La jeune fille à la perle (Peter Webber, 2003)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Brice Kantor
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Message par Brice Kantor »

Petite révaluation de ce film qui m'avait un peu laissé sur ma fin à la première vision, omnubilé par mes idées préconçues de l'adaptation. Bon, je pense encore que certains défauts sont toujours là: une difficile alternance parfois entre la temporalité suspendue de certaines scènes (consacrées à la peinture et au ménage de Griet) , et celles d'expositions plus narratives et démonstratrives qui les encadrent. De même du final trop abrupte et de Cillian Murphy en miscast.

Mais il y a des choses parmis les plus belles de cette année, comme vraiment laisser le temps construire toute ces superbes scènes d'ateliers, les champs/ contre champs avec le visage de Scarlett Johansson sur fond noir, le travelling avant ou cette même Johansson devient littéralement la peinture à l'écran. La perle prend presque une dimension deleuzienne bienvenue qui fait du film une prolongation cinématographique finalement souvent bien pensée du roman de Chevalier. Peter Webber joue avec réussite sur les sonoritées hors champs (à ce titre, bel utilisation des sorties sons pour le DVD) et la gestion de l'espace vis à vis de la ville de Delphe et la maison de Vermeer que certains personnages hantent comme des fantômes, tels la petite Cornélia et la belle mêre Maria Thins.

En fait tout ce qui concerne les mises en scène de jeux de pouvoirs sont ici allégés au point qu'en tant que restes, ils encombrent quelque peu la tentative de chambre noir. Mais il ne faut pas oublier que Peter Webber n'en est qu'à son premier film, et il y a beaucoup à attendre de lui. Quand à la musique de Desplat, c'est un classique instantannée qui cette année cotoie les cordes du "Village" de Newton Howard. Georges Delerue a trouvé un beau fils spirituel.
DannyBiker
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Message par DannyBiker »

Pour la musique de Desplat, je suis un peu moins enthousiaste. Certes, c'est une des meilleurs musiques de film de 2003 mais il est terriblement difficile d'arriver au bout du cd tant le score devient trop cotonneux à la longue. Pas facile d'éviter aussi le piège de la redite pour une musique qui se base sur des thèmes si fixes dans leur forme...
Cela dit, ça marche avec les images et c'est l'essentiel. :)
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Brice Kantor
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Message par Brice Kantor »

Edward Bloom a écrit : tant le score devient trop cotonneux à la longue.
Oui mais j'ai tendance à me complaire dans le cotonneux... :)
Tom Peeping
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Message par Tom Peeping »

Formellement et historiquement remarquable mais totalement vidé d'émotion à cause du choix délibéré de mise à distance. Peut-être que le roman explique mieux l'hystérie de Mme Vermeer, qui semble venir de nulle part. Johansson (entièrement focalisée sur ses lèvres) ressemble au modèle du tableau mais son rôle est frustrant dans la retenue que le réalisateur lui demande tout au long du film. La personnalité et le travail de Vermeer ne sont pas du tout développés. Et que peut bien vouloir symboliser l'attitude de sa jeune fille ? Bref, un film profond mais au sens de creux.
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Brice Kantor
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Message par Brice Kantor »

Tom Peeping a écrit : Et que peut bien vouloir symboliser l'attitude de sa jeune fille ?
Selon le commentaire audio de Chevalier et de la scénariste, c'est une sorte de petit double maléfique de la femme de Vermeer qui surveille et exprime son ressentiment envers Griet. Il n'y a qu'à voir quand Webber les filme toute les deux, ou lorsqu'il cadre la mêre quand la petite se fait fouetter.

Choix intéressant dans cet aspect fantomatique: l'actrice qui joue Cornélia étit la petite de "The Others".

Sinon je ne trouve pas le film creux. Il ne s'agit pas de chercher à percer le mystère des toiles de Vermeer mais à le perdurer. Le livre et le film apprenne à s'attarder sur le tableua et lui donne encore plus de puissance. Lorsqu'on voit la toile de Vermeer juste avant le générique de fin, c'est très émouvant.

Le film ne cherche pas un propos "profond", c'est simplement le récit d'une éducation, d'une ouverture d'esprit au regard et aux émotions. Et Griet c'est aussi un peu le spectateur du film finalement.


Je trouve par ailleur Essie Davis excellente et très émouvante... elle ne devient hystérique que dans le dernière scène et c'est une catharsis qui apparait comme nécessaire.
Leopold Saroyan
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Message par Leopold Saroyan »

La jeune fille à la perle est un échec. Pour traiter de la relation si particulière qu'entretiennent un peintre et sa muse, pour mettre en relief la désaffection et le déchirement de sa famille, le "cinéaste" aurait eu besoin de plus d'1h30. Le film est court mais ennuyeux, sans vigueur et l'on se moque du sort et des états d'âmes des protagonistes. Scarlett Johansson m'a sortie un peu de ma torpeur mais très peu de choses en tout et pour tout.
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Nestor Almendros
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Re: La jeune fille à la perle (Peter Webber, 2003)

Message par Nestor Almendros »

posté par John Anderton le 24 avril 2004

LA JEUNE FILLE A LA PERLE : toutes proportions gardées, un film digne d'un BARRY LYNDON, du point de vue esthétique, même si là, nous restons essentiellement en intérieurs. Mais ce qui m'a gêné, c'est plus l'histoire, qui en définitive ne raconte pas grand-chose... j'attendais plus d'ambiguïté dans les rapports entre les personnages, or, là, ça ne va pas très loin je trouve, au niveau psychologique... on ne s'ennuie pas vraiment, mais on a l'impression qu'il manque quelque chose dans ce film par ailleurs servi par d'excellents acteurs (je suis définitivement amoureux de Scarlett Johansson), une très belle musique et des images somptueuses...


posté par nobody smith le 1er février 2009

LA JEUNE FILLE A LA PERLE de Peter Webber
La première impression est toujours la mauvaise. J’avais été particulièrement déçu par le visuel déployé par Webber sur Hannibal rising. Le bonhomme avait la réputation d’être d’un académisme raffiné et tout ce que j’ai vu, c’est une mise en image lourde, fade et sans éclat. L’extrème opposé de cette forte charmante jeune fille à la perle qui fait preuve d’un vrai sens de l’image léché. En même temps, il faut mieux comme on aborde un sujet tel que la peinture. Cette incursion dans le processus créatif et son influence sur un microcosme déterminé constitut la grande qualité du film. Le reste est d’un classicisme moins bouleversant avec des rapports de force convenus. À noter une magnifique partition d’Alexandre Desplat.
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Demi-Lune
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Re: La jeune fille à la perle (Peter Webber, 2003)

Message par Demi-Lune »

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La Jeune Fille à la perle est un film formellement des plus accomplis mais, hélas, plutôt ennuyeux, et ce, malgré sa courte durée (1h30). Le film est une tentative ambitieuse de retranscription cinématographique du mystère pictural Vermeer, avec ses magnifiques lumières laiteuses, ses murs dépouillés sur lesquels se projettent la douce et délicate décroissance de luminosité, ses draperies, ses personnages aristocratiques et racés, figés autant dans la postérité que dans leurs vêtements soyeux. Le pari de Peter Webber était extrêmement difficile, mais son magicien de chef op', Eduardo Serra, parvient à recréer, sous nos yeux ébahis, tout l'univers du peintre flamand, l'intensité exacte du rai de lumière qui est filtré par la fenêtre et se meurt gracieusement sur le mur, le carrelage ; la texture des étoffes ; l'exacte perspective qui structure le plan comme le tableau. Et, de fait, on a souvent l'impression de regarder un tableau vivant, voire de voir s'effacer la frontière entre art pictural et art cinématographique. C'est somptueux. La plus belle démonstration de cette démarche couronnée de ce succès est ce superbe et lent travelling avant, mémorable, essentiel, sur le visage de Scarlett Johansson, sur fond noir, dont le visage se "déshumanise", se fige imperceptiblement dans une postérité que Webber couche sur pellicule avec autant de brio que Vermeer, plusieurs siècles plus tôt, avec son véritable modèle. Le mystère Vermeer est également bien préservé puisque la reproduction vivante des toiles ne s'accompagne pas d'une défloration du génie de l'artiste : volontairement ou involontairement, Colin Firth traverse tout le film, absent, et s'efface derrière le personnage de sa servante Griet. On ne nous montrera pas le peintre en action, ou très peu. On nous montrera en revanche tout du long ce qu'il voit, comment il regarde son monde, par la re-création cinématographique de quelques uns de ses chefs-d'oeuvre. Il demeure une énigme, que seule Griet est en passe de percer (mais elle n'aura pas le loisir d'aller jusqu'au bout de ce cheminement). Ce qui amène fatalement à se poser la question du but du film. N'est-ce qu'une entreprise formelle ? Eh bien, ce serait dommage de le réduire à cela, ne serait-ce que parce que Scarlett Johansson, éblouissante et virginale, vampirise le film de son charme et sa grâce naturelle. Assurément une très belle composition d'actrice, naturelle et subtile. Cependant, son seul personnage, et l'impressionnant travail esthétique accompli, ne parviennent pas à recevoir une pleine adhésion quant à l'œuvre en général, car il manque une vraie ambition narrative à ce film. La faiblesse vient vraiment de là. L'histoire pouvait être intéressante (relation artiste/muse), mais est traitée avec froideur, mollesse et distance, provoquant rapidement un ennui poli. Le choix de la mise à distance retient l'émotion et empêche un véritable intérêt envers les personnages, pas toujours bien développés d'ailleurs (la petite fille). Le scénario fait souvent du sur-place ou est trop elliptique, pour au final échouer à se montrer à la hauteur du travail pictural réalisé. Dans le même temps, on se décroche la mâchoire sur un plan, puis la scène suivante, le classicisme glacial de Webber vient malheureusement reprendre le dessus... c'est du travail d'élève appliqué, manquant cruellement d'ambition et de souffle. Pas entièrement convaincant, donc, mais néanmoins rempli de qualités.
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Dernière modification par Demi-Lune le 31 déc. 10, 11:57, modifié 1 fois.
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Re: La jeune fille à la perle (Peter Webber, 2003)

Message par Federico »

Oui, la reconstitution est remarquable dans le sens sage, c'est-à-dire que tout est fait pour nous projeter dans une galerie de musée virtuelle avec en apothéose LE tableau vivant arrêté sur image... Poulain :wink: (j'ai un peu honte de ce mauvais jeu de mot car ce tableau est une splendeur qui m'émeut autrement plus que la Joconde dont le seul mystère est l'adoration dont elle bénéficie). Parmi les scènes intéressantes, il y a la fabrication des couleurs et puis, il faut bien l'avouer, Miss Scarlett donne de la pulpe et de l'incarnat au chromo respectueux. :)
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Re: La jeune fille à la perle (Peter Webber, 2003)

Message par Nestor Almendros »

Aucun commentaire sur le score magnifique d'Alexandre Desplat (mon préféré du compositeur)? :fiou:
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Demi-Lune
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Re: La jeune fille à la perle (Peter Webber, 2003)

Message par Demi-Lune »

Belle partition en effet.
Mais je crois que je ne suis guère amateur du travail du compositeur en général, en fait. Je ne trouve pas que ce soit renversant.
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