suis pas psychiatre et que mon interprétation en vaut une autre, mais cela me semble plus logique. Et le personnage de Sean Connery est sufisamment dur dans la façon dont il la domine, pour qu'Hitchcock y trouve son compte de sadisme et n'ait pas besoin de la faire violer, ce qui rendrait la guérison, à mon avis, assez abracadabrante. Il faudrait revoir ce qu'il en dit dans le Hitchbook, mais je pense que s'il parlait réellement de viol, cela m'aurait surpris et je m'en souviendrais. Après, on peut aussi dire qu'il y a viol de la "personnalité" de Marnie dans cette scène, mais c'est autre chose.

Si j'insiste, ce n'est pas pour te contredire, mais parce que, pour le coup, je trouve que cela rendrait le film franchement inepte :wink:
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Demi-Lune
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Demi-Lune »

Merci d'avoir explicité ton analyse, Phnom&Penh. Je la trouve pertinente et, en effet, logique avec la suite des évènements du film. Une révision prochaine du film me sera donc nécessaire pour savoir si mon ressenti face à cette fameuse scène reste le même ou si tes arguments en auront raison.
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Phnom&Penh
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Phnom&Penh »

Demi-Lune a écrit :Merci d'avoir explicité ton analyse, Phnom&Penh. Je la trouve pertinente et, en effet, logique avec la suite des évènements du film. Une révision prochaine du film me sera donc nécessaire pour savoir si mon ressenti face à cette fameuse scène reste le même ou si tes arguments en auront raison.
Je t'en prie :wink:
Le personnage de Connery est très dur, directif, pas très tendre et effectivement assez sadique, donc la vision que tu as de la scène se comprend. C'est à cause de la suite du film que je ne pense pas que Hitchock ait voulu suggérer cela. Si la psychanalyse de ses films est peut-être un peu hollywoodienne, je trouve qu'ils sonnent toujours "juste" et que ce ne serait pas le cas ici, s'il y avait réellement viol.
Qui sait, c'est peut-être parce que la logique l'empêchait de donner libre cours à ses fantasmes, qu'il est devenu un peu cinglé sur le tournage en voulant faire en vrai ce qu'il ne pouvait faire dans le film :mrgreen:
Il s'est bien rattrapé après avec Frenzy.
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Nestor Almendros
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Nestor Almendros »

Je me permets d'intervenir un peu plus puisque j'ai encore le souvenir de cette scène en tête (heureusement, d'ailleurs, car c'était il y a seulement deux jours :fiou: ): à mon sens il n'y a pas viol.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Effectivement, Sean Connery déchire la nuisette de sa femme. C'est une conséquence de ses pulsions et de son envie de consommer Marnie qui, jusqu'alors, se refuse à lui physiquement. Or, en voyant la réaction brutale de celle-ci (elle se raidit dans une sorte d'état catatonique) Connery revient sur ses pas, en quelque sorte, ses pulsions retombent, il se ressaisit instantanément pour calmer et consoler la jeune femme. Il lui met sur les épaules sa veste de pyjama, je crois. Ensuite c'est un peu ambigu, mais pour moi très clair: il l'allonge sur le lit (avec ce gros plan de Marnie insensible, en mouvement vers le matelas qui apparait et se rapproche) et ils font l'amour. Mais c'est, à mon sens, clairement une action voulue par Connery et "autorisée" par Marnie. Je n'y vois pas de viol, bien que le consentement soit ambigu. Mais, après tout, elle a pu vouloir contenter son mari (parce qu'il est désormais son mari) comme toute épouse le devrait. A mon sens, elle a voulu lui faire plaisir mais elle ne se remet pas de ce choc physique d'une souffrance intérieure au-delà du supportable. D'où la tentative de suicide.
:wink:
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Phnom&Penh
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Phnom&Penh »

Nestor Almendros a écrit :Je me permets d'intervenir un peu plus puisque j'ai encore le souvenir de cette scène en tête (heureusement, d'ailleurs, car c'était il y a seulement deux jours :fiou: ): à mon sens il n'y a pas viol.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Effectivement, Sean Connery déchire la nuisette de sa femme. C'est une conséquence de ses pulsions et de son envie de consommer Marnie qui, jusqu'alors, se refuse à lui physiquement. Or, en voyant la réaction brutale de celle-ci (elle se raidit dans une sorte d'état catatonique) Connery revient sur ses pas, en quelque sorte, ses pulsions retombent, il se ressaisit instantanément pour calmer et consoler la jeune femme. Il lui met sur les épaules sa veste de pyjama, je crois. Ensuite c'est un peu ambigu, mais pour moi très clair: il l'allonge sur le lit (avec ce gros plan de Marnie insensible, en mouvement vers le matelas qui apparait et se rapproche) et ils font l'amour. Mais c'est, à mon sens, clairement une action voulue par Connery et "autorisée" par Marnie. Je n'y vois pas de viol, bien que le consentement soit ambigu. Mais, après tout, elle a pu vouloir contenter son mari (parce qu'il est désormais son mari) comme toute épouse le devrait. A mon sens, elle a voulu lui faire plaisir mais elle ne se remet pas de ce choc physique d'une souffrance intérieure au-delà du supportable. D'où la tentative de suicide.
:wink:
A :wink: , :wink: et demi.

Ta version m'a encore plus surpris que celle de Demi-Lune et du coup j'ai revu le film.
Je dirai que la séquence est moins révélatrice de ce que voulait montrer Hitchcock que de l'état d'esprit du spectateur qui regarde le film :mrgreen: .
Spoiler (cliquez pour afficher)
elle a pu vouloir contenter son mari (parce qu'il est désormais son mari) comme toute épouse le devrait
On a tous nos côtés réacs (je dis ça à cause de ton énervement sur les russes dans le Walsh) :mrgreen: ...Revois le film en faisant attention à la séquence, et comment dire...tu risques de te faire peur toi-même :wink: . La séquence, en fait, est on ne plus simple, le reste, c'est l'imaginaire de celui qui voit le film.

J'y reviens demain parce que j'avais moi-même oublié pas mal de choses...Surprenant, ce qu'on fait d'une séquence d'un film, même après deux jours :mrgreen:
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Nestor Almendros
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Nestor Almendros »

Oui, il y a une ellipse juste là où il faut pour faire intervenir l'imagination du spectateur. Je m'y suis engouffré :mrgreen:
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Cathy
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Cathy »

Vous êtes casse-pieds :) ! Je n'ai pas regardé tout le film, mais juste la scène. Dans ma mémoire, il n'y avait aucunement viol et après la revision il n'y pas viol
Spoiler (cliquez pour afficher)
Je ne vois pas cette scène comme un viol, mais comme un abandon normal que Marnie consent car elle sait qu'elle le doit, et qu'elle est mariée. Le lendemain, horrifiée par cela, elle tente de se suicider. Ceci étant on peut aussi supposer qu'avec la vue sur la mer calme, il ne se passe rien et que Marnie horrifiée par le sexe et se rendant compte que tôt ou tard, elle devra s'y soumettre tente de se suicider
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Phnom&Penh
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Phnom&Penh »

Nestor Almendros a écrit :Oui, il y a une ellipse juste là où il faut pour faire intervenir l'imagination du spectateur. Je m'y suis engouffré
Le film est plus riche qu'il n'en à l'air et c'est surtout qu'en le voyant une fois, on condense sans doute un peu trop,
Cathy a écrit :Je n'ai pas regardé tout le film, mais juste la scène. Dans ma mémoire, il n'y avait aucunement viol et après la revision il n'y pas viol
et qu'il ne faut pas regarder la scène seule, pour comprendre ce qu'il se passe. Déjà parce qu'il n'y a pas une "nuit de noce" mais deux :P

En fait, ce qui est trompeur, c'est que Hitchcock lui-même voulait une scène de viol dans le film. Il voulait que Mark Rutland soit lui-même un homme malade: « J'aimais surtout l'idée de montrer un amour fétichiste. Un homme veut coucher avec une voleuse parce qu'elle est une voleuse. »
Et il voulait une scène de viol. Pas lors de la "nuit de noce", mais alors que Mark Rutland surprend Marnie en train de voler, alors qu'il l'a en fait piégée:
« Si j'avais, comme dans mon vieux film anglais Meurtre, utilisé le procédé du monologue intérieur, on aurait entendu Sean Connery se dire à lui-même : « Je souhaite qu'elle se dépêche de commettre un nouveau vol afin que je puisse la prendre sur le fait et la posséder enfin. » De cette manière, j'aurais obtenu un double suspense. Nous aurions filmé Marnie du point de vue de Mark et nous aurions montré sa satisfaction lorsqu'il voit la fille commettre son vol. [...] J'ai bien pensé construire l'histoire de cette façon ; j'aurais montré cet homme regardant et même contemplant secrètement un véritable vol. Ensuite, il aurait suivi Marnie la voleuse, l'aurait attrapée en feignant d'avoir retrouvé sa trace et il se serait emparé d'elle en jouant l'homme outragé. »

On peut ajouter à cela que Marnie est vraiment le film sur lequel Hitchcock a pété un câble, allant, après n'avoir cessé de faire des avances à Tippi Hedren, jusqu'à, sinon tenter de la violer, du moins lui faire des avances plus qu'insistantes. Pour devenir ensuite réellement haineux vis à vis d'elle parce qu'elle l'avait rejetée. Bref, à son âge, il adoptait un comportement qu'on peut hésiter à qualifier de sénile ou d'infantile.

Les fantasmes d'Hitchcock sur le thème de Marnie sont donc clairs: en faire une femme "coincée", "mise à nu", que le mâle peut ainsi s'offrir.

Maintenant, qu'en est-il dans le film? Les choses sont finalement assez simples.

Attention gros spoilers!

Mark Rutland s'intéresse à Marnie qui travaille pour lui. Elle a un de ses malaises "rouges" dans son bureau et cela le fascine. Il la reçoit chez lui (scène de chasse) et fait une réception pour annoncer son mariage. Lors de cette réception, elle est reconnue par un ancien employeur qui la dénonce auprès de Mark.
Ce dernier utilise cette révélation pour la piéger et la forcer à l'épouser.

Est-ce un sadique qui abuse d'elle? Certes, oui, mais le personnage reste sympathique. Tout simplement parce qu'il s'intéresse à elle et cherche visiblement à la soigner.

Nous sommes ensuite sur le bateau, c'est la première nuit de noce.
Marnie est enfermée dans la salle de bain, Mark lui propose un verre. Elle finit par sortir, dans une inénarable robe de chambre verte claire, boutonnée jusqu'à la moitié du cou :mrgreen: Mark blague en disant qu'elle est très sexy sans maquillage.
Et là, Marnie s'effondre et lui dit clairement qu'elle ne couchera pas avec lui, qu'elle hait les hommes, qu'elle préférerait mourir que subir cela et qu'il n'avait qu'à ne pas la forcer à l'épouser.
Mark fait la gueule mais l'écoute et conclut en disant qu'il se comportera en gentleman mais que le voyage risque d'être long, à deux dans une même cabine. Il est évident que, plus qu'un père, il se donne l'attitude d'un médecin. Il dit précisément qu'il veut la guérir.

Du coup, les jours passent et il y a une séquence assez détendue qui montre que la vie "de couple" n'est pas trop épouvantable. Ils se parlent et Marnie se détend. D'ailleurs, elle porte une chemise de nuit blanche très sage mais quand même moins affreuse que sa robe de chambre lorsque arrive la seconde nuit, celle de la trahison.

Mark a un verre à la main et on sent que ce n'est pas le premier. Marnie sort de la salle de bain dans sa chemise de nuit. Il va vers elle, il y a un gros plan sur la figure vraiment épouvantée de Marnie, il fait tomber sa chemise de nuit. Plan sur les pieds de Marnie, on comprend qu'elle est nue.
Là, gros plan sur le visage de Mark Rutland qui "dégrise" en un quart de seconde...et à sa gueule bien emmerdée, on comprend qu'il n'a pas que "dégrisé". Il se sent bien mal, enlève sa propre veste de pyjama et en recouvre Marnie (je pense que l'idée de "nuisette" vient de là :) ). Après, il y a ellipse avec un plan sur le hublot, et la mer effectivement calme. On peut imaginer ce qu'on veut, mais à mon avis, l'ambiance n'était plus vraiment à la fête dans la cabine :wink:

Là-dessus, réveil, plan sur le lit de Marnie vide, plan sur Mark Rutland qui sort de son lit avec son pantalon de pyjama (il avait recouvert Marnie de sa veste). Bon, il a peut-être remis son pantalon après, hein, je ne veux pas pinailler :mrgreen:

Plus sérieusement, je pense que le film est bien construit, peut-être un peu hollywoodien sur le côté psychanalyse mais Hitchcock ne se prend pas trop au sérieux sur ce point non plus. Il est le reflet des fantasmes de Hitchcock mais cela reste finalement assez classique et sage. En y réfléchissant, on peut d'ailleurs aussi imaginer une réflexion en filigrane sur la "star", la "vamp" innacessible, un peu une sorte de pendant à Vertigo.

En tout cas, le film me paraît parfaitement logique et maîtrisé, même dans ses curiosités. Un peu comme ce plan sur la rue où vit la mère de Marnie, à la fin du film. Il choque par son côté évidemment factice. Mais on comprend aussi qu'il donne une atmosphère d'oppression très particulière.
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Sybille »

J'ai souvent entendu parler de viol pour cette scène, moi-même lorsque j'avais vu le film, je ne l'avais pas vraiment envisagé comme ça. Enfin je n'en dirai pas plus, je n'ai pas revu le film depuis au moins trois ans.
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Phnom&Penh
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Phnom&Penh »

Sybille a écrit :J'ai souvent entendu parler de viol pour cette scène,
Je crois que ça vient de l'insistance d'Hitchcock à parler lui-même de viol dans ce film (même si c'est en fait pour regretter qu'il n'y en ait pas un) parce que c'est le seul moment ou cela serait possible pratiquement, à défaut de l'être psychologiquement.

Tant qu'à son insistance à préciser qu'il voulait un viol dans le film, c'est surtout dans le Hitchbook qu'elle est précisée. Et personnellement (je sais que la plupart des gens pensent le contraire), je trouve que si le livre est passionnant, il ne faut pas non plus le prendre au pied de la lettre. Hitchcock a toujours eu des côtés un peu "homme de pub" et je trouve qu'à de nombreux moments du livre, il va à fond dans le sens où Truffaut souhaite le mener, plus qu'il ne se dévoile réellement.

D'un point de vue réaliste, un viol, à un quelconque moment du film, serait tout simplement impossible, faisant voler l'histoire en éclats. Hitchcock devait évidemment l'avoir compris. Je pense qu'il répond plus, avec humour, au désir truffaldien de noircir son personnage (ce qui, entre parenthèses, fait un peu oublier son comportement parfaitement ridicule durant le tournage du film) . Le personnage de Mark Rutland est très bien construit et de telle façon qu'il ne peut devenir réellement violent sans perdre toute crédibilité. En revanche, son élégance, son humour, sa dureté, sa finesse d'esprit, son insistance à vouloir pénétrer le cerveau de Marnie, et son réel sadisme un peu "médical", ça, oui, c'est vraiment du Hitchcock.
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Balooo
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Balooo »

Phnom&Penh a écrit : (...) fait une réception pour annoncer son mariage. Lors de cette réception, elle est reconnue par un ancien employeur qui la dénonce auprès de Mark.
Ce dernier utilise cette révélation pour la piéger et la forcer à l'épouser.
Dans mes souvenirs, il me semble que la reception se déroule bien après l'episode du bateau et de la lune de miel non?

Je ne cherche pas du tout à relancer la polémique sur cette scene, mais personnellement la première fois que j'ai vu ce film (c'est à dire il y a une bonne semaine) il est évident que c'est une scene de viol. Mais c'est vraiment super interessant de voir chacun comment il a réagit et en réfléchissant bien il est clair que vous avez tout à fait raison sur un point: c'est que le traumatisme de marnie ce serait sans aucun doute trouvé énormément amplifié.
Mais cependant il a plusieurs indices qui pour moi font que c'est sans doute une scene de viol (si on peut employer ce terme étant donnée que c'est quand meme sa femme :mrgreen: ):
D'abord étrangement la musique qui m'inspire personnellement le danger; le zoom sur les visages (marnie allongé sur le lit) et le zoom qui avance progressivement sur le visage de mark(son regard aussi déterminé), personnellement j'ai ressenti le point de vue de marnie: l'expression de sean connery est vraiment terrifiante, c'est celle un prédateur qui a attrapé sa proie; le fait que marnie tente un suicide le lendemain meme et le retour brusque à la maison familiale, fin du séjour sur le bateau, c'est la derniere scene sur le bateau.

Dans l'ensemble, personnellement ce film m'a vraiment percuté, du point de vue des couleurs, des jeux, des dialogues, je trouve que le duo fonctionne à merveille.:D
Je suis toute nouvelle sur ce forum et sincerement je trouve ça vraiment géniale de pouvoir confronter les points de vue de chacun, de pouvoir discuter, j'espère apprendre tout plein de choses avec vous en tant que cinéphile toute débutante :mrgreen: :mrgreen:
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Watkinssien
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Watkinssien »

Bienvenue Balooo !

Viol, moment d'amour, frustration sexuelle anticipée... Autant d'interprétations qui prouvent la remarquable ambiguïté que Hitchcock a su donner dans ce film fascinant, bouleversant thriller romantique, à la mise en scène totalement maîtrisée.
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Phnom&Penh
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Phnom&Penh »

Balooo a écrit :Dans mes souvenirs, il me semble que la reception se déroule bien après l'episode du bateau et de la lune de miel non?
Honnêtement, je ne m'en souviens plus. Mais comme je venais de revoir le film, je pense que je ne me trompais pas dans la chronologie. Je parlais d'ailleurs de réception "pour annoncer son prochain mariage". La scène de chasse aussi se passe avant alors que de mémoire, je l'aurai mise après.
Balooo a écrit :Je ne cherche pas du tout à relancer la polémique sur cette scene, mais personnellement la première fois que j'ai vu ce film (c'est à dire il y a une bonne semaine) il est évident que c'est une scene de viol.
Je ne vais pas revenir là-dessus, j'avais trouvé l'argument imparable: franchement, tu imagines un violeur un peu ivre qui remet son pantalon de pyjama, avant de se coucher après son acte criminel? Ce détail prouve que Mark Rutland est resté un gentleman et un gentleman ne viole pas les dames, quoiqu'en pense François Truffaut :mrgreen:

Bienvenue! :wink:
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Balooo
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Balooo »

Merci :mrgreen: c'est vraiment agréable comme forum :)

C'est vrai que c'est un peu tiré par les cheveux :mrgreen: disons que hitchcock reste finalement ambiguë, comme vous l'avez dit précédemment il laisse libre cours à l'imagination du spectateur! Cette scène m'intrigue beaucoup, mystère et boulle de gomme, je ne penche pour aucune des deux hypothèses aprés réflexion :mrgreen:
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Cathy
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Re: Pas de printemps pour Marnie (Alfred Hitchcock - 1964)

Message par Cathy »

Je viens de revoir Marnie, et effectivement c'est un très mais très bon Hitchcock, naturellement on pourra lui reprocher comme dans beaucoup de ses films des effets "spéciaux" trop visibles, comme les chevauchées de Marnie. Sans doute Tippi Hedren manque-t'elle du charisme de Grace Kelly, mais le film est très fort et porté par la partition magnifique de Bernard Hermann, à la fois angoissante et profondément romantique ! Quant à la fameuse scène du viol, je n'arrive toujours pas à me décider, après tout elle semble finalement résignée, et accepter son mari, alors qu'il vient de s'excuser de la déshabiller d'un coup ! De toute façon, sans ce "viol" ou ce "rapport", Marnie n'arriverait sans doute jamais à sortir de son "traumatisme". Sean Connery est très ambigu dans ce rôle, à la fois séduisant et "angoissant" dans cet amour qui'l porte à Marnie bien qu'on ne ressente jamais vraiment dans le film une véritable passion du personnage pour sa femme, alors que toutes ses actions sont suscitées par amour. Il y a aussi ce personnage secondaire de la belle soeur, à la fois garce et sympathique. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas revu et j'ai vraiment été séduite par la réalisation, même si on retrouve les habitudes du réalisateur, comme ce vol commis dans le plus grand silence avec cette double vision de la femme de ménage qui arrive et de Marnie qui vole ! Aucun son n'est émis comme dans la grande scène de North by Northwest impliquant encore plus le spectateur dans cette action, comme si on avait envie de crier à Marnie "Attention" ! Alors même si Marnie n'est finalement pas une héroïne très sympathique, le film n'en demeure pas moins un très bon film !
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