Le Cinéma britannique

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Première entame du joli coffret Margaret Lockwood (j'étais persuadé avoir aperçu un topic sur elle ici mais pas retrouvé)

Highly Dangerous de Roy Ward Baker (1950)

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Un film d'espionnage aussi fantaisiste qu'efficace que ce Highly Dangerous . Margaret Lockwood est ici une entomologiste que les services secrets britanniques envoient dans un pays de l'est pour étudier les insectes d'un laboratoire local soupçonnés d'être modifié génétiquement pour une attaque biologique. A partir de ce pitch nous sommes partis pour 85 minutes trépidantes, inventives et bourrées de rebondissements inventifs. Au départ avec cette scientifique sérieuse on a le sentiment que Margaret Lockwood délaisse les rôles piquant qui ont fait sa renommée mais quelques indices laissent poindre que ce ne sera pas tout à fait le cas. Elle refuse la mission qui lui est proposée dans un premier temps mais le script révèle les lubies de cette femme rangée lorsqu'on nous la montre surexcitée au volant par un serial radio d'espionnage qu'elle écoute pour le narrer à son neveu avec moult détails.

On ne s'embarrasse pas trop de réalisme (pas de formation au terrain, un rapide briefing et elle est dans l'avion) et on se trouve déjà dans cette république totalitaire hostile. Roy Ward Baker instaure d'emblée une atmosphère oppressante notamment lors de l'arrivée de Margaret Lockwood (dont le jeu anxieux fait merveille) à la gare où la photo de Reginald H. Wyer joue superbement sur les ombres pour y rendre la moindre silhouette menaçante. Autre atout de taille, Marius Goring grimé et bien vieilli qui campe un mémorable méchant avec ce chef de police à la bonhomie de façade et assez redoutable et perspicace. Le début voit le piège se refermer sur Margaret Lockwood dont le contact est rapidement tué et qui se retrouve aux mains de la police locale. On aura droit à une éprouvante scène d'interrogatoire (ou le montage percutant d'Alfred Roome fait merveille pour traduire la confusion de l'héroïne) avant qu'un étonnant rebondissement nous emmène dans une direction inattendue. Soumise à un sérum de vérité, Margaret Lockwood pour ne rien révéler se réfugie dans son inconscient et fusionne sa personnalité avec celle du héros radio qu'elle écoutait au début (ce qui est annoncé subtilement précédemment lorsqu'elle choisit Frances "Conway" comme couverture soit le même nom que le personnage radio). Stupéfaction alors notre frêle et fragile héroïne se métamorphose pendant près d'une demi-heure en quasi barbouze totalement casse-cou laissant son seul allié le journaliste Bill Casey (Dane Clarke) complètement dépassé.

Totalement fantaisiste sur le papier, l'argument fonctionne parfaitement à l'image grâce à l'efficacité et au rythme soutenu qu'instaure Baker ne nous laissant pas réfléchir à l'improbabilité de la chose. Margaret Lockwood est excellente pour exprimer ce basculement passant de la fébrilité apeurée à la détermination sans faille et comiquement on a parfois l'impression que c'est Dane Clarke qui remplit le cliché de figure "féminine" peinant à suivre le héros énergique (même si les choses rentrent un peu plus dans l'ordre sur la toute fin). Le suspense est redoutable et les péripéties variées notamment une traque finale en forêt des plus palpitante et une fuite finale des plus fine. On sentait déjà le savoir-faire de Roy Ward Baker dont c'est un des premiers films et qui serait un touche à tous des plus doué du cinéma britannique notamment au sein de la Hammer. Excellent et très enlevé divertissement en tout cas. 4,5/6
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Profondo Rosso
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The Voice of Merrill de John Gilling (1952)

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The Voice of Merrill se signale comme une des premières réussites de John Gilling qui reste surtout connu pour ses divers scripts et réalisation au sein de la Hammer ainsi que son travail à la télévision britannique où il dirigea de nombreux épisodes du Saint ou des Champions. En début de carrière il officie surtout sur des productions à petit budget, ce qui est le cas sur The Voice of Merrill (dont il signe également le scénario) produit par Monty Berman et Robert S. Baker, célèbre duo de producteur spécialisés dans la série B. Le film s'offre néanmoins ici le luxe de la présence de la belle Valerie Hobson dans un de ses derniers rôles avant son mariage avec l'homme politique John Profumo.

Le script en forme de whodunit est particulièrement malin. Une jeune femme est brutalement assassinée d'un coup de feu à son domicile (remarquable scène d'ouverture) et pour la police se dégage immédiatement trois suspect. Hugh Allen (Edward Underdown) jeune écrivain sans le sous, Ronald Parker (Henry Kendall) célèbre éditeur et Jonathan Roach (James Robertson Justice) un célèbre dramaturge. Chacun des trois se trouve avoir des raisons d'être le coupable d'autant qu'on découvrira au fil de l'intrigue que la victime menait une fructueuse carrière de maître chanteuse. Plus que par l'enquête policière, c'est par les liens entre les différents protagonistes que va se résoudre le mystère. L'écrivain tombe ainsi amoureux d'Alycia (Valerie Hobson) l'épouse du dramaturge et cette dernière sollicite son mari pour mettre le pied à l'étrier de son amant. Le dramaturge lui écrit donc un drame radiophonique The Voice of Merrill qui va remporter un grand succès dans le pays mais problème l'intrigue du feuilleton semble donner peu à peu des indices sur le meurtre et attirent les soupçons de la police.

Le pitch est des plus retors donc mais son exécution un peu moins. Hormis l'ouverture, la tension ne se fait guère ressentir et une intrigue se déroulant dans le milieu littéraire ne se prête finalement guère à des moments de suspense l'ensemble étant très bavard. Gilling se rattrape par la formidable caractérisation des personnages et plus particulièrement son triangle amoureux. James Robertson Justice est étonnant mélange de fragilité et de roublardise au mari trompé, tout en ambiguïté. Le couple Edward Underdown/Valerie Hobson offre les meilleurs moments, entre scène de séduction enlevées (la rencontre dans le restaurant) et grande envolées mélodramatiques. Valerie Hobson est absolument remarquable, entre l'élégance contenue et la violente passion qui culmine lors d'une séquence finale intense. Si la facette thriller ne convainc pas complètement, le mélo est lui plutôt prenant et l'ensemble file assez vite avec son intrigue resserrée de 80 minutes. 3/6
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Combat éternel (The Lamp Still Burns) de Maurice Elvey (1943)

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La Grande-Bretagne, pendant la Seconde Guerre Mondiale. Hilary Clarke est infirmière dévouée qui croit en sa mission médicale en ces temps difficiles. Totalement investie dans son activité, elle est déstabilisée par l'arrivée d'un nouveau patient, un riche et séduisant industriel. Peu à peu, elle se sent tomber amoureuse...

Un joli film en forme d'ode au difficile et estimable métier d'infirmière. Le film est adapté du roman One Pair Of Feet de Monica Dickens paru l'année précédente et qui est en grande partie autobiographique. Monica Dickens, arrière-petite-fille du grand Charles Dickens se détourna dès son plus jeune âge du milieu aisée dont elle était issue et après avoir été exclue d'écoles prestigieuses comme la St Paul's Girls' School, elle obtenu de sa famille d'être émancipée avant sa majorité. Dès lors et parallèlement à sa future carrière d'écrivain elle passerait sa vie à se dévouer aux autres que ce soit en exerçant des métiers difficiles comme cuisinière, servante, infirmière ou plus tard en travaillant au sein d'associations humanitaires œuvrant contre la maltraitance des enfants entre autres. Chacune de ces expériences nourrira sa carrière d'écrivain, son premier livre One pair of Hands s'inspirant de sa période de servante, plus tard My Turn To Make The Tea de son travail dans une usine d'aviation durant la guerre et donc One Pair Of Feet de l'époque où elle fut infirmière.

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Pour Monica Dickens vouer sa vie au bien-être d'autrui est comme entrer en religion et Maurice Elvey capture parfaitement cela dans son adaptation et la personnalité volontariste de l'héroïne incarnée par Rosamund John. Hilary Clarke (Rosamund John) est une jeune architecte bien installée ayant hérité du cabinet de son père et qui par ses aptitudes est parvenue à s'imposer dans ce monde d'homme. Pourtant le jour où son commis est victime d'un accident et qu'elle doit l'accompagner à l'hôpital, la vérité la frappe comme une évidence. La scène est filmée comme une sorte d'épiphanie visuelle où se mélangent les mines bienveillante et rassurante des infirmières, l'urgence et le mouvement permanent des lieux et surtout les cohortes de malades en attente et dans le besoin. Hilary l'a compris, sa vraie vocation est là et pas dans une carrière certes prestigieuse mais qu'elle n'a pas choisie et va ainsi embrasser une formation d'infirmière, en véritable double de Monica Dickens.

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Dès lors on suit avec une rigueur documentaire le difficile quotidien des infirmières à travers l'apprentissage d'Hilary. Personnels limités, gardes étirées et harassantes, exiguïté du modeste hôpital et surtout une discipline de fer à laquelle elle a bien du mal à se plier constituent les multiples embûches auxquelles Hilary doit se plier. La plus difficile épreuve sera pourtant celle soumise à son cœur lorsqu'elle sera amenée à soigner Rains (Stewart Granger) client de son ancienne carrière d'architecte. Amoureuse, sa bienveillance envers lui va plus loin que sa simple fonction et lui animé des même sentiments n'aura de cesse de l'enlever de ce cadre. Rosamund John déterminée et fragile à la fois offre une belle prestation tout en retenue (et retrouvera ce même métier d'infirmièreen plus ambigu dans le thriller Green for Danger de Sidney Gilliat).

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Le film se montre d'ailleurs étonnamment critique avec le milieu hospitalier : si les infirmières sont des êtres sacrificiels ne vivant que pour leur métier, les gestionnaires eux ne se préoccupent guère de leur sort comme le montre une cynique séquence où ils tentent de répartir au mieux une généreuse donation qu'a reçue l'établissement. La grande question du film est de savoir si on peut mener une vie de femme tout en exerçant ce métier. La réponse est entre les deux et rendue insoluble par les conditions dans lesquelles travaillent ces femmes. Le sacrifice est terrible et certaines ne l'accepteront pas sans qu'il le leur soit reproché et pour les autres (à l'image de la Matron vétérante jouée par Cathleen Nesbitt) restera l'immense satisfaction du devoir accompli et de l'aide apportée à ceux qui en eurent besoin. Pour Hilary la réponse est évidente et s'affirme dans une sobre et touchante conclusion. 4,5/6
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Re: Le cinéma britannique

Message par Music Man »

Merci Profondo Rosso pour ces évocations de films anglais des années 40-60, qui ont le mérite de sortir des sentiers battus. Vraiment très intéressant :D
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Profondo Rosso
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Re: Le cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

Merci, ça fait plaisir de découvrir ces pépites méconnues oui surtout quand c'est des réussites comme celui-là. C'est dispo dans le copieux coffret Stewart Granger édité par ITV et vosta :wink: D'ailleurs en ayant vu Green For Danger de Sidney Gilliat tourné après c'est à ce demander si ce n'était pas volontaire de lui faire jouer à nouveau à Rosamund John une infirmière un peu plus louche en jouant sur l'image bienveillante de The Lamp Still Burns.
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Message par riqueuniee »

J'aime bien le titre original, the lamp still burns. Il renvoie directement à l'image de Florence Nightingale (qu'on considère comme ayant créé le métier d'infirmière), qui fut surnommée the lady with the lamp (un film -de 1951- portant ce titre lui est d'ailleurs consacré). Le film (pas vu, mais il semble plus qu'intéressant) se positionne vraiment comme un hommage au métier d'infirmière (même si la vision de ce métier, vu presque comme une vocation religieuse, date un peu).
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Message par Profondo Rosso »

Merci pour l'explication du titre qui est assez nébuleux si on ne situe pas l'origine du terme et ce qui y est associé. Après pour le côté religieux il y a en partie de ça mais aussi une certaine critique des conditions de travail des infirmières (ce qui est étonnant vu que le film a été produit en collaboration avec le ministère de la santé anglais) qui les oblige à cette forme de sacrifice ça joue de ces deux facettes.
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Re: Le cinéma britannique

Message par riqueuniee »

Quand je dis religieux, ce n'est pas à prendre au sens premier. Juste dans la façon d'envisager le métier, conçu comme un sacerdoce, et auquel on sacrifie tout.
Pour l'origine du titre, ça vient de lectures, gamine ou ado, sur les femmes célèbres , et sans doute aussi de choses lues en cours d'anglais, ou lors de séjours en Grande-Bretagne. Je pense que le personnage (et son surnom) est nettement plus connu (voire a encore une grande popularité) chez les Britanniques.
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Re: Le cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

riqueuniee a écrit :Quand je dis religieux, ce n'est pas à prendre au sens premier. Juste dans la façon d'envisager le métier, conçu comme un sacerdoce, et auquel on sacrifie tout.
Oui voilà c'est exactement la vision du film, avec le noir et blanc l'uniforme d'infirmière évoque même des tenues de nonnes pour renforcer un peu l'analogie.
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Thunder Rock de Roy Boulting (1942)

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Un gardien de phare intrigue l'administration car il ne prend pas de vacances et n'encaisse jamais ses salaires. En fait, dans une autre vie, il fut un journaliste antifasciste mais désabusé et dégoûté par les réactions de ses compatriotes et amis européens devant la montée du nazisme dans les années 40, accepte un poste de gardien de phare à Thunder Rock. Un naufrage advint un siècle auparavant dans les parages et dont une inscription commémore les victimes, des émigrants européens, à l'intérieur du phare...

Des frères Roy et John Boulting, on retient plus aisément aujourd'hui les comédies satiriques des années 50 comme Private's Progress, sa suite I'm alright Jack ou encore Carton Brown of the F.O. où ils mettaient joyeusement en boite les travers de la société anglaise désormais considéré comme des classiques. Les Boulting débutèrent pourtant dans un registre nettement plus sérieux où dans le mélodrame témoignèrent déjà de leur grand talent et de leurs préoccupations sociales. Ce formidable et déroutant Thunder Rock en offre une preuve des plus éclatantes.

La scène d'ouverture est d'ailleurs typique de leur humour caustique. Dans un bureau administratif social quelconque, des responsables aux échelons divers se refilent la bonne affaire en quête de galons : un gardien de phare n'a pas donné signe de vie, encaissé ses salaires ni pris de vacances depuis de nombreux mois. Un agent est dépêché sur place et le mystère s'épaissit sur le gardien par son mode de vie singulier. David Charleston (Michael Redgrave) semble en effet renforcer l'isolement naturel de sa fonction par l'absence totale du moindre élément lié à l'extérieur dans son environnement austère : pas de journal, de livre ou de radio. Un échange vif entre Charleston et son ami et pilote Streeter (James Mason) nous éclairent sur son état d'esprit puisque notre héros a sciemment choisit de s'isoler et de fuir les affaires de ce monde où la guerre est pourtant imminente. A la place, il s'est réfugié dans le souvenir du drame survenu alentour un siècle plus tôt lorsque le navire d'immigrants anglais fit naufrage à l'approche du Nouveau Monde.

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Le film est un exemple de plus des prodiges que pouvaient tirer les anglais d'un film de propagande, puisque c'est clairement ce dont il s'agit ici. Le film adapte une pièce de Robert Ardrey qui fut un grand succès public en Angleterre au contraire des Etats-Unis où elle fut jouée en premier et passa inaperçue. La pièce était une diatribe anti isolationniste incitant le pays à s'engager alors que les tensions montent en Europe avec la montée du nazisme allemand et du fascisme italien mais les USA pré Pearl Harbor n'étaient sans doute pas encore prêts à entendre le message. Dans cette volonté de propagande, les changements effectués par les Boulting ajoutent donc des flashbacks sur le passé de Charleston où nous découvrons qu'il fut journaliste politique et couvrit la montée de tous ses extrêmes mais se confronta à l'indifférence, l'incompréhension et l'inconscience de ses concitoyens face au danger imminent. Le message est clair entre les images d'archives de discours d'Hitler, les séquences où Charleston est malmené par des policiers fascistes italiens hostiles aux anglais et un échange absurde où les français vantent leur précieuse ligne Maginot. Les Boulting réservent cependant leur fiel pour leurs compatriotes notamment lorsque Charleston verra ses articles alarmistes altérés par ses éditeurs et surtout cette scène saisissante où dans un cinéma les actualités montrent l'invasion de la Pologne par les nazis face à un public indifférent et plus réactif à l'épisode de Popeye qui suit.

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Charleston abandonne donc la lutte, laisse le monde courir à sa perte et part s'isoler en tant que gardien de phare. C'est là qu'intervient l'aspect le plus captivant du film qui ouvre clairement la voie au grand mélodrame fantastique et gothique façon L'Aventure de Madame Muir ou Le Portrait de Jennie. Dans ces films, l'intervention du surnaturel était constamment questionnée par l'équilibre psychologique des héros qui y trouvaient une béquille réelle ou imaginaire de surmonter leur fêlures. Ici cela se manifestera par les apparitions des victimes du naufrage de 1839, vrais fantômes ou pur produit de l'imagination de Charleston. Chacune de ses figures fut à son tour amenées à défendre un idéal et y faillit cruellement. L'ouvrier Ted Briggs (Frederick Cooper) allait aux Etats-Unis pour trouver de l'or et subvenir à sa famille nombreuse, la féministe Ellen Kirby (Barbara Mullen) renonçait à ses convictions pour devenir l'une des épouses d'un mormon et le médecin Stefan Kurtz où ses innovations sur les anesthésiques étaient mal perçues. Tout cela pourrait prendre un tour trop symbolique mais les Boulting privilégient les émotions aux idées en ajoutant à nouveaux des flashbacks à la pièce sur le passé des naufragés. Loin de surligner ou sur expliquer, ces moments renforce encore le drame et les renoncements des protagonistes en confrontant le héros au sien. Réel ou rêvé, la destinée tragique des naufragés doit l'inciter à reprendre son destin en main et se battre lui qui est toujours en vie. Voilà une formidable et poétique manière d'appel à la lutte.

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Visuellement le film est d'une grande audace dans les séquences fantastiques. La mise en scène de Roy Boulting suggère subtilement la possible création de l'esprit que sont les fantômes telle cette première apparition du Capitaine Joshua (Finlay Currie) sous forme de voix, puis d'ombre et enfin de mystérieuse silhouette aux côté de Charleston installé à son bureau. Mankiewicz reprendra l'idée dans L'Aventure de Madame Muir où Rex Harrison apparaissait souvent sur le côté de Gene Tierney comme un mauvais génie issu de son inconscient. L'agencement théâtral est aussi longuement repris, les naufragés évoluant dans le décor du phare comme s'ils se trouvaient toujours sur le navire renforçant l'idée d'espace mental confiné. Les flashbacks sur le passé de Charleston s'illustrent ainsi en fondu enchaîné tandis que ceux des naufragés sont toujours des extensions du décor par des idées de mis en scènes brillantes (mouvements de caméras, profondeur de champs nouvelle par une porte ou un objet dévoilant un autre lieu...) qui symbolisent l'altération des barrières psychiques du héros par ses découvertes façon Christmas Carol de Dickens. Les jeux d'ombres et les cadrages obliques renforcent quant à eux l'atmosphère gothique des plus prononcées. C'est vraiment captivant de bout en bout et porté par un casting parfait. Michael Redgraves est aussi habité dans la passion que le renoncement, les naufragés sont tous également touchant dont une formidable Lilli Palmer et James Mason fait une remarquable apparition au début. Superbe film proche des meilleurs Powell/Pressburger dans l'ambition et la manière de transcender la commande d'état par un propos plus universel où le rêve et l'imagination nourrissent la détermination du réel. Le film remportera un grand succès public et critique dont assez ironiquement aux USA (car sorti au bon moment) où la pièce fut boudée. 5/6

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Dvd anglais avec VOSTA
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Genevieve de Henry Cornelius (1953)

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C'est le moment du rallye de vieilles voitures entre Londres et Brighton, et ce n'est pas l'amitié d'Alan McKim et Ambrose Claverhouse qui va empêcher ces deux-là d'essayer de s'humilier mutuellement. Sur le parcours, de vieilles rancunes sont ravivées au point que les deux hommes décident de faire un pari « amical » sur celui qui sera le premier à regagner Londres…

Depuis 1927 se déroule chaque année en Angleterre entre Londres et Brighton un célèbre rallye de vieilles voitures fabriquées avant 1905, réactivant celle originelle de 1896 qui célébrait Light Locomotives Act, loi autorisant une vitesse accrue et favorisant l'expansion automobile d'alors. C'est dans ce cadre qu'Henry Cornelius situe cette savoureuse comédie qu'est Genevieve. On a saisi que le film tournera autour des amoureux des quatre roues et ce dès la géniale scène d'ouverture. C'est enfin le weekend et Alan McKim (John Gregson) quitte à tout allure son travail car un grand évènement se répare : il emmène Genevieve à Brighton. A notre grande surprise on découvre que ladite Genevieve n'est pas une fiancée quelconque mais une vieille Darracq de 1904. Notre héros s'apprête à effectuer le grand pèlerinage avec son épouse Wendy (Dinah Sheridan) mais il va découvrir qu'elle ne partage guère son enthousiasme bien qu'elle l'accompagne chaque année. La première partie avant le départ montre donc le conflit entre cette épouse frustrée et ce mari passant tout son temps libre à bichonner sa carlingue. A cela s'ajoute une rivalité et jalousie avec Ambrose (Kenneth More) meilleur ami d'Alan mais un peu trop proche de Wendy qu'il a connu avant lui et qui participe également à la course avec une Spyker de 1904.

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Le scénario de William Rose fait bien évidemment exploser toute cette tension sous-jacente une fois le rallye entamé mais néanmoins le traitement détonne. Le rythme nonchalant du film et l'avalanche de galère mécanique fait vite signifier que la victoire finale n'est pas l'enjeu du film, la course en elle-même étant assez vite expédiée. La touche comédie qu'on imaginait assez extravagante et délirante avec pareille entame est également d'une étonnante retenue. Ce qui intéresse ici c'est la manière dont se débattent les deux couples durant ce périple, celui établi entre John Gregson et Dinah Sheridan et celui en devenir de Kenneth More et Kay Kendall qu'il a invitée pour le weekend de course et va donc découvrir cette facette de son caractère. L'introverti et passionné John Gregson s'oppose ainsi à la personnalité exubérante d'un Kenneth More survolté et si les caractères son également opposé chez les épouses (Kay Kendall élégant mannequin réduite à mettre les mains dans le cambouis et pousser la voiture dans la vase, Dinah Sheridan en épouse enjouée et casanière) elles s'unissent plutôt dans la consternation face aux fanfaronnades de leurs hommes.

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C'est là que le film innove à l'époque (au point pour les critique anglais de préfigurer la Nouvelle Vague) dans sa manière de désamorcer l'action par ses longs apartés où les couples se chamaillent pour des futilités qui parlent à tous et dissimule le vrai malaise. Ici l'enjeu est donc autant pour Wendy de comprendre la passion de son mari que pour ce dernier de la rendre moins envahissante, le second couple ayant plus une caution comique. Sur la forme Genevieve délaisse les sempiternelles rétroprojections pour emmener ses héros réellement tailler la route dans un souci de réalisme qui les confrontes aux aléas de la circulation et des intempéries. Il y a quelques entorse tout de même à ces innovations vu que par soucis de budget une seule scène fut réellement tournée à Brighton (le reste étant les extérieurs autour de Pinewood voire Hyde Park) et que pour les plans rapprochés de John Gregson au volant la Darracq était tractée vu que (un comble) celui-ci n'avait pas le permis de conduire.

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L'américain William Rose capture une ambiance "british" absolument délicieuse dans son script tandis que le technicolor de Christopher Challis donne au film des allures acidulées de boite Quality Street. Henry Cornelius fait toujours surgir ses gags au ralentis, ces derniers relevant souvent de l'anodin mais faisant mouche à chaque fois (Dinah Sheridan qui se moque des colères de son mari au volant avant d'exploser dans la minute lorsqu'une fausse manœuvre lui renverse du café sur sa belle robe). Tous les gags liés aux voitures fonctionnent aussi de cette façon, on voit presque jamais les rares collisions et l'humour tient surtout à la frustration des pannes, des petites vieilles roulant trop lentement ou des troupeaux de moutons bloquant la route. Seules exceptions à ce traitement, deux moments bien délirants lorsque Kay Randall éméchée entame un solo de trompette et surtout l'arrivée du couple Alan/Wendy dans un hôtel miteux où leur chambre est situé face à l'horloge locale avec les dégâts attendus.

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Le casting est absolument parfait et on y retiendra surtout une Dinah Sheridan à croquer en épouse séduisante et trop compréhensive (et un naturel de tous les instants) ainsi que Kenneth More qui en fait des tonnes en gros goujat. L'émotion n'est pas exclue notamment la conclusion où on croise un vieil homme bercé de nostalgie en apercevant la Darracq. Le film remportera un immense succès public avec à la clé un BAFTA du meilleur film britannique et deux nominations à l'Oscar pour le script de William Rose et la musique de Larry Adler (et son thème bucolique et entêtant Dinah Sheridan raconte que tous les pianistes londoniens lui jouaient dès qu'elle entrait dans un restaurant) bien que ce dernier ne le savoure pas puisque blacklisté. Excellent moment donc ! 4,5/6

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Dernière modification par Profondo Rosso le 17 févr. 13, 02:57, modifié 1 fois.
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I see a dark stranger de Frank Launder (1946)

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Une jeune femme d'origine Irlandaise, convaincue que les Anglais sont le mal incarné, décide de se tourner vers l'IRA. Alors que celle-ci la refuse, elle ne tarde pas à être repérée par un espion Nazi qui lui propose de travailler pour le IIIe Reich...

Le duo Sidney Gilliat/Frank Launder signe une nouvelle belle réussite avec ce plaisant film qui ne saura jamais choisir entre comédie et thriller d'espionnage oppressant pour notre plus grand plaisir. Cela en est presque une sorte de "digest" des films des deux compères tant on trouve de reprise de leurs figures favorites aperçues dans d'autres œuvres où ils ont officié comme scénaristes où coréalisateurs. On retrouve donc ce gout du pastiche et mélange des genres (Green for danger, Une femme disparait), le duo comique incongru qui vient s'immiscer dans l'intrigue avec les officiers pieds nickelés Spanswick et Goodhusband (le duo de golfeurs Charters et Caldicott pour qui étaient écrit les rôles disparaissant car les acteurs avaient renoncés aux rôles les ayant rendu célèbres) et même une séquence de train à suspense où on retrouve la disparue d'Une femme disparait (l'actrice Dame May Whitty) dans un rôle voisin. Plutôt que le sentiment de redite, c'est celui d'une démonstration de savoir-faire et de plaisir de raconter qui domine dans une intrigue très inventive malgré ces récurrences.

Depuis sa plus tendre enfance Brydie (Deborah Kerr) a été nourrie des légendes de la lutte acharnée du peuple irlandais contre l'oppresseur anglais, notamment par son père qui participa à la révolte de 1916. Elle a depuis une haine farouche des anglais et à sa majorité c''est tout naturellement qu'elle quitte son village pour Dublin où elle compte bien proposer ses services à la section de l'IRA en place. Malheureusement, l'heure est plutôt à l'apaisement et ses instincts belliqueux se voient refroidi par les locaux, jusqu'à ce qu'elle soit sollicité par un farouche ennemis des anglais d'une tout autre nature à savoir un espion nazi pour lequel elle va travailler sans connaître sa vraie nature. Le film exploite avec humour l'antagonisme anglo-irlandais (abordé sur un mode plus sérieux par Launder et Gilliat dans l'excellent Captain Boycott l'année suivante) à travers le personnage de Deborah Kerr qui aveuglé par son éducation et ses préjugés va commettre toutes les erreurs possibles. Les scénaristes s'en donne à cœur joie à travers diverses situation hilarantes tel ce moment où elle le même compartiment qu'un homme dans le train (qui s'avéra être l'espion allemand) dont elle savoure l'attrait en monologue avant que ses initiales sur sa valise révèlent sa nationalité anglaise, lui attirant regard méprisant et remarque désobligeante. Deborah Kerr est fabuleuse, loin des emplois plus réservés qu'elle aura avec le temps avec cette bouillonnante et charmante irlandaise dont Launder se plaît à mettre en valeur la beauté juvénile et le jeu expressif. Malgré les errements de l'héroïne, on ne peut que craquer devant ce festival de moue boudeuse et de regard écarquillés d'indignation.

Le film interroge en fait sur la question du parti à prendre pour les irlandais et leur capacité à mettre de côté un conflit ancestral pour une cause commune avec l'Angleterre haïe face à la menace nazie. Pour Byrdie, ce cheminement se fera par la voie de l'amour lorsqu'elle tombera sous le charme de l'agent britannique David Byrne (Trevor Howard) qu'elle doit distraire pendant qu'officient ses agents. On a ainsi de joyeuse scène de screwball comedy où Deborah Kerr évente plus d'une fois sa couverture séductrice face à la présence de ce "bloody English" joué par un Trevor Howard parfait dans la tradition des héros gentleman décontracté et enquiquineurs de Gilliat et Launder (sans égaler néanmoins le Rex Harrison à la cool de Train de nuit pour Munich). La tension naît pourtant progressivement au fil des responsabilités inattendues que se verra confier Deborah Kerr traquant à travers l'Irlande un mystérieux carnet comportant les coordonnées d'invasion allemande. Traquée par la police irlandaise, anglaise et les espions nazis à travers le pays elle aura fort à faire pour s'en sortir. Launder use de tous les artifices possibles pour faire naître le suspense que ce soit les monologues angoissés de Byrdie, le jeu hébété de Deborah Kerr et la paranoïa naissante dans le regard de l'espionne novice ainsi qu'une photographie tout en jeu d'ombres menaçantes durant les scènes nocturnes. On peut ajouter une galerie de méchants aux mines patibulaires (hormis Raymond Huntley à l'élégance sournoise en mentor recruteur) qui accentue le sentiment de menace face à la frêle Deborah Kerr. On est donc parfaitement manœuvré entre rire et vraie tension même si le film pêche un peu par excès malgré l'inventivité de l'ensemble, le dernier quart d'heure tire un peu en longueur à force de rebondissements. C'est sur un ultime éclat de rire que le tout s'achève, Deborah Kerr quittant indignée l'hôtel où Howard eu l'outrecuidance de l'emmener en voyage de noce, le bien nommé In Cromwell Arms :lol: . Le film fera un score modeste en Angleterre, la critique étant décontenancé par ses ruptures de ton le rendant inclassable. Mais renommé The Adventuress, il remportera un grand succès aux Etats-Unis où il contribuera à la notoriété de Deborah Kerr qui se verra vite sollicité par Hollywood pour la carrière que l'on sait. 4,5/6
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Profondo Rosso
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Re: Le cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

Turn the key softly de Jack Lee (1953)

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Un beau mélodrame dont on se souvient surtout pour être un des premiers rôles important de Joan Collins, un des rares qu'elle tenu dans son Angleterre natale avant le début de son ascension hollywoodienne entamée avec La Terre des Pharaons d'Howard Hawks. Elle n'est d'ailleurs pas ici au centre de ce portrait croisé de trois figures féminines. Le film s'ouvre sur la sortie de prison de trois femmes d'âge et d'horizon fort différent : la jeune beauté Stella (Joan Collins), la plus mûre et élégante Monica (Yvonne Mitchell) et l'âgée et fragile Mrs. Quilliam (Kathleen Harrison). Avant même de dévoiler les raisons de leur incarcération, Jack Lee nous en donne déjà quelques clés à travers leur attitude face à cette future libération et leur premier pas en dehors de la prison. Stella est la frivolité incarnée, ne cessant de se repoudrer pour son homme qui l'attend dehors et qu'elle doit épouser. Monica semble plus pensive quand à ce qui l'attend à l'extérieur tandis que Mrs Quilliam semble elle bien apeurée par cette sortie (où elle aura le sentiment que chaque passant l'observe) laissant deviner une criminalité guère prononcé. Le récit passe ainsi de l'une à l'autre dans une unité de temps sur cette première journée de liberté où elles seront confrontée aux vieux démons qui ont fait basculer leur destin, à d'ancienne connaissances peu recommandable mais aussi à l'impasse et la solitude les attendant à l'extérieur.

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Lee révèle subtilement et dans le fil de sa narration les motifs qui ont conduit chacune en prison. C'est au détour d'un dialogue qu'on découvrira que Monica a écopé pour l'homme qu'elle aimait (Terence Morgan) qui l'a entrainé dans un cambriolage et a fui en l'abandonnant à la police. Ce sera plus subtil pour Stella où son gout du clinquant (elle ira dépenser en boucle d'oreilles criardes l'argent que son fiancé lui a confié pour chercher un logement) et une rencontres avec d'anciennes amies un peu trop fardée laisseront deviner son passé de prostituée. Le plus pathétique et touchant viendra cependant avec Mrs Quilliam, vieille veuve sans ressources qui n'a que son Johnny pour l'attendre réellement dehors. Johnny n'est autre que son fidèle chien, seul à lui témoigner de l'affection et elle s'avère des plus pathétiques dans les attentions maternelles qu'elle lui témoigne, palliant ainsi l'indifférence de sa vraie famille lors d'une rencontre aussi brève que glaciale avec sa fille et sa petite-fille. C'est un vol à l'étalage qui lui a valu l'épreuve de la prison, là encore le script ne le disant pas explicitement mais le laissant deviner lors d'un moment où elle est sur le point de récidiver.

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En passant de l'une à l'autre des femmes et de leur parcours durant cette journée, le script passe habilement d'un genre à l'autre et parvient à surprendre constamment dans son déroulement. Monica va ainsi recroiser et tomber à nouveau dans les bras de celui qui lui a causé tant de tort et qui malgré les apparences n'a pas changé. On bascule ainsi dans le film noir nocturne tendu se concluant par une haletante course poursuite sur les toits et le vrai sordide est tout juste évité lorsque Stella se trouve un nouveau "client" pour la renflouer de l'argent gaspillé de son fiancé. L'émotion reste pourtant véhiculée par Mrs Quilliam dont la relation avec son chien n'est pas loin d'émouvoir autant qu'un Umberto D notamment lorsqu'elle le cherche désespérée dans la nuit londonienne. Le script confronte le trio à la toujours difficile réinsertion au monde extérieur à travers différentes situations (la recherche de travail de Monica où les portes se ferment à l'évocation de son passé) mais aussi par la mise en scène de Lee qui capture cet extérieur inquisiteur (cette plongée lourde de sens lors de la sortie de prison) et désormais inconnu avec une caméra incertaine face au fourmillement urbain, des cadrages qui isole les silhouettes des héroïnes dans l'immensité des rues de Londres.

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Toutes ne finiront pas cette journée sous les meilleurs hospices et si la chute s'avère cruelle pour certaines (Mrs Quilliam et une conclusion assez terrible), on peut aussi douter des bonnes résolutions d'autres à l'avenir (Stella et ses gouts de luxe) tandis que d'autres ont enfin trouvée la sérénité (Monica sorti de l'emprise de son amant malfaisant). Le trio d'actrice est remarquable, en particulier la très touchante Kathleen Harrison (qui à 60 ans fait croire au grand âge et à la fragilité de son personnage magnifiquement) et Yvonne Mitchell superbe en femme résistant non sans mal à un désir qui pourrait la perdre à nouveau. Joan Collins est un peu plus en retrait se repose déjà un peu trop sur sa séduction même si il est vrai que son personnage n'est pas le plus intéressant. Joli film bien mené en tout cas. 4,5/6

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Rick Blaine
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Re: Le cinéma britannique

Message par Rick Blaine »

Profondo Rosso a écrit :Tiens j'en profite pour remettre là cet avis sur un autre Bryan Forbes qui traînait dans un vieux topic notez les film...

Un mort en pleine forme de Bryan Forbes (1966)
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Deux frères vivent dans des maisons mitoyennes sans s'adresser la parole depuis des années. Ils sont les derniers membres d'une famille, qui rapportera au dernier d'entre eux la somme de 100 000 livres. A la suite d'un accident, on croit l'un des frères mort.

The Wrong Box est l'occasion de la réunion d'un des plus fameux casting anglais des 60's où on retrouve rien de moins que Ralph Richardson, John Mills, Michael Caine et le duo comique Pete'n'Dude avec Peter Cook et Dudley Moore. Il fallait bien cela pour une adaptation de Un mort encombrant, un des romans les plus drôle de Robert Louis Stevenson, merveille d'humour noir et distancié. Très fidèle au roman la trame nous dépeint donc une entière famille soumise dès le plus jeune âge à la perspective de remporter une tontine, sorte de loterie dont la somme gonfle au fil des années et que le dernier survivant pourra empocher. Le générique fait défiler avec un humour les morts les plus délirantes et macabres des différents participants à la tontine qui au départ du récit se réduit aux deux frères joué par Ralph Richardson et John Mills.

Les deux survivants sont antinomiques aux possibles, dans leur caractères comme leur entourage. Ralph Richardson est ainsi un intellectuel verbeux et rasoir avide d'étaler ses connaissances au premier quidam venu dans une logorrhée insupportable. L'intérêt pour la tontine vient donc plutôt de ses deux neveux (Pete'n'Dude) rapaces faisant tout pour le maintenir en vie jusqu'au jour où ils pourront remporter la somme. A l'inverse John Mills ruiné est lui très concerné et n'hésiterait pas à trucider son propre frère pour assurer l'héritage à son petit fils lunaire joué par Michael Caine. Une erreur sur la mort présumée de Richardson entraîne une série de réactions en chaîne où quiproquos et trahisons en tout genre vont causer leur lot de dégâts par appâts du gain.
La réalisation paresseuse et sans idées (ou alors très mauvaises comme ses inserts écrits façon cinéma muet surlignant inutilement l'action) de Bryan Forbes n'est clairement pas à la hauteur du piquant du roman malgré le respect de la trame et le rythme laborieux peine à en retranscrire la drôlerie. Heureusement le casting haut de gamme rend la chose plutôt agréable à suivre sans être inoubliable. Les vieux briscards John Mills et Ralph Richardson incarnent en quelque sorte le feu et la glace, le premier tout en nervosité cabotine irrésistible et le second poussant la caricature du flegme british très loin pour notre plus grand plaisir. Peter Cook et Dudley Moore sont vraiment sous exploités (mieux vaut revoir le Fantasmes de Donen pour savourer leur potentiel comique) mais offrent néanmoins de savoureux moments avec toujours Cook en cerveau imbu de lui même et Dudley Moore en imbécile heureux qui cherche à l'impressionner. C'est finalement le couple niaiseux entre Michael Caine et Nanette Newman (épouse de Bryan Forbes à la ville) qui provoque les plus grands éclats de rire, leur pudibonderie les amenant à s'émoustiller pour un rien notamment une scène d'amour décalée assez hilarante. Parmi les seconds rôle Wilfrid Lawson en valet dépassé et sénile est excellent et Peter Sellers le temps d'une courte apparition invente un personnage farfelu dont il a le secret avec ce médecin à moitié fou à la demeure envahie par les chats. Dans l'ensemble le film offre donc quelques éclairs comiques plus par ses acteurs que son metteur en scène peu à l'aise dans ce registre comique. Au final pas désagréable mais anecdotique, une nouvelle adaptation plus enlevée serait la bienvenue. 3/6

J'ai un peu le même ressenti que toi, même si je déplacerai en partie la responsabilité de l’échec (partiel) de l’œuvre, vers les scénaristes. On a un peu le sentiment d'un manque de continuité, avec des passages drôles et réussis suivis de temps morts un peu plan-plans. Toutefois, je ne boude pas mon plaisir, le casting 5 étoiles est un régal, il y a des moments de folie fort drôles (la course poursuite des corbillards m'a bien fait rire), et l'ensemble fort bien produit est très agréable. Dommage que ça manque un peu de consistance pour être une vraie réussite.
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Profondo Rosso
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Re: Le cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

Ah oui la poursuite en corbillard grand moment :mrgreen: C'est clair qu'on passe de la franche rigolade à l'ennui dommage que ce soit si inégal il y a de très bons moments. Et quel casting quand même...
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