Re: Le cinéma muet
Publié : 7 févr. 16, 11:10
Dernier film vu dans ce petit focus "école suédoise" :
Le trésor d'Arne / Herr Arnes pengar (Mauritz Siller - 1919)
Trois brigands écossais s'évadent d'une prison et vole l'argent d'un seigneur en massacrant toute sa famille. Seule a survécut une jeune fille qui avait pu rester cachée durant la tuerie. Quelques temps plus tard, elle croise sans le reconnaître l'un des assassins.
Encore une belle réussite signée par Stiller
Le scénario est un peu mieux structuré que le vieux manoir mais continue de conserver une narration clairement découpé en chapitre. L'originalité ici est qu'ils correspondent chacun à un changement de focalisation.
L'effet est simple mais permet de modeler des personnages plus profonds que le tout venant avec en particulier une psychologie très riche et complexe. C'est surtout valable pour l'un des trois assassins rapidement pris d'une terrible crise de culpabilité au point de d'éprouver des sentiments envers la "soeur" de la fille qu'il a poignardée.
La survivante est un tout petit peu moins marquante dans le sens où son amour pour cet homme repose moins sur un élément déclencheur fort. Mais durant le dernier tiers, ses dilemmes donnent des beaux moments. Ca repose en partie sur la fragilité de son interprétation mais aussi, et surtout, sur la réalisation de Stiller qui possède une rare compréhension de son langage cinématographique. Ainsi quand l'héroïne est en plein trouble pour savoir si elle doit dénoncer ou non l'homme qu'elle aime, toute la séquence se déroule dans des ruelles et passages du bourg pour créer un sentiment d'enfermement alors que les extérieurs du film se déroulait jusque là dans des lieux ouverts. Il y a beaucoup de trouvaille de ce genre tant visuel (les trucages sont très bien pensés et conçus) que narratif (l'ellipse du massacre, la vision des assassins aiguisant leurs couteaux) ou pictural avec le choix de cette mer gelée où tout le monde est prisonnier.
La caméra participe donc à communiquer des émotion délicates. Un travelling précédent le criminel crée ainsi physiquement la présence d'un fantôme qui le hante et devient de la sorte un sentiment palpable tant pour le comédien que pour le spectateur.
La capacité du cinéaste à s'adapter à chaque séquences est remarquable et ce dès l'ouverture qui possède la fraîcheur et la fantaisie des meilleurs Sérial avec un formidable sens de l'espace (géniale idée d'introduire la cellule par un travelling circulaire suivant le gardien).
Le style du film passe ainsi de la légèreté à l'urgence en passant par le désarroi, le trouble, le romantisme et la solennité lors d'un cortège final qui a marqué beaucoup d'esprits.
En revanche, je trouve qu'il manque au film un véritable climax qui donnerait toute sa force à cette très belle fable morale d'une beauté plastique permanente.
Le film est sorti en zone 1 donc n'hésitez pas
Le trésor d'Arne / Herr Arnes pengar (Mauritz Siller - 1919)
Trois brigands écossais s'évadent d'une prison et vole l'argent d'un seigneur en massacrant toute sa famille. Seule a survécut une jeune fille qui avait pu rester cachée durant la tuerie. Quelques temps plus tard, elle croise sans le reconnaître l'un des assassins.
Encore une belle réussite signée par Stiller
Le scénario est un peu mieux structuré que le vieux manoir mais continue de conserver une narration clairement découpé en chapitre. L'originalité ici est qu'ils correspondent chacun à un changement de focalisation.
L'effet est simple mais permet de modeler des personnages plus profonds que le tout venant avec en particulier une psychologie très riche et complexe. C'est surtout valable pour l'un des trois assassins rapidement pris d'une terrible crise de culpabilité au point de d'éprouver des sentiments envers la "soeur" de la fille qu'il a poignardée.
La survivante est un tout petit peu moins marquante dans le sens où son amour pour cet homme repose moins sur un élément déclencheur fort. Mais durant le dernier tiers, ses dilemmes donnent des beaux moments. Ca repose en partie sur la fragilité de son interprétation mais aussi, et surtout, sur la réalisation de Stiller qui possède une rare compréhension de son langage cinématographique. Ainsi quand l'héroïne est en plein trouble pour savoir si elle doit dénoncer ou non l'homme qu'elle aime, toute la séquence se déroule dans des ruelles et passages du bourg pour créer un sentiment d'enfermement alors que les extérieurs du film se déroulait jusque là dans des lieux ouverts. Il y a beaucoup de trouvaille de ce genre tant visuel (les trucages sont très bien pensés et conçus) que narratif (l'ellipse du massacre, la vision des assassins aiguisant leurs couteaux) ou pictural avec le choix de cette mer gelée où tout le monde est prisonnier.
La caméra participe donc à communiquer des émotion délicates. Un travelling précédent le criminel crée ainsi physiquement la présence d'un fantôme qui le hante et devient de la sorte un sentiment palpable tant pour le comédien que pour le spectateur.
La capacité du cinéaste à s'adapter à chaque séquences est remarquable et ce dès l'ouverture qui possède la fraîcheur et la fantaisie des meilleurs Sérial avec un formidable sens de l'espace (géniale idée d'introduire la cellule par un travelling circulaire suivant le gardien).
Le style du film passe ainsi de la légèreté à l'urgence en passant par le désarroi, le trouble, le romantisme et la solennité lors d'un cortège final qui a marqué beaucoup d'esprits.
En revanche, je trouve qu'il manque au film un véritable climax qui donnerait toute sa force à cette très belle fable morale d'une beauté plastique permanente.
Le film est sorti en zone 1 donc n'hésitez pas