Yasujiro Ozu (1903-1963)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Vic Vega
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Message par Vic Vega »

Memento a écrit : J'ai donc retenté le coup avec Voyage à Tokyo, pour beaucoup son chef-d'oeuvre, là encore sur grand écran.
Et là encore, nouvelle déception.
Pas pour moi. J'ai en effet tendance à penser que si le film doit sa réputation cinéphile et sa place dans les référendums en tout genre aux côtés de Vertigo, The Searchers and co au fait qu'il ait été dans pas mal de pays occidentaux le premier Ozu montré en salles et donc le film avec lequel bien des cinéphiles ont découvert le style du cinéaste, le moment de leur rencontre avec Ozu. Je tiens de mon côté Voyage à Tokyo comme un excellent Ozu. Mais je ne vois pas ce qui en terme de maestria formelle ou narrative le distinguerait d'autres Ozu datant de la même époque, ces films-là étant souvent de sujets voisins -le mariage arrangé- et se distinguant par de petites nuances.

Sinon, je ne crois pas qu'il faille attendre des Ozu "familiaux" (Il était un père, ses films des années 50) le genre d'émotion intense qu'on pourrait trouver chez Sirk par exemple. Au contraire, ce cinéma s'écoule à un rythme calme, quotidien, celui d'une vie sans heurts. Le changement historique est visible chez lui mais jamais montré comme quelque chose de brutal et alors que les situations ont un grand potentiel dramatique elle ne donnent que rarement lieu à des explosions de violence ou de sentiments. On perd certes en intensité émotionnelle mais on peut du coup être plus attentif aux détails (d'un regard, d'une attitude, du cadre...). Ceci dit, j'ai quand même un faible pour les Ozu moins "à distance" comme ceux de la période muette (Gosses de Tokyo, Une Auberge à Tokyo...) ou Crépuscule à Tokyo. Et ai plus d'affinités avec le cinéma moins génial mais me touchant plus de Naruse.

Quant à Frodon, le fait que son intervention ne soit que verbiage et recrarche la thèse du bouquin d'Hasumi de façon mal digérée n'enlève rien au fait que le bouquin des Cahiers la développe avec pertinence.

Et belle chronique Jeremy...
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Jack Sullivan
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Message par Jack Sullivan »

Vic Vega a écrit : Sinon, je ne crois pas qu'il faille attendre des Ozu "familiaux" (Il était un père, ses films des années 50) le genre d'émotion intense qu'on pourrait trouver chez Sirk par exemple.
Ce genre de comparaison ne vient déjà pas facilement à l'esprit :wink:
J'ai également un problème avec Ozu, et ce n'est pas faute d'essayer: Il était un père (c'est celui que j'ai le plus apprécié), Herbes flottantes, Fleurs d'équinoxe et Printemps tardif. Je lui reconnais un talent fou pour peindre les états d'âme de ses personnages en un cadrage et deux détails (souvent issus du décor lui-même), mais voilà, ça ne me fait vibrer que par intermittence, et j'ai du mal à m'enflammer sur la durée :? Et ça m'embête, de passer à côté...
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Vic Vega a écrit :
Quant à Frodon, le fait que son intervention ne soit que verbiage et recrarche la thèse du bouquin d'Hasumi de façon mal digérée n'enlève rien au fait que le bouquin des Cahiers la développe avec pertinence.
Mea Culpa pour cette thèse si elle s'avère au final pertinente ; une chose est certaine, Frodon n'en est pas vraiment un bon ambassadeur.

Sur quoi repose-t-elle ? Sur l'universalité de ses thèmes ?
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Stromboli
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Message par Stromboli »

Quand j'étais adolescent j'adulais Mizoguchi autant qu'Ozu me passait complêtement au dessus de la tête.

Depuis que j'ai passé les 35 balais :evil: les films d'Ozu sont parmi ceux que j'admirent le plus au monde.

Je me demande si au-delà de son style, ses thêmes et surtout l'infinie subtilité de sa vision des rapports entre générations ne se laissent plus facilement apprivoiser avec l'age...

A part ça "Gosses de Tokyo" ou "Bonjour" sont des films sublimes qui touchent sans doute les cinéphiles de 17 à 97 ans!
Jack Sullivan
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Message par Jack Sullivan »

afaparis a écrit : Je me demande si au-delà de son style, ses thêmes et surtout l'infinie subtilité de sa vision des rapports entre générations ne se laissent plus facilement apprivoiser avec l'age...
C'est pas cool de chambrer Jeremy, on l'aime comme il est :o
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Vic Vega
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Message par Vic Vega »

Jack Sullivan a écrit : Je lui reconnais un talent fou pour peindre les états d'âme de ses personnages en un cadrage et deux détails (souvent issus du décor lui-même), mais voilà, ça ne me fait vibrer que par intermittence, et j'ai du mal à m'enflammer sur la durée
Justement ce n'est pas un cinéma qui cherche à susciter ce type d'émotion. Je n'attends pas forcément d'un film qu'il me laisse sous le choc. Surtout quand il joue sur une forme de permanence (la cellule familiale n'est jamais détruite chez Ozu) dans le changement (l'Américanisation du Japon...). Et si j'ai cité Sirk, c'est justement parce que les deux partent de pitchs mélodramatiques mais que le traitement est complètement aux antipodes.
Jeremy Fox a écrit : Mea Culpa pour cette thèse si elle s'avère au final pertinente ; une chose est certaine, Frodon n'en est pas vraiment un bon ambassadeur.
Sur quoi repose-t-elle ? Sur l'universalité de ses thèmes ?
Si je me souviens bien, elle s'appuie beaucoup sur la partie muette de l'oeuvre du cinéaste très influencée par le cinéma américain parfois jusqu'au pur pastiche en considérant que la partie la plus connue et la plus vue en Occident de l'oeuvre (les années 50) ne représente qu'une faible partie de cette dernière.
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k-chan
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Message par k-chan »

Yahou, enfin la chronique des Ozu, je lis ça de suite !! :D :D :P
Jack Sullivan
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Message par Jack Sullivan »

Vic Vega a écrit : Justement ce n'est pas un cinéma qui cherche à susciter ce type d'émotion. Je n'attends pas forcément d'un film qu'il me laisse sous le choc.
Moi, si. Mais attention, ce serait par trop facile d'opposer émotion violente face à des péripéties vs. bouleversement intime devant des non-évènements. Je suis sensible au deux, et tout type de film, du plus show-off au plus "intériorisé", peut me déclencher tout type de réactions.
Randolph Carter
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Message par Randolph Carter »

afaparis a écrit :Quand j'étais adolescent j'adulais Mizoguchi autant qu'Ozu me passait complêtement au dessus de la tête.
J'ai longtemps détesté le cinéma japonais que je trouvais ennuyeux et pesant.Avec la vidéo,j ai appris à l'aimer avec les films de Kobayashi et d' Ichikawa mais je suis resté complètement allergique à Ozu .La superbe chronique de Jeremy m'incite à faire une ultime tentative:je commande le coffret!
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Randolph Carter a écrit :
...mais je suis resté complètement allergique à Ozu.La superbe chronique de eremy m'incite à faire une ultime tentative : je commande le coffret!
:oops: Tu devrais plutôt tenter le DVD unitaire de Il était un père non ? Ou bien Bonjour chez Arte ? Car si tu n'accroches toujours pas...
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Vic Vega a écrit : Si je me souviens bien, elle s'appuie beaucoup sur la partie muette de l'oeuvre du cinéaste très influencée par le cinéma américain parfois jusqu'au pur pastiche en considérant que la partie la plus connue et la plus vue en Occident de l'oeuvre (les années 50) ne représente qu'une faible partie de cette dernière.
Oui mais justement, en écoutant Frodon, on a l'impression qu'il englobe sa filmo entière. Et je ne vois pas en quoi l'universalité des thèmes traités ferait perdre à un cinéaste toute spécificité nationale. Sinon Renoir en 1937 aurait été le moins français des cinéastes français ou Chaplin en 1940 le moins américain des cinéastes américains. Ce qui pour moi n'a d'une part aucun sens, d'autre part aucun intérêt.
noar13
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Message par noar13 »

Jeremy Fox a écrit :
Randolph Carter a écrit :
J'ai longtemps détesté le cinéma japonais que je trouvais ennuyeux et pesant.Avec la vidéo,j ai appris à l'aimer avec les films de Kobayashi et d' Ichikawa mais je suis resté complètement allergique à Ozu .La superbe chronique de Jeremy m'incite à faire une ultime tentative:je commande le coffret!
car si tu n'accroches toujours pas... ?
j'achete :mrgreen:
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k-chan
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Message par k-chan »

Sans vouloir faire le lèche-bottes, félicitations Jeremy pour cet excellent texte ! Vraiment une belle chronique, que j'ai lu non sans une petite émotion, très claire, très bien écrit, et qui n'oubli aucun point important. Franchement : chapeau ! (j'ai toutefois passé sur 3 des films abordés car je ne les ai pas encore vu : Histoires d'herbes flottantes, Il était un père et Récit d'un propriétaire)


Ozu, c'est magnifique !


Quant à ça : "Ozu, le moins japonais des cinéastes japonais", c'est décidément le genre de chose que je ne comprendrai jamais.

"Kurosawa, pas japonais" , "Ozu, le moins japonais"...

Pour être japonais, un cinéaste devrait-il être contemplatif, contemplatif et contemplatif !... Il ne devrait parler que de Saké, de Nô et Kabuki, de Bushidô, etc. ????

C'est complètement absurde ! Concernant la technique, on à taxer Kurosawa de trop occidentalisé. Dans cette optique, le cinéma étant une création occidental, j'imagine les bêtises que l'on pourrait être en droit de sortir.
Pour ce qui est des thèmes et des genres, un cinéaste japonais peut quand même bien parler de gangstérisme, ou réaliser des comédies musicales... sans être taxé de non-japonais. Non ?

Le japon est un pays qui avec le temps s'est occidentalisé, c'est comme ça, ça fait partie de leur histoire. Ils écoutent du Jazz (et aujourd'hui du rap), vont au cinéma voir des films occidentaux, et avec le temps ont délaissé leurs kimonos... C'est un pays gangréné par la corruption également, ils ont leur mafia...


Enfin bref, je ne m'exprime pas très bien, et peut-être est-ce moi qui suis à coté de mes pompes (si c'est le cas, il faut vraiment qu'on m'explique !), mais le fait est que cette tendance durable à "traiter" les grands cinéastes japonais de "cinéastes occidentalisés" me gonfle. C'est bien un truc de critique ! :roll:

Et pour en revenir à Ozu, il reste pour le peuple japonais celui qu'ils considèrent comme leur plus grand cinéaste.


Fin de mon petit coup de gueule : je replace pour finir un passage du livre de Donald Richie, que j'avais déjà noté dans le topic sur Ozu. C'est un passage que j'aime bien. :)
"Le plateau d'Ozu, lui aussi, ressemblait à une de ces réunions. Nobuo Nakamura se souvient que, même au cours des répétitions, les acteurs qui tournaient une scène de repas ou de bar, recevaient du véritable whisky ou des mets raffinés. Ozu animait la réunion par ses plaisanteries et ses monologues. L'atmosphère du plateau de tournage d'un film de Ozu contrastait singulièrement avec le silence qui règne chez bien d'autres metteurs en scène. L'enryo* était bien moins pratiqué sur le plateau que dans ses films. Akira Kurosawa, qui admirait Ozu, et dont les premiers films ont été défendus par son ainé, déclara à Léonard Schrader combien il regrettait que les film d'Ozu ne se fassent pas plus l'echo de cette facette inconnue d'Ozu, et que l'homme était si charmant et si spirituel que ses mises en scène ne lui rendent pas justice*.

* Le peuple japonais est effectivement un peuple retenu et porté à la cérémonie. Un mot japonais l'exprime, enryo, que l'on pourrait approximativement traduire par "réserve", "retenue" ou "manque d'assurance". Le japonais , cependant, ne pratique ce culte de l'enryo qu'avec son entourage. Envers le reste du monde, peut-être pour contrebalancer cette modestie involontaire, il se comporte par contre de façon souvent presque brutale.

* Bien que ces remarques soient parfaitement fondées, il convient de révéler que Kurosawa est un ennemi déclaré de toute forme d'enryo, qu'il considère comme une réplique féodale. L'humour du cinéma de Kurosawa, par exemple de Sanjuro, provient justement du spectacle d la subversion et de la destruction de l'enryo (enretien avec Léonard Schrader, 1972.)"

et pour illustrer :

:D Ozu qui fait la fête
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k-chan
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Message par k-chan »

Jeremy Fox a écrit :Oui mais justement, en écoutant Frodon, on a l'impression qu'il englobe sa filmo entière. Et je ne vois pas en quoi l'universalité des thèmes traités ferait perdre à un cinéaste toute spécificité nationale. Sinon Renoir en 1937 aurait été le moins français des cinéastes français ou Chaplin en 1940 le moins américain des cinéastes américains. Ce qui pour moi n'a d'une part aucun sens, d'autre part aucun intérêt.
Ben voilà, je suis parfaitement d'accord ! :)
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Message par k-chan »

Jeremy Fox a écrit ::shock:

Bon, moi je file en vacances prolongées :mrgreen:


:arrow:
:shock: Qu'est-ce que j'ai dit ?? :oops:
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