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Test blu-ray
Image de la jaquette

Le Roi de coeur

BLU-RAY - Région B
L'Atelier d'images
Parution : 24 janvier 2017

Image

Nul n'est prophète en son pays, ou alors très tardivement comme le film qui nous concerne ici. Car c'est enfin avec bonheur que Le Roi de Cœur, l'un des plus grands films de Philippe de Broca (et des plus emblématiques de son œuvre), bénéficie d'un traitement à la hauteur de ses qualités. Totalement rejetée par le public, moquée par la critique à l'époque de sa sortie, cette production particulièrement chère à son auteur (devenue étrangement culte aux Etats-Unis et très appréciée parmi les cinéphiles et universitaires américains) tient enfin sa revanche et a l'occasion de séduire un nouveau public grâce à sa cure de jouvence. C'est le rachat des droits du film (détenus par la MGM et StudioCanal) par la famille de Broca qui a permis d'entreprendre la restauration tant attendue depuis des années. Celle-ci a été réalisée par le laboratoire Technicolor pour Alex Productions (dirigée par Alexandra de Broca). Il s'agit d'une restauration et d'un étalonnage 4K effectués à partir du négatif original. L'ensemble du travail a été supervisé par le chef opérateur du Roi de Cœur, le célèbre Pierre Lhomme. Les possesseurs du DVD TF1 vidéo datant de 2007 peuvent dorénavant s'en servir comme frisbee tant son master indigne et poussiéreux devient complètement obsolète. Le rendu image de ce Blu-ray du Roi de Cœur s'avère somptueux. Le master est parfaitement stable et propre, mais cela relève du minimum syndical. Surtout on a affaire à un magnifique rendu des nuances de la photographie selon les moments de la journée, à des couleurs idéalement saturées et sans exagération, à une lumière naturelle avec une palette précise de gris et de verts (sans aucune dominante artificielle), à des contrastes séduisants et à une profondeur des noirs avec du détail dans les zones sombres. La nuit américaine en fin de film, avec sa colorimétrie particulière, est de même parfaitement restituée. Tout au plus pourra-t-on déplorer (le mot est sans doute trop fort) un piqué irrégulier selon les plans, mais une certaine douceur de l'image n'est pas désagréable. La définition aurait donc pu être plus acérée, mais il faut préciser que le format large de la pellicule est le Techniscope, bien moins défini que le Cinémascope. Néanmoins de très nombreux plans larges affichent une superbe définition, ce que montre le rendu des peaux, des cheveux, des textures et des tissus. En résumé, c'est une renaissance complète à laquelle on assiste, et la seule chose que l'on puisse regretter est que Philippe de Broca ne soit plus parmi nous pour prendre connaissance de la justice qui vient d'être rendue à son œuvre.

Son

L'Atelier d'Images a eu l'excellente idée de proposer une piste Audiovision pour les malvoyants - chose assez rare en France pour être soulignée. La bande-son du film est la version française avec quelques dialogues en anglais et en allemand. Elle a été également restaurée à partir des bandes originales et avec le soutien de Stéphane Lerouge (spécialiste de la musique de film, programmateur musical et responsable de collections). Si l'on relève quelques saturations ça et là, cette piste est très claire et parfaitement nettoyée. Malgré un mixage mono (mais DTS-HD MA quand même), cette bande-son procure une certaine impression de relief et de profondeur, et assure un excellent équilibre entre les ambiances, la superbe musique de Georges Delerue et les voix (en dépit de la postsynchronisation, de qualité donc). Bref, à nouveau de l'excellent travail.

Suppléments

Au démarrage du disque se lance un extrait (d'une durée de 2 min 11) d'une future sortie de l'éditeur en DVD et en Blu-ray, à savoir Shine (1996) de Scott Hicks. Cette édition célèbre le 20ème anniversaire du film.

Les suppléments de cette édition ont été réalisés et/ou supervisés par Jérôme Wybon, fameux concepteur de documentaires sur le cinéma de patrimoine et dénicheur forcené de trésors cinématographiques enfouis on ne sait où mais qui ne lui résistent jamais très longtemps (oui, on l'aime bien de par chez nous, mais on va tâcher de rester objectif).

Entretien exclusif avec Pierre Lhomme (10 min 02 - 1.85 - DTS-HD MA 2.0 - HD - 2016)
Le vénérable et célèbre directeur de la photographie français se prête au jeu de l'interview, et ses souvenirs surgissent de façon assez précise sur un fil narratif certes un peu lâche mais qui reste très intéressant tout au long de l'entretien. Lhomme s'exprime sur sa forte amitié avec Philippe de Broca et leurs collaborations, ainsi que sur la personnalité du cinéaste et ses centres d'intérêt (notamment la technique cinématographique). Concernant Le Roi de Cœur, le chef opérateur évoque les méthodes de travail de de Broca, réalisateur enflammé, sur ce tournage ambitieux, l'excentricité de ce projet, sa vision de l'œuvre (il conteste que ce soit un film sur les fous), le cabotinage des acteurs, l'accident d'Alan Bates qui a obligé l'acteur à boiter durant presque la totalité du tournage, l'ambition du cinéaste sur ce film, l'accueil catastrophique en France et ses conséquences, le statut de film culte aux USA. Illustré par des photos rares d'époque, des images inédites du tournage avec un De Broca directif et quelques extraits du film (choisis avec parcimonie), ce documentaire s'avère passionnant mais malheureusement trop court.


Entretien exclusif avec Michelle de Broca (9 min 21 - 2.35 - DTS-HD MA 2.0 - HD - 2016)
La productrice et compagne de route du cinéaste s'exprime sur un montage d'extraits du film. Il faut avouer d'emblée que cet entretien purement sonore n'est pas très confortable à suivre en raison du débit rapide de l'interviewée et des informations délivrées de façon peu ordonnée et parfois un peu superficielles. Michelle de Broca parle de la production du Roi de Cœur, de sa collaboration avec Les Artistes Associés, du fait divers à l'origine du projet, du budget, un peu du tournage à Senlis, du choix des acteurs, de l'accident d'Alan Bates et ses conséquences, de la sortie calamiteuse du film avec ses regrets personnels quant à la promotion, de l'accueil très positif aux USA dans les universités.

Les comédiens sur le tournage (5 min 54 - 4/3 noir et blanc - DTS-HD MA 2.0 -  SD gonflée - 1966/2016)
Ce court film d'archive rare datant de 1966, filmé lors du tournage du Roi de Cœur, est assez exceptionnel. On n'ira pas jusqu'à dire que les propos tenus ici sont bouleversants, mais on ressent un grand plaisir à voir plusieurs comédiens du film (et non des moindres) donner en toute simplicité et sincérité leur opinion sur Philippe de Broca. Et l'on relève que ces acteurs ont très bien compris la nature profonde du cinéaste. Tour à tour, Jean-Claude Brialy, Julien Guiomar, Pierre Brasseur, Daniel Boulanger, Alan Bates, Micheline Presle, Geneviève Bujold et Michel Serrault abordent la personnalité et la sensibilité du réalisateur vu comme un être tendre, enfantin, pudique, amoureux possessif des comédiens et mélancolique, dissimulé derrière un grand dynamisme et un sens de la démesure.


Le monde irréel de Philippe de Broca (1 min 25 - 4/3 noir et blanc - DTS-HD MA 2.0 - SD gonflée - 1967/2016)
Dans ce très court extrait de Nord Actualités Télé datant de février 1967, le cinéaste répond à une question sur sa préférence pour le "monde irréel" au "monde réel". Un supplément certes curieux mais très anecdotique puisque l'on aimerait en savoir bien plus sur le sujet que ce qui est à peine développé ici. On suppose qu'il n'est pas toujours facile de s'entendre financièrement avec l'INA, dont le travail d'archiviste s'avère évidemment essentiel pour notre patrimoine audiovisuel.

La bande-annonce originale (4 min 42 - 2.35 - DTS-HD MA 2.0 - HD)
Particulièrement long, ce film-annonce a aussi été magnifiquement restauré. Mais longueur ne signifie pas didactisme, puisque cette bande-annonce entretient le mystère d'un film au caractère doux-dingue qui a du mal à se résumer de par sa nature excentrique. L'accent est mis sur l'amour, la fête, le décalage, la fantaisie, l'ironie des dialogues. Petite remarque : bizarrement, la nuit américaine de la scène de l'horloge n'a pas été respectée dans ce petit montage.

Par Ronny Chester - le 26 janvier 2017