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Actualités - Cinéma

Embrasse-moi, idiot !

A la fin de l’année 1964, la sortie d’Embrasse-moi, idiot fut précédée d’un déferlement exceptionnel d’animosité, tant de la part de la critique que de la censure : la Legion of Decency, relative au Vatican, parla d’une « pièce tout à fait sordide, aussi esthétiquement que moralement répugnante » et attribua au film sa première condamnation depuis 1956 (et Baby Doll d’Elia Kazan). Une fois sorti, le film fut retiré de certaines salles face à la pression des parangons de la moralité qui n’y voyaient qu’une incitation à la débauche. Toute sa vie, Billy Wilder avoua son incompréhension face à la mesure de cette opposition, quand bien même il avait conscience de l’indiscipline de son film. Aujourd’hui, le débat sur la tenue « morale » du film n’a plus lieu d’être - en tout cas dans ces proportions - et il est plus facile, l’esprit apaisé, d’apprécier Embrasse-moi, idiot pour ce qu’elle est, à savoir une comédie de mœurs subversive et mélancolique, l’une des plus grandes réussites de son génial auteur.

Parmi les reproches adressés aux films lors de sa sortie, il fut souvent question de la prétendue vulgarité du film et de son humour bas du front. Wilder et Diamond ont en effet fait plus subtil que ces blagues salaces appuyées et ses situations polissonnes dignes d’une mauvaise pièce de boulevard. Mais la portée du film est avant tout satirique, et l’accueil particulièrement violent reçu par le film s’expliquait probablement par le malaise éprouvé en constatant ce qu’il décrivait, par réflexion, de la société des hommes. Embrasse-moi, idiot montre en effet des instincts primitifs, primaires, mis au service de l’hypocrisie et du mensonge. On le sait, la thématique du travestissement traverse toute l’œuvre de Wilder, et si elle est littéralement illustrée ici par l’inversion des rôles entre Zelda et Polly, il s’agit avant tout dans Embrasse-moi, idiot d’un travestissement social où tout le monde joue à être quelqu’un d’autre. Ce qu’il y a de plus dérangeant dans cette comédie des apparences, a posteriori, ne réside d’ailleurs pas tant dans le très conventionnel jeu de quiproquos ou de manipulations, que dans un constat final totalement dépourvu de moralité. Comme si, par l’absurde, il nous aurait été plus facile de tout accepter si, à la fin, la morale avait été sauve. Il y a d’ailleurs bien un happy-end dans Embrasse-moi, idiot , mais il obéit bien moins à des considérations morales qu’à une idée de la justice humaine toute personnelle : tout le monde a triché, tout le monde a menti, mais, au final, tout le monde... a gagné ! Par ailleurs, la vision de Wilder va jusqu’à envisager la transgression comme facteur d’accomplissement personnel, montrant ainsi l’ambivalence des désirs humains avec une clairvoyance que ses détracteurs n’avaient su déceler sous le vernis potache. Et pour tout dire, si Embrasse-moi, idiot est un modèle de comédie (gestion du rythme, situations poussées à l’extrême, interprétation, souci du détail etc.), le film est en fait surtout un drame assez poignant sur les compromis individuels, où les relations humaines apparaissent comme de moindres maux, des palliatifs à la solitude. L’évolution du personnage de Polly (Kim Novak, fabuleuse) est ainsi révélatrice : ravissante écervelée dans la première partie, elle révèle ensuite sa délicatesse, ses fissures, son autre beauté. Embrasse-moi, idiot est parfaitement à son image : sous des dehors a priori vulgaires se cachent des trésors de finesse.

DANS LES SALLES

embrasse-moi, idiot !
UN FILM De billy wilder (1964)

DISTRIBUTEUR : SWASHBUCKLER FILMS
DATE DE SORTIE : 14 MARS 2018

La Chronique du film

Orville Spooner et Barney Milsap habitent à Climax, Nevada. L’un donne des leçons de piano, l’autre est garagiste. Tous deux composent des chansons. Un jour Dino, un chanteur de charme sur le retour, s’arrête à Climax. Barney sabote sa voiture de façon à lui faire passer la nuit chez Orville, où il pourra écouter leurs compositions. Mais Orville est extrêmement jaloux concernant sa femme Zelda, et Dino est malheureusement pour lui un grand séducteur. Barney a alors l’idée de faire jouer le rôle de Zelda à Polly, une prostituée locale... (lire la suite)

Par Antoine Royer - le 14 mars 2018

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