Le cinéma japonais

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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joe-ernst
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Re: Topic naphtalinippon

Message par joe-ernst »

Merci Bruce. Je vais donc surveiller les sorties BFI ! :)
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
Akrocine
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Re: Topic naphtalinippon

Message par Akrocine »

"Mad Max II c'est presque du Bela Tarr à l'aune des blockbusters actuels" Atclosetherange
Eigagogo
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Re: Topic naphtalinippon

Message par Eigagogo »

Sur les liens Adachi/Oshima, il y a cet article très interressant: http://eigageijutsu.blogspot.com/2009/0 ... -1968.html

(bon, Adachi c'est assez brumeux à decrypter premier abord, mais c'est en fait très simple)
That's why, up to "Death by Hanging," I felt: "Oh, this is an Oshima movie!" every time I watched one of his films. But from "Diary of a Shinjuku Thief [Shinjuku Dorobo Nikki]" (1968) and "The Man Who Left His Will on Film," I started feeling the difference in sensibility between us, though sharing the same understanding of contemporary issues. I think that the difference in density of sensibility ultimately led to Oshima's denunciation of me and my works: "Your chattering movies are not worth my attention!” What I understood from reading the new book is that Oshima was already navigating toward maturity as a filmmaker in his war of retreat. Oshima's criticism of me was stingy, but I took it as his own way of expressing affection to his contemporaries.
bref, Oshima l'a giclé après qlq collaborations.

Voir aussi tout le passage sur la simultanéité de thêmes qui meneront à la théorie du paysage Boy/Man who left his will on film VS Running in Madness, Dying in Love/ Aka Serial Killer , et aussi leur collaboration sur Le retour des 3 saoulards.

-----------------------

et sinon un peu de lecture : entretien nobuhiko obayashi, shinobu terajima, go shibata, mamoru hosoda (+Belladonna / Jeu de famille):
bruce randylan
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Merci pour ces infos. Plein de lecture en prévision (je vais aller voir ce que vous dîtes sur Belladonna que j'adore).
Adachi, il faudrait que je retrouve les bafouilles que j'ai écrit après mes 3 séances à la CF.

Sinon, toujours à la MCJP
Elle et lui ( Susumi Hani - 1963)

Femme au foyer à la vie un peu monotone, Naoko vit un peu dans sa prison dorée jusqu'au jour où un incendie se déclare dans les baraquements précaires des chiffonniers qui vivent en contrebas de son immeuble. Elle se met à s'intéresser à cette population qu'elle avait négligée et y croise un ancien ami d'études de son mari

Après la fiancée des Andes, une deuxième belle surprise de Susumu Hani qui livre un joli film social dont les préoccupations humanistes passent par les personnages et non par un discours, ce qui est toujours mieux.
On suit au début la vie de Naoko jouée par Sachiko Hidari (prix d'interprétation à Berlin pour ce film et qui sera aussi à l'affiche de la fiancée des Andes) qui en fait un peu trop dans la gentille naïve tout sourire (voir par exemple quand elle cherche à intervenir durant une bataille rangée entre enfants). Mais son jeu se nuance par la suite quand intervient ce semi vagabond vivant avec une fillette aveugle qu'il a recueillie et un gros chien noir. Comme c'est le seul rôle de Kikuji Yamashita, j'imagine que l'homme est un amateur et il est époustouflant dans ce rôle au point de se demander s'il joue vraiment. Rarement vu une prestation aussi crédible dans le genre.

L'art de la mise en scène n'est de ne pas de tomber dans le mélodrame, l'histoire didactique, la condescendance ou la leçon moralisatrice. Le réalisateur adopte une démarche documentaliste qui ne juge pas ses personnages mais se contente de les filmer. Ce n'est pas valable que pour ces 2 personnages centraux mais pour tous ceux présents à l'écran. On pense surtout aux enfants dont les jeux assez cruels ne sont clairement pas mis en scène. C'est aussi le cas des autres femmes de l'immeuble dont les préjugés ne sont pas du tout appuyés.
La réalisation possède donc une certaine énergie qui se rapproche plus du néo-réalisme que de la stylisation et de l'avant-garde de la nouvelle vague. On sent un souci d'authenticité et d'honnête vraiment palpable qui tourne le dos à grands nombres de clichés (pas d'histoire d'amour entre les 2 ; pas de happy-end). Il y avait pourtant de quoi craindre le pire mais à part quelques raccourcis au début et une vision caricaturale de l'entrepreneur du golf, Elle et lui est un très beau film délicat, sincère, intègre et personnel doublé d'un beau portrait de femme dans une société toujours machiste.

Par contre l'enfer du premier amour (1968) avait tout du calvaire.
Ca commençait pourtant bien dans une introduction où un jeune homme vierge et timide n'ose pas faire l'amour à sa copine alors qu'ils sont dans un hôtel de passe. L'écriture n'est pas très fine mais l'esthétique et les personnages sont alléchants et prometteurs.
Ca sera en fait presque la seule scène réaliste d'un film qui se vautre dans l'expérimental et l'abstrait dans des séquences interminables qui mélange tout et n'importe quoi dans une vision d'un Japon névrosé tellement exagéré que ça en devient consternant.
Je ne sais pas si la jeunesse japonaise s'est retrouvé dans ce double portrait mais je ne le l'espère pas pour eux : l'homme à des pulsions pédophiles parce que son père abusait de lui enfant, il est tellement dépressif que sa mère le pousse à prendre des cours de rire... à ce demander comment il a pu trouver une copine... D'ailleurs la copine est un modèle ou plutôt une stripteaseuse qui participe à des séances photos SM et n'a pas l'air contre le principe d'aller plus loin avec ses clients...
Non seulement il est vraiment impossible de s'identifier à ces deux là mais la longueur injustifiée des séquences plombe très rapidement de toute façon l'émotion. La séquence chez le psy ou des séances photo "cuire et fouet" sont de vrais supplices. Et je parle pas des photos en gros plan sur l'anatomie d'enfants ou d'un court-métrage amateur.
Dans ces moments là, Hani et son scénariste (Shuji Terayama ; ceci pouvant expliquer celà) ruent dans les brancards, veulent brasser trop de thèmes et se plantent sur toute la ligne d'autant que la réalisation ne fait dans la subtilité même si quelque moments sont brillants comme les effets de brumes chez le psy. Le problème c'est que toute cette partie n'est que théorique et oublie le cœur et l'humain... à savoir son histoire d'amour entre les 2 adolescents.

Il faudra arriver à la dernière séquence pour renouer avec le ton et l'ambiance touchante de l'ouverture. Une belle scène qui fait vraiment regretter que le reste du film n'ait pas choisi ce traitement à ce gloubiboulga indigeste.

J'espère que l'emploi du temps d'une matinée sera d'un autre niveau (même si je ne suis pas sûr de pouvoir le voir)
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Message par bruce randylan »

Retour sur deux films muets du cycle Japan Horror

Le tour de passe-passe (Shigeyoshi Suzuki - 1927)

Le fils d'une famille d'une famille démuni croise lors d'une nuit pluvieuse un homme mystérieux qui lui confie pour la nuit un paquet comprenant les liasses de billets. Doit-il y toucher ou non ?

Bien qu'inclus dans ce cycle J-Horror, ce petit film (25 minutes) n'a pas grand chose de fantastique même si son ambiance peut s'y rattacher : séquence nocturne balayée par une forte pluie, apparition fantomatique du voleur, flash-forward à la Dickens... C'est en fait un conte morale (et moralisateur) sur un petit enfant pris entre la nécessité de dire la vérité et le besoin de détourner l'argent pour aider sa famille.
L'histoire, sans être édifiante, est ainsi très naïf et schématique mais la mise en scène possède plein de bonne idées avant-gardistes avec un montage multipliant les fonds enchainés, les images kaléidoscopiques, les surimpressions avec quelques court-travelling très nerveux et surtout une très belle photo qui joue beaucoup sur la lumière/obscurité pour un résultat influencé par l'expressionnisme. Ca donne quelque plans somptueux et sensationnels comme l'enfant avec son parapluie attendant sous un réverbère mais éclairée par une lumière diagonale très forte venant hors-champ.
Bien qu'il s'agisse de l'un de ses premiers travaux, la mise en scène de Shigeyoshi Suzuki n'a cependant pas la force et la puissance d'un autre film que j'avais pu voir de lui : le geste inexpliquée de Sumiko (1930) qui est l'un de mes muets préférés et un authentique chef d'œuvre.



Le renard et le raton (Jiro Yoshino - 1929)

Un brigand retourne chez sa fiancée après avoir volé de l'argent. Traqué par la police, il lui propose un double-suicide pour ne pas être séparer. Mais sa promise a quelques réticences à passer à l'acte.

Cet autre court-métrage (30 minutes) n'est pas forcément plus fantastiques que le précédent mais les tours que se jouent le couple font intervenir de faux fantômes et revenants. Car en effet, le titre fait référence aux renards et aux Tanukis (les créatures proches des ratons qu'on voit dans Pom-poko d'Isao Takahata) qui passent leur temps à se faire des mauvais tours.

C'est d'ailleurs ce que fait le réalisateur avec le spectateur dans un scénario imprévisible : le film commence par une scène de combat dynamique et mouvementée aux long-plans où les acteurs courent d'un bout à l'autre du cadre (suivi dans des pano très rapides), repoussent des dizaines d'assaillant, évitent des bâtons et distribuent des coups par dizaine. Vraiment fun. :)

Ensuite l'histoire se calme quand le couple est réuni pour glisser vers une comédie proche de la satire. Une fois que le voleur veut faire croire à sa fiancée qu'il est mort le film devient par contre vraiment excellent et délirant où les twist enchainement à une vitesse folle (parfois plusieurs par minutes - à chaque cartons en fait). C'est totalement jubilatoire et irresistible.
vraiment frais et bien mené. La réalisation est plus traditionnelle que Suzuki mais demeure enlevée grâce à son rythme trépidant et aux cabotinages de ses acteurs.
Dans l'esprit ca m'a beaucoup fait pensé au délirant Le coffre de Tolède de Louis Feuillade
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Bon, dès fois le cinéma japonais c'est très chiant aussi. La preuve par trois :

L'empire des punks (Kazuyuki Izutsu - 1981).
Rien compris.
Y-a des jeunes qui se tapent dessus. Bon, ça okay. Mais alors pourquoi ? De quels clans sont-ils ? Qu'est-ce qu'ils veulent ? Où le réalisateur veut en venir ? La psychologie tout ça ?
Rien de rien !

Très confus, très très long (2 heures nom de dieu), aucune émotion, aucun personnages qui sortent du lot, aucune construction narrative, des scènes qui arrivent n'importe comment et ne servent à rien... Et puis il y a cette espèce d'anachronisme très gênant (l'histoire est sensée se dérouler en 1967)
Bon, après, il y a quelques touches humoristiques, une certaine énergie, une technique parfois bien fichus, les acteurs ont le physique de l'emploi mais c'est tout et c'est pour se forcer à trouver des bons points

Mais c'est pas le pire :
Les disciples d'Hippocrate (Kazuyuki Omori - 1980)

Une sorte d'Urgences avant l'heure avec une troupe de neuneus en fac de médecine. On comprend vite que le réalisateur a du suivre ce cursus pour ce machin nombriliste et vite gonflant à peine digne de films entre potes avec des blagues potaches tordantes (un bébé fait pipi dans la bouche d'un étudiant :| ), questions existentialistes passionnantes et mise en abîme de psychopathe (on suit des cours sur la contraception mais ma copine tombe en sainte oulala).
Un calvaire général que rien ne vient sauver : pas les acteurs (tête à claques), pas la musique (bien 80's), pas le scénario (y-en a un ?), pas les thèmes (immatures et à côtés de la plaque), pas de mise en scène (une idée d'ellipses dans un raccord à sauver sur la fin, basta)...
Insupportable.

L'assassinat de Ryoma (Kazuo Kuroki - 1974)
C'est déjà un peu mieux parce que pour le coup, il y a une vrai photo et que la réalisation est plus maitrisé mais là encore le scénario est confus et brouillon au possible. je ne sais pas si j'étais fatigué, distrait ou les deux mais je n'ai jamais réussi à rentrer dans l'histoire et à vouloir suivre les personnages. Kuroki s'amuse parfois à détourner les codes du chambara (les héros se déguisent en filles par exemple) mais j'ai trouvé ça désespérément froid et sans âme. Même chose pour les clins d'œil au cinéma muet qui ne sert aucune discours. C'est juste un gimmick n'amenant nulle part.
Mais bon dans l'ensemble tout sonne faux ou forcé : l'interprétation, l'humour, les questions politiques, les rapports entre les personnages. Mais bon, au moins il y a des belles images.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par Eigagogo »

Pour accompagner l'engouement formidable que suscite la retro ATG, la maison du japon vient de mettre en ligne la brochure (2 articles sur l'ATG)
http://issuu.com/mcjp/docs/arttheatreguildofjapan

(Nuit Naomi Tani demain soir pour rappel .. festival ParisCinema)
bruce randylan
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Message par bruce randylan »

Les amoureux perdus (Kunio Shimizu et Soichiro Tahara - 1971)

Bonne pioche pour celui-là. On suit un jeune rebelle exubérant qui vit en se livrant à quelques vols. Au gré de ses périples, il croise la route d'un couple de sourds/muets qui le fascine très vite. Ils commencent à les suivre et ils finissent par voyager ensemble.

C'est une joli parabole sur l'état d'esprit de la jeunesse de l'époque oscillant entre une lutte contre la société à l’énergie mal placé et une jeunesse résignée, réduite au silence. Dans tous les cas elle est marginalisée et n'est écoutée par personne. Mais pour une fois, le film ne tombe dans l'auto-complaisance du film autheurisant avant-gardiste/expérimentale.
Car si le fond est bien-sûr très militant, la forme ne propose pas un symbolisme forcené. La réalisation est dynamique, rythmée, poétique, parfois surréaliste (le héros fait du saut à la perche, les bus roulent sur la plage...). Et surtout les personnages sont attachants et on se soucie vraiment de ce qui leur arrivent. Le réalisateur n'hésite pas non plus à ridiculiser son personnage central dont le comportement confond vitesse et précipitations. Son speech sur fond de rock 'n' roll devant une foule au début intriguée puis de plus en plus lassés par un discours sans queue ni tête résume très bien la frustration et la maladresse d'une jeunesse qui n'arrive pas à exprimer son point de vue (un brin naïf).

Le contraste est forcément saisissant avec le charisme déployé avec ce couple muet, un couple uni, libre, détaché de tout matérialisme et échappant à tout normalisation. Ils ne sont bien sûr pas accepté par la société qui profite d'eux, enfin surtout qui veut profiter d'elle. La conclusion, on le devine, sera plus dramatique que joyeuse.

On dirait qu'il s'agit de l'unique réalisation des deux cinéastes (que ce soit en duo ou solo) et c'est regrettable car le film ne manque vraiment pas de qualité et de charme. La réalisation manque parfois un peu de force, surtout avec une durée de deux heures mais la narration comme la psychologie ne se déparait jamais de son originalité.
Excellente BO rock au passage (avec du Carmen Maki - la Janis Joplin japonaise :D )... Ca change la aussi du jazz free-style des autres productions ATG.

Une belle découverte que j'aimerai bien revoir un jour loin des conditions de marathon ATG (qui fait quand même un peu overdose)
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Re: Topic naphtalinippon

Message par Eigagogo »

bruce randylan a écrit :Les amoureux perdus (Kunio Shimizu et Soichiro Tahara - 1971)

Bonne pioche pour celui-là. On suit un jeune rebelle exubérant qui vit en se livrant à quelques vols. Au gré de ses périples, il croise la route d'un couple de sourds/muets qui le fascine très vite. Ils commencent à les suivre et ils finissent par voyager ensemble.
ça me rappelle un peu le pitch des Bébés de la consigne automatique (dont le héros faisait justement .. du saut à la perche sur la plage), ça m'etonnerait pas que Murakami a repiqué ça. Apparement son bouquin était au depart un script de film qui n'a jamais pu se faire (il a par contre fait un film pour son 1er bouquin: Bleu presque Transparent .. faudrait que je checke si c'est sorti avant le bouquin, ou après).
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Ah tiens, je ne l'ai pas lu ce Murakani. Je vais le mettre en haut de la whish list :)
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Message par magobei »

bruce randylan a écrit :Ah tiens, je ne l'ai pas lu ce Murakami. Je vais le mettre en haut de la whish list :)
Attention, c'est Ryu pas Haruki :wink:
"In a sense, making movies is itself a quest. A quest for an alternative world, a world that is more satisfactory than the one we live in. That's what first appealed to me about making films. It seemed to me a wonderful idea that you could remake the world, hopefully a bit better, braver, and more beautiful than it was presented to us." John Boorman
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Ah, je me disais bien que le titre ne me parlait pas... Bon, je le note quand même :oops:

Koheiji est vivant (Nobuo Nakagawa - 1982)

Après 12 ans d'inactivité, Nakagawa revient pour une ultime réalisation qui a tout du film testament. Et quel film testament ! :D
Reprenant les composants de ses films de fantômes (apparition, culpabilité, proximité des rivières, victimes attachés sur une porte flottante, monde de la scène), le cinéaste abandonne ses plan-séquences virevoltants pour une succession de plan fixes aux cadrages sophistiquées, ce qui ne veut pas dire que le rythme est contemplatif ; loin de là même. Il délaisse aussi les couleurs bariolées pour des tons plus doux et pastels.
Le résultat est un film magnifique visuellement et magnifique tout court avec un ton chaleureux, dédramatisé, toujours théâtrale mais dénué de toute exubérance. C'est une œuvre où l'on sent un cinéaste épanoui, apaisé et serein pour une belle déclaration d'amour au métier d'acteur et au monde de la scène.
Nakagawa n'a pourtant rien perdu de son efficacité avec notamment une ouverture troublante où l’ambiguïté des rapports entre un couple et leur meilleur ami prend une tournure perverse qui laisse deviner une violence sous-jacente prête à exploser.
Contrairement à ses films antérieurs, Koheiji est vivant n'est pas un film fantastique même s'il en a l'apparence et la forme. les différentes apparitions ne sont pas des manifestations surnaturelles mais une expression de la culpabilité du meurtrier. Ainsi, le trio de personnage compose une belle et touchante histoire d'amour servis par des acteurs magnétiques.

Avec 78 minutes au compteur, le film connait cependant quelques légères baisses de régime avec une ou deux péripéties redondantes mais qui s'oublie vite devant la force et la poésie des derniers plans.
Si seulement tous les derniers films pouvait être de ce niveau. :D


La rivière : poème de la colère (Kota Mori - 1967)
Réflexion sur Hiroshima au travers de l'histoire d'un homme cherchant son frère disparu dans le bombardement atomique 20 ans auparavant.

La première demi-heure est d'une intensité dramatique époustouflante qui prend à la gorge autant qu'aux tripes pour un sentiment douloureux et poignant, porté par un texte très fort et des images sublimes (dans le genre de Hiroshima mon amour - pour ce que je me rappelle du film d'Alain Resnais vu il y a 8 ans)... 30 minutes d'un lyrisme pesant et étouffant pour du grand art.

Mais malheureusement la suite ne fera que retomber ce soufflet : l'histoire et le discours se répète, se décline, se reprend durant tout le reste du film. La tension n'en finit plus de chuter au fur et à mesure que le temps passe et on finit au bout de 1h40 en étant plongé dans une semi-coma artificiel.
Rarement un sentiment de radotage et de surplace aura été aussi frustrant (et ennuyant)
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Orage lointain (Kichitarô Negisi - 1981)

Vivant dans la banlieue de Tokyo, Michio est une jeune homme qui cultive des tomates dans une serre. Alors qu'un promoteur essaye de lui racheter ses terres, il a une liaison avec une femme qu'il ignorait mère de famille et se voit proposé un mariage par une jeune femme aussi épanouie que lui.

Une mise en scène simple pour une histoire très humaine dans une approche dédramatisée qui raconte un passage de la vie de cet homme avec une humilité, une honnêteté et une sensibilité chaleureuse et réjouissante.
Negisi prend son temps, laisse vivre, donne des pauses, ne cherche pas à précipiter ou à en faire trop. Ses personnages sont très crédibles et s'inscrivent parfaitement dans leur époque sans que cela date ou vieillisse le film. La photo tout aussi naturel est d'ailleurs très belle, loin des tics esthétiques. Même la musique passe encore assez bien. :P
Un joli film donc même si 2h15 sur les amours d'un cultivateur de tomate ça fait un long quand même... surtout que la fin n'évite pas justement les défauts jusque là écartés comme la sous-intrigue sur la fugue de son meilleur ami (et ses conséquences dramatiques). Cela donne cependant quelques scènes très belles comme la confession en plan-séquence dans la serre.
Heureusement la beauté de la dernière séquence retrouve la grâce simple et lumineuse des meilleurs moments du film.


Le tatoué (Banmei Takahashi - 1982)

Un adolescent se donne jusqu'à 30 ans pour réussir sa vie quelqu’un soit le prix.

Moyennement convaincu. La narration (en flash-back) est intéressante mais j'ai trouvé ça trop froid et un peu mou. La mise en scène est pourtant assez réussi (un ami a trouvé d'ailleurs le film assez proche de la vengeance est à moi de Imamura - ce qui n'est pas faux, ce n'est cependant pas mon préféré du cinéaste. Reste que le portrait du jeune homme est vraiment bien écrit, complexe, immature et quelque part romantique.
Mais bon, je n'ai été pris comme je l'aurais voulu pour finalement ressentir un sentiment d'ennui poli.
Je pense que je commence à saturer avec des films de ce genre là. :|
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Deux films de Yoichi Higashi découvert la même semaine ; le premier à la cinémathèque et le second à la MCJP

Japonais gentils (1971) découvert à la cinémathèque

Ca a le gout, l'odeur et l'apparence d'une production ATG et pourtant ça n'en n'est pas une !
On retrouve pourtant une démarche proche du documentaire (le cinéaste en vient), un noir et blanc granuleux, des références culturelles et politique en pagaille, des ruptures de tons, de style, de genre et plein d'autres choses avant-gardistes voire expérimentales.

Pourtant contrairement à beaucoup de films ATG, celui-ci m'a beaucoup plu pour une raison simple : le film ne se prend pas forcément au sérieux et il a du rythme. La où par exemple Elle et lui de Hani devenait un calvaire avec ses scénettes qui s'éternisaient sans fin, Japonais gentils possèdent un multitude de séquences mais qui n'excèdent pas 2-3 minutes. De plus certains moment présentent un sens de l'humour absurde et surréaliste (l'ouverture avec le combat entre policiers, les deux camionneurs qui ont un accident et d'autres moments que j'ai malheureusement oublié mais qui font régulièrement rire). Et il y a même des moments auto-parodique comme un second rôle qui ne sait parler qu'en citant des écrivains ou un passage au milieu du film où des spectateurs sortant du film (japonais gentils donc :o ) sont interviewés et évoquent comme quelque chose de trop bavard et pas assez narratif. Je crois même que l'un d'eux parle dans les toilettes :lol:

Le film n'est cependant par qu'une farce... la tonalité est même plutôt mélancolique et existentialiste avec un héros qui se remet en questions après son agression par des forces de l'ordre. Il s'interroge autant sur ses amis que le sexe, son travail ou la politique... Ce n'est pas raconté de façon aussi clairement mais les de scènes s’enchaînent bien sans que la nature abstraite du propos dérangent vraiment. Seul les conversations politique tourne en rond un peu à la fin de la première moitié.

La mise en scène est en tout cas très inspirée, bourrée d'idées de cadrage, de montage ou d'utilisation du noir et blanc. Les scènes érotiques sont à ce titre très belles en parvenant à vraiment capter le désir et la sensualité. Enfin le thème musical (un chanson mélancolique) est déclinée dans différents arrangement tous plus émouvants les uns que les autres.

Pas toujours saisissable ou compréhensible, c'est en tout cas un film d'auteur frais, original, drôle, décalé, inventif et surtout particulièrement ludique. Une bouffée d'air frais au milieu de beaucoup d'autres productions prétentieuses, froides et théoriques de la même période


Un joueur de base-ball nommé third (1978)
Pour le coup, c'est bel et bien une production ATG et c'est un excellent cru.

Beaucoup plus narratif que le précédent, c'est un film atypique, étonnant et imprévisible. On retrouve la encore l'origine documentaliste de Higashi avec cette histoire qui se déroule dans un centre de redressement et qui est filmé dans un vrai établissement avec de vrais délinquants.
Alors que la première partie laisse croire que le film décrira le quotidien entre les murs (la relation entre les psys et les co-detenus, activités, le sport, cantine, visite etc...), le film se lance dans un long flash-back qui occupe près de la moitié de la durée où l'on découvre ce qui a conduit le dénommé Third en redressement. Le film devient alors la radiographie d'une génération sans trop de repère, qui a bien des espoirs mais qui ne sait pas comment les atteindre et se livre donc à la prostitution de manière désœuvrée sans la moindre prise de conscience. Le dernier tiers revient donc derrière les prisons pour une conclusion qui évoque la nécessité de devoir abandonner ses illusions pour accepter la réalité et en faire une amie... et ainsi parvenir à une certaine maturité ou plutôt une sérénité.

Le scénario de Shuji Terayama est très audacieux, très riche, très complexe et ambitieux. Loin de se perdre, de tomber dans le ridicule ou le film à thèse, il est d'une grande force, d'une immense fluidité et parvient à donner un sentiment difficilement descriptible entre le spleen, la gravité et la mélancolie. Terayama n'est bien-sûr pas le seul derrière la réussite du film car la mise de scène de Higashi est également d'une grande qualité à la fois plus classique que japonais gentils mais qui parvient à synthétiser toutes les informations du script pour une réalisation limpide et inspirée. Que ce soit les quelques moments de base-ball (avec ralentis et travellings très graphiques au ras du sol suivant les runs), les scènes érotiques parmi les plus belles (par leur simplicité crue) du cinéma japonais, les moments plus poétiques (les fantasmes des détenus sur les hôtesses) ou l'approche documentaire, Higashi livre un excellent travail, prenant, imaginatif et sincère.

C'est vraiment l'un des films les plus entêtant de ce cycle pour des raisons vraiment difficile à définir mais le film s'impose et s'insinue comme une évidence. Il me tarde de pouvoir le revoir.
Et puis magnifique et magnétique interprétation de Toshiyuki Nagashima dans le rôle titre.
Dernière modification par bruce randylan le 19 avr. 14, 12:09, modifié 1 fois.
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Message par bruce randylan »

Allez cette fois trois films de Nobuhiko Obayashi cette fois :D

House (1977)

Plusieurs ici en ont déjà parler très bien donc je vais pas m'attarder à part pour dire que le film est en effet l'un des ovni cinématographiques les plus hallucinants et jouissifs jamais vu.
Obayashi multiplie les idées (l'expression un par plan prend tout son sens) avec un plaisir communicatif. C'est drôle, frais, barré, surréaliste, coloré, imprévisible, bordélique, sur-esthétique avec des délires improbables (le chat qui se met à chanter :mrgreen: :lol:).
Vraiment la définition même de la générosité avec une réalisation enlevée, dynamique qui surement influencé Hideaki Anno pour Kare Kano où l'on retrouve cette manière de cadrer les personnages, de découper les dialogues ou dans la musique utiliser.

En plus, y-a des fantômes, du kung-fu, des chansons, des bananes, des pianos canibales et plein d'autres choses :D

Seul défaut, des trucages avec des incrustations pas toujours réussis et une projection à la MCJP où le son merdait grave sur plus de 60% de la durée. J'aurais mieux fait de regarder mon blu-ray criterion :?



La ville morte (1984)

Ca aurait dû s'appeler "la ville mortelle"
L'anti-thèse absolu du précédent : un film assommant d'un académisme ronflant au possible. Froid, sans vie, sans intérêt, sans passion, sans idée, sans rien...
Au bout de 20 minutes, j'avais déjà arrêté de lire les sous-titres tellement ça me saoulait et je crois qu'une bonne partie de la salle se laissait gagner par une dangereuse torpeur somnolante. Sinon, rien compris à l'histoire où une tête à claque désincarnée hésite entre plusieurs gonzesses (ou quelque choses comme ça)

Aller, à retenir tout de même, le joli générique en noir et blanc où seul le centre de l'image est en couleur et suit le héros progressant dans la ville de son enfance.


La nouvelle de la classe (1982)

Après plusieurs années dans une autre région du Japon, une adolescente et sa famille revient dans la ville de son enfance. Elle se retrouve dans la même classe que son ancien voisin et ne tarde pas à le ridiculiser devant ses camarades. A la sortie des cours, une dispute éclate entre eux sur le chemin de leur maisons. Ils tombent tous les deux dans des escalier et découvrent qu'ils ont échanger de corps.

Sans renouer avec le brio de House, voilà un comédie fraiche et attachante qui fait oublier la purge ville morte. La mise en scène reste assez traditionnelle (à part l'ouverture et la conclusion en noir et blanc) mais elle est compensée par son scénario qui n'a rien de révolutionnaire ni de franchement original vu son sujet mais reste vraiment sympathique. Le principe n'est sans doute pas traité avec tout le potentiel qu'il mérite et se satisfait des chemins finalement balisés mais avec un aspect à la japonaise c'est à dire pas très prude mais jamais vulgaire pour des réactions spontanées et naturelles.

On suit donc amusé leurs problèmes pour communiquer avec leurs nouvelles familles, les problèmes à l'école avec leur camarades et les cours à suivre (sachant qu'il était plutôt cancre et elle studieuse), les problèmes du corps féminin, la honte d'aller à la mer. Les deux acteurs sont vraiment excellent avec un jeu qui reprend les gestes typiques de chaque sexe (manière de marcher, de parler, d'occuper ses mains, de regarder). Ca donne beaucoup de scènes truculentes et vraiment drôles à défaut d'être subtile. Satomi Kobayashi est irrésistible dans le rôle du garçon manqué (et pour cause) et porte quasiment tout le films sur ses épaules. Son partenaire Toshinori Omi n'est pas forcément plus mauvais mais son rôle est moins extravagant. C'est d'ailleurs le défaut du film à savoir que le personnage féminin qui se retrouve dans le corps d'un homme passe trop de temps à pleurer, se lamenter et se replier sur elle-même alors que son personnage au début était plutôt une adolescente grande gueule et à la forte personnalité. Comme son personnage n'évolue quasiment plus une fois la transformation effectué, ca apporte quelques ralentissements dans la narration.

Fort heureusement, le dernier tiers opte pour une direction plus mélancolique et introspective vraiment touchante et magnifique. Les derniers instants touchent même au sublime avec des répliques ultimes simples mais tellement inoubliables.
Ce sont vraiment ces 30 minutes finales qui donnent toute la force du récit. Sans ça, la psychologie qui serait restée une pochade bien écrite mais un peu vaine. Avec cette conclusion, Obayashi trouve le bon dosage entre l'humour et l'émotion et un regard tendre sur la complexité des sentiments de la puberté pour une fable habile sur la sexualité qui se permet ainsi du coup d'éviter de nombreux clichés (il se passera finalement rien entre les deux adolescents).

Un beau petit coup de cœur dont le réalisateur a fait un remake en 2007 (Tenkôsei: Sayonara anata) pour un résultat parait-il très fidèle et complémentaire.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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