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Test dvd
Image de la jaquette

Le Cardinal

DVD - Région 1
Warner
Parution : 25 février 2003

Image

Les presque trois heures de film sont encodées sur un seul et unique DVD, le second étant consacré aux suppléments, mais sans que le film ait trop à en souffrir, contrairement à Exodus (qui il est vrai accuse plus d’une demi-heure de métrage supplémentaire). Le Cardinal ne bénéficie sans doute pas du bitrate le plus élevé qui soit mais la compression sait néanmoins rester discrète. Seuls quelques arrière-plans légèrement brouillés (je pense à la montée d’Ossie Davis vers le Vatican en 1934 révélant un panorama romain assez imprécis, ou aux évolutions des valseurs derrière le couple Romy - Tom Tryon durant la séquence de bal viennoise) et éventuellement quelques mouvements de caméras rapides et exigeants trahissant un soupçon de saccade sauront vous rappeler que vous visionnez une copie numérique et non argentique.

Le nouveau master digital est absolument somptueux. La définition reste précise en toutes circonstances, les contrastes sont parfaits, la stabilité des couleurs comme leur profondeur sont impressionnantes. Le grain reste en toute occasion modéré, même lorsque le Cinémascope de Maître Shamroy cadre les extérieurs viennois le temps d’une digression romantique sur un Danube baigné d’une lumière printanière. Comme les outrages du temps ne semblent pas avoir eu de prise sur le matériau utilisé pour ce nouveau master digital (je n’ai à priori décelé aucun défaut de surface dans des conditions normales de projection en dehors, tout au plus, d’une dizaine de points blancs – peut-être se feraient-ils jour en vidéoprojection...), le cinéphile admirateur de Preminger tient en ce qui concerne la qualité de l’image une édition de référence en tout point digne de celle de Carmen Jones chez Fox.

Son

D’autant que les caractéristiques sonores ne remettent rien en cause. Pas de remix gadget en 5.1 dans le cas présent mais une unique piste stéréo enhanced qui fait preuve d’une belle ouverture et d’une dynamique très satisfaisante. Pas une once de souffle mais une puissance indiscutable (de bonnes enceintes sont requises pour honorer dignement la plongée dans les basses le temps de la séquence de tango dansée par l’admirable Carol Lynley et son partenaire Jose Duval), une précision spatiale remarquable, un beau relief enveloppant du score musical : il n’y a rien à redire, la qualité de cette piste sonore est en tout point exemplaire.

Suppléments

L’accueil sur chacun des deux disques de ce coffret se fait au gré de menus fixes mais agrémentés des accords majestueux du main title composé par Jerome Moross.

Sur le disque 1, les suppléments sont anecdotiques. Ils se limitent à la présentation d’une fiche technique très lapidaire puisque se réduisant presque au casting (section Cast and crew) et à celle des récompenses, dans la section Awards. N’y sont pas recensés les nominations aux Oscars 1963. L’index des scènes propose un découpage très précis, puisque constitué de 47 séquences.

C’est donc sur le second disque que sont regroupés les suppléments susceptibles d’apporter une véritable plus-value à cette édition de très bonne tenue technique.

La bande annonce traditionnelle répond bien évidemment à l’appel. Présentée au format vidéo 16/9 dans son ratio 2.35 d’origine, elle s’avère très granuleuse et arbore des couleurs passées. Elle permet en tout cas de mesurer le superbe travail de restauration réalisé sur le film.

Alléchante, la featurette d’époque Behind the scenes (5’50) se révèle en définitive fort décevante. Montée autour de la structure de la bande annonce dont elle est manifestement contemporaine (elle s’ouvre et s’achève sur un commentaire off identique) il ne s’agit que d’un clip promotionnel se bornant à présenter les différents lieux de tournage, et à égrainer les principaux protagonistes et leurs interprètes à l’écran pour chacun des épisodes successifs de la fresque. Cette featurette de toute évidence conçue à l’origine pour le cinéma a par ailleurs été recadrée sans grâce pour la petite lucarne comme en attestent les noms parfois honteusement tronqués de certains des acteurs.

La plus-value est donc apportée par le document Anatomy of a film maker, un long (1h59) et passionnant documentaire consacré au réalisateur, produit et réalisé par Valerie A. Robson en 1991 pour... les Productions Otto Preminger (sic). Découpé en 27 chapitres accessibles depuis un index au menu, ce documentaire de référence est présenté par Burgess Meredith, ami des Preminger et interprète du cinéaste pour Advise and Consent (le témoin accusateur du passé communiste de Fonda/Lefingwell), The Cardinal (il est ici le très humble curé de la paroisse canadienne de Stonebury) et pour le trop conventionnel In Harm’s Way, autour du cataclysme de Pearl Harbour. Schématiquement, cette étude se conforme à un déroulement chronologique, et met l’accent, jusqu’à The man with the golden arm inclus, sur la volonté d’indépendance et le combat de libéral convaincu contre toutes les censures les plus indues, puis dresse un portrait de l’homme tout entier dévoué à la matérialisation de sa vision cinématographique. Bien que produit par les ayant droits de Preminger, le doc ne cache rien des zones d’ombres du célèbre tyran, et certaines charges menées à son encontre sont pour le moins accablantes (je pense bien évidemment ici au cas Tom Tryon). Nous regretterons malgré tout que ce documentaire présente en définitive les mêmes omissions que l’autobiographie du cinéaste. Après Laura, les grands films des années passées dans l’usine à saucisses Fox sont trop éludés (y compris Forever Amber qui nourrit pourtant sa farouche détermination à s’affranchir des excès de la censure), au même titre que certaines autres œuvres maîtresses de sa carrière : pas un mot de ses deux drames lyriques interprétés par des noirs (Carmen Jones et Porgy and Bess), rien non plus concernant The court martial of Billy Mitchell ou Angel Face (une œuvre de commande, certes, mais quelle commande !) et Exodus n’y est mentionné que pour "l’affaire Dalton Trumbo". A contrario, même s’il constitua sa première production indépendante et sa première joute contre l’oppression des censeurs, nous serions en droit d’estimer que le document fait trop de place au plaisant mais anodin The moon is blue. Néanmoins l’exégète n’y trouvera pas de quoi bouder son plaisir, d’autant que lorsqu’il est question de Preminger, les études et autres archives bibliographiques se réduisent à peau de chagrin.

Saluons enfin le bel hommage rendu à Saul Bass, et indirectement à Otto Preminger qui contribua très largement à l’imposer, puisque c’est à lui qu’a incombé la tâche de concevoir le design du générique de ce documentaire, sur les accords du thème musical d’Exodus, ainsi que le graphisme des titres de fin, au son des rifs jazzy de The man with the golden arm.

Notons enfin que la jaquette annonce un supplément nommé Preminger Film Highlights, mais que cette section reste introuvable dans les menus. A contrario, la section Cast and Crew n’y est pas mentionnée...

Conclusion : Elégamment présentée dans son fourreau rouge d’où se détache le design du logo imaginé par Saul Bass, cette Special Edition de l’admirable film fleuve de Preminger est un must de toute DVDthèque qui se respecte.

Par Otis B. Driftwood - le 21 septembre 2003