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Test blu-ray
Image de la jaquette

La Rivière rouge

BLU-RAY - Région B
Wild Side
Parution : 6 mars 2013

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Que l’on soit bien clair sur ce point : si le film avait déjà été sobrement édité en DVD zone 1 US à l’aube du support (en 1997, soit à l’âge de pierre du DVD), aucune comparaison ne s’avère possible avec le nouveau matériel présent désormais en 2013, grâce à l’acharnement technique de Wild Side. Partie de très loin, la copie a été nettoyée de fond en comble, de la première à la dernière seconde de film. Et autant dire que, malgré quelques défauts ici et là, le résultat final est tout simplement bluffant !

Un certain nombre de plans possèdent encore une définition aléatoire, proposant même un très léger flou selon les circonstances, ce qui reste particulièrement visible sur quelques unes des scènes se déroulant pendant le voyage vers Abilene, principalement de jour. Rien d’étonnant toutefois, vu la difficulté d’obtenir autre chose sur ce film... Le maximum a été fait, sans l’ombre d’un doute. De fait, les principaux défauts (et ils sont peu nombreux) demeurent concentrés sur le transfert Blu-ray lui-même. Au niveau de la compression, c’est un sans-faute presque total. On notera à peine un léger bruit vidéo, visible sur les ciels, lors de la première demi-heure. Rien d’autre, c’est dire le niveau de compression totalement maitrisé que l’on a sous les yeux. Pour le reste, un relatif "crénelage" sera décelable en arrière-plan, au niveau du contour de certaines montagnes dans le lointain. Peu problématique, mais relativement visible à trois ou quatre reprises. Enfin, et c’est là le plus important, on pourra observer quelques rares effets de ghosting, qui sont notamment visibles lors de la première séquence mettant en scène Montgommery Clift, et dans laquelle on peut y voir un John Wayne acquiescer avant de monter à cheval, le visage laissant une traînée lors du mouvement. Pas d'inquiétude à avoir, le ghosting se manifeste vraisemblablement lors de plans SD upgradés appartenant à la version longue et rajoutés aux images HD pour la reconstruction de la director's cut. L’effet est repérable à deux ou trois reprises seulement, durant les premières 45 minutes de film. Par la suite, aucun problème de ce genre ne semble revenir, excepté lors de la 86ème minute, très perceptible sur le mouvement d’un cheval au beau milieu du cadre. Ce sera tout au niveau des remarques de forme.

Quoi qu'il en soit, qualitativement parlant, nous atteignons le nirvana pour un tel titre (résolution 1080p). La restauration a porté ses fruits au-delà de notre imagination, laissant admirer une copie extrêmement propre, et même carrément magnifique. A peine remarquera-t-on le temps d’un seul plan une série de griffures en haut du cadre, durant les 45 premières minutes là encore. Une goutte d’eau dans l’océan quand on voit ce qui nous attend à côté. A savoir une définition redoutable, laissant apprécier une teneur HD fort reconnaissable avec ses personnages superbement détachés, sa profondeur de champ retrouvée et ses gros plans magistraux. Les visages sont particulièrement mis en valeur, le grain de la peau demeurant étonnant au niveau du rendu, et cela particulièrement durant les scènes nocturnes. Pour beaucoup tournées en studios, celles-ci profitent d’un matériel de tournage et d’une photographie ne devant pas composer avec les aléas d’un tournage en extérieurs, ce qui s’en ressent énormément au niveau de la qualité générale. Les noirs sont ainsi très profonds, forcément impressionnants quand l’on songe à l’ancienne édition DVD qui, heureusement, n’est dorénavant plus qu’un lointain souvenir. Si quelques plans (ceux possédant une définition moins précise, c'est-à-dire sans doute les plus abimés au départ) proposent une charte tirant vers le gris clair / gris foncé, la nature générale de la copie propose à l’inverse globalement un noir et blanc très affirmé, précis, tout à fait convaincant. Le départ du convoi à l’aube en demeure un exemple flagrant, avec sa luminosité unique, son ciel magnifique, ses traces de brumes d’une grande précision au piqué remarquable. Et pourtant, la gestion de la brume sur des plans fatigués pouvait faire craindre le pire... En l’occurrence, il n’en n’est rien tant la copie parait neuve les trois quarts du temps. Wild Side n’oublie rien, pas même le léger grain cinéma de circonstance, certes amenuisé pour les besoins du conditionnement Blu-ray (comme d’habitude chez l’éditeur), mais bel et bien présent. On ne pourra pas leur reprocher leur totale acuité à cet égard autant que leur envie de présenter une édition vidéo (et donc numérique) à la hauteur.

En outre, ce Blu-ray nous propose le choix entre deux versions du film : la version courte validée par Howard Hawks en son temps (127 minutes) et dont le récit est soutenu par une voix off (celle de Walter Brennan, également acteur dans le film), ainsi qu’une version longue dont la diégèse est soutenue par un livre (133 minutes). Le titanesque travail accompli pour obtenir un résultat probant est expliqué par Giordano Guillem dans les lignes qui vont suivre. Explication qui nous suffira amplement. Quant au DVD, il reprend la version courte présente sur le Blu-ray. Un très bon DVD, certes, mais qui ne soutient évidemment pas la comparaison, techniquement parlant.

Une chose est certaine, tous les pays un tant soit peu cinéphiles vont nous envier cette édition qui risque bien de devenir culte. La Rivière rouge n’a jamais été aussi beau, aussi rutilant, aussi jeune. Merci à Wild Side, merci à Giordano Guillem.

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Ce message de Giordano Guillem, superviseur de la restauration sur ce titre, a le mérite de fort bien présenter la masse de travail accomplie pour nous en permettre la redécouverte aujourd’hui sur support HD, nous laissant également apprécier la passion qui a été mise au service de cette édition unique au monde :

Nous avons le plaisir de présenter Red River dans une double édition : la version longue initiale dont la narration est illustrée par un livre (133’) et la version courte définitive, validée par Hawks, dont le récit est éclairé par une voix-off (127’). Outre la différence de narration, la version courte présente un montage plus resserré avec la suppression de plusieurs scènes et une partition musicale plus sobre.

Malheureusement, faute d’élément-film 35 mm exploitable, cette version n’a pas fait l’objet de transfert vidéo récent, et aujourd’hui les seuls masters SD (définition standard) existants sont de qualité indigne. Actuellement, le seul master vidéo disponible en HD (haute définition) correspond à la version longue.

Dans l’impossibilité d’exploiter en l’état la version courte, nous avons pris le parti de la remonter à partir de la version longue HD. Nous avons créé, dans un premier temps, un élément intermédiaire HD composé des plans communs aux deux versions. Toutes les séquences spécifiques de la version longue (plans avec livre, scènes additionnelles et génériques) ont ainsi été supprimées. Parallèlement, à partir du master SD, nous avons isolé toutes les séquences propres à la version courte (plans en voix-off, scènes additionnelles et génériques).

De qualité extrêmement médiocre, elles ont été restaurées, étalonnées et upgradées avant d’être réinsérées sur l’élément intermédiaire HD. Notre attention a surtout porté sur les plans en voix-off, particulièrement abîmés. Ces plans truqués, montés en une succession de fondus enchaînés, souffraient d’images manquantes. Elles ont été remplacées par les images HD correspondantes, permettant à l’ensemble de retrouver sa fluidité originale.

Le travail de conformation de la version courte a été réalisé à l’image près pour obtenir in fine, en qualité HD, la réplique exacte du master SD. Au même titre que l’image, nous pouvions espérer exploiter le son de la version longue, de meilleure facture, pour remonter celui, très pauvre, de la version courte. Mais de trop nombreuses disparités dans le contenu - absence de voix-off, présence de chansons, ajout de musique, longueur de certains plans modifiée ou changement de certains dialogues - ont contrarié cette idée de conformation. Nous avons donc conservé la piste sonore originale de la version courte et opté pour une restauration manuelle afin de garder l’aspect naturel du timbre sonore. Les artefacts optiques (défauts son dus à une anomalie physique sur la pellicule) ont été retirés et les micro-trous de son corrigés. Un soin particulier a été apporté sur les début et fin de bobines, particulièrement dégradés, pour fluidifier la continuité sonore du film. Un contrôle minutieux du synchronisme est venu parachever ce travail de restauration.

À notre connaissance, jamais la version définitive de Hawks n’a été présentée dans une configuration restaurée et en qualité HD. Nous sommes heureux d’y être parvenus et de l’avoir fait pour vous (mais aussi pour nous).

Son

La section sonore est très belle aussi, grâce à une enveloppe très puissante pour un film de 1948. Une version originale et une version française toutes deux en DTS-HD Master Audio 5.1, pour un mixage vraiment impressionnant. La version française plaira aux amateurs, elle est relativement claire et pour ainsi dire revenue d'entre les morts. La dynamique est bonne, rien à redire, même si les défauts inhérents à ce genre de piste doublée ne peuvent être écartés (voix parfois étouffées, régulièrement criardes). La version originale, quant à elle, possède une excellente pèche. Aucun souffle, aucune craquement, une dynamique appréciable, aucune saturation, et une très bonne gestion voix / ambiances. Reste éventuellement un ou deux passages plus étouffés ici et là, notamment durant la première demi-heure lors d’une phrase prononcée par John Wayne. Des sous-titres clairs et très lisibles sont présents.

Suppléments

Les suppléments sont peu nombreux, mais de grande qualité. Sur le disque, nous croiserons la route d’une bande-annonce (un document toujours appréciable, car il reste un témoignage de son temps) et d’une présentation des deux montages par Giordano Guillem lui-même (16 minutes). Intéressant, passionné, et comme à son habitude plein de gentillesse, l’homme nous parle avec affection de ces deux versions, de la raison de leur existence et de leurs différences notables. Reste enfin le livre de Philippe Garnier, Howard Hawks à la conquête du western, une mine d’informations destinée à ravir les fans du film. Les possesseurs de Hawks par Hawks de Joseph McBride, ainsi que de Hawks de Todd McCarthy y retrouveront un certain flot d’informations, ce qui n’en fera heureusement pas souffrir la lecture. Richement illustré, le livre est séparé du combo Blu-ray / DVD, et donc facilement archivable dans sa bibliothèque pour ceux qui le souhaiteront (à la différence du schéma entretenu par la passionnante collection des Classics Confidential du même éditeur, en DVD). Le fond du livre est bien entendu très concret, porté sur l’information vérifiée. Garnier détestant visiblement la moindre interprétation de l’histoire comme du film, l’ensemble restera concentré sur la pré-production, le tournage, la sortie du film et les personnalités qui l’ont tourné. Voilà qui conclut une édition à la fois belle et de très haute qualité.

Par Julien Léonard - le 5 mars 2013