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Test dvd
Image de la jaquette

Fando et Lis, El topo, La Montagne sacrée

DVD - Région 2
Wild Side
Parution : 22 mai 2007

Image

Wild Side a en tout cas bien fait son travail et propose les trois films dans des conditions jusqu’alors inespérées. Surtout pour ce qui concerne la restauration dont ont bénéficié El Topo et La Montagne qacrée. Les films ont retrouvé une image absolument sublime, dont les éditions précédentes (Fando et Lis de Fantoma et El Topo / La Montagne Sacrée dans un boxset Raro Video, tout deux zone 0) ont de quoi être jalouses. Le travail de restauration est absolument saisissant et le résultat une merveille. De plus, Wild Side nous offre de très beaux DVD agrémentés de menus très riches (surtout pour La Montagne sacrée à vrai dire). J’ai noté toutefois, et il me semble important de le souligner, une légère différence entre la version de La Montagne sacrée éditée par Raro Video et celle qui paraît chez Wild Side. Au début du film, un groupe d’enfants arrive près du personnage principal. Originellement ils étaient nus. Or, sur le DVD de Wild Side, ils ont tous récupérés un cache-sexe vert numérique. C’est la seule différence que j’ai pu noter mais, vu la richesse des films, il serait bien délicat d’en voir d’autres (qui, si elles existent, resteraient d’un ordre minime).

Fando et Lis a longtemps été considéré comme perdu ; fort heureusement, Francis Ford Coppola en ayant conservé une copie, nous pouvons à nouveau voir ce film. L'indulgence du spectateur est toutefois nécéssaire : la copie est abîmée, les griffures sont nombreuses, les blancs brûlés et l'ensemble manque de contraste. Néanmoins, en ayant conscience de la rareté du film et de l'origine des éléments présentés, on considérera que l'image reste regardable. Changement radical pour El Topo et La Montagne sacrée : cette fois, les négatifs étaient bien conservés et la remasterisation, supervisée par Jodorowsky lui-même, est exemplaire. C'est bien simple, on n'avait jamais vu ces films dans cet état : copies absolument parfaites, couleurs éclatantes, belle définition, encodage invisible, on frise le sans faute.

Son

Le Dolby mono de Fando et Lis n'est pas d'une clarté parfaite, mais reste dans l'ensemble correct même si les dialogues saturent parfois. Pour les deux autres films, Wild Side nous propose un remix 5.1 et le mono d'origine : on optera sans guère d'hésitations pour celui-ci, tant il est efficace et dynamique - au contraire du remix, trop spatialisé et au rendu artificiel. Une VF mono est également proposée sur El Topo - un choix envisageable, car Jodorowsky est un adepte du doublage.

Suppléments

DISQUE 1 - FANDO ET LIS

Ce DVD reprend l’exact contenu du DVD précédemment édité en 1999 par Fantoma. Le commentaire audio est le même (c’est le seul qu'Alejandro Jodorowsky a enregistré en anglais) ainsi que l’unique supplément, le documentaire de près d’1h30 que Louis Mouchet a réalisé en 1994.

Commentaire Audio de Jodorowsky
Le commentaire audio est passionnant et se révèle un mélange d’explications de symboles, d’indications sur la fabrication du film et d’anecdotes très amusantes. Cependant, il ne faut pas s’attendre à trouver un sens à tout le film dans ce commentaire. Des éléments peuvent s’expliciter (du moins justifier leurs références mythologiques ou symboliques), mais au final Jodorowsky laisse le spectateur seul avec le film et c’est très bien ainsi.


La constellation Jodorowsky
Le documentaire, quant à lui, est aujourd’hui indispensable pour tout spectateur intéressé de près par le personnage de Jodorowsky. Il y a énormément d’intervenants différents couvrant une large partie de la carrière du cinéaste, des happenings Panique qu’il réalisait à ses débuts, en passant par le statut culte d’El Topo et arrivant à son activité de scénariste de BD avec notamment Moebius. L’episode Dune est également évoqué (Jodorowsky devait initialement réaliser l’adaptation du livre de Frank Herbert, mais après un an de pré-production avec des noms aussi alléchants que H.R Giger, Dan O’Bannon, Salvador Dali, les Pink Floyd, le projet est tombé à l’eau quand les producteurs américains se sont retirés du projet effrayés par l’ampleur que prenait le film). Le documentaire se conclut par l’auteur du documentaire se faisant tirer les cartes du Tarot par Jodorowsky lui-même, qui s’amuse à faire ça gratuitement dans un bar parisien devant un public de fidèles. Un moment soudainement très intime où l’exubérance de Jodorowsky et ses grands discours se synthétisent dans une volonté simple et belle de vouloir aider son prochain. Bref, un documentaire en tous points passionnant.

DISQUE 2 - EL TOPO

Commentaire d’Alejandro Jodorowsky
Commentaire intéressant du cinéaste qui délivre une liste impressionnante de ses références mythologiques, religieuses et symboliques, le tout emballé dans un discours mystique délivrant une véritable leçon de vie. C’est également ce qui en fait sa limite, car un public peu intéressé par le sujet pourra vite trouver le commentaire fastidieux et emphatique. Cela dit ,il reste la bonhomie du cinéaste et une fois de plus un concert d’anecdotes de tournages et de vie plutôt croustillant.

Entretien avec Alejandro Jodorowsky
Entretien intéressant bien qu’un peu court, dans lequel Jodorowsky explique entre autres la résolution du conflit qui l’a opposé pendant près de trente ans à Allen Klein.

La Cravate
Court-métrage réalisé par Alejandro Jodorowsky en 1957, c’est un petit miracle de le trouver ici car on a longtemps cru que les dernières copies avaient été perdues. C’est donc un petit bonheur que de découvrir cette curiosité. C’est l’adaptation d’une nouvelle de Thomas Mann appelé Les Têtes Interverties (rebaptisé ici La Cravate). Le film est plus une pièce de mime filmée (décors, jeu outrancier etc.) qu’un véritable court métrage. C’est l’histoire d’une fille dont le travail est d’échanger les têtes de ses clients. Elle tombera amoureuse d’une tête. C’est donc une fable un peu naïve jouant beaucoup sur l’humour, il y a un côté burlesque assumé. Et le personnage de Jodorowsky fait penser à Buster Keaton (référence avouée du cinéaste). Vers la fin du film, on sera rassurés tout de même de retrouver un élément du cinéma de Jodorowsky dans cet unijambiste clochard affublé d’un bric-à-brac contenant (entre autres) une poupée brisée. Comme un symbole d’une innocence perdue, thématique récurrente du cinéaste.

DISQUE 3 - LA MONTAGNE SACREE

Commentaire d’Alejandro Jodorowsky
Un peu redondant de prime abord car le cinéaste aime nous lister les symboles qu’il utilise, le commentaire vaut surtout pour les anecdotes de tournage et de vie de Jodorowsky. Lui qui tournait dans la rue la plupart du temps avec les autochtones a fait des rencontres passionnantes, et sa loquacité naturelle fait de chacune de ces petites histoires des moments délirants voire surréalistes (Jodorowsky menacé de mort par un militaire sur le tournage). Cela dit, même si le contenu paraît un peu fastidieux, on apprend énormément à l’écoute de ce puits de culture.

Scènes coupées
C’est un petit miracle que d’avoir le privilège de découvrir ces images. La plupart des scènes sont des prolongements de l’initiation des neuf personnages lors de la dernière partie du film dans la montagne. C’est une série de rituels païens que Jodorowsky jugeait imparfaite. Cela dit, on y découvre une scène qui devait être accolée à la fin du film qui nous montrait le voleur et sa Marie-Madeleine, assistant à un véritable accouchement dans un restaurant mexicain. On retrouve également une scène montrant un enfant accompagné d’une femme nue regardant un crucifix fait d’écrans de télévision. De peur d’être attaqué de pédophilie, ils ont préféré retirer la scène. C’est très dommage, car elle est très belle. On regrettera le fait que ces scènes soient regroupées sous un seul élément et qu’il est impossible d’aller à une scène en particulier. De même le commentaire, certes fort intéressant de Jodorowsky, est inamovible.

Featurette : « Restoring the Holy Mountain » (la restauration de la Montagne sacrée)
C’est très intéressant techniquement de voir la différence entre le matériel d’origine et le résultat obtenu. Le film a véritablement retrouvé une nouvelle vie. Le commentaire de Joe Beirne, responsable technique de Postworks, la société qui s’est chargé de la restauration du film, est suffisamment court et vulgarisé pour ne pas ennuyer.

Featurette sur le Tarot par Jodorowsky lui-même
Introduction sur l’art du Tarot par Alejandro Jodorowsky, qui nous explique d’où vient sa passion et ce qu’elle signifie. Il nous explique rapidement la signification de chacune des 21 figures du tarot. Instructif bien que trop court pour vraiment comprendre ce qu’est le Tarot.

Une belle galerie de photos sur fond de pages du scénario gribouillé et annoté.

DISQUE 4

Enfin, le coffret DVD Wild Side contient un DVD bonus contenant le documentaire Midnight Movies : from the Margin to the Mainstream, qui est un film réalisé en 2005 par Stuart Samuels et qui avait d’ailleurs bénéficié d’une petite sortie en salle le 21 juin 2006. Ce documentaire comme son titre l’indique est un regard sur ce phénomène éphémère que furent les Midnight Movies durant les années 70. Il s’agissait de films peu commerciaux s’adressant à un public alternatif avide de sensations fortes et d’images chocs, qui étaient diffusés uniquement à minuit. Le documentaire s’intéresse tout particulièrement au Elgin Theater qui a été LA salle de cinéma des Midnight Movies, le phénomène y est né et y a progressivement disparu. L’intérêt de ce documentaire dans un coffret des films d’Alejandro Jodorowsky est qu’El Topo est le premier Midnight Movie de l’histoire du cinéma. Sociologiquement, il est intéressant de voir comment ce film a su rassembler un groupe de spectateurs fidèles dans des séances de cinéma ressemblant plus à des messes païennes qu’à un visionnage traditionnel. Cela dit, le documentaire ne concerne véritablement Jodorowsky qu’au début, et après la première demi-heure on y traite des 4 autre films fondateurs : Night of The Living Dead de Georges Romero, The Harder They Come de Perry Henzel (film mafieux jamaïcain avec Jimmy Cliff totalement tombé dans l’oubli), Pink Flamingos de John Waters, The Rocky Horror Picture Show de Jim Sharman (certainement le plus célèbre et le plus festif) et bien sûr Eraserhead de David Lynch. Le documentaire est donc un objet intéressant pour tout cinéphile désireux de connaître un peu ce cinéma qui, à l’époque, était totalement alternatif alors qu’aujourd’hui les films de Romero et Lynch par exemple sont des quasi classiques. Et puis c’est un véritable long métrage qui est offert, donc ce n’est pas négligeable. Cependant force est de constater que Jodorowsky y apparaît peu, et que si on y parle un peu d’El Topo on reste quand même très en surface. Il n’est qu’une partie assez minime d’un documentaire plus général. Le mettre en bonus du coffret est quelque peu anecdotique donc. Par comparaison, le documentaire de Louis Mouchet est autrement plus intéressant et riche (il aborde le même sujet, c’est-à-dire le statut culte d’El Topo). Mais le documentaire est agréable en lui-même sans être autrement plus passionnant.

El Topo est également disponible à l'unité, complété du quatrième disque du coffret

Par Franck Suzanne (technique) et Gregory Audermatte (bonus) - le 24 mai 2007