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Lucas Belvaux

Publié : 21 févr. 17, 06:27
par Jeremy Fox
Déjà une demi douzaine de très bons films à son actif et puis hier soir immense coup de cœur avec Pas son genre qui date de 2013. Un jeune et beau prof de philo parisien qui est muté à Arras et qui croise le chemin et le regard d'une craquante coiffeuse ; une histoire d'amour à priori improbable entre deux personnes de milieux opposés et de cultures différentes mais qui va fonctionner quelque temps. Ca pourrait être rempli de clichés et de condescendance sur la province, c'est au contraire d'une justesse et d'une tendresse qui font que le film de Belvaux s'avère grandement attachant et touchant. Il faut dire que Emilie Dequenne et Loïc Corbery sont formidables et que l'on croit dur comme fer à leur histoire d'amour même si l'on sent les failles s'ouvrir lentement mais surement, le tout passant surtout par les gestes et les regards, le final nous laissant ravagés d'émotion même si l'on se doutait bien que ça ne pouvait pas se terminer autrement.

Comédiens magnifiques et mise en scène qui ne l'est pas moins -nous offrant entre autre l'une des scènes d'amour les plus sensuelles et les plus tendres vus depuis un moment au cinéma- jolie musique, jolie photo (le plan sur le couple sur la plage est magnifique)... une bouffée d'air frais dans le domaine de la comédie française contemporaine, la mélancolie qui s'immisce peu à peu finissant de nous la rendre inoubliable. A signaler que les scènes de 'concert' sont elles aussi superbes, le cinéaste filmant les chansons en son entier et photographiant amoureusement ses actrices. I Will Survive m'a fait verser ma larme

Re: Lucas Belvaux

Publié : 21 févr. 17, 11:42
par Commissaire Juve
Jeremy Fox a écrit :... Ca pourrait être rempli de clichés et de condescendance sur la province, c'est au contraire d'une justesse ...
Au contraire ? Je n'ai vu que ça.

Jusqu'au poivrot -- apparemment frontiste -- qui connaît par cœur les paroles de Der gute Kamerad !
Jeremy Fox a écrit :...Et pour le commissaire, je n'y ai vu absolument aucune condescendance, tout au contraire !...
Et le :
On ne vit pas à Arras, on y meurt...
Qu'est-ce que c'est que ces co***ries ? J'aurais découvert le film en salle, j'aurais eu envie de me barrer dès les premières répliques.

Ça me rappelle les réactions de mon entourage quand j'ai eu ma première affectation à Gennevilliers. On me demandait si j'allais bosser en gilet pare-balles (en même temps, euh... première semaine, premières menaces et bombe lacrymo en poche dès le lundi suivant). Mais je n'en suis pas mort. J'y suis resté 11 ans.

Re: Lucas Belvaux

Publié : 21 févr. 17, 11:59
par Jeremy Fox
La phrase vient d'un des personnages du film (celui de la collègue). Tu oublies celui de Jennifer qui au contraire se plait dans son appartement, qui s'extasie tous les matins devant la vue qu'elle a de sa fenêtre et qui ne se verrait pas vivre ailleurs. Je continue à penser que le film n'est aucunement condescendant envers les provinciaux ; tout au contraire (et puis si tu connais le cinéma de Belvaux et même le personnage, tu ne pourras que constater que ce n'est pas du tout son genre). Je trouve d'ailleurs la plupart des seconds rôles très attachants même si pas assez exploités.

J'ai connu des Jennifer et des Clément et ils étaient à peu près tels qu'on les voit dans le film ; d'où mon ressenti de justesse.
Qu'est-ce que c'est que ces co***ries ? J'aurais découvert le film en salle, j'aurais eu envie de me barrer dès les premières répliques.
Il t'en faut bien peu pour t'énerver !

Re: Lucas Belvaux

Publié : 21 févr. 17, 12:23
par Commissaire Juve
Jeremy Fox a écrit : Il t'en faut bien peu pour t'énerver !
Je m'auto-cite..
Commissaire Juve a écrit :... les dialogues ne sont pas croyables (qui parle comme ça dans la vie ?)
J'ai repensé à la colère que j'ai éprouvée dès les premières répliques du "Germinal" de Berri : les comédiens qui récitaient Zola. Ça sonnait faux, mais faux ! Je crois que c'est la première fois que j'ai eu envie de quitter une salle pendant une projection. Mais j'avais payé... j'ai bu le calice jusqu'à la lie.

Hier soir, les dialogues entre les deux "archétypes" (l'enseignant robot et la coiffeuse cui-cui) m'ont fait l'effet de deux bouts de polystyrène frottés l'un contre l'autre. :x

Et les parents du mec parlant musique. Au secours !

Pas une fois, je n'ai entendu "passe-moi le sel". Tout était signifiant...

Quant à la coiffeuse de 2014 qui chante "J'ai encore rêvé d'elle" :
Commissaire Juve a écrit : J'ajoute qu'elle chante "Il était une fois" comme les Soviétiques de Twist again à Moscou chantent "Brigitte Bardot Bardot, Brigitte Bardot bravo..."

Encore une façon de nous dire que les provinciaux ont trente ans de retard ???

... je vais tenter d'aller jusqu'au bout !

Re: Lucas Belvaux

Publié : 21 févr. 17, 12:27
par Jeremy Fox
Pour le Berri je suis entièrement d'accord mais franchement je n'ai rien ressenti de faux dans le Belvaux : je pense que je pourrais entendre ce genre de dialogue très souvent 'dans la rue'. Et puis ça ne serait pas le cas que ce ne serait pas grave : j'ai marché à fond, ai cru et vibré à cette touchante histoire d'amour.

Re: Lucas Belvaux

Publié : 21 févr. 17, 17:27
par poet77
J'ai vu Pas son genre à sa sortie en salle en 2014 et il m'avait semblé que le film n'était pas dépourvu de clichés mais que ça ne diminuait en rien le plaisir qu'il procurait, tant le jeu des acteurs (et surtout d'Emilie Dequenne) était irrésistible. Enfin, voilà ce que j'avais écrit à l'époque:

Lui, Clément, c'est un prof de philo, parisien jusqu'au bout des ongles, fréquentant le Café de Flore, tellement parisien que la traversée du périphérique équivaut à ses yeux à une mise en exil. Elle, c'est Jennifer (prononcez "Djennifer", s'il vous plaît!): elle habite Arras, élève seule un fils et travaille dans un salon de coiffure. Lui, pour ses loisirs, on l'imagine se rendant à l'opéra; elle, avec ses collègues coiffeuses, elle adore se produire sur une scène de karaoké. Lui, c'est un lecteur assidu de Kant ou de Dostoïevski et l'auteur d'un ouvrage de philosophie; elle, c'est une lectrice d'Anna Gavalda et de magazines people.
Tout les oppose, en effet, sauf une étrange attirance qui sera la grande affaire de ce film plein de charme et qui, malgré les apparences, ne manque pas de finesse. Cela débute par l'annonce d'une catastrophe: Clément apprend par un courrier non seulement qu'il est détaché pour un an à Arras, mais qu'il devra enseigner la philo à des élèves pour qui cette matière compte peu! En voilà une punition! Il faut pourtant s'y résoudre, comme il faut aussi, même quand on ne jure que par la philosophie, entrer de temps à autre dans un salon de coiffure pour s'y faire couper les cheveux!
C'est donc ainsi, tout bonnement, que se fait la rencontre entre ces deux-là. La suite, c'est une histoire d'amour dont on se demande à tout moment si elle pourra ou non perdurer. Entre la pétulante Jennifer, toute à son rêve de vivre un grand amour, et le pensif et secret Clément qui semble parfois aimer vraiment et d'autres fois jouer à aimer, y a-t-il une autre perspective qu'un piteux échec? Certes chacun fait des efforts: elle en lisant "L'Idiot" de Dostoïevski, lui en l'accompagnant au cinéma et au karaoké. Mais cela peut-il suffire? Clément a beau appliquer des préceptes de Kant au travail de Jennifer, on finit par avoir le sentiment que la "philosophie" de cette dernière vaut bien les références savantes du premier.
Certains considéreront peut-être ce film avec dédain, en l'accusant d'être farci de clichés... C'est vrai qu'il n'en manque pas, mais qu'importe quand on a affaire à une bonne mise en scène et à de vrais talents d'acteurs ! Loïc Corbery convient tout à fait au rôle de Clément. Mais il faut surtout encenser la performance d'Emilie Dequenne dans le rôle de Jennifer. C'est elle qui donne à ce film toute sa grâce et qui fait oublier les clichés. Après tout, les grandes comédies de l'âge d'or d'Hollywood n'étaient pas dépourvues, elles non plus, de clichés! Mais quand Lubitsch ou Hawks étaient à la manoeuvre et quand on voyait évoluer Gary Cooper ou Claudette Colbert, on oubliait tous les poncifs! Ici, la présence de d'Emilie Dequenne opère un miracle semblable! 8/10

Re: Lucas Belvaux

Publié : 21 févr. 17, 20:25
par Commissaire Juve
poet77 a écrit : Certains considéreront peut-être ce film avec dédain, en l'accusant d'être farci de clichés...
Pas de dédain, pour ma part. Et les clichés ne me gênent pas plus que ça ; tant qu'ils restent "subtils". J'ai trouvé ça "faux", tout simplement.
Commissaire Juve a écrit : Hier soir, les dialogues entre les deux "archétypes" (l'enseignant robot et la coiffeuse cui-cui) m'ont fait l'effet de deux bouts de polystyrène frottés l'un contre l'autre. :x
Et je me suis demandé si la ville d'Arras avait eu envie de porter plainte.

Le seul truc réaliste dans le film : c'est les transports en commun. Quand ton TGV arrive à 8h42 et que le bus de 8h36 s'est barré, ben, tu te gèles les noix à attendre le bus de 9h06 (qu'on annonce bientôt à 9h09 et qui arrive finalement à 9h11... c'est du vécu, j'y étais le 24 janvier dernier* :mrgreen: ).

* cela dit, ce jour-là, les transports étaient gratuits à cause de la pollution.

Re: Lucas Belvaux

Publié : 21 févr. 17, 21:45
par Jeremy Fox
Commissaire Juve a écrit : Et je me suis demandé si la ville d'Arras avait eu envie de porter plainte.
Au moins... Ils ont même parait-il pensé à faire appel à un tueur à gages pour exécuter Belvaux.

La ville d'Arras est très bien mise en valeur je trouve.

Re: Lucas Belvaux

Publié : 22 févr. 17, 02:22
par Rockatansky
J'avoue que je penche du côté du commissaire pour ce film qui m'a profondément ennuyé

Re: Lucas Belvaux

Publié : 22 févr. 17, 08:46
par Johnny Doe
Quant à moi je rejoins Jeremy et Poet pour ce Pas son genre. Film qui doit beaucoup à Emilie Dequenne aussi lumineuse que juste, faussement vendu comme une rom-com, c'est très rare d'assister à un film qui retranscrit aussi bien une histoire d'amour, des débuts euphoriques, aux premiers problèmes, engueulades, etc. Le concert final m'a bouleversé. Il s'était un peu imposé à moi par surprise en devenant un de mes 2-3 coups de cœurs de 2013. Si sur le coup j'avais des réserves, aujourd'hui je peine à en trouver pour un film que j'ai très envie de revoir et qui m'avait cueilli.

J'ai beau aimé le reste de la filmo de Belvaux (pas trop sa trilogie, mais La Raison du plus faible et Rapt sont des sacrés réussites) c'est avec ce film faussement mineur qu'il m'a le plus impressionné. Son nouveau film Chez nous (toujours avec la craquante Emilie Dequenne) sors d'ailleurs aujourd'hui. Curieux même si le sujet ne m'attire pas follement.

EDIT : Apparement wontolla a aimé :)
wontolla a écrit :Chez nous (Lucas Belvaux): 8,5/10

Re: Lucas Belvaux

Publié : 22 févr. 17, 08:54
par shubby
Je conchie le FN, c'est pas pour aller le voir au ciné. Pas certain que ce soit la cible première de cette campagne de dingue, cela dit. La très scandaleuse affaire Fillon a tout d'une affaire Dreyfus inversée, je trouve. Entre ceux qui comme moi pensent qu'il faut le décapiter pour l'exemple, et ceux qui prônent une sorte de pré-raison d'état pour à la fois l'absoudre et voter pour lui, y'a matière !
Reste que ce réalisateur possède une filmo aussi improbable qu'incroyable, à la croisée de Mocky & de Melville. CQFD : c'est possible ! J'avais adoré Rapt & La raison du plus faible. Pas encore vu sa trilogie, sur ma pile.

Re: Lucas Belvaux

Publié : 22 févr. 17, 09:06
par Jeremy Fox
La Raison du plus faible était effectivement une autre sacrée réussite.
Johnny Doe a écrit :c'est très rare d'assister à un film qui retranscrit aussi bien une histoire d'amour, des débuts euphoriques, aux premiers problèmes, engueulades, etc. Le concert final m'a bouleversé.
Pareil.

Re: Lucas Belvaux

Publié : 22 févr. 17, 11:06
par AtCloseRange
Johnny Doe a écrit :Quant à moi je rejoins Jeremy et Poet pour ce Pas son genre. Film qui doit beaucoup à Emilie Dequenne aussi lumineuse que juste, faussement vendu comme une rom-com, c'est très rare d'assister à un film qui retranscrit aussi bien une histoire d'amour, des débuts euphoriques, aux premiers problèmes, engueulades, etc. Le concert final m'a bouleversé. Il s'était un peu imposé à moi par surprise en devenant un de mes 2-3 coups de cœurs de 2013. Si sur le coup j'avais des réserves, aujourd'hui je peine à en trouver pour un film que j'ai très envie de revoir et qui m'avait cueilli.
Perso, je l'ai revu et je continue à penser qu'il est réussi mais malgré ses défauts qui sont flagrants. Le Commissaire a raison de les pointer (la scène "musicale" avec les parents du prof, plein de choses hyper caricaturales). C'est vraiment à l'arraché que le film emporte l'adhésion: le personnage d'Emilie Dequenne, son interprétation, les scènes de karaoke, la fin.
Je me demande si le film ne marche pas aussi grâce à ses défauts. Est-ce que ce côté caricatural/cliché ne joue pas paradoxalement un rôle positif en renforçant la fraîcheur du perso de Dequenne?
Je réserve ma réponse.

Re: Lucas Belvaux

Publié : 22 févr. 17, 11:14
par Jeremy Fox
AtCloseRange a écrit :la scène "musicale" avec les parents du prof
Oui effectivement les deux ou trois scènes avec Didier Sandre me semblent ratés ; surtout par le fait que ces personnages ne servent pas à grand chose et que le cinéaste semble s'en fiche complètement.

Re: Lucas Belvaux

Publié : 22 févr. 17, 12:16
par Johnny Doe
AtCloseRange a écrit :
Johnny Doe a écrit :[...] Si sur le coup j'avais des réserves, aujourd'hui je peine à en trouver pour un film que j'ai très envie de revoir et qui m'avait cueilli.
Perso, je l'ai revu et je continue à penser qu'il est réussi mais malgré ses défauts qui sont flagrants. Le Commissaire a raison de les pointer (la scène "musicale" avec les parents du prof, plein de choses hyper caricaturales). C'est vraiment à l'arraché que le film emporte l'adhésion: le personnage d'Emilie Dequenne, son interprétation, les scènes de karaoke, la fin.
Je me demande si le film ne marche pas aussi grâce à ses défauts. Est-ce que ce côté caricatural/cliché ne joue pas paradoxalement un rôle positif en renforçant la fraîcheur du perso de Dequenne?
Je réserve ma réponse.
Ah mais je n'ai jamais dit que le film n'avait pas de défauts, il y en a clairement. Mais avec le recul je l'aime sans réserve et avec ses problèmes.