Je reprends les quelques lignes que j’écrivais dans ce même forum pour vanter ce lieu mythique :
« Endroit hallucinant par le nombre de livres au m3 et la qualité de ceux ci (imports US, GB, JAPAN, Allemands, Italie...). Grâce au travail sans répit de Jacques Noel et son réseau de contacts auprès des éditeurs et distributeurs du monde entier (ainsi que l’aide de ces clients), on trouve ici tout les ouvrages dignes d’intérêt publiés quelque soit leurs origine ou leur tirage.
Connu mondialement et inépuisable. "
La notoriété mondiale de Jacques était inversement proportionnelle au nombre de m2 de l’endroit. Avec un peu de chance on pourrait y croiser aussi bien Robert Crumb que Jean Pierre Dionnet, Charles Burns que Joan Sfar, son ami Blanquet que Art Spigelman, et surtout tout ses clients jeunes ou moins jeunes, célèbres ou non, réguliers ou de passage, qui venaient ici trouver l’introuvable, l’insoupçonnable, l’improbable, le frisson de la pâmoison ou de la révulsion.
Ma première visite chez jacques remonte a 35 ans. Jeune etudiant, je montais pour la première fois à Paris avec pour principal bagage un petit guide de Paris publié en encart dans un numéro récent de Metal Hurlant (En gros les bonnes adresses de Dionnet, Moebius, Manœuvre, …). Je ne sais ce que je m’attendais à acheter dans cette librairie, probablement rien car j’étais fauché, mais dès le seuil franchi ce fut le choc. Je suis finalement ressorti je ne sais combien d’heures plus tard avec un truc hallucinant dont j’ignorais totalement l’existence : des dessins d'un inconnu (seulement de moi bien sur) Arthur Rachkam realisés debut 1900 pour le Ring de Wagner. Ce fut la première porte ouverte sur le monde de l’age d’or de l’illustration.
Je ne saurais me rappeler à chaud tout les livres que j’ai pu découvrir et acheté grace à Jacques pendant les décennies qui ont suivies ( Aux Yeux Fertiles Rue Danton d’abord puis Un regard Moderne Rue Gil le Cœur ensuite)
En modeste hommage, quelqu’un des plus marquants :
Si je connaissais Charles Burns par « Jésus Crapaud » juron préféré de El Borba publié dans Metal, c’est chez Jacques que j’ai pu m’approvisionné des années en EO US à une époque où Burns n’étaient connus de quasi personne.
Il me faut aussi bien sur citer Chris Ware et notamment ses formats de publication les plus étonnants : le grand volume ci-dessous demeure pour moi son chef d’œuvre.
Sans oublier la lunchbox decoré dedans et dehors avec un mimicomics
Avant d’etre acheté par les musées et totalement inconnu en France, Chris Ware n’était trouvable que dans un ou deux lieux parisiens. Jacques avait toujours sous une pile, le n° de Acme Library qui vous manquait.
Jacques fut un promoteur infatigable de cette génération d’artistes américains (Clowes, Seth, …).
L’achat de ce magnifique ouvrage importé d’Italie sur Roberto Raviola / Magnus fut un pas décisif vers ma perte financière. En effet, j’ai hésité longtemps devant le prix (quasi 500 Francs à l’époque), une somme que je n’aurais jamais imaginé investir dans un livre, étant plutot abonné au rayon occasion de Gilbert. J’ai craqué et le problème est que je ne l’ai jamais regretté. La route était ouverte vers les achats de beaux livres, d’ouvrages signés à tirage limité, bref tout ce qui entraine la ruine de la relation avec son banquier.
C’est aussi grâce à Jacques que j’ai découvert les grands dessinateurs designers contemporains et notamment Syd Mead. Ce fut à l’occasion de la sortie de Sentury et après de la recherche frénétique sur Ebay des autres ouvrages aussi rares que chers (Le mythique Sentinel aux éditions Dragon Dreams).
Mais on parlait aussi souvent littérature. Je repartais régulièrement avec un polar de Harry Crew, de Charles Willeford, Jim Thomson ou Jack O Connel, un roman de JG Ballard, des nouvelles de Saki, le dernier Selby, une réédition de Jean Mecker, … . Bien avant que ces auteurs fassent les belles pages de Lire ou des chroniques du Monde, il m’a conseillé Les Detectives Sauvages de Roberto Bolano ou Karoo de Steve Tesich.
Connaissant mon intérêt pour la littérature « fin de sciecle » (Le 19eme pas le 20eme) il m’avait trouvé cette remarquable compilation des chroniques de journaux de Jean Lorrain « Poussières de Paris » un portrait au vitriol du Paris de 1900. Trainer aussi chez lui la correspondance Mirbeau/Monet
Grace à lui j’ai aussi découvert l’excellente revue « Le visage vert » qui publie depuis 20 ans des textes en lien avec le fantastique ou la littérature de l’etrange d’auteurs oubliés ou des textes rares d’auteurs célèbres : une mine de pepites.
Jacques sortait régulièrement un improbable catalogue d’expo americain, italien ,japonais , allemand avec des trucs incroyables.
C’est chez lui que j’ai trouvé le seul ouvrage que j’ai jamais croisé sur le peintre et graveur anglais John Martin : un import japonais superbement imprimé dont on regrette le nombre trop limité de pages.
Il y avait un coin cinéma, où j’ai trouvé entre autre un des plus beaux livres que j’ai vu sur l’expressionnisme.
Ainsi que des ouvrages incontournables sur Lon Chaney ou Tod Browning.
J’ai grâce à lui aussi découvert la revue ImageS publié par l’americain Jim Vadeboncoeur qui a œuvré sans répits à la réédition d’illustrations rarissimes de 1880 à 1920 et avec qui depuis j’entretien une relation chaleureuse entre Paris et Palo Alto.
J’en oublié des tonnes : les comics: les Corben, Wrightson, Kaluta, Eisner, Wood, Davis, Ditko, Jones,...
… les illustrateurs Wyeth, Leyedecker, Parrish, Bok, Kley, Frazetta, Bofa, Doré, …
Tiens un truc parmi d’autres : le set de trading card de US Friendly Dictators de Sienkiewicz :
Il avait aussi un rayon manga en import japonais ou us où se cotoyer les plus grands Tesuka, Mizuki, …. et la crème de ces artistes incroyablement cul et gore que seul le japon a pu produire.
Enfin, le plus fou est qu’il y a des rayons entiers ou je n’ai jamais vraiment pénétré : les productions underground tirées en 10 ex à la maison et diffusés on ne sait comment, le coin photos avec des ouvrages superbes, les ouvrages sur la musique rock/jazz, les livres neo politiques situationnistes, le coin erotico/porno, tout cela un peu plus de 20 m2.
Les hommages sur le web sont nombreux, non pas des organes officiels mais de tous ceux que la passion de Jacques (pour le métier de libraire, pour la découverte, pour l’échange) a aidé à vivre, un jour ou tout le long d’une vie.
Adieu l’ami.
http://www.tcj.com/here-lies-the-heart- ... ques-noel/
http://www.du9.org/humeur/in-memoriam/
http://www.iconovox.com/blog/2016/10/02 ... passionne/
http://www.centrenationaldulivre.fr/fr/ ... cques_noel
http://desertislandcomics.tumblr.com/po ... -no%C3%ABl
https://journaldejane.wordpress.com/201 ... ques-noel/
La revue Linqualifiable lui consacrera son prochain numero, constitué à partir des temoignages et anecdotes receuillies :
https://www.facebook.com/Linqualifiable ... 547395643/
) ont également publié ses Peter Pan et Alice au Pays des Merveilles en petit format cartonné, de vraies merveilles !!
Je ne trouve pas que Chris Ware s'auto-caricature !! Il creuse le trou plutôt 
Building Stories est très réussi, en tant que concept ainsi que les (micro) scénarios qui sont multiples et peuvent s'interpénétrer, c'est l'acmé 
aussi.
)
