All that jazz (Bob Fosse - 1979)
Publié : 25 sept. 15, 14:33
J'ai l'impression qu'il a été pas mal question de ce formidable film ces derniers temps sur le forum. Il n'avait pas encore de topic, c'est désormais chose faite.
Max Schreck a écrit :Grand film que j'ai envie de rapprocher — toutes proportions gardées — du S.O.B. de Blake Edwards, pour ses accents autobiographiques très marqués et sa peinture assez désabusée d'un milieu artistique. Roy Scheider trouve clairement là l'un de ses plus beaux rôles, alter ego du chorégraphe-cinéaste toujours aussi inspiré. Je retrouve le montage heurté qui m'avait tellement plu dans Star 80, les numéros musicaux sont fabuleux (du sidérant Air rotica au show final bien barré et à la musique démente, en passant par la danse fabuleuse offerte à Scheider par sa fille et sa petite amie (et dans ce rôle, Ann Reinking s'avère être une danseuse hallucinante). Le film est super riche, piquant et émouvant. Une ode à l'art comme mode d'expression qui transcende tout.
Sybille a écrit :"All that jazz" est un film dansé, chanté, et surtout ce que l'on devine être l'autobiographie du réalisateur lui-même. Bob Fosse s'attache à montrer le travail des répétitions, les réunions artistiques ou administratives, mais loin d'être uniquement un film classique sur la montée d'un spectacle (avec l'étalement de clichés connus de tous), "All that jazz" est avant tout le saisissant et vertigineux portrait d'un talentueux metteur en scène de Broadway, un homme pour qui l'art passe toujours avant sa vie personnelle (encore un poncif), mais qui détonne par sa personnalité fracassante, son tempérament d'homme buveur, drogué et coureur. Le montage entremêle les scènes réalistes avec des moment de pure rêverie, à l'intérieur desquels le personnage principal exprime sans fard sa vision pessimiste de la vie et explique la fausseté des relations qu'il entretient avec son entourage. Ce procédé un rien maladroit dans son traitement a néanmoins l'habileté d'immerger entièrement le spectateur dans la frénésie du film, arrivant presque à lui faire partager l'émotion, et ce qui semble être la culpabilité du réalisateur. "All that jazz" est plus qu'une comédie musicale moderne, mais un drame égocentrique, morbide et dérangeant. 6/10
Père Jules a écrit :
Je n'avais jusqu'ici de Bob Fosse que le très bon mais en définitive assommant Lenny. Amère chronique d'une Amérique tragiquement engoncée dans un discours policé alors que, dans les faits, la "plus grande démocratie du monde" n'en était plus vraiment une. All That Jazz et son pitch alléchant semblaient confirmer cette tendance désenchantée chez un réalisateur qui me parait aujourd'hui un peu oublié. Mettons les pieds dans le plat d'entrée, Que le spectacle commence est un chef-d'œuvre, un film maîtrisé de bout en bout (et pas uniquement en termes de chorégraphie et de musique). La mise en scène est incroyablement virtuose et dynamique, la narration aussi surprenante que justifiée, les parties musicales formidables ("Bye Bye Love" évidemment -j'en ai encore la gorge nouée, les larmes au yeux et le sourire aux lèvres rien que d'y repenser-, mais aussi la présentation du futur spectacle de Gideon aux producteurs ou encore le show privé de sa femme et de sa fille dans son grand appartement)... je suis resté sans voix. C'est juste, mordant, acide, humain. Et putain, Roy Scheider, quel acteur ! Je suis pas loin de penser qu'il s'agit là de sa plus grande prestation. Drogué, malade, rieur, espiègle, charmeur, lâche, Joe Gideon est tout ça à la fois. Bob Fosse signe une satire d'une intelligence remarquable sur le monde du spectacle autant qu'un autoportrait lucide. C'est ce qui fait tout le prix d'All That Jazz, dans le top 3 annuel des claques reçues.
kiemavel a écrit :J'aurais pu en choisir un autre mais...Un monument dans le monument : Les répétitions du numéro Take Off With Us qui commence comme un numéro que Fosse aurait pu chorégraphier dans un musical des années 50…et qui se termine en partouze symbolique multiraciale et "multisexuelle". Montez à bord d'Airotica
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Alexandre Angel a écrit :Oui!!!
ALL THAT JAZZ est mon "Rosebud" à moi, le film que j'ai le plus vu, de sa sortie en salle au printemps 1980 alors que je fêtais mes 14 ans à maintenant, reprises en salle, vhs et dvd confondus. Est-il un chef d'oeuvre pour autant? Je n'en suis pas sûr; le scénario, remarquable dans l'absolu, étant quelque peu alourdi, dans sa partie centrale, par des conventions qui font marquer le pas à l'imagination, qui la bride et la banalise (les pitreries de Gideon à l'hôpital notamment, sous l'oeil désapprobateur du cardiologue). Quelques invraisemblances viennent un peu ternir, de plus, le brio de l'équilibre entre réalisme et projections fantasmatiques qui sous-tend l'édifice narratif : je pense à ces moments où Gideon, toujours à l'hôpital, exécute des petits pas de danse alors qu'il sort juste du billard, s'étant fait opéré du coeur. Je veux bien que la morphine fasse son effet, mais tout de même!! Ces détails passent difficilement l'épreuve du temps. Cela dit, oui Thaddeus, le montage est un des plus exaltant de l'histoire du cinéma (carrément) et n'en finit plus, plus ou moins souterrainement, de faire école (et cela est également vrai de CABARET, de LENNY et de STAR 80.
tenia a écrit :J'ai eu une poignée de grosses baffes cette année (Her et Persona, notamment), mais là où les 2 films sus-mentionnés trotteront dans ma tête quelques mois, All That Jazz me hantera probablement quelques... années. C'est d'une puissance cathartique monstrueuse, couplée à une honnêteté brute de décoffrage impressionnante.
Le film débute pourtant de manière assez classique, mais dès les 1ers inserts "subliminaux", on comprend qu'on va prendre cher. Et effectivement.
Bye Bye Love, au final, devient le point d'orgue logique d'un film qui ne laisse aucun échappatoire à son personnage principal, brûlant sans aucun altruisme la vie par les 2 bouts, délaissant tous ceux qui comptent sur lui, et finissant là où forcément il doit finir.
A ce jeu-là, le film ne justifiera jamais le comportement profondément égocentrique de Joe, que pas même un montage de génie sur un film de stand-up ne pourra excuser.
Au final, sa famille, ses collègues, ses acteurs, ses producteurs, il semble s'en contre foutre de tout et de tout le monde jusqu'à finir par en assumer les conséquences. Ou les assume-t'il vraiment ? N'est-ce que pas en fait la suite logique d'un individu qui n'a jamais vraiment assumer quoique ce soit, et a continué de fuir tout cela en s'enfonçant dans une fuite en avant à l'issue certaine ?
Quoiqu'il en soit, la dernière 1/2 heure ne laisse aucune chance à ce qui ne sera ni plus ni moins que la traversée du processus de deuil en 5 étapes à vitesse grand V, jusqu'à un dernier plan sans pitié (qu'on retrouve d'ailleurs sous forme sonore sur le CD de la BO du film, clôturant Bye Bye Love, et par là le CD entier).
Jeremy Fox a écrit :Je connaissais le génie de Bob Fosse dans le domaine de la chorégraphie ; après avoir redécouvert récemment Cabaret, All that Jazz me confirme qu'il s’avérait aussi doué pour la mise en scène. Un film musical en tout cas déjà assez unique de par sa thématique principale qui n'est autre que la mort (n’oubliant évidemment pas au passage de se fendre d'une description à la fois mordante et passionnée du monde du spectacle). Un film au rythme effréné et d'un dynamisme extraordinaire mais jamais fatiguant car Bob Fosse réussit une construction en tout point remarquable entre réalisme et onirisme, noirceur et vitalité.
Roy Scheider trouve le rôle de sa vie, comme la même année ce fut déjà le cas dans le domaine du film musical, pour Bette Midler dans The Rose ; il est ici superbement entouré par des comédiennes toutes mémorables. Montage et réalisation virtuoses, scénario d'une remarquable fluidité malgré le fait qu'il parte expressément dans tous les sens, numéros musicaux culottés et inoubliables (la scène qui ouvre le film par le choix des futurs participants au spectacle, la chorégraphie érotique, le spectacle offert à Scheider par sa fille et sa maitresse ainsi que l'extraordinaire et puissamment émouvant numéro final). Un chef d’œuvre tout simplement, toujours d'une étonnante modernité. Le film dans lequel la mort trouve sa plus belle représentation, en la personne de Jessica Lange.