Le petit César
Avec
L’Ennemi Public de Wellman, voici le premier film à avoir institué bases et codes archétypaux d’un genre – le
gangster movie – qui fera florès dans les décennies à venir. Accordée à l’allure trapue d’Edward G. Robinson, l’œuvre s’affiche dans des contours massifs, raideur du cadre et fixité du jeu semblant y interdire d’emblée les emportements de l’action. Les contraintes de la série B (période de restrictions budgétaires oblige) dictent pourtant les qualités premières du style : sécheresse, concision, nervosité dépourvue de toute fioriture. À travers le portrait d’un truand aimant afficher costumes criards et maîtresses voyantes, LeRoy dénonce la collusion entre le milieu et la politique et raconte la tragédie d’un homme s’élevant du caniveau au pouvoir et utilisant le crime pour maîtriser son destin.
4/6
Je suis un évadé
Le film participe de l’essor du cinéma social tel qu’il se développa dans les années trente devant les caméras de Lang ou Vidor, à la suite de la crise économique. Sa valeur de témoignage est irréfutable, puisqu’elle est fondée sur un fait authentique : interdit dans plusieurs états, il constitue un réquisitoire d’une violence inattendue contre les conditions de détention américaines, la vie inhumaine du bagne, un appel à l’opinion publique pour sauver l’homme dont l’expérience a inspiré le scénario et mettre fin au pouvoir absolu de l’administration pénitentiaire. Condamnant avec virulence les failles du système judiciaire, LeRoy se distingue par une mise en scène inventive mais toujours au service du propos, lui-même figuré avec une intensité par la prestation lourde, sobre et convaincue de Paul Muni.
4/6
Chercheuses d’or de 1933
Évidemment, les clous du spectacle sont constitués par les quatre numéros chorégraphiques qui ponctuent la fiction en s’y intégrant de façon prosaïque : extraits d’un show de Broadway dont les héroïnes sont les chanteuses et les danseuses. Le maître d’œuvre Busby Berkeley leur insuffle une extravagance, un rythme et une inventivité graphique dignes de sa réputation. Ils n’éclipsent pas pour autant les qualités d’une comédie de situations truffée d’allusions au contexte économique et social de l’époque (crise, chômage, traumatisme d’après-guerre) et qui, dans les intervalles, construit une amusante manipulation sentimentale. Le trio d’actrices, charmeuses et complémentaires, lui insuffle sa réjouissante énergie, bien relayée par le dynamisme narratif d’un réalisateur aux inspirations quasi lubitschiennes.
4/6
La valse dans l’ombre
Londres est un pont, du brouillard, un lampadaire ; la guerre une gare pleine de soldats ; l’amour une valse muette dans un cabaret où des chandelles sont mouchées une à une ; la mort une ligne dans un journal ; et le bouleversement intérieur suggéré par l’un des fameux haussements de sourcils de Vivien Leigh, trésor de ce superbe mélodrame. Il en va de même pour le cours du temps, qui suit élastiquement le rythme de l’émotion en une bousculade de scènes fortes, prouvant quel talent de l’ellipse la narration demande au conteur, et quelle rapidité d’enchaînement il suppose dans l’imagination de celui à qui on la conte. Loin du cabotinage, du pathos et du carton-pâte, le film aboutit ainsi à une sorte d’épure poignante, où l’intelligence et la sensibilité ne cessent de se prendre mutuellement le relais.
5/6
Top 10 Année 1940
Prisonniers du passé
Quel que soit le genre dans lequel il s’épanouit, le moteur dramatique fourni par le thème de l’amnésie est riche de possibilités romanesques. En racontant l’histoire d’un officier britannique rescapé des tranchées de la Grande guerre et frappé deux fois par la foudre du destin, LeRoy s’appuie sur une mécanique scénaristique d’une irréprochable efficience. Son attention à la fragilité des êtres et à leur insatiable flamme affective, constitutive du grand mélodrame hollywoodien des années quarante, s’accommode du ton un peu solennel qui parcourt le récit. Et si le film émeut jusqu’à remporter une franche adhésion, que cristallise un dénouement cathartique, c’est aussi parce qu’il est porté par un excellent duo d’acteurs – à commencer par Greer Garson, personnification vibrante de l’amour salvateur.
4/6
Mon top :
1.
La valse dans l’ombre (1940)
2.
Chercheuses d’or de 1933 (1933)
3.
Je suis un évadé (1932)
4.
Prisonniers du passé (1942)
5.
Le petit César (1931)
Très ancré dans la situation sociale de son époque, le cinéma de Mervyn LeRoy recourt aux conventions de genres divers, lorsqu’il ne contribue pas à les imposer, pour dépeindre l’état moral d’une nation en pleine gueule de bois. Il fut l’un des premiers à employer la manière grise, sobre et concise, qui à la Warner caractérisa les débuts du parlant ; en cela, ses films ont une véritable valeur historique.