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Test blu-ray
Image de la jaquette

La Porte du Paradis

BLU-RAY - Région B
Carlotta
Parution : 20 novembre 2013

Image

Grâce à cette édition tant attendue, La Porte du Paradis passe du statut de film maudit au statut de film miraculeux. En 2012, grâce à une formidable entreprise de restauration 2K réalisée par l'éditeur américain Criterion, sous licence MGM,  et sous la supervision scrupuleuse de Michael Cimino (qui livre à cette occasion un montage très légèrement différent), le film avait retrouvé une jeunesse et avait pu à nouveau être présenté au public, d'abord dans des festivals prestigieux puis dans de nombreuses salles de par le monde, escorté quelquefois par son cinéaste. Grâce aux matrices de séparation des couleurs issues du négatif original de la version longue, la colorimétrie d'origine a été numériquement rétablie puis le nouveau master été complètement nettoyé et ré-étalonné. Le résultat ? Splendide ! Le Blu-ray Criterion, sorti logiquement l'an dernier, avait fait des envieux de ce côté de l'Atlantique, cela n'a plus lieu d'être. Nous sommes enfin en présence du miracle tant espéré : les couleurs sont magnifiques avec une palette de nuances chromatiques d'une grande précision, la propreté du master impressionne (quasiment tous les outrages faits à la pellicule ont été enlevés, malgré certes une ou deux rayures verticales subsistantes, dont une disgracieuse à 1h27min50s), les contrastes sont habilement reproduits (les parties sombres possèdent du détail, les frontières entre zones claires et zones sombres sont généralement fluides), le grain cinéma est superbement respecté même si parfois on observe un surplus de granulation - mais cela est dû au matériel d'origine et aucun cas à un traitement vidéo malvenu -, l'image offre un excellent piqué (en revanche, il lui arrive de battre du l'aile dans quelques scènes en intérieur). Enfin, on relèvera que la tonalité sépia propre à certaines séquences a été considérablement amoindrie ; mais comme Michael Cimino est directement associé à la restauration de son film, on imagine que sa volonté a été respectée sur ce point. En résumé, quelques menus défauts - comme aussi des petites variations dans l'étalonnage - ne doivent en aucun cas déconsidérer le travail entrepris : d'un point de vue technique, La Porte du Paradis redevient un véritable bonheur à regarder.

Son

La piste multicanale proposée en DTS-HD Master Audio 5.1 a été élaborée à partir des six pistes magnétiques originales disponibles sur pellicule 70mm, même si à l'époque de sa sortie La Porte du Paradis a été diffusé en salles avec un mixage Dolby Stéréo sur pellicule 35mm. Ce Blu-ray offre un mixage immersif qui profite essentiellement aux compositions musicales de David Mansfield. En revanche, les scènes de foule et les séquences d'action ne profitent que de façon très marginale des enceintes arrières, même si l'impression d'élargissement sonore est heureusement perceptible, d'autant que la stéréo avant est de très bonne qualité. De leur côté, les dialogues et les ambiances par leur clarté et leur profondeur dans le mixage 5.1 ont également bénéficié de la restauration. Bref, l'équilibre qualitatif entre l'image et le son est plus ou moins respecté.

Suppléments

Compte tenu de la durée exceptionnelle de La Porte du Paradis, les suppléments réalisés par Carlotta sont logiquement présentés sur deux Blu-ray distincts.


Blu-ray 1

Introduction de Michael Cimino (1 min 32 - HD - 16/9 - 2013)
Le cinéaste nous accueille poliment à la projection de son film restauré. Il insiste particulièrement sur le temps que cette entreprise de restauration a pris pour toutes les personnes impliquées et sur le bonheur qu'il a eu d'en être le maître d'œuvre et d'en partager aujourd'hui le résultat avec les spectateurs.

Bandes-annonces d'époque (1 min 21) et de 2013 (1 min 32)
Vingt-trois ans séparent ces deux bandes-annonces, comme l'attestent aussi leurs qualités visuelles et sonores respectives. Par simple comparaison, on y entrevoit la magnificence de la restauration, de même que l'accent est aujourd'hui mis sur la dimension mythique et historique du film et de son sujet.


Blu-ray 2

Retour au paradis (50 min 15 - HD - 16/9 - 2013)
On avait plus l'habitude d'un Michael Cimino s'exprimant par écrit, c'est donc avec une heureuse surprise que nous pouvons l'écouter durant 50 minutes et le voir converser en bonne compagnie. Pour ce faire, Carlotta a demandé à Michael Henry Wilson, critique et historien du cinéma bien connu dans nos contrées, de mener cet entretien. Avec étonnement, on découvre un Cimino (faussement ?) modeste, qui réprouve la starification des réalisateurs et regrette le temps de l'âge d'or hollywoodien quand ces derniers étaient de simples employés des studios. On se pince pour y croire, d'autant que ses grands films - et surtout La Porte du Paradis - n'auraient jamais pu être tournés dans ce contexte avec un puissant mogul veillant aux grains. Derrière cette diatribe, on sent le cinéaste attristé par une carrière qu'il aurait désiré plus remplie, quitte à réaliser des films différents de ceux pour lesquels il est acclamé. De même, sa critique ironique de l'intellectualisme - que l'on adore tant en France - peut également surprendre de la part d'un artiste qui avoue par ailleurs être un lecteur passionné. C'est plutôt un Michael Cimino virant mystique qui se présente devant nos yeux (Sunchaser, son dernier long métrage en date, prend alors une toute autre résonance), qui insiste sur le lien spirituel qu'un cinéaste doit établir avec un lieu. Michael Henry Wilson apparaît parfois désarçonné par les réactions de Cimino, qui élude un peu certaines questions (comme le processus d'écriture) ou part dans d'autres directions, mais la discussion ne perd jamais en intérêt. Le cinéaste aborde de nombreux aspects de la production de La Porte du Paradis : l'importance primordiale des personnages, le casting, son approche de la mise en scène (on est surpris de l'entendre décliner tout influence picturale de l'Ouest américain), la figure du cercle venant de la culture indienne, le tournage de quelques scènes, la musique (on apprend que John Williams devait être le compositeur du film avant de décliner en raison d'un autre engagement). Grand amateur d'histoire et de géographie, Cimino s'exprime évidemment sur la lutte des classes aux États-Unis que l'on s'obstine à nier, paye sa dette à Clint Eastwood, parle un peu du cinéma classique (Ford et Ophuls) et contemporain, et surtout, lucide et pessimiste à la fois, refuse de donner des explications raisonnées pour tout ce qui a trait au travail artistique. On n'est pas sûr de ressortir de cette interview avec une vision plus claire du personnage Cimino, qui conservera toujours une part de mystère, équivalente à son aspect physique actuel déconcertant, mais notre "rencontre" via ce supplément aura certainement valu le détour.


Entretiens
Cette section comporte quatre interviews exclusives tournées en HD par les équipes de Criterion en 2012 - pour ce qui concerne Kris Kristofferson (9 min 20) et David Mansfield (8 min 43) - et par Carlotta en 2013 - concernant Isabelle Huppert (24 min 18) et Jeff Bridges (17 min 53). Montés avec de nombreux extraits de films et quelques émouvantes photos de production, ces entretiens permettent à ces quatre artistes d'évoquer leurs souvenirs de ce tournage si particulier et de rendre hommage à son maître d'œuvre. Tous abordent leur expérience personnelle, leur implication professionnelle dans leur rôle respectif, la longueur de la préparation, l'aspect communautaire du tournage, les difficultés rencontrées et les dangers encourus, la précision maniaque de Michael Cimino, leur vision de La Porte du Paradis dans le contexte de l'époque et aujourd'hui, et expriment leur reconnaissance au cinéaste en qui ils avaient une entière confiance.


La restauration (2 min 30 - HD - 2012)
Grâce à quelques explications techniques et des comparaisons entre des mêmes plans du film avant et après restauration, ce document produit par Criterion rend compte brièvement mais efficacement de la formidable entreprise de rajeunissement du film, de la colorimétrie d'origine retrouvée jusqu'au nettoyage complet (comme il se pouvait) de la pellicule.


Enfin, cette belle édition contient un livret de 36 pages rédigé par Jean-Baptiste Thoret, éternel défricheur et défenseur du cinéma américain des années 70. Le journaliste et critique de cinéma, auteur récemment de l'ouvrage Michael Cimino, les voix perdues de l'Amérique paru chez Flammarion, analyse succinctement mais justement la spécificité artistique de La Porte du Paradis et la volonté manifestée par son scénariste-réalisateur de raconter l'histoire de son pays avec un point de vue démystificateur. Thoret situe également le film dans le contexte du Nouvel Hollywood agonisant, aborde les influences de Cimino, sa vision sociale, son rapport au temps, le questionnement des origines, l'approche originale du genre western, ou encore les motifs propre à La Porte du Paradis comme la fameuse image du cercle. Ce livret de la taille d'un boîtier DVD nous propose aussi une quinzaine de très belles photos de tournage et d'exploitation. Jean-Baptiste Thoret démontre encore une fois son talent pour présenter les enjeux principaux d'une œuvre avec une précision et une concision exemplaires. On regrettera seulement - mais il n'est pas le seul à se faire piéger par la démonstration - que, poussé par l'acrimonie d'un côté et l'admiration pour Michael Cimino de l'autre, Thoret en rajoute encore sur le mépris pour le cinéma américain des années 80 dont le tandem Lucas/Spielberg aurait été le fossoyeur. Ce raccourci doublé d'une erreur d'analyse qui sous-estiment l'apport déterminant au 7ème Art venu de Steven Spielberg et d'autres réalisateurs qui réussiront à s'épanouir au sein de cette décennie complexe et certes frustrante par bien des aspects devient vite lassant à la longue...

En savoir plus

Pour les plus fervents - et fortunés - admirateurs de La Porte du Paradis, Carlotta sort également un coffret prestige limité à 3 000 exemplaires. Pas vraiment encombrant mais surtout très élégant avec son revêtement en velours, cet objet est fait par des passionnés pour des passionnés. En plus de l'édition double Blu-ray du film, le coffret propose la double édition DVD, le CD de la bande originale (13 morceaux), la reproduction de la "bible" du tournage (soit le script du film annoté par Michael Cimino !) faisant près de 300 pages, la reproduction du livret distribué lors de la première du film, un portfolio de 44 pages comportant de superbes photos de plateau en noir et blanc, et un livret de 56 pages contenant l'essai de Jean-Baptiste Thoret accompagné de deux articles de l'American Cinematographer datant de 1980.

Par Ronny Chester - le 23 novembre 2013