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Test blu-ray

Exodus

BLU-RAY - Région B
Sidonis / Calysta
Parution : 19 mars 2019

Image

A son tour, l’éditeur Sidonis/Calysta - surtout célèbre pour son travail sur les westerns - se charge de proposer un Blu-ray de la superbe fresque historique d’Otto Preminger. En effet, Exodus avait déjà eu les « honneurs » d’une édition haute définition en 2012 sous la houlette de feu Opening, qui avait eu certes l’heureuse initiative d’exister mais possédait un certain nombre de défauts. Les amateurs du film se prenaient alors à espérer cette année que cette œuvre remarquable bénéficiât d’un Blu-ray à la hauteur de ses exigences techniques. Hélas, il n’en est rien ou presque puisque, à nouveau, cette édition 2019 s’appuie sur un ancien master, qui plus est au format 2.35. On aurait pu s’attendre - naïvement ? - à ce qu’un tout nouveau Blu-ray proposât un master inédit et restauré à partir du négatif original 70 mm au ratio 2.20 (avec ainsi le surcroît de définition propre à ce format jadis réservé aux superproductions hollywoodiennes de prestige telles que Lawrence d’Arabie). Eh bien non, l’éditeur présente donc un master non récent et tiré d’une copie au ratio 2.35 réservée aux salles non équipées en 70 mm. Une occasion ratée, une fois de plus, de donner un superbe écrin mérité au film de Preminger mais la responsabilité serait plutôt à chercher du côté des ayant droits américains même si cela ne change rien pour le cinéphile. Une autre déception concerne la cadence d’images : derechef, nous sommes ici en présence d’un master HD en 1080i (25 images/seconde), soit entrelacé, qui ne respecte donc pas exactement la cadence cinéma de 24 images/seconde que permet le 1080p24. Cela occasionne une très légère accélération du défilement (c’est en général la musique qui nous met la puce à l’oreille, justement) qui se remarque nettement en observant que le film a une durée vidéo de 199 minutes au lieu de 208 minutes. Un problème déjà présent sur le Blu-ray Opening de 2012.

comparatif Blu-ray Opening (2012) vs. Blu-ray Sidonis / Calysta (2019) :

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Alors faut-il boycotter ce nouveau Blu-ray ? En fait, pas vraiment. En effet, Sidonis ne s’est pas contenté de reproduire ce qu’Opening avait réalisé il y a sept ans. La plus-value de cette édition 2019 repose principalement sur deux aspects : la propreté et la colorimétrie. Le Blu-ray français précédent indisposait par la présence de scratches et de poussières (le générique d’emblée faisait peur) qu’on retrouvait plus ou moins disséminés sur l’ensemble du film. Sidonis a procédé à un nettoyage bienvenu et la différence s’en ressent (cf. les comparatifs 1 et 3 ci-dessus), ou bien l’éditeur a peut-être repris le travail effectué par Twilight Time en 2016 mais nous ne pouvons pas en être sûrs puisque nous ne possédons pas le disque américain. Au niveau de la colorimétrie, l’ancien BR proposait des nuances légèrement plus saturées alors que le nouveau BR - bien plus lumineux d’ailleurs - montre des tons plus doux avec une dominante ocre/beige plus marquée qui offre une sensation plus réaliste car plus proche de la lumière et des couleurs typiques des lieux de tournage (Israël et Chypre). Mais il est impossible de prouver que l’image soit en cela plus fidèle aux intentions du cinéaste et de son directeur de la photographie, nous en restons plus au domaine du ressenti. Comme on l’a vu, ce Blu-ray se caractérise par une plus grande luminosité, ce qui a une influence sur le contraste global qui reste néanmoins satisfaisant avec un niveau de noir correct et quelques détails dans les ombres. Enfin, si la nouvelle image apparaît plus lissée (bien que sa définition corresponde bien à un rendu HD), il faut reconnaître que l’édition Opening présentait un grain numérique disgracieux qui n’avait rien à voir avec un quelconque respect de l’aspect argentique. De même, l’edge enhancement (l’accentuation des contours) se perçoit moins sur ce nouveau Blu-ray. La définition globale reste donc perfectible pour de la HD, même si quelques gros plans montrent parfois un piqué satisfaisant, et s’avère irrégulière selon les séquences. On n’ose pas imaginer le résultat dans ce domaine avec un master issu d’une copie 70 mm...

En conclusion, pour les amateurs d’Exodus qui en étaient restés au DVD épouvantable du début des années 2000, le rachat est vivement conseillé tant l’écart qualitatif est gigantesque. Pour ceux qui possèdent le Blu-ray datant de 2012, la question de l’investissement peut se poser en raison d’un gap technologique bien moins impressionnant. Mais force est d’avouer que l’édition Sidonis/Calysta au niveau de l’image est sensiblement meilleure (surtout en termes de stabilité, de propreté et de réalisme colorimétrique). La différence se jouera d’autant plus que la qualité éditoriale générale de ce nouveau Blu-ray - avec son livre et ses suppléments traditionnels - mérite d’être soulignée.

Son

La déception ici est également de mise puisque nous nous attendions à ce que Sidonis/Calysta fasse l’effort d’inclure une piste multicanale dans cette nouvelle sortie haute définition. En effet, la bande-son originale d’Exodus fut mixée sur six pistes pour accompagner son exploitation en Super-Panavision 70 mm. Pour leur Blu-ray de 2016, les Américains de Twilight Time avaient justement proposé deux pistes sonores (5.1 et 4.0) élaborées à partir d’une source originale. Hélas, nous nous contenterons à nouveau des bandes-son déjà connues chez nous : le mixage stéréo anglais et le mixage mono français. La version originale, malgré un peu de souffle, présente une clarté et une dynamique appréciables. La séparation frontale fait son petit effet, surtout pour la musique, et l’équilibre entre les différentes sources s’avère naturel et satisfaisant. La piste sonore française 1.0 fait ce qu’elle peut malgré son bon doublage d’origine ; le spectre sonore est très étroit et les ambiances sont bien trop réduites par rapport aux dialogues, mais elle reste suffisamment claire pour une excellente compréhension. Précisons que certaines scènes n’ont pas été doublées et qu’elles sont donc présentées en VOST sur la bande-son française.

Suppléments

Cette belle édition se présente sous la forme d’un médiabook contenant un Blu-ray et deux DVD (l’un pour le film, l’autre pour les suppléments). Est présent un livret de 52 pages (que nous n’avons pas pu tester) sur l’histoire du tournage écrit par Patrick Brion. Ce livret illustré revient d’une part sur les événements historiques narrés par Exodus et de l’autre fait le récit de la genèse du film et du tournage sur les lieux mêmes de l’action.

Présentation par Bertrand Tavernier (46 min 32 - 2.35 - DTS-HD stéréo - 2019 - HD)
Fidèle à Sidonis, le réalisateur français participe également à cette édition en livrant sa vision d’Exodus, une œuvre qu’il dit aimer énormément. D’emblée Tavernier évoque la difficulté de parler de ce film à l’heure actuelle pour des raisons géopolitiques évidentes. A ce propos, il n’omet pas d’avouer que cette production contient « des manques qui deviennent de plus en plus criants » avec les années et cite quelques défauts majeurs d’Exodus comme le traitement superficiel des Palestiniens. Mais Tavernier, et c’est une leçon pour beaucoup de spectateurs emportés dans leurs jugements hâtifs, rappelle avec nécessité qu’un film reste le produit de son époque et dépend de son contexte de fabrication. Et il n’omet pas de rappeler également des vérités peu souvent évoquées comme le soutien du Grand mufti de Jérusalem à Adolf Hitler, un fait que le film aborde avec franchise. Mais alors que cet entretien semble se diriger vers une analyse filmique (il parle avec enthousiasme de Preminger et de sa « mise en scène synthétique, épique et intime »), Bertrand Tavernier bifurque sur un développement qui va constituer la matière principale de ce document, à savoir la volonté de remettre les pendules à l’heure sur le rôle précoce joué par Otto Preminger dans le soutien aux artistes victimes du maccarthysme, au premier desquels figure bien sûr Dalton Trumbo, scénariste d’Exodus. Alors que Kirk Douglas ne cesse depuis toujours de se glorifier d’avoir le premier jouer ce rôle courageux, Tavernier insiste sur le côté mégalomane de cet acteur de génie et entend démontrer - dates et témoignages précis à l’appui - que Preminger l’a devancé. Il faut dire que la faconde du réalisateur, ainsi que sa passion mêlée à un savoir certain, font que l’affaire est vite entendue. Sans jamais nier le rôle de Douglas, même s’il s’appesantit peut-être un peu trop sur ses propos jugés comme des « affabulations », Tavernier rend justice à la force, l’autorité, la résistance et la droiture d’Otto Preminger, connu aussi pour être un pourfendeur de la censure.


Il traite également de la mise en chantier du projet Exodus, du rôle prépondérant de Dalton Trumbo dans l’écriture (alors qu’il était déjà en pleine rédaction du script de Spartacus) et dans les libertés prises par rapport au livre de Leon Uris, des combats de Trumbo au sein du studio comme victime de la fameuse Liste noire et de sa volonté chevillée au corps de travailler sur une telle production, à la fois comme auteur et comme artiste blacklisté. Quelques traits de la personnalité de Preminger surgissent aussi au détour de propos rapportés de Trumbo. Enfin, Tavernier aborde le style de mise en scène d’Otto Preminger (« de longs mouvements d’appareil combinés à l’écran large pour saisir plusieurs actions en même temps »). Il revient sur quelques scènes marquantes comme la préparation de l’attentat, « une merveille de mise en place et de rapidité », et la grande qualité de scènes plus intimes à travers le personnage campé par Eva Marie-Sainte ou lorsque Sal Mineo confesse dans la souffrance avoir été esclave-kapo dans un camp d’extermination. Tavernier insiste aussi sur le côté viennois de Preminger, « cinéaste ironique, sceptique », lors des discussions savoureuses entre Paul Newman et Marie-Saint d’un côté et les officiers anglais de l’autre. Il conclue par son amour - et on le comprend - de la dernière scène d’Exodus (absente du livre), celle de l’éloge funèbre qui constitue une fin exemplaire pour lui. On aurait aimé que Bertrand Tavernier se concentrât davantage sur l’analyse du film et de sa mise en scène, mais force est de constater que son long commentaire sur un aspect peu connu de l’histoire hollywoodienne s’avère in fine éminemment instructif.

Présentation du film par Patrick Brion (31 min 08 - 2.35 - DTS-HD stéréo - 2019 - HD)
Autre grand fidèle des réalisations de l’éditeur, Patrick Brion avec sa science du récit familier relate la genèse du projet Exodus à partir du best-seller de Leon Uris. Il donne d’abord un bref aperçu du travail d’Uris pour le cinéma comme scénariste et aborde rapidement la carrière d’Otto Preminger sous la forme de trois parties (son film autrichien, son expérience de réalisateur à la Fox puis sa prise d’indépendance pour traiter de « grands thèmes »). Brion raconte la naissance du film : la manœuvre intelligente de Preminger pour récupérer le projet à la MGM, les mésententes avec Uris, l’engagement du scénariste blacklisté Albert Maltz qui tourne vite très court puis enfin la collaboration très étroite entre le cinéaste et Dalton Trumbo (le scénario est achevé en trois semaines) et la décision d’adoucir le côté antibritannique et anti-arabe du livre afin de se rapprocher de la vérité historique (et pour ne pas se priver de marchés...). Brion parle à son tour de la controverse avec Kirk Douglas sur la paternité du premier soutien à Trumbo, mais de façon très succincte. Il aborde ensuite le tournage sur place en Israël et à Chypre et le choix qui fut fait de filmer en couleurs et en grand format, les quelques problèmes avec les autorités israéliennes mais aussi la faculté qu’a eue Preminger de se faire ouvrir les portes au plus haut niveau de l’administration du pays. L’interprétation et la science du casting de Preminger sont ensuite évoquées, de même que l’antagonisme entre Newman et Preminger qui sera vite réglé grâce à l’autorité naturelle de ce dernier. Brion n’oublie pas de mentionner le générique de Saul Bass et livre enfin une anecdote sur la diffusion d’Exodus aux Dossiers de l’écran suivi du fameux débat, qui eut lieu cette fois dans deux studios pour séparer les Palestiniens et les Israéliens qui refusaient de partager le même espace ! Complémentaire de l’intervention de Bertrand Tavernier, malgré quelques redites, cet entretien chaleureux se suit avec un réel plaisir.


Bande-annonce (2 min 44 - 2.35 - VO - DTS-HD stéréo - HD)
Malgré une image très abîmée avec des rayures, de nombreux points blancs et noirs, et des couleurs passée, elle a le mérite d’être présente.

Le Blu-ray se lance sur une bande-annonce (2 min 36) proposant un montage des récentes sorties de l’éditeur en Blu-ray / DVD : Exodus, Les Guichets du Louvre, la trilogie Sinbad, L’Escadron noir, Wild Bill, Terreur à Silver City, Six chevaux dans la plaine, A l’ombres des potences, La Vallée maudite, Ton heure a sonné, Les Desperados, Alexandre le Grand et Salomon et la Reine de Saba.

Par Ronny Chester - le 30 avril 2019