Je ne sais pas quelle est l'intention de la Fox, qui a validé ça à mon grand étonnement, mais je peux donner mon interprétation de ce que met Fleischer derrière ce texte. Pour Richard Fleischer, il n'y a pas des hommes mauvais et des hommes bons, le mal et le bien est présent chez tout le monde. C'est le sens de l'opposition John Hurt/Richard Attenborough dans Rillington, avec deux personnages qui présentent les deux facettes et qui diffèrent "uniquement" par un passage à l'acte. C'est aussi le sens du défilé des "Usual suspects" dans la première partie de Boston, le mal est partout. Chez Fleischer, ce mal est "activé" par un contexte social - c'est très visible dans Compulsion - , psychiatrique (Boston), ou les deux (Rillington). Du coup, Fleischer s'oppose souvent à l'idée de condamnation judiciaire. Dans Compulsion et dans Rillington, le discours s'oriente violemment contre la peine de mort. Dans Boston, ça va encore plus loin. Il y a point qui m'a frappé : la première partie, en adéquation avec son traitement documentaire, utilise beaucoup d'images de unes de journaux, qui énumère les meurtres. on s'attend naturellement à ce qu'une manchette annonçant la capture du tueur, voire du coupable, apparaisse à un moment. Pourtant elle ne vient jamais. Le mot coupable n'est même jamais prononcé ou écrit durant le film, et on évoque uniquement dans le texte final que le personnage n'a pas été reconnu coupable. Pour moi, c'est tout sauf le fait du hasard, c'est un choix de Fleischer. Pour lui, comme le mal est chez tout le monde, condamner un homme reviendrait à condamner tout le monde (j'ai du développer ce point dans la chronique sur Rillington), il refuse donc de condamner DeSalvo. Pour lui la violence, et donc le mal, sont un problème à traiter par la société, pas seulement du point de vue médical (ça c'est le cas spécifique de DeSalvo) mais de manière globale, du point de vue de l'éducation (Compulsion), de la pression sociale (Rillington), etc. Je pense que Fleischer croit beaucoup en ce texte final.The Eye Of Doom a écrit : Je n'ai par contre pas compris le sens du texte final sur la lutte contre la violence qui n'a pas commencé. De quoi parle t'on ? Du dépistage des schizophrènes ? Alors pourquoi parler de violence en général? À la fin des années 60, la violence aux USA n'est malheureusement pas que le fait de malades mentaux.
Je rebondis également sur une de tes réserves, car je reste absolument convaincu par l'utilisation du split screen. D'abord à des fins purement narratives, pour accélérer le récit lors de la succession d'arrestations, ou pour donner de la force à certaines séquences (les femmes qui s’enferment chez elles), sans ce procédé, ces moments seraient bien moins efficace. Leur répétition lors des scènes de meurtre a pour moi une autre fonction, celle de nous projeter dans la personnalité de DeSalvo avant même qu’il soit à l’écran. D’une certaine manière, par ce procédé, le personnage existe avant d’être à l’écran et son désordre psychiatrique aussi : les écrans multiples sont une mise en image évidente de sa schizophrénie, et les points de vues choisis alternent entre ses deux personnalités. De manière plus technique, je pense aussi que le procédé permet de préparer le spectateur aux images subliminales de la seconde partie, elles aussi très inhabituelles. Il y a une sorte de progression stylistique, d’abord du split screen simple, puis des images dans l’image (écrans), puis une occurrence d’images superposées, puis les images subliminales. Le spectateur est – à mon avis – amené à mieux appréhender ces dernières par ce qui s’est passé avant.
Et surtout la multiplication de ces séquences a pour effet de rendre la conclusion extrêmement singulière. Ce gros plan presque fixe sur Curtis (à l’exception de quelques plans sur ses mains), dans une longue scène qui est presque un plan séquence, prend une dimension encore plus particulière par le traitement stylistique choisi par Fleischer durant tout le reste du film. Cette séquence est absolument impressionnante, plus que dans mon souvenir. Curtis y est époustouflant et Fleischer atteint son objectif, nous entrons forcément en empathie malgré tout ce que nous avons vu avant, et nous nous retrouvons, en tant que spectateur, confronté à une réflexion sur la notion de mal et de culpabilité telle que je l’ai décrite plus haut. Par l’ensemble de ses choix de mise en scène, Fleischer nous a amené sur le terrain qu’il souhaitait. C’est une vraie démarche d’auteur, on donne à Fleischer un sujet et il choisit de le raconter d’une manière précise pour rejoindre son terrain, et ses thématiques de prédilection.