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Test dvd
Image de la jaquette

Signes particuliers - Néant

DVD - Région 2
Malavida
Parution : 4 novembre 2010

Image

La copie, marquée par de nombreuses taches, rayures et points blancs, accuse son âge et n'a pas visiblement pas bénéficié d'une restauration poussée. Cela étant, ces défauts ne gênent pas outre mesure la vision du film, même si l'on aurait espéré pouvoir le découvrir dans une version nettoyée de ces multiples imperfections. Du côté du transfert numérique, l'image manque de définition et l'on note un bruit numérique ainsi que des effets d'aliasing visibles sur les fonds clairs et les mouvements de caméra rapides. Les contrastes sont assez bien équilibrés, les blancs parfois un peu brûlés mais le rendu du noir et blanc est dans l'ensemble tout à fait correct. A noter que si IMDB indique un format de 1.66 : 1, le ratio constaté ici se rapproche d'un 1.75 : 1, format alors utilisé dans certains pays d'Europe comme l'Italie. Comme l'image ne semble pas avoir été tronquée dans sa hauteur, on peut soupçonner une erreur de la part du site de référence.

Son

La bande-son polonaise est plutôt bien conservée, claire et sans défauts notables.

Suppléments

Livret de 16 pages : « Skolimowski ou la poésie du dérisoire ».
Cette étude consacrée à Skolimowski a été initialement publiée dans Cinéma (n°180, septembre - octobre 1973) et faisait suite à deux journées organisées à Marly-le-Roi autour de l'œuvre du cinéaste. Raymond Lefèvre y étudie les premiers films du cinéaste (de Rysopis à Rois, dame, valet) au travers de cinq thèmes qui constituent les différents chapitres du dossier : « Ego et Alter Ego » sur le héros skolimowskien ; « Paysages mentaux » sur la façon dont le cinéaste a créé un monde cinématographique directement issu des pensées de ses personnages ; « Mythologies usées » sur la rupture entre l'ancienne et la jeune génération polonaise et la façon dont cette rupture s'incarne dans son cinéma ; « La Compétition et l'arrivisme » comme repoussoir ou horizon de ses personnages ; et enfin « La Lecture plurielle » sur son art de l'illusion et des fausses pistes. Une étude très intéressante mais dont la lecture est rendue un peu fastidieuse par la volonté de l'auteur de lister de manière exhaustive les exemples venant appuyer chacune de ses propositions. Quelques exemples auraient largement suffi, le spectateur pouvant très bien après la lecture du texte s'amuser à trouver par lui-même les multiples façons dont les thèmes ici mis en avant sont effectivement déclinés par le cinéaste dans son œuvre.

Comme complément de choix, on trouve dans cette édition quatre courts métrages réalisés par Jerzy Skolimowski durant ses études à l'Ecole de cinéma de Lodz.

L'Oeil torve (Oko Wykol, 1960, muet, 2'40)
Le cinéaste Andrzej Munk (qui décèdera peu après) voit dans cette première réalisation de Skolimowszki un chef-d'œuvre, ce qui pour le jeune cinéaste représente la plus belle des intronisations ! Le film - dont le titre original pourrait se traduire approximativement par « L'Oeil arraché brusquement » - est composé d'une vingtaine de plans. On y voit un lanceur de couteaux en train d'exercer son art. Deux détails nous accrochent d'emblée : la position étrange de l'artiste (il est assis sur un cheval à bascule) et le fait qu'il soit accablé d'un fort strabisme convergeant ! Il essuie les quolibets de sa partenaire, une femme pulpeuse et méprisante, qui se moque de son physique ingrat. L'enchaînement des plans - leur durée variable, leur composition - ainsi que le mouvement de balancier provoqué par le cheval, rendent assez génialement compte de la colère qui monte chez le lanceur de couteau, jusqu'à ce que ne devienne inévitable sa terrible vengeance. C'est une farce lorgnant du côté du surréalisme, une fable sur l'envers du décor... où comment derrière cet univers de joie et de divertissement qu'est la fête foraine, on retrouve cette jalousie, ce goût pour humiliation, cette haine qui caractérisent les rapports humains.

Le Petit Hamlet (Hamles, 1960, 7'23)
« C'est le drame, c'est le drame, c'est le drame » crachote un vinyle rayé bientôt dégagé d'un coup de pied rageur. La chanson parle de larmes, de passions, de politique, et Jerzy Skolimowski prend un malin plaisir à couper court à cette pesanteur par ce gag visuel qui vient donner le coup d'envoi de sa petite comédie burlesque. Comme son titre l'indique, il s'agit d'une variation autour de Hamlet, une parodie dans laquelle il déshabille Ophélie, affirmant rendre par là hommage à Shakespeare pour qui selon lui « le cul étant l'essence du monde ». On sent qu'avec ce court, Skolimowski est en plein apprentissage. Il peaufine ses cadrages, ses mouvements de caméra, travaille sur les ombres et les lumières, s'adonne à quelques expériences visuelles comme celle qui consiste à placer sa caméra sur une balançoire. Il mêle absurde, poésie et piques contre le pouvoir (il apparait à la fin du film en censeur de l'Etat séduit par la jolie Ophélie), mettant en place un style qui sera celui de ses premiers longs métrages. Si Le Petit Hamlet ne convainc pas vraiment, Skolimowski se laissant trop aller à des tics typiques d'étudiant en cinéma, il est cependant toujours intéressant de découvrir comment une œuvre se construit et de déceler dans les premiers pas d'un réalisateur ce qui constitue déjà sa patte, son style.

Erotik (Erotyk, 1960, 3')
Jerzy Skolimowski fait ici tourner sa femme, une étudiante en comédie qui deviendra par la suite une actrice assez réputée. Face à elle, il place un grand acteur polonais, célèbre et expérimenté, Gustaw Holoubek, et filme leur face à face comme s'il s'agissait d'un concours. L'homme annonce au début du film qu'il va faire rire la jeune fille, mais il ne fait que l'effrayer par ses gags et ses rictus de dément. Elle recule, apeurée, et chacun des « N'ayez pas peur, ne craignez rien » que lui susurre l'homme ne fait qu'augmenter sa frayeur. Un chien, un miroir, le jeu, l'incompréhension... On trouve de nouveau dans ce court des images et des thèmes de l'œuvre à venir de Jerzy Skolimowski. Le cinéaste fait surtout preuve d'une belle maîtrise du cadre et de la direction d'acteurs, ce qui lui permet en quelques trois petites minutes d'imposer une atmosphère mi-cauchemardesque mi-burlesque assez étonnante.

La Bourse ou la vie (Piednaze Albo Zycie, 1961, 5'58)
Jerzy Skolimowski utilise ici une formule qu'il reprendra dans ses longs métrages, à savoir lancer le spectateur sur une fausse piste par l'usage du son. Le film débute sur l'image d'un homme qui court avec en fond sonore le bruit immédiatement identifiable de bottes de militaires frappant le pavé. En off, une voix crie « Ne tirez pas » et à l'image un tireur embusqué apparaît. Or, il ne s'agit pas d'une rafle ou d'une scène de combat urbain, mais simplement d'un jeune homme qui court vers la foire, de deux soldats en permission et de la tenancière d'un stand de tir qui sermonne un client. Derrière l'exercice de style, on peut entrevoir dans cette ouverture une lecture politique : en faisant de quelques instantanés d'une fête foraine une source de peur et de violence potentielle, Skolimowski glisse l'idée que le peuple polonais vit toujours dans l'ombre de la guerre, le pouvoir entretenant sciemment un sentiment de peur dans la population afin de s'en assurer le contrôle. Dans un deuxième temps, le réalisateur retourne le motif et l'on comprend que finalement il y a bien danger, que l'action se situe durant la Seconde Guerre mondiale et que l'homme qui courait au début du film risque d'être dénoncé comme juif par un individu qui entend l'escroquer. Outre le scénario ingénieux, Skolimowski a fait d'évidents progrès en terme de mise en scène, notamment dans l'usage d'une caméra très mobile que l'on retrouvera dans ses premiers longs métrages. Soigné, plus personnel, moins axé sur l'expérimentation que ses précédents courts métrages, La Bourse ou la vie montre un cinéaste qui est dorénavant prêt à faire ses premiers pas dans le domaine du long métrage.

Par Olivier Bitoun - le 30 mars 2012