Le cinéma japonais

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Mama Grande!
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Message par Mama Grande! »

Frank Bannister a écrit :
sonacotra a écrit :bouges ton ***
t'es obligé d'etre vulgaire un post sur deux?


LE TOMBEAU DES LUCIOLES ca sera une fois pour moi. J'ai trouvé ca vraiment trop triste et je n'ai plus envie de le revoir un jour. Traumatisant. Dire qu'il y a des gosses qui l'ont surement vu...
Je l'ai decouvert quand j'avais 9 ans en salle. Apres j'avais eu la k7 pour mon anniversaire et j'ai du la regarder 10 fois, toujours en pleurant :mrgreen: D'ailleurs, c'etait automatiquement la video que je pretais pour montrer que l'animation japonaise ne se limitait pas a Dragon Ball et cie. Par contre maintenant, je suis incapable de m'infliger de nouveau une vision de ce film, je prefere rester au Takahata plus optimiste de Omohide Poro Poro.

Pour Kaonashi: J'y ai peut etre ete un peu fort en effet. Ce sont des bons films, et en effet l'usage de la couleur ne manque pas d'interet. Dans le Heros sacrilege le heros par exemple qui est au bord du puits avec sa bien aimee: le vent, la lumiere, l'eau, c'est somptueux. Mais reste que ce sont les seuls films des coffrets Opening (qui de toute facon n'existent plus dans le commerce) que j'ai trouve juste bon, loin de la grandeur des autres films noir et blanc. Et forcement, quand on a vu avant les 3 autres films que j'ai cites, ou Les musiciens de Gion et la Rue de la Honte, on peut se montrer plus severe. Pour moi, ses films couleurs sont interessants, mais si l'on s'attend a decouvrir un maitre de grande envergure, ils peuvent decevoir. C'est pour cela que je ne les conseillerais pas a Boubakar.
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Message par Blue »

sonacotra a écrit :Battle Royal c'est très bof je trouve....
Je trouve pas. C'est jubilatoire, jouissif, obscène, violent, outrancier, tout ce que tu veux, mais "très bof", non, pas d'accord. OK, c'est inégal, les acteurs sont tous nuls hormis Ando Masanobu et Kou Shibasaki qui assurent en méchants. On parle pas de Kitano qui fait du Kitano. Les passages intimistes en deviennent amusants de naïveté ridicule et le gore fait tache. OK. Mais d'une part c'est un film à voir rien que parcequ'il est quelque part "culte" (donc t'es pas "in" si tu le connais pas), et d'autre part c'est la dernière réalisation de Fukasaku père, qui n'est pas n'importe qui - et puis certaines scènes portent en elles la marque de ce grand cinéaste des 60-70's.
Ne surtout, surtout, rien prendre de ce film au premier degré. C'est de la pure satire, ça grossit le trait x1000, et c'est fait exprès. De la grande déconnade comme seuls les japonais savent en faire.
Pour moi c'est une réussite.
Mon top éditeurs : 1/Carlotta 2/Gaumont 3/Studiocanal 4/Le Chat 5/Potemkine 6/Pathé 7/L'Atelier 8/Esc 9/Elephant 10/Rimini 11/Coin De Mire 12/Spectrum 13/Wildside 14/La Rabbia-Jokers 15/Sidonis 16/Artus 17/BQHL 18/Bach
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cinephage
C'est du harfang
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Message par cinephage »

Blue a écrit :OK, c'est inégal, les acteurs sont tous nuls hormis Ando Masanobu et Kou Shibasaki qui assurent en méchants. On parle pas de Kitano qui fait du Kitano. Les passages intimistes en deviennent amusants de naïveté ridicule et le gore fait tache. OK. Mais d'une part c'est un film à voir rien que parcequ'il est quelque part "culte" (donc t'es pas "in" si tu le connais pas), et d'autre part c'est la dernière réalisation de Fukasaku père, qui n'est pas n'importe qui - et puis certaines scènes portent en elles la marque de ce grand cinéaste des 60-70's.
Ne surtout, surtout, rien prendre de ce film au premier degré. C'est de la pure satire, ça grossit le trait x1000, et c'est fait exprès. De la grande déconnade comme seuls les japonais savent en faire.
Pour moi c'est une réussite.
Ayant vu le film au premier degré, et ignorant son statut "culte" (mais d'une façon générale, je ne peux souscrire à un film juste parce qu'il aurait ce statut), j'admets que je l'ai cordialement détesté et souscris à toutes les critiques que tu signales.
Il faudrait que je le revoie en ayant ton argumentaire en tête, mais je me suis tellement ennuyé la première fois que je crains de ne pas en trouver le courage...
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Message par Blue »

cinephage a écrit :Ayant vu le film au premier degré, et ignorant son statut "culte" (mais d'une façon générale, je ne peux souscrire à un film juste parce qu'il aurait ce statut), j'admets que je l'ai cordialement détesté et souscris à toutes les critiques que tu signales.
Il faudrait que je le revoie en ayant ton argumentaire en tête, mais je me suis tellement ennuyé la première fois que je crains de ne pas en trouver le courage...
Je ne comprends pas comment on peut prendre un tel film au premier degré. Pour moi, l'univers de "Battle Royale", ses personnages caricaturaux, son intrigue inconcevable, le rendent déjà loin de tout repères d'ordre esthétique ou moral. En clair, j'y vois en surface une crédibilité zéro, du 100% cinéma ; un miroir grossissant de la réalité, saupoudré de ketchup. Des gosses se massacrent, joie. Ce qui n'empêche pas le film d'avoir un fond portant à réflexion (cela dit, on peut se branler sur tout et n'importe quoi, les Cahiers le montrent bien). C'est un peu le Starship Troopers nippon, donc, si on veut, mais avec des thèmes (le suicide, l'appartenance à un groupe, le dépassement de soi) typiquement ancrés dans la culture de là-bas.
Rassure-moi, tu ne regardes quand même pas un Michael Haneke et ce Fukasaku de la même manière ?

Pour l'ennui, c'est autre chose. Un film ne change pas, donc il t'ennuiera toujours, sauf si toi tu le regardes différemment.
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joe-ernst
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Message par joe-ernst »

Carmen revient au pays (1951), de Keisuke Kinoshita.

Très sympathique comédie moins simple qu'il n'y paraît au niveau de la thématique. Cela rappelle d'ailleurs certaines comédies américaines de la même époque. L'histoire est rondement menée, sans temps mort, grâce à un scénario sans faille. Une agréable découverte.
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
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Message par joe-ernst »

Harakiri (1962), de Masaki Kobayashi.

Disons-le d'emblée : je suis très partagé quant à ce film...

Tout d'abord, le côté positif : l'humanisme qui baigne ce film est bouleversant, servi par des acteurs magnifiques, le grand Tatsuya Nakadai en tête, il y a de nombreux plans sublimes soutenus par une incroyable photo.

Cependant le côté démonstratif, théâtral, figé même, du film le dessert beaucoup à mes yeux. On pourrait croire qu'il s'agit d'une adaptation d'une pièce de théâtre alors qu'il s'agit d'un roman.

Une relative déception, donc...
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Alphonse Tram
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Message par Alphonse Tram »

Cool ce topic ! Il est fait pour moi ! :D

Je n'y connais pas grand chose. J'avais vu Les contes de la lune vague après la pluie au ciné club, je m'étais endormi, et je m'étais dit que ce n'était pas pour moi donc :?
Et puis les ressorties dvd m'ont incitées à y replonger. C'est tellement vaste :shock: on y trouve forcemment un intérêt pour un genre ou un réalisateur. Dans mon cas, j'en avais assez des films que nous servait Hollywood fin des années 90, et je voulais vraiment aller voir ailleurs. Je n'achetais pas de vhs, je ne connaissais pas le home cinéma, j'avais juste fr3 et A2, et l'art et essai. Bref, fin du hs, donc le dvd est arrivé...


Mes cinq films préférés de profane :

Kurosawa :
Yojimbo (Le garde du corps). Un film d'aventure facile d'accès, très drôle également. Je ne parle même pas de la réalisation. Il rentre dans mon top 10 (bien que je n'ai jamais fait de top 10, je n'aime pas trop les classements :oops:)

L'ange ivre


(j'espère revoir bientôt la forteresse cachée, et les 7 samuraïs, car j'avais arreté en cours :oops:


Kobayashi :
Kwaidan (histoires de fantômes)
Visuel magnifique évidemment, et c'est ce qu'on en retient après la première séance.


Kaneto Shindô
Onibaba
l'île nue


Certains Fukasaku et Suzuki
Souhaits : Alphabétiques - Par éditeurs
- « Il y aura toujours de la souffrance humaine… mais pour moi, il est impossible de continuer avec cette richesse et cette pauvreté ». - Louis ‘Studs’ Terkel (1912-2008) -
Joe Wilson
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Message par Joe Wilson »

Goyokin, d'Hideo Gosha

C'est beau, très beau même...Gosha utilise merveilleusement son cadre forcément inhabituel pour un chambara. La neige est omniprésente, isole en permanence les personnages. Les couleurs sont pâles et toutes les teintes de bleu défilent au côté d'un blanc mémorable.
L'adjectif "crépusculaire" coule de source : c'est la double fin d'une époque (les samourais au sein du film, le chambara comme genre triomphant)...Nakadai, spectral et hiératique, incarne avec le charisme qu'on lui connait cette dimension tant l'économie des gestes et des paroles laisse percer une attitude fantomatique. Magobei n'est plus q'une ombre livrée à elle-même dans sa solitude.
Les thèmes abordés portent cette souffrance, dans l'incapacité des samourais à concilier leurs intérêts, le bushido, leur survie et une morale empreinte de dignité et de rigueur.
L'affrontement final cristallise ces oppositions et scelle des destins...il est magnifié par cette atmosphère tribale (le son des tambours) qui semble répandre une vision de mort.
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Message par 2501 »

LA CONDITION DE L'HOMME

"La Condition de l’homme" est une grande fresque réalisée entre 1959 et 1961 par Masaki Kobayashi. Elle conte l’histoire de Kaji, jeune homme parti en Mandchourie avec sa femme gérer une usine pour éviter la guerre.
Le film est d’une ambition rarement vue qui va de pair avec une durée exceptionnelle : près de 10 heures réparties en 3 films (divisés chacun en 2 parties de 90 minutes) : “Il n’y a pas de plus grand amour”, “Le Chemin de l’éternité” et “La Prière du soldat”.

"La Condition de l’homme" - Première partie

Quelle frustration de découvrir cette fresque monumentale sur petit écran. La réalisation de Masaki Kobayashi privilégie les plans larges, on reconnaît son sens du cadre, sa manière d’utiliser de façon optimale le cinémascope : les diagonales tracées en travers de l’écran, les lignes de fuite, les compositions presque géométriques, les mouvements rares mais précis et pleins de sens (comme ce long travelling sur le train de prisonniers). La photographie est aussi admirable (l’arrivée des prostituées, éclairées comme si elles étaient des sirènes).
"La Condition de l’homme" est un film fait pour être pleinement apprécié sur grand écran et l’on peut regretter que l’éditeur Carlotta n’ait pas sorti le film simultanément en salles comme c’est le cas pour certains de ses titres.

Film à grande part autobiographique - Kobayashi a lui-même servi pendant la guerre et a été enfermé dans un camp pendant un an - il est porteur des thèmes de son auteur bien avant tous les films que l’on connaît de lui en Occident ("Hara-Kiri", "Rebellion") : rejet de l’autorité aveugle, un individu contre le système, contre un pays, contre une pensée collective, contre le code du bushido.
Kaji est un héros tragique par excellence, luttant pour garder son humanisme, le répandre dans un temps qui en est grandement dépourvu. Il est fatalement piégé, perdu, dans un environnement inhumain. Le vecteur parfait pour un drame puissant.
On suit donc son parcours dans ce camp de travail en Mandchourie, qu’il essaie de gérer contre l’autorité de son pays. Kaji est lui-même prisonnier des méthodes barbares de son pays, situation encore pire que celle des travailleurs puisqu’il subit une torture mentale du fait de sa responsabilité.

La mise en scène remplit son rôle dans l’illustration de cet enfermement tant physique que psychologique (l’ombre d’un barbelé qui lui “lacère” le visage lors d’une discussion avec un prisonnier). Mais elle paraît du coup parfois un peu figée et on peut trouver le temps long dans la première moitié de cette première partie de 200 minutes. Elle est aussi un peu sèche, privilégiant le réalisme, elle manque un peu de lyrisme, de souffle, notamment à cause d’une musique pas mauvaise mais assez commune, dépourvue de thèmes forts et reconnaissables qui porteraient un peu plus le film.

Le drame se ressert dans la dernière heure.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Kaji, plus désemparé que monolithiquement rebelle et/ou courageux (humain donc) aura besoin du courage d’un prisonnier pendant la terrible scène d’exécution pour définitivement s’opposer à ses supérieurs. Lors de cette scène horrible et magnifique à la fois, le condamné chinois, en choisissant de marcher seul vers son destin regagne sa dignité en imposant sa volonté à ses bourreaux et… au cadre lui-même ! Il rétablit dans le même temps l’équilibre du plan, libérant enfin le film de ses cadres obliques. Il déclenche alors pleinement la prise de conscience de Kaji et sa rébellion. Lui qui n’y parvenait pas par lui-même.
Encore un symptôme de son humanité, ce besoin d’un soutien dans l’adversité, qui n’en fait pas un surhomme, dans la logique simpliste d’un “seul contre tous”.

"La Condition de l’homme" est un film farouchement anti-militariste, qui ne fait pas dans la demi-mesure. Dialogues ou mise en scène, tout est au service d’un véritable pamphlet. La deuxième partie, qui verra Kaji être mobilisé sur le front russe, devrait confirmer encore davantage cet engagement.

"La Condition de l’homme" - Deuxième partie

Cette partie est construite sur une structure similaire à la première. D’abord une longue partie qui reprend le thème de l’enfermement et de l’exploitation des soldats dans le camp militaire où est envoyé Kaji. Celui-ci subit et assiste à la pression mise sur les jeunes recrues. Quand l’un craque et va jusqu’au suicide (un Full Metal Jacket avant l’heure), il essaie de prendre les choses en main, en vain.
S’en suit dans la dernière heure le départ sur le terrain et la confrontation de ces troupes désorganisées aux tanks ennemis qui donne lieu à des scènes de carnage poussant une poignée de survivants jusqu’à la folie.

Kobayashi, plus pessimiste (réaliste ?) que jamais, brocarde l’armée nippone, qui fait montre d’un autoritarisme insensé, d’une confiance aveugle en la puissance de l’Empire, sans se soucier du facteur humain, ce qui la mènera rapidement à sa perte.
Le film s’enfonce petit à petit dans des zones de plus en plus sombres, et Kaji, malgré ses échecs, continue à avancer, à résister, à proposer une étincelle de vie dans un enfer bien réel.

"La Condition de l’homme" - Troisième partie

Dernière partie en forme d’apothéose puissante, fascinante et… déprimante. La mort y est omniprésente. L’inclinaison des plans se fait cette fois obstacle à la longue marche des survivants. Cette fuite en avant illustre de manière moins théorique que les parties précédentes le propos du cinéaste, ainsi que la volonté de survivre de Kaji, devenue presque rage.
Tuer ou être tué. Loi de la jungle parfaitement retranscrite par une mise en scène gagnant en ampleur et en beauté graphique, exploitant le décor naturel, nouveau territoire prison, avec maîtrise. La musique joue cette fois un rôle plus important en choisissant le contrepoint par l’utilisation de la harpe aux moments les plus dramatiques.

Cette expédition de la dernière chance donne l’occasion à Kobayashi de pousser sa réflexion à son terme avec une efficacité de chaque instant. Patriotisme, nationalisme y sont interrogés. Les militaires japonais purs et durs sont montrés comme bien plus inhumains que les ennemis russes.
Quel avenir pour les habitants d’un pays vaincu ? Comment regagner sa dignité après avoir connu l’horreur et la disgrâce ? Les idéaux de Kaji n’ont-ils pas atteint un point de non-retour malgré son désir toujours présent d’aider les autres et celui, moteur de sa volonté sans faille, de retrouver sa femme ? Tant d’efforts, ponctués de presque autant d’échecs, pour quelle issue ?

Kobayashi use de voix off multiples pour représenter le doute, l’effroi et la détresse des personnages, comme le fera Malick dans "la Ligne rouge".
Comment assumer et assurer un rôle de leader dans le chaos de la défaite ? Le film atteint une complexité fascinante dans cette situation de “survival” impossible. Tout jugement se révèle obsolète et chacun trouve ou se voit imposée la solution pour s’en sortir. Kaji, figure héroïque humaniste d’une envergure encore jamais vue, est parfois obligé de transiger avec ses idéaux. Mais il n’abandonne pas.

L’extrême pessimisme de Kobayashi est à son apogée dans la description de cette expédition désespérée. L’extraordinaire puissance des dernières images ne peut que marquer le spectateur à jamais. Dans ses films ultérieurs plus connus en Occident il n’atteindra jamais ce degré de perfection émotionnelle et esthétique, qui bien sûr bénéficie de la durée exceptionnelle du film pour exploser dans toute sa force.

Tatsuya Nakadai, acteur aux grands yeux étranges exprimant si bien la pureté du personnage, est l’incarnation de Kaji, clairement le rôle d’une vie. La réussite de "La Condition de l’homme" tient naturellement beaucoup sur les épaules de cet interprète exceptionnel.
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Mama Grande!
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Message par Mama Grande! »

On n'aura jamais assez répété à quel point Nakadai est grand 8)
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Message par shaman »

Blue> Alors les découvertes Wakamatsu ?

Violence Without a Cause : Pas trop branché par l'histoire de ces trois étudiants fan de ken takakura ?

Season of Terror : T'as eu la même réaction que les flics espions ? :mrgreen:

Tant qu'à faire, puisque t'es sur la bonne lançée des longueurs Wakamatsuienne tu peux d'avance prévoir Running in madness, dying in love.
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Message par Joe Wilson »

Cela fait plaisir, 2501, de lire un autre avis enthousiaste sur cet immense film qu'est La Condition de l'Homme.
La première partie est en effet la plus exigeante, mais me semble être, par sa mise en place lancinante, une porte d'entrée nécessaire pour développer une intensité qui ne fera que croître dans les parties suivantes. On est témoin, comme Kaji, d'une souffrance qui ne se dévoile que progressivement. Et la dimension statique de la mise en scène apparait au diapason de la position d'un Kaji impuissant, spectateur de la perte de ses illusions.
Quant au final, je ne peux m'empêcher de percer une lueur d'espoir. Certes, Kaji subit une fuite sans fin, une errance insupportable...mais Kobayashi consacre malgré tout l'individu face aux idéologies (le communisme laissé dos à dos avec le jusqu'au-boutisme de la doctrine militariste japonaise), celui-ci finit par trouver un sens à sa lutte dans son propre sacrifice.

Pour Nakadai, son regard est en effet extraordinaire, d'autant qu'il peut à la fois exprimer l'humanisme le plus lucide et la folie la plus glaçante (Sword Of Doom).
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Message par Blue »

shaman a écrit :Blue> Alors les découvertes Wakamatsu ?

Violence Without a Cause : Pas trop branché par l'histoire de ces trois étudiants fan de ken takakura ?

Season of Terror : T'as eu la même réaction que les flics espions ? :mrgreen:
C'est toujours pas mal au départ, le scope n&b est de toute beauté, mais ça tourne rapidement à vide (alors on fait du remplissage avec des scènes érotisantes). Heureusement, ce ne sont pas des films très longs.
shaman a écrit :Tant qu'à faire, puisque t'es sur la bonne lançée des longueurs Wakamatsuienne tu peux d'avance prévoir Running in madness, dying in love.
Déjà vu, et c'est l'un de mes préférés du cinéaste, avec son fameux "Va, va, deux fois vierge" ainsi que "Affairs Within Walls" que je considère comme un film japonais important.
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Message par 2501 »

Une Ville d'amour et d'espoir

"Une Ville d'amour et d'espoir" est le premier film de Nagisa Oshima et l'on sent déjà une maîtrise technique certaine. Usage classique et sans faute d'un très beau cinémascope pour un sujet social engagé qui porte déjà sa marque bien personnelle. L'histoire décrit la difficile vie d'un jeune garçon qui pour survivre doit devenir délinquant, vendant à répétitions les mêmes pigeons qui retournent à chaque fois chez lui. La description de la pauvreté est touchante sans verser dans le mélodrame. Le seul petit hic de nos jours c'est cette focalisation sur ce délit, cette escroquerie aux pigeons qui nous paraît aujourd'hui un peu désuète. Heureusement, la courte durée du film joue en sa faveur et permet d'aller à l'essentiel.
La délinquance est une fatalité semble nous dire Nagisa Oshima, dans un tel monde où la solidarité atteint vite ses limites. Il nous propose avec cette première œuvre un regard pessimiste mais déjà bien affirmé sur ses contemporains.
Le titre nous apparaît alors sacrément ironique, la fin ne sacrifiant, comme attendu, à aucune concession vis-à-vis du public, et des personnages.


Contes cruels de la jeunesse

"Contes cruels de la jeunesse" est une étape importante dans la nouvelle vague japonaise. S'inspirant du mouvement français lancé quelques années auparavant, et surtout des expérimentations d'"A bout de souffle", sans pour autant aller aussi loin dans l'avant-garde formelle, Nagisa Oshima livre un pamphlet contre la société japonaise de l'époque.

Ses héros, jeune couple libéré, vivent à l'instinct contre le carcan social. Le garçon est instable, la fille fuit sa famille, et tout deux vont choisir la voie de la délinquance comme si elle était naturelle, inévitable, en escroquant de vieux riches amateurs de chair fraîche. Ce n'est pas une conscience politique qui est à l'oeuvre (elle ne concerne d'ailleurs qu'un personnage très secondaire), mais un élan, une énergie différente du conformisme ambiant, presque sans volonté, sans conscience de la gravité de leurs actes.

L'énergie de cette jeunesse, qui devrait passer par cette réalisation par moment à l'épaule, en extérieur, à l'arraché, est paradoxalement absente du métrage à quelques séquences près (celles à moto, notamment). Les expérimentations formelles ne sont que fulgurances dans un récit qui traîne sévèrement la patte. Le résultat semble, encore plus aujourd'hui, assez disparate, entre réussites audacieuses (les longs travellings de "la scène des troncs flottants") et compositions trop pensées et pesamment exécutées (des tremblements exagérés, le dernier plan). On sent qu'Oshima cherche un style. La photographie est en revanche admirable, les couleurs saturées des vêtements du couple tranchant avec l'environnement généralement sombre ou terne.
Enfin, on ne peut que remarquer que les deux jeunes acteurs sont loin d'être à la hauteur. Là où l'énergie et le désenchantement passent, l'interprétation pêche sévèrement, surtout en comparant avec des seconds rôles bien mieux tenus.

Le propos est très ancré dans son époque et donc sans pouvoir affirmer que le film a vieilli, on peut trouver cette délinquance "légère", alors que nos informations nous relatent des actes de plus en plus barbares par des jeunes de plus en plus précoces. Le film est formellement inégal mais on peut comprendre qu'il fût un pavé dans la mare de la société japonaise du début des années 60.


L'Enterrement du soleil

"L'Enterrement du soleil" représente un bel aboutissement dans ce que l'on appelle la trilogie de la jeunesse. On y retrouve la rigueur d'"Une Ville d'amour et d'espoir" et les figures esthétiques, totalement maîtrisées cette fois, des "Contes cruels de la jeunesse", tout en proposant un prolongement de la thématique de la délinquance chère au réalisateur.

Après la découverte des trois films dans l'ordre chronologique de leur réalisation, il est très intéressant de voir l'évolution qui mène à ce film à la fois très beau et totalement désespéré. Cette fois, nous sommes constamment dans les bas-fonds, avec des personnages résignés qui ont pleinement conscience de leur sort mais tente de survivre avec ce funeste destin. Après l'escroquerie aux pigeons et le racket de bourgeois, on passe directement aux viols et aux meurtres. Dès le générique le ton est donné, dans la très belle lumière grise/orangée du soleil couchant, les rabatteurs cherchent les malheureuses âmes à qui ils vont pomper le sang. Plus tard ce sera l'identité même de ces pauvres hères qui leur sera rachetée.

La symbolique du film est forte et claire. Le Japon est ce soleil qu'on enterre, astre que l'on verra à plusieurs reprises seulement au couchant, la photographie effectuant un magnifique travail sur les lumières rasantes emplissant les bidonvilles. Les personnages principaux sont vêtus de rouge, et la tonalité de leurs vêtements se modifie selon leur comportement (le garçon plus "tendre" ayant un tee-shirt orange). "L'Enterrement du soleil" est presque un film de vampires, par le sang collecté bien sûr, mais aussi par cette proximité de la mort et par la froideur des protagonistes, notamment de la belle Hana, froideur qui ne se dérobe que pour une belle intrigue amoureuse. Une romance aussi tragique que fulgurante, la séquence sur les toits étant d'une beauté presque lyrique assez éblouissante.

La mise en scène d'Oshima reste au service des personnages, la caméra est incroyablement mobile, notamment lors de discrets plans-séquences en intérieur. Ces mouvements panoramiques rapides, ainsi que d'autres plus amples en extérieur, donnent un bon rythme à un film presque choral, où chaque personnage a plus d'importance que l'intrigue générale. Les cordes hispaniques de la musique appuient joliment la mélancolie ambiante.
Oshima réalise avec "l'Enterrement du soleil" un "Dodes'kaden" réaliste, une plongée pessimiste et fascinante dans un monde au déclin inexorable, malgré un plan final en demi-teinte à la tonalité chaplinesque.
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Message par 2501 »

Joe Wilson a écrit :Quant au final, je ne peux m'empêcher de percer une lueur d'espoir. Certes, Kaji subit une fuite sans fin, une errance insupportable...mais Kobayashi consacre malgré tout l'individu face aux idéologies (le communisme laissé dos à dos avec le jusqu'au-boutisme de la doctrine militariste japonaise), celui-ci finit par trouver un sens à sa lutte dans son propre sacrifice.
J'ai ressenti la même chose. C'est à la fois triste et beau. Désespéré mais pleinement "engagé". On sent un accomplissement malgré tout. Difficile de mettre des mots dessus mais le message est passé. L'émotion aussi.

Il me paraît aberrant qu'un tel film soit quasiment inconnu chez nous. Ou du moins n'ait pas la réputation qu'il mérite. Il se place clairement aux côtés des grands classiques des plus grands cinéastes japonais. Et est pour moi de loin le meilleur film de Kobayashi, alors que j'appréciais déjà particulièrement ses autres films.

Pour ceux qui hésiteraient encore à cause de la durée exceptionnelle du film, il faut savoir qu'il est en fait divisé en 6 parties, correspondant à 6 films d'environ 90 minutes. Et le tout peut se regarder sans peine (et sans honte :mrgreen: ) en 6 fois.
On finit même par enchaîner ces parties tellement le film devient prenant.
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