Douglas Sirk (1897-1987)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Lord Henry
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Message par Lord Henry »

Le mélo n'a pas attendu Sirk pour acquérir ses "lettres de noblesse" - pour peu qu'une telle respectabilité revête la moindre importance.
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Holly Golightly
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Message par Holly Golightly »

John Constantine a écrit : Je kiffe à fond ce mélo beaucoup moins simpliste qu'il n'y parait. Une fin certes à chialer en forme d'adieu de Sirk à Hollywood et des personnages ambigus : ok, Juanita et Lana sont bonnes copines mais cette dernière exerce sur la première une forme de pater/maternalisme subtil, et au bout du compte, elle ne la connaît pas après toutes ces années (de mémoire *j'ignorais que vous aviez des amies à l'église, Lora*/*vous ne me l'avez jamais demandé madame*). Et on peut être compréhensif face au personnage de Susan Kohner, qui cherche une émancipation compliquée par rapport à ses origines ou à l'amour étouffant de sa maman. J'aime bcp les choix de réal de Sirk, en particulier, Susan Kohner battue par son salaud de petit ami et reflétée dans la vitre.
Totalement d'accord avec tout ce que tu dis. Quant à la scène où Kohner se fait violenter, elle m'a moi aussi beaucoup impressionnée, pas seulement à cause des jeux sur les reflets et les ombres, mais aussi à cause de la musique, jazzy et violente, qui semble "relancer" le film. C'est une scène absolument superbe.
Magnifique scène d'émotion aussi quand Juanita Moore vient retrouver sa fille pour la dernière fois au cabaret, et que cette dernière craque dans ses bras. C'est bouleversant.
- Seriez-vous lâche. Je connais vos griffes puissantes. Accrochez-les dans la vie. Défendez-vous! Effrayez la mort.
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Holly Golightly
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Message par Holly Golightly »

Lord Henry a écrit :Le mélo n'a pas attendu Sirk pour acquérir ses "lettres de noblesse" - pour peu qu'une telle respectabilité revête la moindre importance.
Je sais bien, mais je n'ai pas vu de film de Stahl (pour citer un exemple antérieur). Mais j'aime aussi des mélos non-signés Sirk, comme ceux de Minnelli, ou encore le magnifique Waterloo Bridge
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Banane
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Les Sanders/Sirk

Message par Banane »

Je viens de visionner "Un scandale à Paris" en DVD (bon la qualité du DVD de CinéClub est loin d'être exceptionnelle, mais je passe), avec Georges Sanders en Eugene Vidocq par Douglas Sirk, et ce fut une vraie révélation. Enfin bon pas vraiment, dans le sens où j'ai acquis depuis longtemps que ce sont 2 grands talents, mais il y a un je-ne-sais quoi qui m'a fait trouver ce film différent des grands Sirk/Universal des années 50.
C'est léger, ironique, espiègle, un véritable écrin à la personnalité de Sanders, et je classe cette interprétation au même niveau qu'Addison DW. J'ai même trouvé qu'il y avait un côté "lubischien" dans la façon dont le roué Vidocq est traité.

La filmo de Sanders fait apparaître 3 films avec Douglas Sirk, et j'avais d'abord pensé (bêtement) qu'il s'agissait de fonds de tiroirs du cinéaste alors en apprentissage à Hollywood, jusqu'à ce que je lise le livre d'entretiens avec Sirk qui avait l'air d'avoir gardé un très bon souvenir de sa collaboration avec Sanders. Et ce "Scandale à Paris" est parfaitement maîtrisé. J'ai repéré un titre "Summer Storm", tiré d'une oeuvre de Tchékov, avec en plus 2 autres stars que j'aime beaucoup (E. E. Horton et Linda Darnell) que j'adorerais voir.

Quid de ce film, et du 3ème "Lured" avec Lucille Ball ? Quelqu'un les a vus ?

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Beule
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Message par Beule »

Je n'ai pas lu le Drame de chasse de Tchekhov et ne saurais donc juger de l'à-propos de son adaptation par Sirk.

Manifestement, même si Sirk et Nebenzal ont pris soin cette fois encore de s'entourer de collaborateurs immigrés en provenance du Vieux Continent, la recréation de cette Russie pré-révolutionnaire n'échappe pas toujours à l'écueil de l'illustration exotique quelque peu sclérosante telle qu'on la concevait alors dans la Cité du Cinéma. D'un point de vue architectural, L'Aveu s'apparente ainsi trop souvent à une succession de ténébreux tableaux exhalant un romantisme languide, jusqu'à parfois sembler trahir une origine dramaturgique pourtant non avenue. Il en allait de même d'ailleurs, mais avec infiniment moins de faste et de brio plastique, de son Hitler's madman. Et, nonobstant l'indéniable charge érotique qui émane de sa paysanne, l'interprétation stéréotypée de Linda Darnell, qui semble ici esquisser la figure d'ambitieuse calculatrice au petit pied qui la mènera au même sort funeste l'année suivante dans le Fallen Angel de Preminger, dessert un peu plus la crédibilité de l'entreprise.

Pour autant, ces réserves émises, je n'hésiterai pas à classer ce Sirk parmi ceux qui me tiennent vraiment à coeur. Parce que si la narration souffre de sa fragmentation, elle ne détoure pas moins le souffle puissant et étouffant de l'inexorable, parce que si la direction artistique trahit la confection de studio, elle n'en échappe pas moins à l'académisme illustratif, en ce sens que les clairs-obscurs audacieux de Maître Schüfftan comme les agencements intérieurs chaotiques, tantôt dépouillés, tantôt lourds et erratiques de Kuri, offrent une image miroir à la micro-société peinte par Sirk, celle d'une aristocratie blanche décadente rongée par la seule libre expression de ses pulsions passionnelles au détriment de toute préservation d'esprit communautaire.

Dans cet exercice, Sanders semble atteindre le tréfond du désenchantement lucide, et sa parure de cynisme se teinte pour l'occasion d'un vernis douloureux que je lui ai rarement connu. Edward Everett Horton, quant à lui transformé pour l'occasion en presque sosie d'Harry Langdon, compose une figure plus étrange et iconoclaste encore de Pierrot lunaire que son aveuglement et sa dévotion amoureuse font verser dans une folie pathétique.

Par la grâce de ces deux-là et par l'expressivité suggestive de la mise en scène, Summer storm me paraît savoir faire sourdre les prémices de la Révolution Russe aussi naturellement que ne saura le faire le méticuleux Tavernier pour la Révolution Française dans son remarquable Que la fête commence. Ne serait-ce que pour cette raison, il s'agit d'un des films qu'il me tarde le plus de retrouver lors de la rétro annoncée, en plus des opus allemands que je ne connais pas.

Lured est selon moi la moins intéressante des trois collaborations Sirk-Sanders. C'est néanmoins un honorable film-enquête, remake du remarquable Pièges de Siodmak dont il épouse le découpage presque plan par plan. Contrairement à ce que Sirk lui-même (!), Bourget ou Tavernier (je crois) prétendent, l'intrigue est certes transposée de Paris à Londres, mais le cadre n'en est nullement victorien. Il reste contemporain. Pour qui a vu le Siodmak, le Sirk souffre surtout de l'affadissement de certaines situations, notamment de l'édulcoration des rapports fétichistes que Siodmak savait allusivement instaurer entre Marie Déa et Jacques Varennes, et de l'interprétation tout d'une pièce de Lucille Ball, trop impavide. Sanders fait ce qu'il peut de la convention de son rôle, mais il lui manque les nuances propres à l'exercice de la fascination intellectuelle qu'il sait susciter à son meilleur. Mieux vaut d'abord découvrir le film français.
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Banane
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Message par Banane »

Merci pour ces précisions Beule :wink:

Malgré tes réserves sur Summer storm, tu m'as quand même donné envie de le découvrir (reste à savoir comment...).
Par contre, je savais pas que Lured était un remake de Pieges de Siodmak, merci de l'info.

Banane
Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

TOUT CE QUE LE CIEL PERMET de Douglas Sirk (Cinéma de Minuit)

SPOILERS
Second Sirk que je vois cette année après ECRIT SUR DU VENT. Comme d'habitude je ne savais rien du pitch, mais j'ai été moyennement étonné de voir encore un film sur la pression sociale, l'émancipation féminine, etc... même si je sais que vu aujourd'hui, la surprise (et l'impact) est moindre. Reste que j'ai quand même bien apprecié ce portrait de femme, ou si l'on voit le film d'un angle différent, d'une intrusion (celle de Rock Hudson) dans un monde hermétique (les classes sociales rigides). Je voyais quand même mal le film se terminer sur une happy end. Pourtant c'est ce qui se passe, ils sont forts à Hollywood...

Travail intéressant sur la lumière (colorée et masquée), sur les décors (enneigés).
Ce n'est pas mon film du mois, pour reprendre un classement du forum, mais un film sympathique. Effectivement le recardage se fait sentir 2-3 fois. Et dommage encore que le master ne nous ait pas présenté le film avec un meilleur rendu des couleurs, même si on en a un petit aperçu...
Vivement la suite du cycle!
Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

CAPITAINE MYSTERE de Douglas Sirk (France 3)

Sympathique (et encore...) film dont l'ambiance et l'énergie me rappellent les films de cape et d'épées, mais sans les épées - ni les capes... L'intrigue est claire, parsemée de personnages tantot bons, tantot méchants. On a quand même ici un film de série. Pourquoi donc Brion ne nous a pas montré LE SECRET MAGNIFIQUE par exemple (je ne l'ai pas vu)?

Tout le film est post-synchronisé. Ca fait bizarre. La voix de Rock Hudson sonne un peu faux je trouve (un rauque surfait).
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Message par Flol »

Grosse déception pour ma part, en découvrant le Written on the Wind de Sirk : alors oui c'est très joli, les couleurs sont magnifiques...mais Rock Hudson est fadasse comme c'est même pas permis, et je trouve le traitement de l'histoire bien trop superficiel. En gros, j'ai regardé ça d'un oeil quelque peu désintéressé, avec un ennui poli.
Donc sur ce coup-là, Sirk me déçoit (d'autant plus après avoir découvert le somptueux All That Heaven Allows).
Quel est le prochain film du cycle, d'ailleurs ?
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Ratatouille a écrit : Quel est le prochain film du cycle, d'ailleurs ?
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Message par Flol »

Jeremy Fox a écrit :
Ratatouille a écrit : Quel est le prochain film du cycle, d'ailleurs ?
Le Mirage de la vie
En espérant ne pas être déçu...:(
Robert McCall
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Message par Robert McCall »

Ratatouille a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
Le Mirage de la vie
En espérant ne pas être déçu...:(
J'espère que non. C'est l'un des plus beaux films du monde. :!:
Link Jones
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Message par Link Jones »

Ratatouille a écrit :Grosse déception pour ma part, en découvrant le Written on the Wind de Sirk ...
Très surpris également par "Ecrit sur du vent", le choc a été dur après le magnifique film "Tout ce que le ciel permet". Je ne m'attendais pas à un changement de ton aussi radical. Les 2 films traitent chacun d'une histoire d'un couple, certes, mais radicalement différent l'un de l'autre et dans 2 amérique bien différentes...

"Ecrit sur du vent" est dur et noir, à l'image de ce couple tragique Robert Stack-Laureen Bacall, du cadre, et de cette ambiance où l'argent domine ...

A l'opposé, "Tout ce que le ciel permet" déploye tout ce qu'il faut pour nous toucher, Jane WYMAN - Rock HUDSON, couple romantique idéal ? confronté à leur entourage... Le cadre mélancolique de la petite ville et des paysages environnant traversant les saisons, automne puis hiver enneigé, le moulin, ... renforce ce côté mélancolique et romantique.

"Ecrit sur du vent" a été plus dur à apprécier pour moi aussi (peut-être l'effet de surprise) ; en tout cas, Robert Stack, excellent fait un peu d'ombre à Rock Hudson qui parait, en effet, un peu effacé et fade dans ce film, mais c'est peut-être bien ce qu'il fallait pour cette histoire. Le regard dur et froid de Laureen Bacall n'a également rien à voir avec la douceur de Jane WYMAN.

:wink:
Robert McCall
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Message par Robert McCall »

Link Jones a écrit :"Ecrit sur du vent" a été plus dur à apprécier pour moi aussi (peut-être l'effet de surprise) ; en tout cas, Robert Stack, excellent fait un peu d'ombre à Rock Hudson qui parait, en effet, un peu effacé et fade dans ce film, mais c'est peut-être bien ce qu'il fallait pour cette histoire. Le regard dur et froid de Laureen Bacall n'a également rien à voir avec la douceur de Jane WYMAN.
La réussite du film est probablement de déplacer notre intérêt vers les deux monstres du film, Stack et Malone, plus intéressants que les entiers et un peu fades Bacall et Hudson qui sont eux-mêmes des monstres de perfection et m'ennuient franchement un peu. Le dernier plan où SPOILER Malone finit juste par serrer et tripoter un derrick alors qu'elle voulait Rock est pour mon esprit mal placé d'une grande violence et très ironique, pas très rose. :!:
Ballin Mundson
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Message par Ballin Mundson »

Ratatouille a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
Le Mirage de la vie
En espérant ne pas être déçu...:(
Des trois cités, c'est celui que j'ai le moins aimé.

Si Rock Hudson peut paraître terne dans "écrit sur du vent", ce n'est rien comparé à Lana Turner dans imitation of life (au point de ne pas être franchement crédible dans son personnage de vedette charismatique de la scéne et de l'écran).

Je préfère de loin la version avec Claudette Colbert, néanmoins il me reste deux souvenirs forts de ce film:
- le générique du début incroyablement kitch,
- et un dernier quart d'heure ahurrisant à force de charger la barque dans le coté larmoyant et, qui malgré ça (ou à cause de ça) arriverait à tirer une larme au spectacteur le plus endurci.
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