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Actualités - Cinéma

Teuvo Tulio

teuvo tulio à l'honneur chez tamasa

Le nom de Teuvo Tulio n’est (peut-être) pas inconnu des lecteurs et lectrices de DVDclassik, surtout si ceux-ci et celles-ci aiment à fréquenter la Cinémathèque ou bien encore quelques-uns des nombreux festivals entretenant la flamme cinéphile à travers la France. Cet auteur finlandais (1912 – 2000) qui – après avoir été d’abord comédien sous son véritable nom, Theodor Tugai – réalisa dix-huit films entre 1936 et 1973, a fait durant les dernières années l’objet de conséquentes rétrospectives dans l’Hexagone : d’abord en 2008 à la Cinémathèque française (1), puis en 2009 au Festival du Cinéma Nordique de Rouen ainsi qu’à La Rochelle qui montra sept de ses films en 2012. Soient autant d’événements venus démontrer l’important crédit accordé par la cinéphilie française à un réalisateur qu’Aki Kaurismäki tient, par ailleurs, dans la plus haute estime ainsi qu’en attestent ces propos rien moins qu’ambigus du réalisateur du Havre : « Teuvo Tulio est à mon avis le meilleur réalisateur finlandais de tous les temps (2) ».


Le Rêve dans la Hutte bergère

Afin de permettre à un nombre encore plus important de spectateurs et spectatrices d’accéder à l’œuvre d’une des figures tutélaires du septième art finnois – et en l’absence, pour l’heure, de disques français consacrés à Teuvo Tulio (3) – il restait cependant encore à diffuser ce cinéaste dans les salles françaises (du moins les meilleures d’entre elles…). Grâces (cinéphiles) soient donc rendues à Tamasa qui ce mercredi a la très heureuse initiative de reprendre sur grand écran deux des premiers longs-métrages du cinéaste : Le Chant de la fleur écarlate (Laulu tulipunaisesta kukasta, 1938) et Le Rêve dans la Hutte bergère (Unelma karjamajalla, 1940).


Le Chant de la fleur écarlate

La vision de ces deux films constitue une introduction idéale à un univers cinématographique n’ayant rien perdu – quatre-vingts ans après son éclosion – de sa radicale singularité : celui d’un auteur « toujours intraitable, fidèle à lui-même jusqu’à l’absurde, gardant jusqu’au bout son élan artistique primitif et son génie délirant (4) » Point de vérisme, en effet, dans ces deux mélodrames flamboyants inscrits dans une Finlande rurale si peu touchée par la modernité des années 1930 – seuls les mises vestimentaires ou de rares apparitions d’automobiles viennent attester de l’époque – que celle-là semble comme hors du temps. Sur fond d’une nature splendidement résumée à ses forces élémentaires – la caméra de Teuvo Tulio magnifiant avec une même réussite le brutal tumulte d’une crue printanière comme la majestueuse sérénité des cieux estivaux – Le Chant de la fleur écarlate et Le Rêve dans la Hutte bergère campent des personnages pareillement traités comme des archétypes. Alternant gros plans sur les visages de ses comédiens au jeu ouvertement expressionniste et visions d’ensemble de ces derniers – savamment composées – les transformant en de fascinantes statues de chair, Teuvo Tulio érige ses héros et héroïnes en autant de saisissantes incarnations de principes moraux et psychologiques fondamentaux. Ainsi, dans Le Chant de la fleur écarlate et Le Rêve dans la Hutte bergère, se heurtent frontalement la vertu la plus lumineuse et le vice le plus noir, l’amour le plus pur et la haine la plus intense, l’altruisme le plus sacrificiel et l’égoïsme le plus destructeur. Pour narrer pareilles confrontations, ces films – aux titres semblables à ceux de contes de fée et à la dimension ostensiblement légendaire – font montre d’une fictionnalité débridée, enchaînant de manière parfaitement assumée coups-de-théâtre improbables et acmés de très haute intensité.


Le Chant de la fleur écarlate

Et c’est donc à l’indispensable (re)découverte d’un extraordinaire cinéma de l’essence – celle du Septième Art comme des passions humaines – qu’invite Tamasa avec les reprises de ces deux films. Formons, enfin, le vœu (cinéphile) qu’elles connaissent un succès suffisant pour que, fort de celui-ci, le distributeur propose par la suite en salles quelques-uns des mélodrames urbains de Teuvo Tulio. Tels que Le Sang sans repos (Levoton veri, 1946) ou bien encore La Criminelle (Rikollinen nainen, 1952) : de fascinantes synthèses de Film noir et de roman-feuilleton qui démontrent, elles aussi, la jouissive unicité de Teuvo Tulio.


(1) Preuve supplémentaire de l’attachement de la fameuse institution à Teuvo Tulio, la Cinémathèque française vient tout récemment de mettre à jour dans ses collections les seules images connues – une vingtaine de minutes au total – d’une œuvre du réalisateur  considérée jusque-là comme totalement perdue: Nuorena nukkunut (1937). Une copie restaurée en 4 K de cette précieuse archive a été projetée en avril 2015 en Finlande.
(2) Cité par Peter von Bagh dans Aki Kaurismäki, traduit du finnois par Anne Colin du Terrail, Éditions Cahiers du Cinéma/Festival du Film de Locarno, 2006.
(3) Notons que parut en Finlande entre 2006 et 2008 une série de DVD reprenant douze titres du cinéaste. Ils offraient des sous-titres en anglais. Quelques-uns sont, du moins au moment où ces lignes sont écrites, disponibles sur Amazon.
(4) Peter von Bagh, Nuages dans le paradis. Un guide du cinéma finlandais, traduit du finnois par Paul Parant, Éditions Otava, Helsinki, 2000, page 38.

DANS LES SALLES

le chant de la FLEUR écarlate
Le rêve de la hutte bergère
deux FILMs De teuvo tulio (1972)

DISTRIBUTEUR : TAMASA DISTRIBUTION
DATE DE SORTIE : 7 OCTOBRE 2015

Par Pierre Charrel - le 7 octobre 2015

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