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Test dvd
Image de la jaquette

Play Time

DVD - Région 2
Wild Side / Les Films de mon oncle
Parution : 25 octobre 2005

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Bien que sorti sous l’enseigne Wild Side, Playtime ne fait pas partie de leur désormais fameuse collection Les Introuvables. On verra que ce point n’est pas sans importance tant on peut parfois se demander quelle est la part de l’éditeur dans cette collection qui semble plus avoir été chapeautée par Les Films de Mon Oncle (Jérôme Deschamps / Macha Makeieff) que par notre éditeur culte…

la copie de la nouvelle édition enfonce littéralement le master Criterion, chose assez rare pour être signalée. Bénéficiant de la restauration de la copie 70mm entreprise en 2001 pour la ressortie du film sur grand écran l’année suivante, le DVD de Wild Side est la nouvelle référence pour tout Tatiphile qui se respecte. Scènes restaurées alors qu’elles avaient quasiment disparu, nettoyage numérique des masters existants, suppression des artefacts : un travail pharaonique qui saute aux yeux ! Résultat : de très rares poussières (un cheveu énervant sur le premier plan du générique, mais bon, là on chipote…), une compression de tout premier ordre, une colorimétrie dans les nuances de gris qui respecte merveilleusement la copie vue l’an dernier sur écran géant... Bref, rien à redire si ce n’est peut-être un contraste qui aurait mérité un peu plus de pêche, notamment dans les scènes de nuit… A part ce petit détail (et le fait que - c’est encore plus évident sur ce film précis - rien ne pourra remplacer le 70mm sur écran géant) : que du bonheur !!!

Son

Immense, le travail de Tati sur le son analogique promettait monts et merveilles une fois restitué en numérique. Restaurée tout comme l’image, la bande-son est limpide, une merveille de précision qui rend parfaitement la foultitude de détails et de gags sonores qui parsèment le film, sans pour autant abuser d’effets grâce à une stéréo d’une sobriété exemplaire. Reste une question : à moins d’une erreur, il semble acquis à la Rédaction que le film est ressorti l’an dernier en 3.1, et que la copie offerte sur le DVD restitue le film en Stéréo. Qu’en est-il de cette disparition ?

Suppléments

Les voici donc ces bonus, qui ont déjà donné lieu à de furieux débats sur divers forums spécialisés, celui de Dvdclassik en tête. Commençons par un état des lieux des suppléments présents sur la seconde galette, et forcément alléchants lorsque l’on jette un œil sur le boîtier (magnifique, ceci dit) du DVD.

Bande-annonce (2’55’’) : D’une qualité moyenne (qui permet de voir les splendides efforts portés sur la restauration du film), cette bande annonce d’époque présente bien peu d’intérêt. Voix-off indigne de l’imagination du père de Hulot, format 4/3 irrespectueux du travail de cadre de Tati, simple compilation d’extraits du film et récapitulatif des prix remportés par le film à travers divers festivals. Bref, le tout venant de la BA…

Biographie de Jacques Tati (20’45’’) : Didactique mais plutôt bien documentée, cette biographie sous forme de reportage (extraits divers et voix-off) offre de nombreux détails sur l’enfance, les débuts (ses séances de mime amateur durant son service militaire ou lors de troisièmes mi-temps de rugby) et la carrière de Jacques Tatischeff. Quelques images émouvantes et passionnantes (extraits de spectacles, de films rares, et de courts-métrages, que l’on regrette par ailleurs de ne pas voir sur ce DVD : où est passé par exemple Cours du Soir, tourné la même année que Playtime et dont Tati est le héros ???).

Cannes 2002 : Petit reportage (8’13’’) sans commentaire qui se contente de compiler des images de la présentation du film à Cannes 2002, ce module n’a lui non plus guère plus d’intérêt si ce n’est de voir Piccoli grimé en Hulot monter les marches du Palais - accompagné de David Lynch, du facteur de Jour de Fête et du couple Deschamps/Makeieff. Aucun effort particulier (pour ne pas dire pas d’effort du tout…) dans le montage de ce mini-reportage. Le dernier plan, interminable et inutile, est à l’image de l’ensemble.

Script-Girl : Interview de la scripte du film - Sylvette Baudrot - agrémentée de quelques photos et documents de tournage. Profusion d’anecdotes, de petites leçons de mise en scène à la Tati et d’informations - sur 12’07’’. Très intéressante petite interview qui apporte, enfin, un vrai éclairage sur le travail de Tati sans se contenter de recycler paresseusement la matière première du film. On apprend ainsi que le plan mythique des bureaux en open-space est en grande partie joué par des figurantes… en carton !

Restauration du film : Soit quelques pages de textes agrémentées de photos pour expliquer le mode de restauration du film. Intéressant, le texte est extrait du livre de Stéphane Goudet consacré à Playtime (et sorti l’an dernier aux Editions Cahiers du Cinéma). On aurait peut-être préféré constater de visu avec comparaison avant/après… Pas bien grave ceci dit.

Au delà de Playtime : Peut-être le bonus le plus intéressant du DVD, avec l’analyse du film par Stéphane Goudet. Explication du tournage, de la construction (puis de la destruction) des décors avec d’émouvantes images de tournage. Reste que tout cela est bien court : 06’12’’. Possibilité de voir ce petit module commenté ou non…

Diaporama : 2’37’’ de photogrammes (carrés, un comble !!!) présentés sous forme de diaporama. Aucune image rare puisque ce ne sont que des plans du film collés les uns à la suite des autres, recadrés en 4/3 . Qui, sincèrement, va s’amuser à regarder cela ?

Tati vu par… Jean Delavalade, Macha Makeieff, Jacky Berroyer, Marc Dondey (dramaturge), Gérald Poussin (peintre), Hervé Laïssince (faux jeune et vrai Deschiens qui "kiffe" Tati : "Mon Tati préféré c’est celui de Barbés". Aaaarf, on rigole…) racontent leurs scènes favorites et donnent leur point de vue sur l’humour et le cinéma de Tati. Un bonus totalement dispensable…


Peindre Tati (3’) : Six enfants peignent sur une feuille blanche leur version de la scène de l’escalator dans Playtime. Une intégrale Criterion au lecteur qui saura me convaincre de l’intérêt de cette… chose, aux velléités sûrement poétiques mais montée à la va comme je te pousse et totalement indigne de Wild Side.

Like Home, une analyse du film par Stéphane Goudet (18’30’’) : Analyse du film via des extraits (en format respecté, oooouf…) par le spécialiste de Playtime, Stéphane Goudet, auteur du splendide livre consacré au film sorti l’an dernier. Le bonus sûrement le plus intéressant du lot, pour qui n’aurait toutefois pas lu le livre précédemment cité… A travers de nombreux extraits, variés et pertinents, Stéphane Goudet livre une analyse précise et concise de certains thèmes et figures récurrents du chef-d’œuvre de Tati. Si l’on pourra toutefois regretter quelques longues plages de silence, on ressort au bout du compte rassasié et satisfait de cette analyse.

Design & Look : Nouvelle succession de photogrammes mis en scène de manière kitchissime et assumée (ce qui n’en fait pas pour autant quelque chose de génial, drôle ou pertinent) pour mettre l’accent sur les costumes et les décors du film. Quelques effets à la limite du Power Point, un intérêt proche d’epsilon. Vous pouvez passer votre chemin, sous peine d’énervement prononcé…

Sur le DVD consacré au film, on retrouve par ailleurs deux autres bonus

Séquences commentées par Jérôme Deschamps (12’45’’) : Intéressante analyse de quelques séquences mythiques du film (la salle d’attente, l’arrivée des premiers clients au Royal Garden, la scène du drugstore au petit matin…). Jérôme Deschamps y relate plusieurs anecdotes, tout en mettant l’accent sur quelques-uns des motifs qui participent au génie de ces scènes. Plutôt pertinent, parfois même touchant sur la fin, ce commentaire est riche d’enseignements et nous console de certains bonus évoqués plus haut. Ô joie !

Séquences commentées par Stéphane Goudet (12’40’’) : Nouvelle analyse de Stéphane Goudet, qui arrive en complément du bonus Like Home. Ici, ce sont les scènes de l’open space et du copain de régiment qui offrent à Goudet l’occasion de développer plus amplement certaines de ses idées. Comme pour l’analyse de Jérôme Deschamps, beaucoup de choses à retirer de ces 12 petites minutes, qui font finalement regretter l’absence d’un commentaire audio complet. Le cul entre deux chaises, les créateurs du DVD n’ont pas su choisir entre 1. l’absence de commentaire ou 2. un commentaire complet - se contentant donc de petites analyses, qui si elles lancent quelques pistes passionnantes, sont d’autant plus frustrantes. On comprend bien volontiers la volonté de Macha Makeieff de ne pas expliquer le film à travers ce DVD ("Il s’agit de titiller la curiosité, pas de produire des fausses masses encyclopédiques" - in Libération du 03 octobre 2003), mais ce non-choix laisse toutefois perplexe, surtout au vu de la qualité de ces 12 courtes minutes. Comment comprendre alors par exemple la parution du livre pour le coup encyclopédique de Stéphane Goudet et François Ede l’an dernier, livre pourtant cautionné par Les Films de Mon Oncle ? Une question à creuser, qui semble renvoyer le DVD au rang de simple objet anecdotique… Très dommage.

A noter un petit bonus caché sur le chapitrage (1° page, carré rouge), soit un texte signé Stéphane Goudet afin d’expliquer la méthode choisie (et plutôt réussie) pour découper le film en chapitre.

Autre remarque par ailleurs, un habillage général plutôt laborieux : bandes colorées totalement hors de propos - tout ça pour faire tenir un menu 4/3 dans une TV 16/9 - hôtesse d'accueil épuisante... Mmmmouais.

En conclusion

Au bout du compte, cette édition laisse un curieux goût en bouche. A la fois totalement réjouissante côté film - et c’est après tout ce que l’on demande au DVD en priorité - cette édition déçoit, et laisse parfois pantois, lorsque l’on s’attaque aux bonus. Desservi par un habillage horripilant et totalement à l’encontre de l’univers Tati (point de vue tout personnel, mais qui sera à mon avis partagé par beaucoup), ce DVD donne l’étrange impression d’un clan Deschamps découvrant avec une pointe de naïveté (ou de cynisme, au choix) le merveilleux monde du multimédia. Bref de belles promesses déçues, que le prix riquiqui et, surtout, la qualité du master feront toutefois sûrement oublier.

En espérant que les futures rééditions des autres Tati par Les Films de Mon Oncle / Wild Side sauront corriger le tir dans les deux ans à venir… Le reste de la filmographie est ainsi attendu avec impatience dans les 24 mois :-).

Par Xavier Jamet - le 23 septembre 2003