Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Federico
Producteur
Messages : 9462
Inscription : 9 mai 09, 12:14
Localisation : Comme Mary Henry : au fond du lac

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Federico »

J'ai beau le connaître par coeur, j'ai revu ce film pour la ixième fois avec le même émerveillement. Bien sûr, le cinéma de Melville est tout sauf réaliste et cinquante détails pourront faire tiquer un examinateur sourcilleux mais c'est justement cette licence poétique qui fait la beauté du cinéma. Melville est l'homme qui a mis du Bresson dans le polar et inversement.
La scène des habitants du placard ne m'a jamais gêné. Je ne la trouve ni trop longue, ni exagérée et puis elle est essentielle pour définir le personnage de Jenssen.
A propos d'une remarque précédente sur le silence de la séquence du casse qui aurait inspiré John Woo, il y a quand même eu auparavant Du rififi chez les hommes de Jules Dassin.
Je ne sais pas si cela se trouve sur une édition DVD du Cercle rouge mais ceux qui connaissent la fameuse scène finale dans son intégralité ne peuvent plus voir la fin définitive sans sourire. Melville a été obligé de la couper pile poil avant que Bourvil (pourtant très affaibli par la maladie) ne parte en joyeuse saucisse et se mette à entonner "La tac-tac-tique du gendarme..." puis éclate de rire... en se tournant vers l'acteur qui joue son adjoint et qui est complètement paralysé par cette improvisation (on le sent même au bord de paniquer, ne sachant plus si c'est du lard ou du cochon). Un très grand moment de naturel reprenant le dessus de la part de Bourvil qui était coutumier du fait lors des tournages, y compris (et surtout) dans ses rôles dits "sérieux". Sur celui des Grandes gueules, Robert Enrico avait même conclu une forme de pacte avec lui : il le laissa jouer certaines scènes graves une fois à sa façon (comique) puis sérieusement.
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
Joseph L. Mankiewicz
Avatar de l’utilisateur
tenia
Le Choix de Sophisme
Messages : 30667
Inscription : 1 juin 08, 14:29
Contact :

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par tenia »

Federico a écrit :Je ne sais pas si cela se trouve sur une édition DVD du Cercle rouge mais ceux qui connaissent la fameuse scène finale dans son intégralité ne peuvent plus voir la fin définitive sans sourire. Melville a été obligé de la couper pile poil avant que Bourvil (pourtant très affaibli par la maladie) ne parte en joyeuse saucisse et se mette à entonner "La tac-tac-tique du gendarme..." puis éclate de rire... en se tournant vers l'acteur qui joue son adjoint et qui est complètement paralysé par cette improvisation (on le sent même au bord de paniquer, ne sachant plus si c'est du lard ou du cochon). Un très grand moment de naturel reprenant le dessus de la part de Bourvil qui était coutumier du fait lors des tournages, y compris (et surtout) dans ses rôles dits "sérieux". Sur celui des Grandes gueules, Robert Enrico avait même conclu une forme de pacte avec lui : il le laissa jouer certaines scènes graves une fois à sa façon (comique) puis sérieusement.
Je ne connaissais pas cette anecdote, assez amusante en effet. Surtout vu l'état de santé de Bourvil...
Avatar de l’utilisateur
Major Dundee
Producteur Exécutif
Messages : 7088
Inscription : 15 mai 06, 13:32
Localisation : Bord de la piscine de "Private Property"

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Major Dundee »

Federico a écrit : Je ne sais pas si cela se trouve sur une édition DVD du Cercle rouge mais ceux qui connaissent la fameuse scène finale dans son intégralité ne peuvent plus voir la fin définitive sans sourire. Melville a été obligé de la couper pile poil avant que Bourvil (pourtant très affaibli par la maladie) ne parte en joyeuse saucisse et se mette à entonner "La tac-tac-tique du gendarme..." puis éclate de rire... en se tournant vers l'acteur qui joue son adjoint et qui est complètement paralysé par cette improvisation (on le sent même au bord de paniquer, ne sachant plus si c'est du lard ou du cochon). Un très grand moment de naturel reprenant le dessus de la part de Bourvil qui était coutumier du fait lors des tournages, y compris (et surtout) dans ses rôles dits "sérieux". Sur celui des Grandes gueules, Robert Enrico avait même conclu une forme de pacte avec lui : il le laissa jouer certaines scènes graves une fois à sa façon (comique) puis sérieusement.
Effectivement, je ne sais plus dans quel doc j'ai vu cette scène mais j'étais mort de rire et j'ai toujours regretté depuis de ne pas l'avoir enregistré :)
Charles Boyer (faisant la cour) à Michèle Morgan dans Maxime.

- Ah, si j'avais trente ans de moins !
- J'aurais cinq ans... Ce serait du joli !


Henri Jeanson
Federico
Producteur
Messages : 9462
Inscription : 9 mai 09, 12:14
Localisation : Comme Mary Henry : au fond du lac

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Federico »

Major Dundee a écrit :
Federico a écrit : Je ne sais pas si cela se trouve sur une édition DVD du Cercle rouge mais ceux qui connaissent la fameuse scène finale dans son intégralité ne peuvent plus voir la fin définitive sans sourire. Melville a été obligé de la couper pile poil avant que Bourvil (pourtant très affaibli par la maladie) ne parte en joyeuse saucisse et se mette à entonner "La tac-tac-tique du gendarme..." puis éclate de rire... en se tournant vers l'acteur qui joue son adjoint et qui est complètement paralysé par cette improvisation (on le sent même au bord de paniquer, ne sachant plus si c'est du lard ou du cochon). Un très grand moment de naturel reprenant le dessus de la part de Bourvil qui était coutumier du fait lors des tournages, y compris (et surtout) dans ses rôles dits "sérieux". Sur celui des Grandes gueules, Robert Enrico avait même conclu une forme de pacte avec lui : il le laissa jouer certaines scènes graves une fois à sa façon (comique) puis sérieusement.
Effectivement, je ne sais plus dans quel doc j'ai vu cette scène mais j'étais mort de rire et j'ai toujours regretté depuis de ne pas l'avoir enregistré :)
De mémoire (défaillante), il me semble qu'on peut voir cette scène non coupée dans un docu sur Bourvil (je ne sais plus lequel, peut-être diffusé par France 5 ou TV5) ainsi que dans un Cinéastes de notre temps consacré à Melville. Je crois que la première fois où je l'ai vue, c'était dans un numéro de Cinéma, Cinémas mais si c'est le cas, elle n'apparaît malheureusement pas dans le coffret édité dans l'INA.

J'ai cherché sur le site de l'INA mais je n'ai trouvé que cette interview de Bourvil et un bref moment du tournage avec Melville diffusés au moment du décès de l'acteur :
http://www.ina.fr/video/I05290954/tourn ... le.fr.html

Sinon, il y a ce beaucoup plus long docu sur Le cercle rouge diffusé en novembre 1970 où Melville est interviewé par Pierre-André Boutang et Henry Chapier dont les remarques sont très justes et il faut se replacer dans le contexte socio-politique de l'époque pour les goûter (grand succès public, le film fut considéré par une partie de "la critique qui comptait" comme une oeuvre réac) :

http://www.ina.fr/art-et-culture/cinema ... ge.fr.html
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
Joseph L. Mankiewicz
Avatar de l’utilisateur
Kevin95
Footix Ier
Messages : 18363
Inscription : 24 oct. 04, 16:51
Localisation : Devine !

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Kevin95 »

Federico a écrit :A propos d'une remarque précédente sur le silence de la séquence du casse qui aurait inspiré John Woo, il y a quand même eu auparavant Du rififi chez les hommes de Jules Dassin.
Il y a eu aussi et surtout The Asphalt Jungle et lorsqu'on lit les entretiens avec Melville on s'aperçoit vite que l'homme est un grand fan de John Huston, donc je pencherai plus pour une inspiration venant du film américain que de chez Dassin (Melville étant assez jaloux de ses "concurrents" français, cf. Verneuil, je le vois mal porter aux nues Du rififi chez les hommes).
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
Avatar de l’utilisateur
Major Dundee
Producteur Exécutif
Messages : 7088
Inscription : 15 mai 06, 13:32
Localisation : Bord de la piscine de "Private Property"

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Major Dundee »

Federico a écrit : J'ai cherché sur le site de l'INA mais je n'ai trouvé que cette interview de Bourvil et un bref moment du tournage avec Melville diffusés au moment du décès de l'acteur :
http://www.ina.fr/video/I05290954/tourn ... le.fr.html

Sinon, il y a ce beaucoup plus long docu sur Le cercle rouge diffusé en novembre 1970 où Melville est interviewé par Pierre-André Boutang et Henry Chapier dont les remarques sont très justes et il faut se replacer dans le contexte socio-politique de l'époque pour les goûter (grand succès public, le film fut considéré par une partie de "la critique qui comptait" comme une oeuvre réac) :

http://www.ina.fr/art-et-culture/cinema ... ge.fr.html
Merci pour ces deux liens intéressants (et même émouvants) surtout lorsque André Bourvil parle de ses futurs projets 8)
Charles Boyer (faisant la cour) à Michèle Morgan dans Maxime.

- Ah, si j'avais trente ans de moins !
- J'aurais cinq ans... Ce serait du joli !


Henri Jeanson
Federico
Producteur
Messages : 9462
Inscription : 9 mai 09, 12:14
Localisation : Comme Mary Henry : au fond du lac

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Federico »

Kevin95 a écrit :
Federico a écrit :A propos d'une remarque précédente sur le silence de la séquence du casse qui aurait inspiré John Woo, il y a quand même eu auparavant Du rififi chez les hommes de Jules Dassin.
Il y a eu aussi et surtout The Asphalt Jungle et lorsqu'on lit les entretiens avec Melville on s'aperçoit vite que l'homme est un grand fan de John Huston, donc je pencherai plus pour une inspiration venant du film américain que de chez Dassin (Melville étant assez jaloux de ses "concurrents" français, cf. Verneuil, je le vois mal porter aux nues Du rififi chez les hommes).
Je n'ai pas écrit que Melville s'était inspiré de Dassin (réalisateur exilé en Europe mais américain, tout de même). Je voulais juste dire que le modèle du genre "on braque mais on la boucle" et sur une longue durée reste le casse du Rififi. Ce qui ne m'empêche pas de trouver moi aussi le film de Huston bien supérieur (le meilleur de Dassin est pour moi sa période américaine et Les forbans de la nuit). Et d'ailleurs aussi le casse du Cercle rouge plus passionnant que celui filmé par Dassin bien qu'infiniment moins réaliste (je n'ai aucune expérience en matière de braquage :lol: mais des pros qui ligotent - mal - un vigile juste en-dessous d'un bouton d'alarme, ça fait pas sérieux et je défie le meilleur tireur au monde de réussir ce que fait Montand, à peine sevré d'un passé très récent d'alcoolique au dernier degré :wink: mais cela fait partie du charme).
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
Joseph L. Mankiewicz
Avatar de l’utilisateur
Kevin95
Footix Ier
Messages : 18363
Inscription : 24 oct. 04, 16:51
Localisation : Devine !

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Kevin95 »

Federico a écrit :Je n'ai pas écrit que Melville s'était inspiré de Dassin (réalisateur exilé en Europe mais américain, tout de même). Je voulais juste dire que le modèle du genre "on braque mais on la boucle" et sur une longue durée reste le casse du Rififi.
Autant pour moi.

D'ailleurs pour ajouter une chose, le casse du Cercle Rouge (voir le projet du film en lui-même) fut aussi l'occasion pour Melville, orgueilleux comme tout, de (dé)montrer à Verneuil et son Clan des Siciliens ce qu'est un polar. Il fit de même avec Un flic en réponse au Casse.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
phylute
La France peut être fière
Messages : 25518
Inscription : 2 janv. 04, 00:42
Localisation : Dans les Deux-Sèvres, pas loin de chez Lemmy

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par phylute »

Kevin95 a écrit :(Melville étant assez jaloux de ses "concurrents" français, cf. Verneuil, je le vois mal porter aux nues Du rififi chez les hommes).
Il devait au départ tourner le film et a été remplacé en dernière minute par Dassin. Ce dernier s'est par ailleurs assuré auprès de la production que Melville perçoive bien le salaire prévu dans le contrat. Je crois me souvenir qu'il appréciait le travail de Dassin sur du Riffifi.
Les films sont à notre civilisation ce que les rêves sont à nos vies individuelles : ils en expriment le mystère et aident à définir la nature de ce que nous sommes et de ce que nous devenons. (Frank Pierson)
Avatar de l’utilisateur
Kevin95
Footix Ier
Messages : 18363
Inscription : 24 oct. 04, 16:51
Localisation : Devine !

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Kevin95 »

phylute a écrit :Je crois me souvenir qu'il appréciait le travail de Dassin sur du Rififi.
C'est assez rare pour le préciser, merci. :wink:
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
Alligator
Réalisateur
Messages : 6629
Inscription : 8 févr. 04, 12:25
Localisation : Hérault qui a rejoint sa gironde
Contact :

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Alligator »

Image

http://alligatographe.blogspot.com/2010 ... rouge.html

Quel beau film! Je n'en reviens toujours pas. Vive le dvd également! Le cercle rouge a été le premier film que j'ai acheté en VHS.

Et ce n'est qu'en le visionnant sur ce dvd (j'ose à peine imaginer le bonheur du blu-ray) que je découvre la superbe photographie d'Henri Decaë. Étant donné cette constante dans la filmographie colorée de Jean-Pierre Melville, on peut tout aussi bien lui en attribuer le mérite. Ces pastels teignent le fil en bleu ou vert pâle. La persistance du bleu surtout dans les décors, papier peint, tapis, meubles fait penser que Melville cherche ici à donner une allure métallique à son film. Le soin pris à créer une esthétique propre fait partie des attraits que je lui préfère. Le style très sec, la douceur et la légèreté des mouvements de caméra s'ajoutent au travail photographique et produisent un spectacle très plaisant.

Le monde du silence auquel le cinéaste nous convie rappelle tous ses autres films, un univers de taiseux où l'acte prime, est valorisé bien plus que l'argent. L'amitié et la fidélité aux contrats moraux que se font les hommes passent par dessus tout. La manière dont Melville filme la rencontre et l'accord tacite qui s'institue entre Delon et Volonte est par excellence un très grand moment du cinéma melvillien : discours succinct, des plans larges et qui se rapprochent jusqu'à que les visages prennent tout le cadre, l'intensité des regards, la simplicité des décors, un champ boueux, une charrue, la voiture et le vide aux alentours, le bruit de la nature.

Le travail fait sur la bande son est également formidable, que ce soit dans le feutré et furtif casse, ou bien lors de l'évasion de Volonte avec la cadence décroissante que produit le passage du train sur les rails, le souffle de Volonte pendant sa course ou sur la musique très forte et musclée dans la boite de nuit de François Périer où Delon et Montand se rencontrent, un brouhaha tout en contraste avec le mutisme des personnages, un camouflage réussi.

Cette remarquable cohérence stylistique se distingue également dans le choix systématique porté sur les voitures de marque américaine. Toutes le sont et révèlent mieux que quiconque les influences du "noir" chez Jean-Pierre Melville.

Dès lors, pas étonnant qu'il soit attaché à créer une photographie plus proche du noir et blanc, une sorte de bleu et blanc argenté, un bleu si pâle qu'il en parait gris. L'histoire est pleinement "noir", dans tous ses aspects. Surtout tous les personnages sont condamnés dès le départ. On peut noter à cet égard que le scénario parvient à renverser les valeurs bourgeoises. Les flics se comportent comme des voyous, manipulent la pègre, jouent au chat et à la souris tandis que les gangsters apparaissent comme les plus réglos et droits, des personnages pour qui l'honneur n'est pas un vain mot. En effet, Delon commence par se faire justice au début du film, allant chercher l'argent que lui doit un ancien partenaire qui l'a lâché pendant sa détention pour mieux lui piquer sa femme. Le relation entre les trois casseurs ne souffrent d'aucune anicroche. A la vie à la mort, Volonte et Montand seront toujours fidèles à Delon qui pourra compter sur eux dans les moments difficiles, jusqu'au bout. L'argent n'est pas forcément le moteur de leurs agissements : Montand participe au casse car il y trouve la force de lutter contre son alcoolisme et faire la nique à l'institution policière qui, elle, l'a abandonné à son sort. Dans ce cercle rouge, il vaut mieux se fier aux criminels qu'aux agents de l'ordre dont la pourriture d'esprit émane de la tête. Le supérieur de Bourvil (Paul Amiot) exprime une vision de l'humanité des plus étriquées et amorales : c'est son cynisme désespéré et asséché qui le rend plus abject que les malfrats en fin de compte.

Il fallait pour incarner cette pesanteur des comédiens confirmés. Alain Delon commence à se faire des cernes, un physique marqué propre à souligner la lassitude d'un personnage qu'il maitrise parfaitement.
Pas évident au départ de s'habituer à la voix française doublée de Volonte, ni à sa coiffure ample et frisée mais son travail est pour le moins sobre et juste.
On ne pourrait en dire autant d'Yves Montand qui hérite, il est vrai, d'un personnage pour lequel le risque d'en faire des caisses est élevé. A part la fin de la scène du délirium tremens, son boulot est plutôt correct tout de même, voire bon.
Bourvil est déjà mourant quand il accepte ce rôle. Il finit sa carrière avec son prénom André au générique car le personnage n'a rien à voir avec le reste de sa filmographie, il est dur, froid, grimaçant de douleur et de tristesse. Sa véritable souffrance sert son rôle : la fatigue se lit aisément sur son visage et dans sa démarche.
Ce qui est étonnant, c'est que les personnages secondaires, de François Périer à Pierre Collet, sont au diapason, dans l'économie.

Le film demeure linéaire, comme le destin de ces hommes qui vont tous dans le cercle rouge, quoiqu'ils fassent, prédestinés, comme nous le promet le carton pré-générique citant Krishna. La destinée toute tracée. Rouge ou noire?

Magnifique film. Immanquable.
jacques 2
Régisseur
Messages : 3172
Inscription : 17 mai 10, 17:25
Localisation : Liège (en Wallonie)

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par jacques 2 »

Et le blu ray arrive min septembre : ce qui devrait encore transcender l'esthétique très recherchée de ce film qui est une sorte d'épure ... :)
Avatar de l’utilisateur
tenia
Le Choix de Sophisme
Messages : 30667
Inscription : 1 juin 08, 14:29
Contact :

Re: Le cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par tenia »

De plus en plus, je préfère Le cercle rouge au Samourai, qui était jusqu'à présent mon Melville préféré.

Et puis, tout au-dessus, là-haut dans les sommets, y a L'armée des ombres qui, malgré toutes ses facilités, toutes ses routines de film de résistants fascine au plus haut point, brassant comme Le cercle rouge les figures habituelles de Melville : solitude, honneur (sur le moment, mais aussi honneur passé à retrouver, honneur de pouvoir être quelqu'un de confiance, alors qu'en soi, les 3 malfrats pourraient très bien se doubler les uns les autres), fatalité (en somme, tout le monde est condamné dès le panneau introductif). J'en avais fait un joli exposé l'année dernière en anglais, ce sont 3 films qui partagent énormément et qui sont, je trouve, très intéressants à voir en tant que triptyque.

Mais dans Le cercle rouge, c'est surtout des acteurs époustouflants. La maitrise technique est ce qu'elle est (attention cela étant, j'ai vu de grosses différences d'étalonnage suivant le DVD, c'est à n'en plus retrouver ces petits, avec notamment un BFI surexposé et un Criterion trop chaud), c'est, je trouve, globalement une habitude chez Melville (à part peut-être dans Les enfants terribles, mais c'est une autre histoire), mais les acteurs, mon dieu, les acteurs.

Delon, c'est Delon dans sa grande époque, je n'avais rien de spécial à attendre de lui, et Volonté reste un peu trop en retrait à mon gout par rapport aux autres mais Bourvil ! Montand !
jacques 2
Régisseur
Messages : 3172
Inscription : 17 mai 10, 17:25
Localisation : Liège (en Wallonie)

Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par jacques 2 »

Reçu et visionné le blu ray Studio Canal ...

Très beau master : bien contrasté, sans taches, colorimétrie froide évidemment ...
Une réussite à mon avis ...

En bonus, notamment un beau doc de 76 minutes ""sous le nom de Melville"
On y évoque notamment son rôle assez mystérieux par rapport à la résistance durant la 2e guerre mondiale : Melville n'en parlait pas du tout tout mais laissait aussi à entendre ...
Labro lui conserve beaucoup de tendresse ...

José Giovanni, lui, dans une interview qui figure parmi ces bonus, n'hésite pas à le décrire comme un mythomane de la plus belle eau tout en reconnaissant son talent : mais il lui décerne un zéro pointé sur le plan humain en évoquant beaucoup ses rapports difficiles, désormais bien connus, avec Ventura ...

Difficile après tout cela de se faire une véritable idée de l'homme : comme chez chacun finalement, on y trouvait probablement le pire et le meilleur suivant les moments.
Il était en tout cas misanthrope (forme extrême de lucidité ?) mais entièrement dévoué à son art à tel point que l'échec de "un flic" a probablement précipité sa fin ...

:wink:
Dernière modification par jacques 2 le 17 sept. 10, 14:04, modifié 1 fois.
Federico
Producteur
Messages : 9462
Inscription : 9 mai 09, 12:14
Localisation : Comme Mary Henry : au fond du lac

Re: Le Cercle rouge (Jean-Pierre Melville - 1970)

Message par Federico »

jacques 2 a écrit : En bonus, notamment un beau doc de 76 minutes ""sous le nom de Melville"
On y évoque notamment son rôle assez mystérieux par rapport à la résistance durant la 2e guerre mondiale : Melville n'en parlait pas du tout tout mais laissait aussi à entendre ...
Labro lui conserve beaucoup de tendresse ...

José Giovanni, lui, dans une interview qui figure parmi ces bonus, n'hésite pas à le décrire comme un mythomane de la plus belle eau tout en reconnaissant son talent : mais il lui décerne un zéro pointé sur le plan humain en évoquant beaucoup ses rapports difficiles, désormais bien connus, avec Ventura ...

Difficile après tout cela de se faire une véritable idée de l'homme : comme chez chacun finalement, on y trouvait probablement le pire et le meilleur suivant les moments.
Il était en tout cas misanthrope (forme extrême de lucidité ?) mais entièrement dévoué à son art à tel point que l'échec de "un flic" a probablement précipité sa fin ...

:wink:
Misanthrope et mythomane, certainement. L'important, après tout, c'est l'oeuvre qu'il aura laissé. C'est d'ailleurs fou le nombre de grands cinéastes qui avaient ces défauts à divers degrés (les deux von, Stroheim et Sternberg, Lang, Godard...). A croire que les univers imagés déteignent sur leurs créateurs, à moins qu'il ne faille inverser cause et effet.
L'incendie (jamais vraiment élucidé) de ses studios de la rue Jenner en 1967 a porté un sacré coup à Melville même si il continua de tourner ensuite.
Quant à Ventura, je crois qu'il n'y a pas qu'avec Melville que ça a frité, le grand Lino avait le caractère disons... rugueux (il s'en est fallu d'un cheveu pour qu'il ne devienne jamais acteur et sans l'accueil fraternel de Gabin, il reconnaissait lui-même qu'il serait passé à autre chose).
Labro, il est bien gentil mais je crois qu'il s'est toujours fantasmé le successeur de Melville (comme si une passion commune pour les USA suffisait). Le problème, c'est que cinématographiquement, y a pas photo. Même Jacques Deray (beaucoup plus modeste) lui fut supérieur (cf son magnifique Un homme est mort).
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
Joseph L. Mankiewicz
Répondre