Buster Keaton (1895-1966)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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allen john
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Buster Keaton

Message par allen john »

THE HIGH SIGN(1920)

Bien qu'il soit sorti en avril 1921, c'est le premier film de Buster (Et Eddie Cline, son alter ego-assistant-coréalisateur), qu'il a trouvé suffisamment insatisfaisant pour le mettre de coté pendant un an. On sait qu'avec son passage à la réalisation Keaton reprenait en fait le flambeau de Roscoe Arbuckle, qui était parti pour tourner des longs. Ce passage de témoin était naturel, puisque Arbuckle a toujours laissé ses partenaires mettre la main à la pâte dans ses courts, mais Keaton a d'emblée choisi un sentier moins franchement chaotique que son mentor et ce petit film est un début plus qu'encourageant. Bien qu'il se cherche encore, et n'a pas encore fixé sa "troupe" (L'actrice barkine Burkett, par exemple, ne retournera pas avec lui, mais Joe Roberts, présent ici, reviendra souvent pour jouer les "heavies", jusqu'à 1923, avec un rôle aussi important que, disons, l'immense Eric Campbell dans la série des films Mutual de Chaplin), il est nettement plus cohérent que pouvaient l'être la plupart des 2 bobines de Roscoe.

High sign tourne autour d'une intrigue délirante basée sur le quiproquo suivant: Buster est engagé à la fois par une "mafia" (Les Blinking Buzzards) qui envisage la suppression du riche Nickelnurser qui les a déçus en refusant de payer un tribut, et par le bourgeois lui-même, les deux parties étant persuadées d'avoir affaire à un tireur d'élite. Aux sempiternelles deux parties des courts d'Arbuckle, Keaton oppose un film construit à la façon d'un mini-long métrage, dans lequel les digressions surréalistes (Y compris des jeux langagiers, dans les intertitres: les "Blinking buzzards" sont un prétexte à un festival de mots en B, qui trouve un écho dans le nom de l'homme riche qui est leur cible, avec son évidente alitération en N.) s'intègrent bien mieux.

Keaton est déja parfaitement à son aise en matière de mise en scène: pour lui, tourner un film, c'est utiliser l'écran en pliant le cadre à ses exigences; il pense ses séquences autour d'un décor, et dans ce film il intègre la profondeur de champ à ses gags, lorsqu'il fait courir un personnage vers le fond du champ par exemple. Chaplin en 1920/21 pensait encore en terme de déplacements horizontaux, mais Keaton utilisait tout l'espace, et se libérait des entraves du studio en baladant ses acteurs de terrain vague en fête foraine: il en résulte le sentiment d'une grande liberté dans ce film (pourtant encore sage): on voit de plus ses singuliers talents d'ingénieur déja à l'oeuvre lors du final de ce film, une bagarre généralisée entre les bandits et la famille de la victime dans une maison entièrement truquée, truffée de trappes et de pièges divers. Un ballet magnifiquement réglé. Mais Keaton n'était pas content, estimant avoir abusé de gags faciles, alors il a tourné One Week pour qu'on voie de quoi il était capable. Si one week sera en effet un grand film, celui-ci vaut bien mieux que l'auteur voulait nous faire croire. Son principal problème, avec ce film, tenait dans son impression d'avoir escroqué le spectateur en lui faisant croire qu'il allait glisser sur une peau de banane, la scène se concluant sur un pied de nez de l'acteur à son public. pour moi le gag non seulement fonctionne, mais est aussi très Keatonien, relayé dans ce film par les nombreuses occurences du signe cabalistique enfantin, par lequel les Blinking Buzzards se reconnaissent (et à en croire le film, les trois quarts de Los Angeles faisaient partie du groupe!), mais aussi dans ses autres films par diverses private jokes, tel le retour du chapeau porté par Keaton en 1920-23, dans une scène de Steamboat Bill Junior en 1928... Donc en mettant ce film de coté, l'auteur-acteur a probablement pêché, comme d'habitude, par excès de perfectionnisme...

Pour finir, une scène établit un lien, quasi ombilical, avec la série des courts de Roscoe Arbuckle par le biais d'un "cameo" (apparition non créditée): lorsqu'il s'entraine au tir, Keaton blesse accidentellement Al St-John, l'autre "poulain" d'Arbuckle, en fait son neveu, qui trainait avec son oncle sur les tourages depuis 1914, et qui se lançait dans une carrière solo lui aussi. Bien sur, il n'y a pas lieu de comparer les deux comédiens, mais ce genre de petit clin d'oeil amical nous rappelle qu'en plus d'être un cinéaste, Keaton était, aussi, un type formidable.
Dernière modification par allen john le 16 févr. 11, 13:27, modifié 2 fois.
SuperBouffon
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Message par SuperBouffon »

J'ai profité de cette fin d'année pour faire visionner à mes élèves (grande section de maternelle) "le mécano de la General"...réussite mitigée...s'ils ont globalement apprécié le film (pour l'héroïsme de Johnny Gray et les scènes de bataille), l'humour poétique de Keaton les a laissés sur le carreau...et puis le scénario est sans doute un peu trop complexe pour des enfants de cet âge-là...à chaque plan, j'avais droit à un "c'est les zentils ou les messants, maître?"...ce qui, étalé sur 78 min., m'a un peu fatigué, il faut bien le reconnaître...on avait visionné "les temps modernes" en cours d'année (avec un travail de résumé à la clé) et de toute évidence, l'humour nettement plus potache de Chaplin est plus proche de leur quotidien...le personnage de Charlot leur parle plus...ses mimiques, sa démarche, ses vêtements en font, à leurs yeux, un personnage immédiatement identifiable qui les fait rire par sa bonhommie mais également, à certains égards, par sa cruauté...même si je leur précise, bien sûr, que mettre un coup de pied dans le derrière d'un monsieur, c'est mal!!!...demain on regardera "le Kid" pour conclure l'année en beauté...
allen john
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Message par allen john »

SuperBouffon a écrit :demain on regardera "le Kid" pour conclure l'année en beauté...
Petites suggestions amicales, pour rester dans le muet: Un chien andalou, Greed, Haxan?
:mrgreen:
SuperBouffon
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Message par SuperBouffon »

Bah on l'a pas regardé finalement...c'était le zouk dans la salle vidéo...je note toutefois tes suggestions même si j'avais prévu pour l'an prochain un cycle Bergman... :mrgreen:
bruce randylan
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Re: Buster Keaton, l'homme qui ne rit jamais

Message par bruce randylan »

Le figurant ( 1929 )
Le film du début de la fin pour Keaton. :(
The cameran était encore du très bon Keaton avec un gros succès public à la clé mais la MGM bride la liberté de créatrice de Keaton tout en lui laissant tout de même un champ de manœuvre non négligeable... mais pas assez pour lui laisser faire un film 100% parlant comme il le voulait. Ça sera donc un film muet auquel le studio rajoute une musique ( médiocre ) et des bruitages pouet-pouet très désagréables.

L'histoire très Keatonnienne suit les aventures d'un homme chétif, naïf et maladroit amoureux d'une actrice de théâtre qui va l'épouser par dépit. Evidement, les évènements vont transformer notre Keaton en un homme valeureux et débrouillard pour que l'amour triomphe quand même.
Sans posséder les idées de mise en scène qui pullulaient dans ses précédentes réalisations, ce film demeure un très bon burlesque où l'univers du réalisateur fait encore mouches à plusieurs reprises : la découverte du vrai métier de Elmer Gantry ( :o ), la séance de maquillage et toute la représentation qui suit, la scène culte où Keaton tente de mettre au lit sa femme saoule, Buster se retrouvant en plein cambriolage et le final encore très physique sur le bateau où les méchants se font assommer à tour de bras ( ou de bouteilles ).

Bref, si toute les ingrédients sont là pour fonctionner, la sauce ne prend jamais comme elle devrait la faute à une réalisation et une mécanique bien moins huilée qu'avant et qui laisse un gout d'autant plus amer quand l'on connait la véritable déchéance qui suivra...
J'ai profité de cette fin d'année pour faire visionner à mes élèves (grande section de maternelle) "le mécano de la General"
J'arrive un peu tard mais je ne comprendrai jamais pourquoi c'est ce film là qu'on diffuse à chaque fois quand il s'agit de parler de Keaton... C'est le moins représentatif de ses long-métrages de l'âge d'or.
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Re: Buster Keaton, l'homme qui ne rit jamais

Message par misterleo »

Vous saviez que à la base Buster Keaton s'appelait Joseph ?
Quand il était nourrisson il est tombé de son lit d'assez haut, et miracle : pas une égratignure.
Ce jour-là ses parents ont changé son nom et l'ont appelé "Buster" (="chute").

Pour ma part je ne connais pas trop Buster Keaton, de lui je n'ai vu que "La croisière du Navigator" :oops: que j'ai bien aimé.
Il faudra que je me penche sur les autres longs et les courts-métrages (sur un vide-grenier j'ai trouvé le coffret 4 DVD édité par arte vidéo pour 1 € !!) :uhuh:
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Re: Buster Keaton, l'homme qui ne rit jamais

Message par Watkinssien »

misterleo a écrit :Vous saviez que à la base Buster Keaton s'appelait Joseph ?
Quand il était nourrisson il est tombé de son lit d'assez haut, et miracle : pas une égratignure.
Ce jour-là ses parents ont changé son nom et l'ont appelé "Buster" (="chute").
Oui, moi, je le savais !
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Re: Buster Keaton, l'homme qui ne rit jamais

Message par bruce randylan »

misterleo a écrit :Vous saviez que à la base Buster Keaton s'appelait Joseph ?
Quand il était nourrisson il est tombé de son lit d'assez haut, et miracle : pas une égratignure.
Ce jour-là ses parents ont changé son nom et l'ont appelé "Buster" (="chute").
il me semble que c'était Houdini qui s'écria "that's a Buster" en voyant Keaton fils faire une joli chute ( lors d'une représentation familliale ? )
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Re: Buster Keaton

Message par someone1600 »

C'est pas Buster qui lors de tournée avec ses parents etaient lancé par son pere dans les escaliers. :?
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Watkinssien
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Re: Buster Keaton

Message par Watkinssien »

Oui cela faisait partie de leur numéro !


Une fois, un escroc avait fait du chantage au père de Buster Keaton juste avant ce numéro précis.

Buster avait demandé à son père de le jeter sur lui, lors du show.

Son père le balance et le très jeune Buster roua de coups l'homme en question !

Sinon, j'adore quasiment tous les films de ou avec Buster Keaton !

En particulier l'immense The General coréalisé avec Clyde Bruckman et le génial Cadet d'eau douce de Charles Francis Reisner.
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Re: Buster Keaton

Message par someone1600 »

Tous ses films que j'ai vu sont vraiment fantastique et tellement droles. :wink:
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Re: Buster Keaton (1895-1966)

Message par bruce randylan »

Mon avis sur le roi des champs-Elysées, le seul film français de Buster Keaton ! :)

http://www.1kult.com/2010/06/03/le-roi- ... x-nosseck/

Il passe encore une fois dans le cadre de la rétro Robert Siodmak ( qui a supervisé le tournage ), ce mercredi à 17h15 ;)
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Re: Buster Keaton (1895-1966)

Message par Alphonse Tram »

Les ultimes muets de Keaton ? Une selection de "double bobines" entre 1934 et 1937. C'est dispo chez Kino
http://www.kino.com/video/item.php?film ... =keatoc%22
Je ne connais pas du tout, et je me demande ce que cela vaut.
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Re: Buster Keaton (1895-1966)

Message par NotBillyTheKid »

bruce randylan a écrit :Mon avis sur le roi des champs-Elysées, le seul film français de Buster Keaton ! :)

http://www.1kult.com/2010/06/03/le-roi- ... x-nosseck/

Il passe encore une fois dans le cadre de la rétro Robert Siodmak ( qui a supervisé le tournage ), ce mercredi à 17h15 ;)
Bel article.

Dans les rôles tradifs marquants de Keaton, tu ne cites pas son drôle de rôle dans l'étrange "FILM" de Samuel Beckett. C'est pourtant, je pense, un rôle important car les films de Beckett sont rares, et celui ci est le plus facile à trouver.
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Re: Buster Keaton (1895-1966)

Message par bruce randylan »

Alphonse Tram a écrit :Les ultimes muets de Keaton ? Une selection de "double bobines" entre 1934 et 1937. C'est dispo chez Kino
http://www.kino.com/video/item.php?film ... =keatoc%22
Je ne connais pas du tout, et je me demande ce que cela vaut.
Ce ne sont pas des muets :wink:

S'ils sont de la même qualité de ceux qu'on trouve dans le coffret Columbia en zone 1 ( cf mon article ), il y aura surement quelques trucs à sauver.
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Dans ce coffret Kino on devrait y trouver ses court-métrages pour la Educational Pictures. Si ma mémoire est bonne, le doc de Kevin Brownlow indique que ce sont pour la majorité des remakes de ses court-muets avec un budget bien inférieur et une mise en scène moins inspirée mais Keaton tente de perfectionner plusieurs gags, de les enrichir et il semblerait qu'il y arrive à plusieurs reprises.

NotBillyTheKid a écrit :
bruce randylan a écrit :Mon avis sur le roi des champs-Elysées, le seul film français de Buster Keaton ! :)
http://www.1kult.com/2010/06/03/le-roi- ... x-nosseck/
Bel article.

Dans les rôles tradifs marquants de Keaton, tu ne cites pas son drôle de rôle dans l'étrange "FILM" de Samuel Beckett. C'est pourtant, je pense, un rôle important car les films de Beckett sont rares, et celui ci est le plus facile à trouver.
Merci :D

Je ne cite pas le Beckett pour la simple raison que je ne l'ai jamais vu. Le DVD est trop cher pour la durée du film. Pas non plus le courage de le regarder sur youtube.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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