Le Cinéma britannique
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Re: Le Cinéma britannique
The Amazing Mr. Blunden de Lionel Jeffries (1972)
L'histoire commence en 1918, quand M. Blunden rend visite à Madame Allen, récemment devenue veuve et vivant dans des circonstances de pauvreté avec ses trois enfants, Lucy, Jamie et le bébé Benjamin. M. Blunden propose à Mme Allen un emploi de gardienne dans une maison qui appartenait auparavant à M. Latiner, elle accepte l'emploi, malgré les rumeurs de fantômes dans la maison. Puis Lucy et Jamie rencontre des fantômes.
Le populaire comédien Lionel Jeffries avait effectué un tonitruant passage à la réalisation en 1970 en signant le film culte The Railway Children. En adaptant le classique de la littérature anglaise de Edith Nesbit, Jeffries en avait signé un des plus beaux films pour enfant qui soit, formellement inventif, bienveillant mais sans niaiserie, lumineux mais jamais mièvre. Ce créneau du film pour enfants allait être le sien le temps le temps de ses quatre autres réalisations dans les seventies (Baxter (1973), Wombling Free (1977), The Water Babies (1978)) et avec The Amazing Mr. Blunden, il atteint un nouveau sommet. Le film est de nouveau l’adaptation d’un classique cette fois plus contemporain (publié en 1969 contre 1906 avec The Railway Children) de la littérature enfantine avec The Ghosts de Antonia Barber.
Lionel Jeffries se trouve à la fois dans la totale continuité thématique de son film précédent, mais dans une approche différente. Même le point de départ entretient le mimétisme avec The Railway Children avec cette famille amputée du père (cette fois décédé) et vivant dans le dénuement qui va être contrainte de s’exiler à la campagne. Ce départ est un bien fait pour les Allen ayant du mal à joindre les deux bouts, mais l’opportunité arrive de façon étrange avec ce curieux M. Blunden (Laurence Naismith) proposant à la mère (Dorothy Alison) un poste de gardiennage pour une maison de campagne abandonnée. Ce faisant il demande aux deux enfants Lucy (Lynne Frederick) et le cadet Jamie (Garry Miller) s’ils seraient effrayés de croiser des fantômes dans leur future demeure, et rassuré du contraire il s’éclipse à son tour de manière presque spectrale. D’autres allusions durant l’introduction laissent supposer également un élément surnaturel jusqu’à ce que une fois installée, la fratrie rencontre effectivement des fantômes. Dès cette première apparition se manifeste la grande qualité qui va parcourir tout le film. Les fantômes surgissent en plein jour, silhouettes translucides et incertaines avançant vers nos héros de manière réellement inquiétante. Lionel Jeffries réalise certes un film pour enfant, mais assume totalement l’imagerie du film gothique.
Il fait cohabiter cette tonalité avec un message bienveillant qui renoue avec celui de The Railway Children. Les fantômes sont en effet deux enfants, Sara (Rosalyn Landor) et Georgie (Marc Granger) ayant vécu dans la maison cent ans plus tôt, en 1818. Ayant trouvé dans la bibliothèque abandonné les composants d’un sortilège permettant de voyager brièvement dans le temps, Sara et Georgie viennent solliciter l’aide de Lucy et Jamie afin qu’il les sauve de leur sort funeste annoncé. Leur mort permettant à l’affreuse belle-mère (Diana Dors méconnaissable) de toucher un juteux héritage, ils sont amenés à périr dans d’affreuse circonstances. Leurs précédentes tentatives ont échoué car les adultes ayant perdu l’innocence permettant de distinguer le surnaturel ne les voient pas, et les enfants qui les distinguent s’enfuient apeurés. Lucy et Jamie averti par le mystérieux M. Blunden n’ont pas cette réaction, les écoutent et décident de les aider en voyageant dans le passé après avoir concocté la fameuse mixture à leur tour.
Lionel Jeffries ravive l’idée d’un monde de l’enfance fait d’entraide et encore une fois de bienveillance, face à des adultes malveillants, inconséquents ou insensible. Dans ce sens le vrai rôle de M. Blunden dans l’histoire, la tragédie et la culpabilité qui guident ses actions amènent un degré de lecture supplémentaire au film, bien aidé par l’interprétation très touchant de Laurence Naismith. Le réalisateur trouve l’équilibre idéal dans sa mise en scène et direction d’acteur pour jouer sur plusieurs tonalités. Le jeu des méchants donne dans une outrance donnant dans le Disney live, mais avec cette petite dose de monstruosité et cruauté propre à impressionner le jeune public et révolter les plus âgés pour une empathie parfaite. Le filmage à hauteur d’enfant rend d’autant plus éprouvantes les maltraitances subies par Sara et Georgie, sous la candeur de l’ensemble plane toujours l’ombre de la mort (Sara et Georgie tombant sur la tombe de leurs amis dans le présent) et Jeffries utilise toute la gamme formelle à sa disposition pour poser une ambiance gothique glaçante. La photo de Gerry Fisher baigne l’ensemble d’une aura macabre, la maison est un vrai personnage secondaire dont les pièces sont des pièges ou des solutions, et Elmer Bernstein signe un score superbe ou la peur se conjugue à l’emphase mélodramatique.
Ainsi mis en condition, on vibre réellement lors du grand climax sur fond d’incendie dévastateur, d’autant que l’on en a vu des bribes en flashbacks du drame initial aux conséquences tragiques. Jeffries parvient à allier spectaculaire, ambiguïté du « déjà-vu » et rédemption à travers un suspense rondement mené. En traçant sa voie entre fantastique, épouvante et point de vue enfantin sans jamais en exacerber aucun, il parvient à signer une œuvre marquante propre à effrayer et stimuler les bons penchants de son jeune public. Le bien appelle donc le bien lors de la conclusion naïve où les bonnes actions «passées » de nos héros vont avoir d’heureuses répercussions sur leur présent par le jeu ludique des paradoxes temporels que l’on accepte bien volontiers. Une belle réussite, équivalente si ce n’est supérieure au plus acclamé The Railway Children. Le roman d’Antonia Barber a connu une seconde adaptation plus récente pour la télévision en 2021. 5/6
L'histoire commence en 1918, quand M. Blunden rend visite à Madame Allen, récemment devenue veuve et vivant dans des circonstances de pauvreté avec ses trois enfants, Lucy, Jamie et le bébé Benjamin. M. Blunden propose à Mme Allen un emploi de gardienne dans une maison qui appartenait auparavant à M. Latiner, elle accepte l'emploi, malgré les rumeurs de fantômes dans la maison. Puis Lucy et Jamie rencontre des fantômes.
Le populaire comédien Lionel Jeffries avait effectué un tonitruant passage à la réalisation en 1970 en signant le film culte The Railway Children. En adaptant le classique de la littérature anglaise de Edith Nesbit, Jeffries en avait signé un des plus beaux films pour enfant qui soit, formellement inventif, bienveillant mais sans niaiserie, lumineux mais jamais mièvre. Ce créneau du film pour enfants allait être le sien le temps le temps de ses quatre autres réalisations dans les seventies (Baxter (1973), Wombling Free (1977), The Water Babies (1978)) et avec The Amazing Mr. Blunden, il atteint un nouveau sommet. Le film est de nouveau l’adaptation d’un classique cette fois plus contemporain (publié en 1969 contre 1906 avec The Railway Children) de la littérature enfantine avec The Ghosts de Antonia Barber.
Lionel Jeffries se trouve à la fois dans la totale continuité thématique de son film précédent, mais dans une approche différente. Même le point de départ entretient le mimétisme avec The Railway Children avec cette famille amputée du père (cette fois décédé) et vivant dans le dénuement qui va être contrainte de s’exiler à la campagne. Ce départ est un bien fait pour les Allen ayant du mal à joindre les deux bouts, mais l’opportunité arrive de façon étrange avec ce curieux M. Blunden (Laurence Naismith) proposant à la mère (Dorothy Alison) un poste de gardiennage pour une maison de campagne abandonnée. Ce faisant il demande aux deux enfants Lucy (Lynne Frederick) et le cadet Jamie (Garry Miller) s’ils seraient effrayés de croiser des fantômes dans leur future demeure, et rassuré du contraire il s’éclipse à son tour de manière presque spectrale. D’autres allusions durant l’introduction laissent supposer également un élément surnaturel jusqu’à ce que une fois installée, la fratrie rencontre effectivement des fantômes. Dès cette première apparition se manifeste la grande qualité qui va parcourir tout le film. Les fantômes surgissent en plein jour, silhouettes translucides et incertaines avançant vers nos héros de manière réellement inquiétante. Lionel Jeffries réalise certes un film pour enfant, mais assume totalement l’imagerie du film gothique.
Il fait cohabiter cette tonalité avec un message bienveillant qui renoue avec celui de The Railway Children. Les fantômes sont en effet deux enfants, Sara (Rosalyn Landor) et Georgie (Marc Granger) ayant vécu dans la maison cent ans plus tôt, en 1818. Ayant trouvé dans la bibliothèque abandonné les composants d’un sortilège permettant de voyager brièvement dans le temps, Sara et Georgie viennent solliciter l’aide de Lucy et Jamie afin qu’il les sauve de leur sort funeste annoncé. Leur mort permettant à l’affreuse belle-mère (Diana Dors méconnaissable) de toucher un juteux héritage, ils sont amenés à périr dans d’affreuse circonstances. Leurs précédentes tentatives ont échoué car les adultes ayant perdu l’innocence permettant de distinguer le surnaturel ne les voient pas, et les enfants qui les distinguent s’enfuient apeurés. Lucy et Jamie averti par le mystérieux M. Blunden n’ont pas cette réaction, les écoutent et décident de les aider en voyageant dans le passé après avoir concocté la fameuse mixture à leur tour.
Lionel Jeffries ravive l’idée d’un monde de l’enfance fait d’entraide et encore une fois de bienveillance, face à des adultes malveillants, inconséquents ou insensible. Dans ce sens le vrai rôle de M. Blunden dans l’histoire, la tragédie et la culpabilité qui guident ses actions amènent un degré de lecture supplémentaire au film, bien aidé par l’interprétation très touchant de Laurence Naismith. Le réalisateur trouve l’équilibre idéal dans sa mise en scène et direction d’acteur pour jouer sur plusieurs tonalités. Le jeu des méchants donne dans une outrance donnant dans le Disney live, mais avec cette petite dose de monstruosité et cruauté propre à impressionner le jeune public et révolter les plus âgés pour une empathie parfaite. Le filmage à hauteur d’enfant rend d’autant plus éprouvantes les maltraitances subies par Sara et Georgie, sous la candeur de l’ensemble plane toujours l’ombre de la mort (Sara et Georgie tombant sur la tombe de leurs amis dans le présent) et Jeffries utilise toute la gamme formelle à sa disposition pour poser une ambiance gothique glaçante. La photo de Gerry Fisher baigne l’ensemble d’une aura macabre, la maison est un vrai personnage secondaire dont les pièces sont des pièges ou des solutions, et Elmer Bernstein signe un score superbe ou la peur se conjugue à l’emphase mélodramatique.
Ainsi mis en condition, on vibre réellement lors du grand climax sur fond d’incendie dévastateur, d’autant que l’on en a vu des bribes en flashbacks du drame initial aux conséquences tragiques. Jeffries parvient à allier spectaculaire, ambiguïté du « déjà-vu » et rédemption à travers un suspense rondement mené. En traçant sa voie entre fantastique, épouvante et point de vue enfantin sans jamais en exacerber aucun, il parvient à signer une œuvre marquante propre à effrayer et stimuler les bons penchants de son jeune public. Le bien appelle donc le bien lors de la conclusion naïve où les bonnes actions «passées » de nos héros vont avoir d’heureuses répercussions sur leur présent par le jeu ludique des paradoxes temporels que l’on accepte bien volontiers. Une belle réussite, équivalente si ce n’est supérieure au plus acclamé The Railway Children. Le roman d’Antonia Barber a connu une seconde adaptation plus récente pour la télévision en 2021. 5/6
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Re: Le Cinéma britannique
Profondo Rosso a écrit : ↑16 sept. 22, 02:01Leur mort permettant à l’affreuse belle-mère (Diana Dors méconnaissable)
Effectivement.
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Re: Le Cinéma britannique
J'ai été bien choqué quand j'ai vu le générique arriver et son nom sur ce personnageSupfiction a écrit : ↑16 sept. 22, 11:20Profondo Rosso a écrit : ↑16 sept. 22, 02:01Leur mort permettant à l’affreuse belle-mère (Diana Dors méconnaissable)
Effectivement.
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Re: Le Cinéma britannique
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Re: Le Cinéma britannique
Justin nous propose ce vendredi La Fille aux yeux verts de Desmond Davis.
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Re: Le Cinéma britannique
Le film anglais du vendredi proposé par Justin : Winslow contre le roi de Anthony Asquith
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Re: Le Cinéma britannique
Justin nous propose son dernier film anglais de l'année avec Hurler de peur de Seth Holt
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Re: Le Cinéma britannique
Plaisante découverte de ce Murder by Proxy (Blackout aux USA) réalisé par Terence Fisher en 1954.
Filmographie inégale mais assez passionnante des premières réalisations de Terence Fisher, avant qu'il ne revisite avec talent les grands mythes du cinéma fantastique pour la Hammer à partir de la fin des années 50.
De mémoire, To the public danger, moyen métrage enlevé, était une enquête assez originale préfigurant de loin certains épisodes de séries britanniques classieuses telles que Chapeau melon et bottes de cuir.
So long at the fair était un exercice brillant sur la capacité du cinéma à mystifier le spectateur.
Wings of danger et Blood orange, des petits policiers inutilement alambiqués, sans doute pour cacher une relative sécheresse d'inspiration.
Murder by Proxy est plutôt à ranger du côté des polars britanniques racés de Basil Dearden, avec, comme dans So long at the fair, une histoire de mystification, plutôt prévisible celle là.
Il y a comme souvent dans les polars anglais de cette époque, de beaux plans d'extérieurs urbains. Dane Clark promène son flegme embué avec application, s'improvisant détective après une nuit de beuverie en compagnon de la délicieuse Belinda Lee.
Rien de révolutionnaire mais diablement divertissant.
Prochaine pioche : Mantrap...
Filmographie inégale mais assez passionnante des premières réalisations de Terence Fisher, avant qu'il ne revisite avec talent les grands mythes du cinéma fantastique pour la Hammer à partir de la fin des années 50.
De mémoire, To the public danger, moyen métrage enlevé, était une enquête assez originale préfigurant de loin certains épisodes de séries britanniques classieuses telles que Chapeau melon et bottes de cuir.
So long at the fair était un exercice brillant sur la capacité du cinéma à mystifier le spectateur.
Wings of danger et Blood orange, des petits policiers inutilement alambiqués, sans doute pour cacher une relative sécheresse d'inspiration.
Murder by Proxy est plutôt à ranger du côté des polars britanniques racés de Basil Dearden, avec, comme dans So long at the fair, une histoire de mystification, plutôt prévisible celle là.
Il y a comme souvent dans les polars anglais de cette époque, de beaux plans d'extérieurs urbains. Dane Clark promène son flegme embué avec application, s'improvisant détective après une nuit de beuverie en compagnon de la délicieuse Belinda Lee.
Rien de révolutionnaire mais diablement divertissant.
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- Jeremy Fox
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Re: Le Cinéma britannique
Notre film anglais du vendredi (après déjà un Powell hier), La Vallée perdue de James Clavell chroniqué par Justin
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Re: Le Cinéma britannique
Dispo en BR en Espagne.
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Re: Le Cinéma britannique
Le film anglais proposé par Justin ce vendredi : Georgy Girl de Silvio Narizzano
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Re: Le Cinéma britannique
Le film anglais du vendredi par Justin Kwedi : Le Septième voile de Compton Bennett
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Re: Le Cinéma britannique
Le film anglais du vendredi proposé par Justin, un polar de Michael Tuchner, Salaud.