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Test blu-ray
Image de la jaquette

Boudu sauvé des eaux

BLU-RAY - Région B
Pathé
Parution : 26 mars 2014

Image

Fidèle à ses récentes habitudes, Pathé nous informe dans un panneau introductif que la restauration a été réalisée à partir de la numérisation 2K du négatif image original nitrate et d'un marron de conservation, dans les laboratoires de L'Immagine Ritrovata (Bologne) et de Digimage (Paris). De plus, nous sommes d'emblée prévenus de l'aspect flouté de certains plans, résultant de l'utilisation d'un filtre et de certains choix de prises de vues.

Sage préambule, puisqu'en effet, la toute première séquence symbolique du film - qui en annonce quelques autres - frappe par son aspect vaporeux, conséquence donc de l'utilisation d'un filtre. De fait, à cause de ces choix esthétiques ou de certaines mises au point surprenantes, l'aspect visuel du film oscille entre des plans à la limite du flou et d'autres nettement plus nets. Hétérogénéité également renforcée par la diversité des sources : au négatif original nitrate et au marron de conservation, il faut par exemple ajouter au moins un plan d'archives sur Notre-Dame de Paris.

Ces quelques points mis à part, il convient de saluer l'excellente tenue du résultat (extrêmement proche, pour ne pas dire plus, de la copie rendue par Park Circus pour l'édition BR anglaise datée de 2011), qui offre un saut qualitatif considérable par rapport aux éditions SD : le premier apport, et non des moindres, est la présentation du film dans son format 1.19:1 original, là où les éditions Criterion et Pathé tendaient vers le 1.30:1. C'est particulièrement sur le haut et la gauche de l'image que l'on perçoit une différence (curieusement, sur la droite, on perdrait presque un peu).

Blu-Ray Pathé                                                                                              DVD Pathé

Toujours dans cette logique de restauration qui implique de pouvoir (re)découvrir le film dans des conditions s'approchant au plus près du regard du cinéaste au moment du tournage, saluons la réintégration (à la fin de la scène où Lestingois demande à Boudu de ne plus cracher au sol) de quelques plans qui avaient été retirés des copies précédents : on sait que Jean Renoir et Michel Simon avaient été convoqués à la Préfecture de police de Paris au sujet de quelques scènes susceptibles de "troubler l'ordre public", mais jusqu'à très récemment, on ignorait même si ces plans prévus au scénario avaient été filmés. C'est N.T. Binh (conseiller pour le programme de restauration du catalogue Pathé) qui, dans le cadre du travail préparatoire à la restauration, découvrit l'existence de la dite-scène, permettant ainsi notamment le retour du fameux plan (qui n'était donc qu'évoqué un peu plus tard, mais jamais montré) où Boudu crache dans la Physiologie du mariage d'Honoré de Balzac.

Par ailleurs, cette édition s'avère évidemment des coudées au-dessus des précédentes éditions françaises, aussi bien en terme de définition (mais, pourrait-on dire, c'est la moindre des choses sur un upgrade SD/HD), de piqué, de profondeur d'image, de contraste ou de grain. Sur ce dernier point, saluons la belle cohérence de l'ensemble, qui respecte tout à fait le grain original, quand bien même la phase de restauration a évidemment impliqué une phase de léger dégrainage.

En conclusion, c'est un quasi-sans-faute (en terme d'image) sur un film déjà octogénaire mais plus fringant que jamais, et dont le grand âge ne se fait ressentir qu'à travers une demi-douzaine de très brèves déformations, gonflements ou torsions (de l'ordre de l'image unique), dus à l'érosion chimique de la pellicule numérisée.

Son

Après avoir exprimé notre enthousiasme sur la partie Image, modérons-le raisonnablement sur la partie Son : là encore, le panneau introductif permet de mieux comprendre ce que nous avons sous les yeux... pardon, les oreilles : la restauration "a été effectuée à partir d'une copie d'exploitation positive, étant donnée l'impossibilité d'utiliser des éléments originaux, incomplets et chimiquement compromis."

Dans le détail, il manquait plusieurs bobines du négatif son original, et des bandes magnétiques, attaquées par l'usure, posaient des problèmes sur les hautes fréquences. Pour les fameux plans réintégrés, c'est une copie complète 35 mm retrouvée à la Cinémathèque suisse qui a permis, notamment, de retrouver le son du crachat de Michel Simon !

Il faut donc l'avouer, le travail de titan (notamment en terme de nettoyage) qui a ainsi été accompli ne pouvait probablement rien face à la nature imparfaite, hétérogène, incomplète, usée de cette bande-son : le cinéma parlant en était encore à ses balbutiements (il ne s'agit que du troisième film parlant de Renoir, à peine quelques mois après le premier), et dans de telles conditions de tournage (la foule, le vent, l'eau...), certains dialogues des séquences extérieures étaient probablement déjà quasiment inaudibles au moment de la sortie du film en 1932... Avouons donc avoir inhabituellement élevé le volume sonore de notre installation pour suivre le film, ce qui a probablement en partie accentué le souffle de fond (pourtant spécifiquement réduit lors de la restauration).

Suppléments

L'essentiel des bonus figurant sur ce Blu-ray se trouvait déjà sur l'édition DVD du film, chez Pathé en 2010. La seule différence, parfaitement anecdotique, se trouve dans une très brève intervention de Paul Mazursky (42 secondes), réalisateur d'un remake américain en 1986 (qui sous-entend vaguement qu'il a "enrichi" le film d'une considération satirique sur la société hollywoodienne, et s'avoue certain que Renoir aurait apprécié son film...).

Pour le reste, et outre une galerie photos, on retrouve donc une brève interview de Michel Simon, menée par Pierre Tchernia en 1969, dans laquelle Michel Simon raconte son anecdote (partiellement inexacte) évoquant la présence du film seulement trois jours à l'affiche du Paramount, la police étant obligée d'encadrer des spectateurs arrachant les fauteuils de colère... Anecdote qu'il relate à nouveau dans un extrait de l'émission Plein feux sur Michel Simon (7 minutes environ) : ce deuxième document montre par ailleurs, à travers des images d'archives, l'acteur évoluer dans sa maison de Noisy-le-Grand, au milieu de la nature et des animaux, ou dans les ruelles de sa cité genevoise natale.

Parmi ces suppléments, on retrouve également Jean Renoir : une première fois dans un entretien (de 2 minutes 20) où le cinéaste insiste sur sa passion pour le métier d'acteur, à travers notamment l'importance fondamentale pour la réussite d'un film de la collaboration entre le comédien et le metteur en scène, ainsi que son inclinaison pour les figures de femmes, héritée de son illustre père ; et une deuxième fois dans une présentation du film (un peu moins de 3 minutes) où il rappelle la genèse du projet d'adaptation de la pièce de René Fauchois, mentionne son admiration sans bornes pour Michel Simon, et - en s'excusant de parler un peu de technique - évoque l'utilisation dans le cadre du film, pour filmer son acteur, d'un « objectif très long, de ceux qui servent en Afrique à filmer les lions. » Rien de spécialement neuf ou de particulièrement remarquable, donc, en terme de suppléments, pour cette réédition.

Par Antoine Royer - le 24 mars 2014