September (Woody Allen - 1987)
Publié : 27 juin 11, 12:09
Lane, en proie à la dépression, vient trouver refuge dans la maison de son enfance. Elle y héberge un écrivain débutant, Peter, dont la présence la distrait. Alors que son indomptable mère refait irruption dans sa vie, qu'une idylle se noue entre sa meilleure amie et l'écrivain, l'horizon doucereux de Lane se déchire à nouveau.
Anorya m'a gentiment fait cadeau d'une copie gravée de ce September allenien (merci encore !) que je me suis empressé de visionner.
Plus je découvre la filmo de Woody Allen, plus je constate que les années 1980 ont décidément été pour lui une sorte de parachèvement artistique, en tout cas, là où il fut le plus inspiré, à la fois en termes d'inventivité et de pertinence dans cette perpétuelle analyse des comportements humains.
September n'y déroge pas, puisque ce drame intimiste est une étude sentimentale et relationnelle à la fibre bergmanienne qu'exprime alors souvent Allen. Sont explorés la complexité des désirs, les rapports de force, les tourments, tout ça dans un cadre confiné et unique et dans un temps ramassé qui confèrent à cet opus une certaine dimension théâtrale.
Ce qui intéresse ici Allen, c'est l'interaction de personnages prisonniers (de leur existence qu'ils jugent insatisfaisante, de cette maison de vacances étouffante car sans prise aucune sur l'extérieur) et qui, sous l'effet de ce décor, se mettent à dévoiler des élans amoureux, des envies irraisonnées, des frustrations bouillonnantes. Comme des rats en boîte étudiés par un chercheur invisible, l'isolement scénique des six personnages de September les conduit à mettre au jour leur isolement sentimental.
Dans cette veine désenchantée et amère de l'époque, Allen évoque l'impossibilité d'aimer ou d'être aimé, d'abandonner sa raison à son cœur, les situations amoureuses qui semblent toutes tracées et que l'on suit même si elles ne nous rendent pas forcément aussi heureux que l'on voudrait. Dans cette représentation plutôt pessimiste, voire cruelle, est ouvert au seul personnage de Lane, à l'issue, le miroitement d'un avenir meilleur et la possibilité d'une reconstruction personnelle complète. Mais c'est aux dépens de l'amour que lui porte son ami vieillissant joué par un émouvant Denholm Elliott, condamné, comme les autres protagonistes, à prendre acte de sa solitude et du vide angoissant de ses jours futurs. J'aurais d'ailleurs aimé qu'Allen conclue son film par un dernier plan sur lui, seul dans cette maison. Cela aurait été très beau. Et marqué la continuité symbolique avec le plan d'ouverture où la caméra se déplace lentement dans la maison, comme si elle cherchait quelque chose. Là, elle se déplace un peu pour rien.
Vous me direz, c'est un détail... mais quelque part, c'est assez illustratif des "manques" de ce film. Car s'il est bon, September pèche sur certains points. Notamment le fait de ne pas être aussi convaincant, prenant (au sens émotionnel et non rythmique) lorsqu'il aborde les relations complexes, empreintes de culpabilité et de ressentiment, qui unissent Lane et sa mère narcissique et superficielle. Il y avait dans le "twist", qui fonde le travestissement de leurs rapports, matière à un profond vertige, à un déchirement qui ne me satisfait pas complètement. Allen avait entre les doigts quelque chose de puissant mais ne l'exploite pas vraiment. Dommage.
D'une manière générale, je trouve que le réalisateur aurait pu encore plus approfondir les rapports entre les personnages. Tendre vers un drame encore plus bouleversant. On peut louer la "modestie" de September mais aussi regretter qu'il lui manque un investissement total dans le champ des sentiments, l'ajout de cette touche terrible qui caractérise Crimes et délits ou La Rose pourpre du Caire. En outre, j'ai trouvé que Dianne Wiest avait naturellement tendance à écraser Mia Farrow qui m'a paru un peu inégale dans son rôle de dépressive indécise. Allen ne semble pas non plus savoir trop quoi faire du personnage du physicien, joué par Jack Warden.
Reste un drame souvent beau, qui, s'il ne me paraît être un Allen majeur et complètement abouti, demeure un bel écrin du talent d'écriture de son auteur.