La Résidence (Narciso Ibáñez Serrador - 1969)
Publié : 20 août 12, 19:40
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De Serrador, l'homme aux deux films, les amateurs de fantastique connaissent sans doute plus son remarquable ¿Quién puede matar a un niño?, que Wild Side a rendu accessible et quasi incontournable pour tout fan de ciné de genre qui se respecte. Mais j'ai l'impression qu'on connaît moins La Résidence, qui est pourtant plus "visionnaire" et tout aussi digne d'intérêt.
Découvrir ce film, c'est prendre conscience de l'avance que Serrador avait sur des tas de registres. Tout en s'inscrivant dans une tradition d'épouvante gothique (Bava ou la Hammer), le réalisateur espagnol manipule ici, l'air de rien, des idées et des figures appelées à connaître une belle descendance. Le cadre (un pensionnat de filles gouverné d'une main de fer par une marâtre et dans lequel erre une ombre armée d'un rasoir) anticipe totalement sur Suspiria et l'allégorie sur la virginité constituant un important nœud dramatique, on décèle ça et là bien des résonances futures, de Carrie (même scène de douches collectives) en passant plus largement par le giallo et le slasher. Du coup, on a le sentiment d'être face à un film matriciel. Mais pas un truc moisi comme La fille qui en savait trop qui ne vaut que pour son statut d'ouvreur de file... non, un film vraiment carré et bien foutu, résistant admirablement au temps, d'une modernité et d'une audace thématiques qui en font une œuvre riche, subtile. Car ce qui fait le sel de ce film, c'est son côté foncièrement vicelard, la malice qu'il prend à créer un décalage de plus en plus malsain entre la raideur victorienne qui règne dans l'établissement et tout ce qui macère derrière, les désirs sexuels et les déviances que laissent progressivement éclater les différents personnages. Il faut toute la finesse et la dextérité de Serrador pour manipuler de manière lancinante, et pourtant essentielle, toutes les perversités que cachent les protagonistes derrière leurs corsets. C'est un film loin d'être con sur la frustration. En dire plus serait un crime mais on peut quand même convenir que le film propose quelque chose d'assez singulier voire innovant dans son écriture... il y a de vraies surprises. Et les personnages féminins sont très bien croqués (et campés, mention au minois de la perverse Mary Maude).
La mise en scène n'est d'ailleurs pas en reste. Très belle, elle tire judicieusement parti de l'écran large. La photo est de qualité, ça ne pétarade pas mais il y a une ambiance opaque dont saura se souvenir Amenabar pour Les Autres. Le temps de quelques scènes-clés, le montage se révèle souvent inspiré, tout comme la musique de Waldo de los Rios, qui fait parfois penser à du Komeda. Bref, du très bon cinoche de genre espagnol.
De Serrador, l'homme aux deux films, les amateurs de fantastique connaissent sans doute plus son remarquable ¿Quién puede matar a un niño?, que Wild Side a rendu accessible et quasi incontournable pour tout fan de ciné de genre qui se respecte. Mais j'ai l'impression qu'on connaît moins La Résidence, qui est pourtant plus "visionnaire" et tout aussi digne d'intérêt.
Découvrir ce film, c'est prendre conscience de l'avance que Serrador avait sur des tas de registres. Tout en s'inscrivant dans une tradition d'épouvante gothique (Bava ou la Hammer), le réalisateur espagnol manipule ici, l'air de rien, des idées et des figures appelées à connaître une belle descendance. Le cadre (un pensionnat de filles gouverné d'une main de fer par une marâtre et dans lequel erre une ombre armée d'un rasoir) anticipe totalement sur Suspiria et l'allégorie sur la virginité constituant un important nœud dramatique, on décèle ça et là bien des résonances futures, de Carrie (même scène de douches collectives) en passant plus largement par le giallo et le slasher. Du coup, on a le sentiment d'être face à un film matriciel. Mais pas un truc moisi comme La fille qui en savait trop qui ne vaut que pour son statut d'ouvreur de file... non, un film vraiment carré et bien foutu, résistant admirablement au temps, d'une modernité et d'une audace thématiques qui en font une œuvre riche, subtile. Car ce qui fait le sel de ce film, c'est son côté foncièrement vicelard, la malice qu'il prend à créer un décalage de plus en plus malsain entre la raideur victorienne qui règne dans l'établissement et tout ce qui macère derrière, les désirs sexuels et les déviances que laissent progressivement éclater les différents personnages. Il faut toute la finesse et la dextérité de Serrador pour manipuler de manière lancinante, et pourtant essentielle, toutes les perversités que cachent les protagonistes derrière leurs corsets. C'est un film loin d'être con sur la frustration. En dire plus serait un crime mais on peut quand même convenir que le film propose quelque chose d'assez singulier voire innovant dans son écriture... il y a de vraies surprises. Et les personnages féminins sont très bien croqués (et campés, mention au minois de la perverse Mary Maude).
La mise en scène n'est d'ailleurs pas en reste. Très belle, elle tire judicieusement parti de l'écran large. La photo est de qualité, ça ne pétarade pas mais il y a une ambiance opaque dont saura se souvenir Amenabar pour Les Autres. Le temps de quelques scènes-clés, le montage se révèle souvent inspiré, tout comme la musique de Waldo de los Rios, qui fait parfois penser à du Komeda. Bref, du très bon cinoche de genre espagnol.