Que la fête commence (Bertrand Tavernier - 1975)
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Tavernier a donné au film historique un défini proprement passionnant, car sa mise en scène est fondée sur une extrapolation formidable de la codification du genre. La caméra est un témoin actif de l'action et du comportement des personnages, tous magnifiquement campés par les comédiens.
L'approche de Tavernier rend fascinantes les déchéances humoristiquement satiriques des protagonistes, qui se débattent dans un monde en putréfaction. On y sent la mort, la pourriture et l'absence de beauté d'un univers qui confond richesse et luxure, intelligence et culture.
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L'approche de Tavernier rend fascinantes les déchéances humoristiquement satiriques des protagonistes, qui se débattent dans un monde en putréfaction. On y sent la mort, la pourriture et l'absence de beauté d'un univers qui confond richesse et luxure, intelligence et culture.
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Re: Que la fête commence (Bertrand Tavernier, 1974)
Si je suis très loin d'aduler l’œuvre de Tavernier, Que la fête commence se hissera sans mal dans mes préférences aux côtés de Coup de torchon. Il faut bien dire que le scénario est assez exceptionnel, tant dans l'écriture des dialogues que dans la synthèse des forces de l'époque. On aurait pu craindre l'éparpillement mais le film conserve son cap et ne donne pas l'impression de rester en surface des choses malgré la complexité du contexte national (tout ce qui a trait aux efforts de redressement financier de Law et la bulle spéculative que cela entraîne, les inimitiés à l'encontre de Philippe d'Orléans) ou international (la guerre contre l'Espagne et la recherche de l'appui de Philippe V). On peut deviner l'imprégnation des sources notamment saint-simoniennes dans le traitement d'Aurenche et Tavernier pour l'aspect chronique, les portraits et le goût du détail (les masques de chirurgiens, les portes-sceaux... confier la musique du film au Régent lui-même, quelle idée géniale) : le film a la bonne intuition de faire de la conspiration de Pontcallec et son utopie de République bretonne le volet d'une évocation plus large de la Régence, au travers d'un ton là aussi très casse-gueule. Comme le disait de façon révélatrice le cinéaste au moment de la sortie, il aurait pu sous-titrer son film à la Leone Le libéral, le cynique, l'idéaliste et la putain. Le film alterne l'insolence et la mélancolie, la gravité et le cocasse, souffle le chaud et le froid. Cet alliage prend ses libertés avec l'Histoire mais s'attache à restituer un esprit général avec une prestance remarquable dans le ciné français.
Mais quelque part, l'effet paradoxal, c'est qu'à vouloir ne pas chier du marbre et jouer cette forme osée de décalage en permanence (Tavernier dit lui-même avoir voulu s'inscrire dans la verve des films historiques de Freda ou Comencini), Que la fête commence est presque parfois victime de son style ou en atteint du moins les limites: la vulgarité discutable de l'abbé Dubois, les orgies limite parodiques du Régent ou le jeu ahuri de Marielle appuient un peu trop la "machinerie", je veux dire, la contemporanéité du style et des intentions par rapport à un traitement qui se veut au demeurant historiquement fidèle. C'est aussi le projet d'un Marie-Antoinette que de jouer sur ce régime modernité/historicité, mais dans le cas du Tavernier, la cohérence me paraît plus fragile (cela débouche d'ailleurs sur cet épilogue foireux où, à vouloir porter le regard vers l'avenir, on finit par être complètement caricatural) et surtout, un gros souci pour moi est que les comédiens (même si Noiret, Rochefort et Marielle sont jubilatoires) s'effacent difficilement derrière leurs personnages historiques. Que le style et l'écriture soient si virevoltants alors que la mise en scène de Tavernier est, elle, illustrative à l'ennui (au point de rendre parfois la reconstitution cheap), est encore un paradoxe de ce film boiteux, sans doute, mais réjouissant.
Mais quelque part, l'effet paradoxal, c'est qu'à vouloir ne pas chier du marbre et jouer cette forme osée de décalage en permanence (Tavernier dit lui-même avoir voulu s'inscrire dans la verve des films historiques de Freda ou Comencini), Que la fête commence est presque parfois victime de son style ou en atteint du moins les limites: la vulgarité discutable de l'abbé Dubois, les orgies limite parodiques du Régent ou le jeu ahuri de Marielle appuient un peu trop la "machinerie", je veux dire, la contemporanéité du style et des intentions par rapport à un traitement qui se veut au demeurant historiquement fidèle. C'est aussi le projet d'un Marie-Antoinette que de jouer sur ce régime modernité/historicité, mais dans le cas du Tavernier, la cohérence me paraît plus fragile (cela débouche d'ailleurs sur cet épilogue foireux où, à vouloir porter le regard vers l'avenir, on finit par être complètement caricatural) et surtout, un gros souci pour moi est que les comédiens (même si Noiret, Rochefort et Marielle sont jubilatoires) s'effacent difficilement derrière leurs personnages historiques. Que le style et l'écriture soient si virevoltants alors que la mise en scène de Tavernier est, elle, illustrative à l'ennui (au point de rendre parfois la reconstitution cheap), est encore un paradoxe de ce film boiteux, sans doute, mais réjouissant.
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Re: Que la fête commence (Bertrand Tavernier - 1975)
Poursuite de notre hommage à Bertrand Tavernier avec Que la fête commence chroniqué par Philippe Paul
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Re: Que la fête commence (Bertrand Tavernier - 1975)
Non seulement je suis dans une période de remerciements sur le forum, mais ce film est certainement celui que je préfère dans la filmo de B.Tavernier.Jeremy Fox a écrit : ↑1 nov. 21, 06:59 Poursuite de notre hommage à Bertrand Tavernier avec Que la fête commence chroniqué par Philippe Paul
Donc merci Philippe Paul ( aka Rick Blaine ) pour cette belle analyse
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Re: Que la fête commence (Bertrand Tavernier - 1975)
Ce photogramme est assez connu, si on connait le film ce ne sont pas que les bons mots du régent qui font apparaitre ce sourire d'extase de Marina
En fait, je trouve qu'il a été assez peu dit que B.Tavernier a aussi réalisé un beau film érotique, dans un contexte historique certes ( le recrutement brutal et de nuit de "volontaires" pour peupler la Louisiane nouvellement acquise , hommes et femmes que l'on mariait arbitrairement ensuite, le but étant de peupler le territoire ). Il y a aussi des contextes dramatiques tous intéressants comme le comte breton joué par le grand Marielle; l'abbé Dubois, intéressé uniquement par des propositions de promotions sacerdotales c'est un inénarrable Jean Rochefort en délire , qui saute sur les tables Sans compter que lors des parties fines, l'ambiance y est plutôt joyeuse, et drôle (je vais m'enquérir bientôt de synonymes à ce mot, prce que j'en peux plus ), ce qui fait que toutes ces scènes ont un amalgame très réussi !!
Et puis, personnellement j'aime bien bien la période XVII, XVIIIe française, en littérature et période historique au cinéma...
Je la reposte, mais Tavernier est quand même très en avance de montrer ce genres de (belles) scènes dans une mouture "classique et historique", avec des vérités sociales. Le film date de 1975 !!
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Re: Que la fête commence (Bertrand Tavernier - 1975)
D'une manière générale, Tavernier a toujours réfuté toute référence contemporaine dans ses films historiques, notamment pour Que la fête commence. A priori, ça l'agaçait même un peu. Il voulait tellement rendre l'époque telle qu'elle était, que je pense qu'il en a fait totalement abstraction, et les rapprochements que l'on peut faire ne relèvent que de la coïncidence.moonfleet a écrit : ↑1 nov. 21, 19:42
Je la reposte, mais Tavernier est quand même très en avance de montrer ce genres de (belles) scènes dans une mouture "classique et historique", avec des vérités sociales. Le film date de 1975 !!
Sur son blog, je lui avait demandé si c'était le même Noiret dans La Grande Bouffe, (1973) ( ce personnage plutôt apathique, à la libido régressive, du juge qui se laisse recoudre la braguette in situ , [ (et par Andréa Féreol) même si c'est hors-cadre et cut, cela tombe bien, j'aime aussi le hors-champ qui peut en dire plus que l'image ], qui lui avait inspiré cette scène, il m'a répondu que non, il n'avait alors pas vu le film de Ferreri.
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Re: Que la fête commence (Bertrand Tavernier - 1975)
De toutes façons, un cinéaste qui fait des films dit d'époque(s) précédentes s'est documenté obligatoirement, renseigné un minimum, c'est obligé, surtout concernant Bertrand Tavernier qui emmagasinait les infos à vitesse grand V , après il en fait ce qu'il en veut. Et il ne peut qu'imaginer ce que pouvait être un petit souper à cette époque.Rick Blaine a écrit : ↑1 nov. 21, 20:50 ... et les rapprochements que l'on peut faire ne relèvent que de la coïncidence.
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Re: Que la fête commence (Bertrand Tavernier - 1975)
En fait je ne comprends pas du tout l'ensemble de tes proposRick Blaine a écrit : ↑1 nov. 21, 20:50
D'une manière générale, Tavernier a toujours réfuté toute référence contemporaine dans ses films historiques, notamment pour Que la fête commence. A priori, ça l'agaçait même un peu. Il voulait tellement rendre l'époque telle qu'elle était, que je pense qu'il en a fait totalement abstraction, et les rapprochements que l'on peut faire ne relèvent que de la coïncidence.
Je n'ai pas dit non plus qu'il avait participé à La Nouvelle Vague
Surtout en étant l'un des piliers de Positif
P..... il a eu une vie bien remplie, quand j'y pense, sans compter le nombre improbable de réalisateurs qu'il a rencontré (entretiens reportées en livre), les manifestations cinématographiques, les bonus de disques (il en a fait des centaines !!), sa volubilité sur son Blog (dont pâtit le pauvre Serge Toubiana qui a pris la relève sur le fil et à qui personne ne répond ), sa dernière intervention télévisée où il présentaient les bouquins de chez Actes Sud ...
Pour la force qu'il trouvait à animer ce blog, je le remercie, il doit être l'un (le ?) des seuls cas de réalisateurs connus à avoir communiqué au long cours avec des internautes
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Re: Que la fête commence (Bertrand Tavernier - 1975)
Rien de compliquémoonfleet a écrit : ↑1 nov. 21, 21:09En fait je ne comprends pas du tout l'ensemble de tes proposRick Blaine a écrit : ↑1 nov. 21, 20:50
D'une manière générale, Tavernier a toujours réfuté toute référence contemporaine dans ses films historiques, notamment pour Que la fête commence. A priori, ça l'agaçait même un peu. Il voulait tellement rendre l'époque telle qu'elle était, que je pense qu'il en a fait totalement abstraction, et les rapprochements que l'on peut faire ne relèvent que de la coïncidence.
Je n'ai pas dit non plus qu'il avait participé à La Nouvelle Vague
Je rebondissais juste sur votre échange à propos du film de Ferreri, et je disais que de manière générale, il faut oublier toute référence à des éléments contemporains (artistiques, politiques, ...) dans Que la fête commence. Tavernier l'a toujours nié.
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Re: Que la fête commence (Bertrand Tavernier - 1975)
Je ne parlais pas de l'influence de La Grande Bouffe sur Que la fête.... C'est un coïncidence beaucoup + triviale qui m'intéressaitRick Blaine a écrit : ↑1 nov. 21, 23:29
Rien de compliqué
Je rebondissais juste sur votre échange à propos du film de Ferreri, et je disais que de manière générale, il faut oublier toute référence à des éléments contemporains (artistiques, politiques, ...) dans Que la fête commence. Tavernier l'a toujours nié.
Je voulais savoir si la scène de fellation présente dans les deux films, avec le même acteur, était, dans le cas de B.Tavernier, inspirée par la première, il s'avère que non.
La fellation est dans le domaine public , elle existe depuis le commencement du monde, c'est un acte intemporel. Mais qui bien sûr peut être contextualisée dans un grand choix de variantes.
Et pour compléter parce que ce film m'inspire, je dirais que Philippe Noiret est royal (désolée, il fallait que je la fasse celle-là ), le régent est aussi mélancolique et tourmenté, et cela Noiret le rend merveilleusement de son visage désabusé au petit matin, et par ailleurs humain et capable de gouverner, il veut connaître les affaires de l'état mais il est aussi faible dans ses décisions... et n'a personne pour le supporter, surtout pas l'ami Dubois d'ailleurs.
Je vais avoir l'occasion de voir le film en blu, l'on va me prêter le coffret. Cela fait un bail que j'l'avions point r'gardé !!
Pour l'anecdote...
C'est sur ce film que se sont rencontrés Nicole Garcia et Jean Rochefort
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